Intervention de Alain Vidalies

Séance en hémicycle du 19 juillet 2016 à 15h00
Régulation responsabilisation et simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes — Présentation

Alain Vidalies, secrétaire d’état chargé des transports, de la mer et de la pêche :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission du développement durable, je ne saurais débuter mon intervention autrement qu’en saluant M. le rapport pour l’excellent travail qu’il a commencé il y a plus de six mois dans un contexte difficile, marqué par les mouvements sociaux des chauffeurs de taxi comme de VTC.

C’est l’ensemble de ce travail, engagé à la demande du Premier ministre, qui aboutit à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Votre capacité à écouter et à comprendre les enjeux a été un atout essentiel dans vos relations avec le secteur du transport public particulier de personnes qui comprend les taxis, les VTC et les véhicules motorisés à deux ou trois roues.

Le secteur du transport public particulier de personnes connaît depuis plusieurs années un développement heurté, marqué par l’apparition de nouveaux acteurs. Ces nouveaux acteurs ont fait émerger des services innovants pour les usagers, mais cela n’a pas été sans déstabiliser les professions historiques du secteur. Il faut en outre réfléchir à la protection, à la pérennisation des milliers d’emplois ainsi créés. Dans ce moment complexe et crucial, vous avez su rassembler tous les acteurs autour d’une même table.

Votre médiation trouvait là sa première concrétisation. Vous avez élaboré une méthode pour restaurer l’écoute, le dialogue, et ainsi développé une ligne commune pour ce secteur où se croisent des intérêts divergents et des cultures différentes, et où l’on se blâme réciproquement. L’incompréhension et la défiance s’étaient développées : il est de notre responsabilité de ne pas les laisser s’installer durablement et porter atteinte à ce secteur ô combien prometteur. Cette responsabilité, vous l’avez prise à bras-le-corps : je tenais tout particulièrement à vous remercier pour la qualité de votre travail.

Depuis maintenant quelques mois, j’ai la charge de la coordination interministérielle pour l’avenir de ce secteur, dont la responsabilité était historiquement partagée entre le ministère chargé des transports pour les LOTI, le ministère de l’intérieur pour les taxis et le ministère chargé du tourisme pour les VTC. J’estime, comme le Premier ministre, qu’il est temps de penser le secteur comme un tout cohérent et de cesser d’opposer les uns aux autres, afin de mener une réflexion durable pour le transport public particulier de personnes. C’était d’ailleurs la première recommandation formulée par le rapport de médiation de Laurent Grandguillaume ; elle fut immédiatement mise en oeuvre au sein des services de la direction générale des infrastructures de transports et de la mer du ministère de l’environnement.

Dès le mois de janvier, le Premier ministre, qui avait reçu l’ensemble des acteurs du transport public particulier de personnes, a posé les bases des chantiers pour un retour à l’équilibre dans ce secteur. Après la médiation que vous avez menée, monsieur le rapporteur, et qui a abouti au rapport dont j’ai parlé, la feuille de route de ces chantiers a été présentée à l’ensemble des acteurs le 4 avril 2016.

Cette journée fondatrice a été saluée par l’ensemble des représentants des professionnels. Elle a permis la constitution de quatre groupes de travail autour des thématiques structurantes pour l’avenir du transport public particulier de personnes identifiées par la puissance publique. Ces groupes de travail portaient sur l’accès aux métiers du secteur, sur les contrôles, sur la gouvernance et sur la création d’un fonds de garantie pour les taxis. Après plus de trois mois de discussions, de concertations, d’ajustements en lien avec les services du ministère des transports, de l’intérieur et de l’économie, il est temps de faire des choix cohérents et forts pour le futur de cette activité.

J’ai voulu appliquer une méthode simple et pragmatique ; le premier résultat de cette méthode fut le retour à une confiance mutuelle entre les pouvoirs publics et les acteurs du secteur. Rien ne peut être décidé, en effet, sans une large concertation des professionnels du terrain. Pour cela, plusieurs dizaines de réunions ont été tenues au sein des différents groupes de travail, associant les représentants des professionnels – taxis, VTC et LOTI. Le 7 juillet dernier, j’ai réuni au secrétariat d’État aux transports l’ensemble des représentants ayant pris part aux travaux, afin de faire un premier bilan de ces concertations à l’heure où la majorité des groupes de travail avaient adopté leurs conclusions. À l’occasion de cette matinée d’échanges, les représentants des chauffeurs de taxi, de VTC et des LOTI étaient réunis, ensemble, pour la première fois. Cela symbolise bien les avancées de ces derniers mois !

Une prise de conscience a eu lieu : celle de la responsabilité collective de l’avenir de ce secteur. Compte tenu de la rapidité des évolutions que connaît le transport public particulier actuellement, et qu’il connaîtra probablement encore longtemps, il faut avancer vite.

Le 7 juillet, les services de l’État ont fait le bilan des contrôles réalisés au cours du premier semestre 2016. Les forces de l’ordre accomplissent – je le sais – un travail remarquable sur le terrain, qui plus est dans une période particulièrement difficile pour elles. Malgré leur mobilisation pour de grands événements, les forces de police et de gendarmerie ont encore accentué leurs contrôles sur ce secteur depuis le début de l’année. Elles disposeront dans les prochaines semaines d’un nouvel outil leur permettant de repérer plus efficacement et plus rapidement les infractions au code des transports et au code du travail. Une nouvelle signalétique des VTC, plus claire et plus sécurisée, sera en effet mise en place dès la fin de l’année 2016, après une expérimentation à la rentrée.

Nous ne pouvions, néanmoins, nous en tenir aux contrôles des forces de l’ordre : nous devions aussi agir de manière structurelle : c’est tout l’enjeu des trois autres chantiers. Il fallait ainsi clarifier l’accès à ces professions qui représentent plusieurs milliers d’emplois. Grâce au dialogue que nous avons établi, les représentants des VTC et des taxis ont pu construire un nouveau référentiel de connaissances, qui sera sanctionné par un examen commun accompagné de modules spécifiques. Il était également nécessaire de trouver des méthodes de gouvernance plus structurelles et pérennes. En ce sens, un Observatoire national du transport public particulier de personnes, ainsi que des commissions locales, regrouperont l’ensemble des métiers du secteur. Ce décret, le dernier pris sur le fondement de la loi du 1er octobre 2014, sera publié dans les prochains jours.

Par ailleurs, l’enjeu des données devient de plus en plus important dans les politiques publiques en général et dans le transport en particulier. Je voudrais saisir cette occasion pour rappeler une disposition de la loi du 1er octobre 2014 – que votre assemblée avait votée – prévoyant la création d’une base de données sur les licences de taxi, qui n’avait jamais été constituée jusque-là en raison de la multitude des sources. Vous savez, en effet, que les 36 000 communes peuvent créer des licences de taxi.

Ce travail a été accompli auprès des collectivités territoriales et des préfectures. Une base de données comprenant les 59 000 licences de taxi a été constituée, riche de plus de 900 000 données qui seront précieuses pour la connaissance de ce secteur – dont l’analyse est souvent trop rapide, et déformée au prisme de la spécificité parisienne. Ce travail sur les données, nécessaire pour la construction de politiques publiques cohérentes et documentées, est poursuivi par la proposition de loi présentée par Laurent Grandguillaume.

Enfin, la feuille de route du Gouvernement prévoyait une réflexion sur la création d’un fonds de garantie pour les taxis, ayant pour objectif le rachat des licences. Un travail conséquent et sérieux a été présenté début juillet aux professionnels, avec des orientations concrètes et chiffrées en matière de ressources, d’accès au dispositif et de financement. Ce projet de fonds de garantie a été débattu au sein de la profession. Pour cette raison, dans la continuité de ma conduite depuis avril, j’ai décidé d’ouvrir une consultation écrite de l’ensemble des organisations professionnelles du secteur.

Leurs contributions seront rendues publiques et permettront de nourrir la réflexion du Gouvernement pour la constitution de ce fonds de garantie. J’estime que ce dispositif reste nécessaire pour répondre à des situations d’urgence économique et financière, ainsi que pour structurer l’avenir du secteur en mettant fin au système des licences cessibles de taxis. Je souhaite que les représentants du secteur prennent leurs responsabilités, comme le Gouvernement l’a fait : pour ces raisons, le travail continue sur ce dossier incontournable.

L’ensemble de ces travaux compose une nouvelle vision, plus cohérente, du secteur du transport public particulier de personnes ; cette vision aboutira avec la proposition de loi que nous examinons.

Ce texte reflète la vision d’un secteur décloisonné, tendant vers le rapprochement des règles qui s’imposent aux métiers concernés. La situation actuelle oblige en effet à une plus grande cohérence entre les différents régimes, mais aussi à une meilleure régulation des centrales, dont le développement rapide est l’un des éléments qui a conduit aux tensions que connaît la profession. Le rapporteur fait le choix d’une régulation renforcée des plateformes afin d’éviter les détournements du code des transports et du code du travail, détournements que tout le monde reconnaît désormais. En ce sens, l’évolution du statut LOTI proposée à l’article 4 permettra d’interdire son utilisation pour une activité VTC, ce qui a créé une situation de concurrence inégale et déloyale entre les acteurs du transport public particulier de personnes.

Cette proposition de loi permettra également d’apporter une concrétisation aux travaux menés depuis le 4 avril, je pense ainsi à la mise en place d’un examen commun grâce au transfert de la vérification des conditions d’aptitude aux chambres des métiers que je vais vous proposer par voie d’amendement.

La proposition de loi autorisera par ailleurs l’État à collecter les données du secteur afin de nourrir la réflexion de l’Observatoire.

Les travaux menés depuis plusieurs mois et la proposition de loi aujourd’hui discutée à l’Assemblée ont abouti en pleine cohérence et au terme d’une totale collaboration, toujours en lien avec la profession. J’en suis certain : les réponses aux problématiques que rencontre le transport public particulier de personnes ne peuvent venir seulement des taxis, des VTC ou des LOTI. Nos choix doivent être équilibrés et permettre à tous de se développer dans des conditions justes et équitables.

Je souhaite terminer mon propos en répondant aux interrogations sur l’opportunité de légiférer une nouvelle fois.

Vous le savez, mesdames, messieurs les députés : le transport public particulier de personnes est l’un des secteurs les plus innovants, en France comme dans le monde entier, il profite pleinement de progrès technologiques majeurs, tels que l’apparition des smartphones et de nouvelles applications, qui ont bouleversé les attentes et les usages. Dans ce contexte d’innovation, la loi de 2009 autorisait donc l’irruption sur le secteur des grandes plateformes de mise en relation sur le marché français, mais sans jamais l’avoir anticipée. En conséquence, le secteur s’en est trouvé profondément déstabilisé en l’absence de règles permettant un développement équilibré même s’il ne faut pas nier, bien évidemment, l’apport massif de ces nouveaux services dans la vie quotidienne de milliers d’usagers, notamment dans les grandes villes.

La loi du 1er octobre 2014 a donc posé les bases d’une concurrence équilibrée entre taxis et VTC, dans un souci de préserver l’innovation, nécessaire pour un secteur qui a peiné à se réformer de lui-même, tout en visant à sécuriser l’activité des taxis, dont les activités spécifiques doivent être pleinement reconnues. Cette loi a fixé un cadre législatif nouveau dans le code des transports. Contrairement à certains commentaires, elle n’a pas tourné le dos à la modernité, et j’ai rappelé que ses dispositions ont été validées par le Conseil constitutionnel. Des procédures innovantes ont été mises en oeuvre comme la mise en place de « l’open data des taxis », une plateforme numérique qui permet à un client de commander le taxi le plus proche avec un smartphone. Ce service va d’ailleurs s’ouvrir dès demain à Paris, en collaboration avec la mairie, permettant ainsi à plus de 3 000 chauffeurs de taxi parisiens, qui se sont portés volontaires pour adhérer à la plateforme, et à tous leurs clients d’accéder, eux aussi, à cette innovation.

Notre ambition est que la proposition de loi aujourd’hui examinée trouve, elle aussi, ses concrétisations dans la vie quotidienne, à la fois pour les usagers des taxis et des VTC, mais aussi pour l’ensemble des chauffeurs qui font vivre le secteur. Ce texte doit favoriser l’innovation, les nouveaux usages et accompagner le développement du numérique dont les promesses pour la profession semblent exponentielles. Mais elle doit également fixer des règles nouvelles pour des acteurs nouveaux et les rendre applicables afin de que le terme « innovation » ne devienne jamais un blanc-seing pour une paupérisation des chauffeurs.

Le texte de Laurent Grandguillaume répond à ces deux aspects : favoriser le développement de l’innovation et des emplois tout en adaptant les règles afin de créer les conditions d’une concurrence saine et équilibrée dont le secteur a besoin pour se développer, construisant enfin les conditions d’une innovation qui profite autant aux usagers qu’aux chauffeurs. Le Gouvernement avait pleinement confiance dans le travail mené par Laurent Grandguillaume : il soutient donc pleinement sa proposition de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion