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...on ferme encore les yeux sur la réalité de la prostitution. Qu’est ce que la réalité de la prostitution ? C’est un droit accordé aux hommes d’abuser du corps des femmes, ou parfois de celui d’autres hommes ; c’est une atteinte à la dignité de la personne, dont le corps devient un produit, une marchandise comme une autre ; c’est un système d’exploitation qui exerce une violence quotidienne sur les prostituées, dans l’indifférence bienveillante de la société. Oui, il faut soutenir cette proposition de loi. Oui, il faut rétablir l’interdiction d’achat d’actes sexuels et la responsabilisation du client, qui en découle. Oui, il faut, avec cette loi, et particulièrement avec cet article, que notre société, enfin, n’accepte plus l’inacceptable.
Depuis le début de nos travaux, nous avons collectivement affirmé notre conviction que les personnes prostituées doivent désormais être considérées comme des victimes et accompagnées dans un parcours de sortie de la prostitution. Nous nous sommes également entendus pour désigner les coupables, les proxénètes et les réseaux, de plus en plus mondialisés, qui exploitent la misère. Mais notre texte serait bancal, s’il continuait de fermer les yeux sur l’existence d’un troisième acteur, le client, sans qui ce m...
...n ait pour principale préoccupation l’amélioration concrète de la situation de ceux et de celles qui vivent de la prostitution. La question qui se pose à nous est de savoir si la pénalisation du client améliorera la situation de ces personnes. De multiples associations, qui ne peuvent pas être qualifiées d’agents du proxénétisme ou des réseaux de traite et qui travaillent à l’accompagnement des prostituées depuis fort longtemps sur le terrain, soulignent que les effets de nos discussions sur un texte qui n’est pas encore une loi se font déjà sentir. Ce à quoi on assiste est similaire à ce qu’on a vécu au moment de l’instauration du racolage passif, à savoir une précarisation de publics, de personnes, de femmes qui sont déjà en très grande difficulté et en très grande détresse. Les associations, n...
J’aimerais ne pas être interrompu en permanence par des collègues. C’est un combat politique. J’aimerais ne pas retrouver, avec cette mesure, la même certitude que celle qui avait prévalu lors de l’instauration du délit de racolage passif, qui promettait la fin de la prostitution, l’amélioration de la vie des prostituées et la fin des réseaux. Cette mesure ne fera que fragiliser celles que nous souhaitons aider.
La commission a évidemment repoussé cet amendement. J’aimerais ne pas avoir à rouvrir le débat que nous avons déjà eu à plusieurs reprises sur le sujet. Vous évoquez un grand nombre d’associations craignant une plus grande précarité : de nombreuses associations pensent, au contraire, que cette mesure représente une excellente solution. En effet, si les clients peuvent trouver les personnes prostituées, les associations le pourront également afin de leur apporter toute l’aide dont elles auront besoin. Je ne tiens pas à rappeler les exemples frappants, que nous avons déjà évoqués, de ce que subissent actuellement les personnes prostituées. C’est aujourd’hui qu’elles se cachent et sont poursuivies parce qu’elles sont actuellement considérées comme des délinquantes. Une fois que cela aura changé...
Elle a donné un avis défavorable, évidemment, à la suppression de l’article 16. Beaucoup de choses ayant déjà été dites, je me contenterai de rappeler une phrase que j’avais prononcée il y a dix-huit mois : ce n’est pas parce qu’une seule personne prostituée se déclarerait libre que notre société doit accepter que toutes les autres restent dans l’esclavage. Or on sait que 90 % des personnes prostituées restent dans l’esclavage et la violence.
Le système prostitutionnel, ce sont plusieurs acteurs : les personnes prostituées, qui sont les victimes ; les proxénètes et les auteurs de traite ; mais aussi les clients, qui permettent que le système perdure, se développe et rapporte de l’argent. Le terme de « client » parle de lui-même : c’est bien de l’achat d’un acte sexuel qu’il est question, et nous sommes bien dans le cadre de la marchandisation du corps. L’article 16 dit simplement qu’acheter un acte sexuel n’est p...
...à payer pour l’exercer, c’est-à-dire les clients. Pénalisons donc les clients, mais en définissant un délit passible de deux mois de prison et de 3 750 euros d’amende, comme on le prévoyait d’ailleurs à l’origine. On enverra ainsi un message clair aux clients et aux proxénètes. Il s’agit de faire acte de pédagogie, bien sûr, mais on pourrait aussi mener, sous ce motif, les auditions des personnes prostituées, le cas échéant sous un statut de témoin assisté – quoiqu’il s’agisse d’un autre débat. Ce délit inscrit au casier judiciaire et passible de garde à vue aurait le même effet dissuasif sur les clients que celui qu’ont constaté les autorités suédoises, dont ce texte, me semble-t-il, s’inspire en grande partie. Du reste, l’Irlande du Nord a adopté récemment un dispositif similaire. Alors que le t...
... appliquer concrètement ce texte. Retiendra-t-on comme critère le flagrant délit ? La magistrature, quant à elle, considère qu’il existe déjà un corpus de lois, lesquelles ne sont d’ailleurs pas toujours appliquées. De nombreux textes protègent en particulier les mineurs contre les atteintes sexuelles. L’association Médecins du monde précise de son côté que la pénalisation risque de pousser les prostituées à exercer dans la clandestinité, avec les risques sanitaires que cela comporte. Le Syndicat du travail sexuel réclame quant à lui des droits, pas la pénalisation. Enfin, j’évoquerai la Suède, que l’on prend souvent pour un paradis où la prostitution est éradiquée ou presque. On a beau citer ce pays en exemple, il semble que la prostitution y existe toujours, malgré la loi, et qu’elle ait simple...
...tion par le client doivent être considérés comme des délits. En privilégiant l’établissement d’une contravention de cinquième classe, on envoie aux clients et aux réseaux un message d’impunité, et cela d’autant plus que le délit de racolage public est supprimé : les moyens de lutter contre le proxénétisme et les réseaux – puisque, je le répète une fois de plus, il ne s’agit pas de s’attaquer aux prostituées – sont quasiment nuls. Au final, l’achat d’actes sexuels sera moins sévèrement puni que l’occupation de halls d’immeubles ou la vente à la sauvette qui sont aujourd’hui des délits. Je crains que l’ensemble du dispositif soit inefficace. Citons une nouvelle fois – il est souvent évoqué ce soir – le ministre de l’intérieur, qui disait lors de son audition que la pénalisation de l’achat de service...
Avec cet article, nous en arrivons à l’autre côté de la médaille. Ayant supprimé le délit de racolage, car nous considérons les prostituées comme des victimes, nous voulons responsabiliser les clients – le mot est important. Nous considérons, et nos débats ont permis de progresser sur ce point, que, dans la majeure partie des cas, la prostitution relève de la traite d’êtres humains et que, le reste du temps, il s’agit d’une fausse liberté, car l’achat d’un acte sexuel se fait sous une contrainte d’ordre économique. Le choix qui est...
Je ne pense donc pas que cet article ait les effets escomptés. Au contraire, il sera contreproductif, dans la mesure où il précarisera davantage les prostituées.
Nous en arrivons à cet article dont on a beaucoup parlé – il a même excité les foules –, à telle enseigne d’ailleurs que l’on a oublié les autres avancées contenues dans le texte. Nous inversons enfin les responsabilités. Nous estimons en effet que les personnes prostituées sont pour la plupart des victimes. Nous dépénalisons donc cette pratique dans les autres articles. Nous avons bien pris conscience du fait que les vrais responsables sont les proxénètes – bien sûr –, mais aussi les clients que nous choisissons dès lors de sanctionner. Nous ne pouvons plus continuer à accepter que, sous prétexte qu’il a payé pour un corps, le client puisse en disposer à sa guise...
Le rapport et les propositions qu’il contient ont pour point de départ l’idée selon laquelle la prostitution est forcément liée à la traite des êtres humains. Or, historiquement, ce n’est pas vrai ; cela ne l’est pas non plus aujourd’hui pour la totalité des personnes prostituées. En réalité, la proposition consistant à pénaliser les clients peut s’entendre comme un constat d’échec de la lutte contre les réseaux, alors que la véritable réponse réside dans leur éradication. La violence dont ils se rendent coupables est insupportable. Je me suis permis, à cet égard, de citer Alain Vidalies, qui a été rapporteur en 2001 de la mission d’information sur l’esclavage moderne. ...
La commission a rejeté ces amendements. Il s’agit de faire comprendre au client qu’il est responsable de ses actes : le fait de profiter de la précarité économique d’une personne est inacceptable dans notre société. Je n’arrive pas à comprendre le lien qui est fait entre pénalisation et précarisation ou clandestinité. C’est dans les conditions actuelles que les personnes prostituées sont victimes de violences, précisément parce qu’elles se cachent et que le client a tous les droits ! La prostitution, je vous le rappelle, n’est pas interdite en France et ne le sera pas avec cette loi. Les personnes qui se prostituent ne seront plus considérées comme des délinquantes, puisque nous venons de voter l’abrogation du délit de racolage. Elles seront libres, libres de négocier avec...
Je vais être franc, monsieur le président de la commission spéciale, madame la ministre, le sort des clients, ce n’est pas mon problème. Je me préoccupe en revanche de celui des prostituées, ce qui me conduit aujourd’hui à m’opposer à la pénalisation des clients. Contrairement à vous dont j’admire l’aplomb et la certitude, moi, j’ai des doutes et j’en ai eu tout au long des travaux de la commission spéciale, ce qui explique que je sois resté jusqu’au bout des débats et proposé d’amender le texte pour essayer d’en améliorer l’économie. Si j’étais aussi persuadé que vous d’avoir rai...
...n bilan contrasté de l’exemple suédois. Si Marisol Touraine n’a pas dit qu’elle était opposée au modèle suédois, elle n’a pas fait preuve, lors de son audition devant la commission, de la même assurance que vous, madame la ministre, quant au succès de ce modèle. Je me souviens qu’elle avait des chiffres contradictoires dont certains témoignaient d’une dégradation de l’état sanitaire des personnes prostituées, ce qui l’a amenée à s’interroger. C’est ce qu’elle a dit en commission. J’ai encore mes notes en mémoire. Je l’ai d’ailleurs félicitée de porter un regard aussi critique, aussi nuancé, ce qui n’avait pas caractérisé les débats en commission spéciale. Oui, il est possible de vouloir lutter contre les réseaux et la traite tout en s’opposant à la pénalisation des clients. Il n’y a là rien de cont...
...ionner le débat. Ce qui m’ennuie, c’est de ne pas comprendre quelles sont les propositions de ceux qui refusent de pénaliser le client pour sortir de la situation. Nous avons répété à de nombreuses reprises que la situation actuelle était loin d’être satisfaisante, qu’elle était même désastreuse. Même l’abrogation du délit de racolage ne résoudra pas le problème des violences faites aux personnes prostituées et les chiffres sont effroyables. Dès lors, nous n’avons pas trente-six solutions. Soit nous mettons en place la prohibition comme l’ont fait d’autres pays mais nous savons que ce système n’est pas bon car la situation des personnes prostituées est encore plus désastreuse dans ces pays ; soit nous nous dirigeons vers le réglementarisme et la reconnaissance d’une soi-disant profession de prostit...