La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L’ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d’examen simplifiée, en application de l’article 103 du règlement, de deux projets de loi autorisant l’approbation de conventions et accords internationaux (nos 3849, 3948 ; 3848, 3947).
Ces textes n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, je vais mettre aux voix l’article unique de chacun d’entre eux, en application de l’article 106 du règlement.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales, de la proposition de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des ressortissants d’un État membre de l’Union européenne autre que la France pour les élections municipales et de la proposition de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France (nos 3943, 3945, 3944).
La Conférence des présidents a décidé que ces trois textes donneraient lieu à une discussion générale commune.
La parole est à Mme Elisabeth Pochon, rapporteure des commissions mixtes paritaires.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage, chers collègues, en ce moment de chagrin national, nos pensées vont vers les victimes du terrible attentat perpétré à Nice. Notre compassion pour les blessés, pour les familles endeuillées, est sans limite. C’est dire si reprendre le cours de notre travail parlementaire est difficile. Il est cependant de notre devoir de résister collectivement à ces attaques qui visent à fragiliser notre démocratie. Nos textes sont les premières briques d’un édifice qui s’appelle République et qui veut consacrer le droit de vote des citoyens.
Notre mission, à Jean-Luc Warsmann et à moi-même, a mis en évidence la nécessité de rénover les modalités d’inscription sur les listes électorales. C’est à la fin de l’année 2014 que la commission des lois nous a confié la tâche de dresser un bilan des règles applicables et d’évaluer leur impact sur la participation des citoyens au processus électoral.
La mission d’information que nous avons conduite a démontré l’inadaptation des règles d’inscription au calendrier des élections comme à la mobilité résidentielle croissante des électeurs. Cette inadaptation contribue, entre autres facteurs, à éloigner ces derniers de l’institution électorale.
Après de longs mois de réflexion et d’échanges avec le ministère de l’intérieur, et grâce au travail commun des inspections générales de l’administration, des finances et de l’INSEE, nous voici saisis des textes adoptés par les commissions mixtes paritaires sur les trois propositions de loi de rénovation des modalités d’inscription sur les listes électorales.
La première proposition de loi, ordinaire, concerne le droit commun des électeurs résidant en France. Les deux autres, organiques, portent la même réforme pour les Français établis hors de France et pour les ressortissants européens résidant en France et souhaitant participer aux élections municipales.
Le compromis auquel les commissions mixtes paritaires sont parvenues la semaine dernière préserve l’architecture générale comme les grands principes de la réforme initiale : l’instauration d’un répertoire électoral unique géré par l’INSEE à partir duquel seront extraites les listes électorales de chaque commune ; le transfert au maire – en lieu et place des commissions actuelles qui fonctionnent mal – de la compétence de l’inscription et de la radiation ; le contrôle des opérations de mise à jour des listes électorales par des commissions communales transpartisanes et publiques ; la suppression de la double inscription des Français établis hors de France – qui était source de complexité et de difficultés juridiques soulignées à deux reprises par le Conseil constitutionnel – et, enfin, le report de l’entrée en vigueur de la réforme à partir de 2018, pour laisser aux acteurs de la procédure d’inscription le temps de s’adapter à ces nouvelles règles.
Deux sujets ont plus particulièrement retenu l’attention des commissions mixtes paritaires et ont donné lieu à de très longues discussions : d’une part, l’instauration d’une phase pré-contentieuse – et de son corollaire, les délais d’inscription sur les listes électorales ; d’autre part, le rôle des commissions de contrôle.
En premier lieu, le Sénat avait introduit, à la différence de l’Assemblée, un mécanisme de recours administratif des décisions du maire devant la commission de contrôle, préalable obligatoire à tout recours contentieux.
M. Warsmann et moi-même étions favorables, sur le principe, à cette proposition, car nous l’avions imaginée au tout début de nos réflexions. Nous la trouvions en effet utile tant pour l’électeur – qui dispose ainsi d’une voie de règlement de sa situation plus souple que la voie juridictionnelle –, pour le maire, dont les décisions peuvent être réformées par une instance collégiale, que pour le juge, qui se voit ainsi déchargé de trop nombreux recours.
Cependant, afin de permettre à cette phase pré-contentieuse de se dérouler, il convient d’adapter des délais d’inscription que nous avions fixés à trente jours avant le scrutin. Il nous a fallu, pour nous adapter à la réalité, ramener ce délai à trente jours ouvrables. En effet, les dimanches nous empêchaient de respecter les trente jours calendaires.
Nous avons cherché une solution qui soit la plus proche possible de l’engagement que nous avions pris auprès des électeurs. Nous avons dégagé une règle assez simple : les électeurs pourront s’inscrire jusqu’au sixième vendredi précédant chaque scrutin. Il s’agit d’une règle bien connue en droit électoral : elle est donc, pour les électeurs, à la fois claire et lisible.
En second lieu, le Sénat avait revu à la baisse le rôle de la commission de contrôle en la cantonnant à l’examen du recours préalable formé par les électeurs. Il avait également complexifié sa composition en prévoyant la présence du maire et en ajoutant celle de délégués du tribunal de grande instance et de la préfecture.
À l’initiative de M. Warsmann et de moi-même, les commissions mixtes paritaires ont élargi le rôle des commissions de contrôle dans le sens souhaité par l’Assemblée nationale : celles-ci pourront continuer de s’autosaisir de tout sujet en vue d’examiner la régularité des listes électorales.
Elles pourront, le cas échéant, réformer les décisions du maire et procéder à l’inscription ou à la radiation d’un électeur omis ou indûment inscrit. Dans les communes de plus de 1 000 habitants, leur composition a également été revue. Comme le souhaitait le Sénat, la majorité municipale y demeurera majoritaire.
En revanche, dans ces mêmes communes, la présence des délégués du tribunal de grande instance et de la préfecture, qui soulevait des difficultés, a été supprimée.
De même, le maire, qui ne pouvait être à la fois juge et partie, ne siègera pas en leur sein. Il pourra cependant, s’il le souhaite, présenter ses observations.
Je vais maintenant laisser M. Warsmann compléter mon propos en précisant certains aspects du compromis soumis à votre approbation. Je tenais à le remercier d’avoir rendu notre mission bipartisane riche et cordiale. Ces trois textes auront un impact direct sur les modalités d’exercice du droit de vote par nos concitoyens. Je me félicite de l’esprit comme des conditions dans lesquelles ils ont été préparés et discutés, notamment grâce à la saisine, par le président de notre assemblée, du Conseil d’État.
Ce dernier a, à juste titre, rappelé l’intérêt général qui s’attache à la réussite de cette réforme pour le renforcement de la démocratie et de la participation électorale, comme pour la simplification des démarches et pour la modernisation des relations entre le public et l’administration.
Je vous invite donc à adopter ces trois textes.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur des commissions mixtes paritaires.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, comme vient de le faire Mme Pochon, je ne peux évidemment commencer cette intervention sans avoir une pensée pour les très nombreuses victimes de l’attentat de Nice, pour leurs familles et pour tous les blessés dont certains luttent encore pour rester en vie.
Nous sommes néanmoins contraints de poursuivre nos travaux, et plus précisément le long travail parlementaire que vous êtes, mes chers collègues, invités aujourd’hui à conclure.
Ce travail a commencé par une mission d’information transpartisane que nous avons animée, Elisabeth Pochon – que je veux saluer à mon tour – et moi-même. Je veux également saluer, à mon tour, le caractère constructif et cordial dans lequel ce travail a pu être effectué.
Je salue également la mobilisation du Gouvernement au cours de la phase d’études, que ce soit avec la mise en action des trois inspections générales ou avec la nomination d’un chef de projet. Cette nomination a permis que toutes les procédures administratives et informatiques soient réglées au plus vite.
Mais il était utile, mes chers collègues, que nous votions un cadre législatif au plus vite : si nous l’avions décalé, nous aurions couru le risque de ne pas pouvoir tenir les délais.
L’ayant défendue au cours de la précédente législature, je salue à nouveau la procédure qui permet aux parlementaires à l’origine d’une proposition de loi de consulter le Conseil d’État. Cela renforce la qualité des initiatives de ces mêmes parlementaires : cela a été le cas s’agissant de ces trois propositions de loi.
Lorsque nous nous sommes réunis en commissions mixtes paritaires, nous ne savions pas si celles-ci allaient aboutir, nos collègues du Sénat nous ayant présenté leur version et nous ayant affirmé qu’à leur sens elle était achevée et qu’il fallait, par conséquent, la voter.
Quelques heures auparavant, j’avais eu l’occasion de mener un exercice pratique portant sur le premier tour des élections législatives qui aura lieu le dimanche 11 juin de l’an prochain. Si le texte du Sénat avait été voté, nous n’aurions alors disposé que de trois jours – un vendredi, un samedi et un dimanche, soit les 19, 20 et 21 mai – pour réunir toutes les commissions électorales de toutes les villes de France, ce qui n’aurait matériellement pas été possible.
Était en outre prévu un recours administratif préalable obligatoire qui prenait deux formes selon que l’on se situait avant ou au cours de la période des trente jours, auquel cas le délai prévu était de deux jours, à savoir le samedi et le dimanche que je vous ai cités. Il faut bien avoir à l’esprit qu’à chaque fois que nous fixons des délais pour qu’un citoyen fasse valoir un droit, il faut que celui-ci puisse recevoir un courrier par lettre recommandée. S’il travaille, il ne recevra que l’avis de réception, et il lui faudra alors se déplacer pour aller chercher son recommandé.
Le Sénat ayant posé comme condition de la réussite des commissions mixtes paritaires l’existence d’un recours administratif préalable obligatoire, nous nous y sommes rangés, même si cela n’était pas au départ notre idée. En effet, nous considérions que les commissions électorales pouvaient difficilement être trop mobilisées sans risquer de voir leur travail s’alourdir. Nous n’avions en effet prévu que celles-ci ne se réuniraient que deux fois par an. En revanche, il nous a semblé que les recours administratifs préalables et obligatoires n’étaient pas défendables sans aucune condition objective que des délais variant selon qu’ils sont formés avant ou au cours de la période de trente jours.
Telle est la raison qui nous a amené à vous faire la proposition suivante : conserver le recours administratif préalable obligatoire, puisqu’il s’agissait de la condition posée par le Sénat, mais en l’encadrant par des délais acceptables.
Nous vous proposons, par conséquent, que les inscriptions sur les listes électorales soient prises en compte jusqu’au sixième vendredi précédant une élection. Cette solution présente un côté pédagogique et évite les problèmes des samedis et des dimanches.
Deuxième point : sur le reste des dispositions, le texte est conforme au travail que nous avions présenté ainsi qu’à ce que nous avions décidé, ensemble, dans l’hémicycle.
La principale innovation réside évidemment dans l’inscription au fil de l’eau : la mère de famille se rendant, quel que soit le moment choisi dans l’année, en mairie pour inscrire ses enfants au centre de loisirs sans hébergement – le CLSH – doit pouvoir profiter de ce déplacement pour s’inscrire sur les listes électorales. Nous avons tous, dans nos départements, vu de telles personnes se mettre en colère au motif qu’elles n’avaient pas pu s’inscrire sur ces listes car elles n’avaient pas au préalable rempli le formulaire d’inscription requis.
Seconde innovation : il s’agit évidemment de la possibilité de procéder à une telle inscription jusqu’au sixième vendredi précédant le scrutin. Un tel délai rapproche beaucoup le temps de la campagne électorale, au cours de laquelle le pays comme les médias sont mobilisés autour de cet enjeu, du temps de l’inscription. La publicité faite autour de la date limité d’inscription – le fameux vendredi – permettra à davantage de personnes soit de s’inscrire, soit de régulariser leur inscription.
Nous avons également toiletté les dispositions, qui dataient de plusieurs décennies, voire plus, permettant à des contribuables de s’inscrire dans la commune où ils s’acquittent de certaines impositions. Ces dispositions permettaient à un contribuable s’acquittant depuis au moins cinq ans à titre personnel de certaines contributions dans une commune de s’inscrire sur les listes électorales de celle-ci.
Mais ce droit était valable à l’époque où l’on était commerçant ou artisan en son nom propre. Or, aujourd’hui, on exerce ces professions quasiment toujours dans le cadre d’une société pour protéger son patrimoine. Nous avons donc réduit le délai à deux ans et offert la possibilité au gérant ou à l’associé majoritaire d’une société de s’inscrire dans la commune dans laquelle il exerce son activité professionnelle.
Cette disposition s’appliquera également aux sociétés civiles immobilières en vertu du même raisonnement : certains de nos concitoyens achètent un logement en vue de préparer leur succession, au bénéfice de leurs enfants, et choisissent ce statut. Exiger des contributions en nom propre était une disposition par trop datée.
Enfin, parce qu’il faut toujours imaginer des conditions extrêmes pour être sûr qu’un dispositif est opérationnel, je voudrais soulever un point qui me pose problème, madame la secrétaire d’État, à savoir les conditions d’application du nouveau dispositif en cas de décès du Président de la République ou de dissolution de l’Assemblée nationale. Dans ces cas, il y a des délais entre vingt et trente-cinq jours ou entre vingt et quarante jours pour organiser les élections. Intuitivement, je pense que la bonne solution serait de préciser dans le décret de convocation des électeurs que la liste électorale est arrêtée ce jour-là. J’aimerais savoir si le Gouvernement pense qu’il y a des bases juridiques suffisantes pour cela ou si nous devrons adopter un amendement dans un prochain texte pour sécuriser la situation.
Je vous remercie de votre attention, mes chers collègues, et je vous appelle évidemment à voter ces trois propositions de loi.
Applaudissements sur divers bancs.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage.
Monsieur le président, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs, nous arrivons au terme du processus législatif pour les trois textes portant une réforme ambitieuse et moderne de l’élaboration et de la mise à jour des listes électorales et, de ce fait, de l’accès au suffrage.
À l’origine de ces réformes, il y a, d’une part, l’engagement du Président de la République de faciliter l’accès au scrutin, avec, en particulier, la possibilité pour nos concitoyens de s’inscrire jusqu’à un mois avant, et, d’autre part, le rapport d’Élisabeth Pochon et de Jean-Luc Warsmann, remis en décembre 2014, qui a constitué la préfiguration des dispositions législatives contenues dans ces textes.
Ce rapport évalue à 3 millions le nombre d’électeurs non inscrits et à 6,5 millions celui des mal inscrits. De tels chiffres prouvent bien la nécessité de moderniser et de faciliter la gestion des listes électorales.
Je sais que les travaux ont été intenses au sein de la commission mixte paritaire pour aboutir à un accord qui tienne compte non seulement des implications pratiques de la réforme pour les maires, qui sont les acteurs centraux du processus d’élaboration des listes, mais également du point de vue de l’électeur, à qui cette réforme doit bénéficier en premier lieu, avec un souci de simplification.
Au nom du ministre de l’intérieur, je remercie tout particulièrement les trois rapporteurs, Elisabeth Pochon, Jean-Luc Warsmann et, pour le Sénat, Pierre-Yves Collombat pour le travail accompli durant la CMP et en amont tout au long de la discussion parlementaire. Ils ont procédé à de nombreuses auditions pour affiner le dispositif et le rendre plus accessible aux citoyens, en cherchant à ce qu’il corresponde le mieux possible à leurs usages et à leurs attentes.
Les trois propositions de loi comportent des mesures de portée différente.
La plus emblématique d’entre elles doit permettre à nos concitoyens de s’inscrire sur une liste électorale jusqu’au sixième vendredi, soit trente jours ouvrés, précédant un scrutin. Elle permettra surtout de mieux faire coïncider le cycle de mobilisation électorale et le calendrier des démarches administratives pour accéder au scrutin.
Deux autres dispositions sont centrales et favoriseront l’acte d’inscription sur les listes électorales : l’inscription d’office des personnes venant d’acquérir la nationalité française et celle des jeunes atteignant la majorité entre les deux tours d’un scrutin, pour éviter les frustrations quand l’acquisition de la nationalité ou l’accès à la majorité survient à un moment très proche du scrutin.
L’objectif fondamental de la réforme est d’assouplir l’accès au scrutin pour favoriser l’expression par les urnes et donc de lutter contre l’abstention, mais cette réforme exige en parallèle de revoir en profondeur le processus d’élaboration et de mise à jour des listes électorales, avec un élément de temps dont les rapporteurs ont parlé.
Nous pouvons désormais tirer tous les bénéfices des nouvelles technologies avec, en particulier, la dématérialisation totale des échanges d’information entre les communes et l’INSEE. Celle-ci rend en effet possibles les inscriptions jusqu’à un mois d’un scrutin. Sans elle, les flux de courrier entre les communes et entre les communes et l’INSEE pour la mise à jour ne permettraient pas de respecter un délai aussi bref.
La dématérialisation et la création du répertoire électoral unique permettront de traiter le problème des doubles inscriptions, autre dysfonctionnement majeur mis en évidence par le rapport d’Élisabeth Pochon et de Jean-Luc Warsmann. Le système informatique que nous allons construire pour agréger les listes électorales permettra en effet de recouper les listes communales entre elles et, par conséquent, de simplifier des vérifications aujourd’hui complexes pour les communes, notamment les plus petites d’entre elles.
En pratique, le maire, qui est désormais au centre du dispositif puisqu’il prendra directement la décision d’inscription, disposera de cinq jours à compter de la demande d’inscription pour rendre sa décision et de deux jours pour la notifier à l’électeur.
À l’initiative du Sénat, le texte prévoit que l’électeur devra, avant d’engager un recours contentieux contre une inscription ou un refus d’inscription, dans un délai de cinq jours, saisir la commission de contrôle d’un recours administratif préalable. La commission disposera de deux jours pour notifier sa décision. En cas d’absence de décision sous trente jours ou de publication de la liste électorale, le recours administratif préalable fait l’objet d’une décision implicite de rejet.
La commission de contrôle instituée dans chaque commune aura donc pour mission de statuer sur les recours administratifs préalables formés contre les décisions du maire. Elle devra également s’assurer de la régularité des listes. Elle dispose pour cela de pouvoirs d’auto-saisine et de réformation des décisions du maire.
À compter de la publication de la liste ou de la décision de la commission, l’électeur disposera de sept jours pour saisir le tribunal d’instance, qui se prononcera sous huit jours.
Enfin, les propositions de loi traitent d’un autre sujet important, qui a été à la source de nombreuses difficultés lors de précédents scrutins, notamment présidentiels : la double inscription pour les Français établis hors de France, qui peuvent, comme vous le savez, être inscrits à la fois sur une liste électorale consulaire et sur une liste électorale communale.
Dans un souci de simplification et de clarté, qui ne peut être que bénéfique pour la sincérité d’un scrutin, la réforme met fin à cette possibilité. Chaque électeur devra choisir entre une liste consulaire ou une liste communale. Toutefois, je veux rassurer les électeurs inscrits hors de France, ce volet de la réforme ne sera mis en oeuvre que postérieurement aux échéances électorales de 2017 afin, notamment, de ne pas modifier le corps électoral à un an des prochaines échéances.
Les électeurs inscrits hors de France doivent savoir que le système n’est pas irrévocable. Chaque Français pourra à tout moment choisir de modifier sa situation électorale en fonction de sa situation personnelle, à condition de faire les démarches d’inscription nécessaires sur la liste électorale dans les trente jours précédant le scrutin.
Nous répondons ainsi à la double injonction du Conseil constitutionnel et facilitons la vie de nos concitoyens, qui étaient parfois pénalisés par des démarches administratives contre-intuitives.
En cas d’élections présidentielles ou législatives anticipées, monsieur Warsmann, la solution que vous préconisez, à savoir l’inscription dans le décret de convocation des électeurs, est celle que privilégie aujourd’hui le Gouvernement.
Mesdames, messieurs, ces propositions de loi servent un objectif démocratique de première importance. Leur traduction dans les faits a déjà débuté, puisque l’INSEE a mis en place une équipe dédiée au projet. Sous la direction du ministère de l’intérieur, les neuf ministères intéressés sont réunis à fréquence mensuelle depuis février, et le comité de suivi s’est réuni lui aussi, avec des représentants de l’AMF, les maires étant au centre du dispositif. Les modalités opérationnelles ont ainsi été engagées.
En conclusion, rejoignant la position exprimée par les deux rapporteurs, je vous invite à approuver les textes issus des CMP. Je remercie encore une fois non seulement les deux rapporteurs pour le travail réalisé, mais aussi tous les parlementaires qui ont participé au débat.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je m’associe aux propos tenus par mes collègues sur les victimes de l’attentat de Nice et leurs proches.
Nous étions nombreux à avoir rappelé les chiffres alarmants de la non-inscription et de la mal-inscription sur les listes électorales lors de la première lecture. Un tel constat nous obligeait à agir.
Partant d’une proposition bipartisane présentée par Mme Pochon et M. Warsmann, notre assemblée décidait de permettre l’inscription sur les listes électorales jusqu’à trente jours avant une échéance, de confier la gestion d’un répertoire unique à l’INSEE et d’octroyer au maire des prérogatives élargies pour l’inscription, la modification et la radiation sur les listes.
Comme nous avons décidé d’accorder d’avantage de prérogatives aux maires, il était indispensable de créer un contre-pouvoir, avec les organes de contrôle que seront les commissions de contrôle dans chaque commune. Ce dispositif aura pour but de vérifier les décisions du maire et il sera possible, en cas de doute, de saisir les juridictions compétentes pour modifier les décisions prises.
La commission mixte paritaire était consciente de l’enjeu et de la nécessité de parvenir à un accord pour ne pas laisser perdurer cette situation qui voit 10 millions de Français ne pas prendre part aux différents scrutins car ils sont non inscrits ou mal inscrits sur les listes électorales. Cependant, nous ne souhaitions pas remettre en question les avancées décidées par l’Assemblée nationale, qui auront un impact fort.
Le texte de l’accord me paraît être un bon compromis et reflète les volontés des deux assemblées tout en garantissant des avancées significatives et en maintenant un équilibre entre les différents acteurs.
L’accord reprend par exemple la demande faite par le Sénat de permettre à l’électeur souhaitant contester une décision d’inscription, de radiation ou de modification d’introduire un recours administratif préalable auprès de la commission de contrôle. Dans un esprit de consensus, nous avons conservé cette requête tout en réduisant les délais de formation du recours préalable et le délai de notification au requérant afin de rendre cette procédure plus rapide.
Une modification importante concerne la composition des commissions de contrôle. Il est primordial qu’elles reposent sur deux principes fondamentaux, l’impartialité et l’indépendance. Or ces deux caractéristiques dépendent grandement des membres qui composent cet organe et de leur mode de sélection.
Le Sénat souhaitait que, dans ces commissions, soit présent le maire ou son représentant, qui aurait participé avec une voix consultative. Or il nous semblait fondamental qu’aucun acteur engagé ne puisse être juge et partie. Un accord a été trouvé pour permettre au maire de venir, sur sa demande ou à l’invitation de la commission, présenter ses observations devant les commissions de contrôle. Cela permettra au maire de faire connaître la logique qui a conduit à la prise de décision tout en garantissant qu’il n’interférera pas dans les choix retenus. Cette alternative garantit l’indépendance des commissions de contrôle tout en donnant voix au chapitre à l’ensemble des acteurs parties prenantes.
Seconde modification de la composition, l’augmentation du nombre de conseillers municipaux qui participeront et la place accordée à chaque liste représentée au conseil municipal.
Dans les communes de plus de 1 000 habitants, il y aura non plus un conseiller de la liste majoritaire et un conseiller pour les deux listes minoritaires, mais trois pour celle qui est majoritaire et un pour chacune des deux listes suivantes.
Une telle répartition permet de prendre en compte les réalités applicables aux forces en présence dans les conseils municipaux et, surtout, de garantir que le rôle de ces organes de contrôle ne sera pas détourné à des fins politiques. De plus, le fait de ne pas retenir la présence du maire ou d’un de ses représentants comme cela avait été évoqué en premier lieu ne consacrera pas un déséquilibre qui aurait pu être pour le cas réel.
Les décisions prises dans le cadre de cette première proposition de loi auront un impact sur les deux textes examinés concomitamment, qui traitent de la façon dont les Français établis hors de France seront inscrits sur les listes électorales, et sur l’inscription des ressortissants d’États membres de l’Union européenne. Ces textes me semblent pouvoir faire l’objet d’un large consensus, car ils visent à redynamiser la démocratie de notre pays.
Ce n’est évidemment pas la seule réponse à apporter, mais la levée des obstacles administratifs est un préalable simple, et néanmoins indispensable au noble objectif de revivifier la participation citoyenne à ce temps fort de la démocratie représentative que constituent les élections. Le groupe socialiste écologiste et républicain votera bien évidemment ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, vous le savez, l’article L. 9 du code électoral pose le principe selon lequel « l’inscription sur les listes électorales est obligatoire », sans assortir toutefois sa violation d’une quelconque sanction. Mais la réalité est plus que plus nuancée.
La tenue des listes électorales présente aujourd’hui des insuffisances : doubles inscriptions, omissions des radiations, discordance avec le fichier général des électeurs tenu par l’Institut national de la statistique et des études économiques, et j’en passe… Ce constat sans détours avait été dressé dans le cadre du rapport d’information présenté devant la commission des lois de l’Assemblée nationale par nos deux rapporteurs, Elisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann, le 17 septembre 2014.
S’intéressant à l’ensemble de la procédure d’inscription sur les listes électorales – calendrier, démarches et contrôles –, ces derniers s’étaient interrogés sur « l’ampleur de l’éloignement du processus électoral, qui concernerait 9,5 millions d’électeurs potentiels, non inscrits – 3 millions – ou mal inscrits – 6,5 millions – ». Ils avaient alors formulé une série de propositions appelant à une réforme d’ensemble d’un pan de la procédure électorale immuable depuis plusieurs décennies.
Faute de réforme en temps et en heure, le Parlement avait rouvert exceptionnellement l’inscription sur les listes électorales avant les élections régionales de décembre 2015, invoquant l’impératif d’obtenir un corps électoral le plus sincère possible et se livrant alors au vote malheureux d’une loi d’exception.
Cependant, Mme Pochon et M. Warsmann ont finalement traduit la plupart des recommandations formulées dans le rapport d’information par le dépôt, le 9 décembre 2015, d’une initiative législative se décomposant en trois textes : la proposition de loi rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales qui modifie en profondeur le contenu et l’architecture du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code électoral ; la proposition de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France ; enfin, la proposition de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des ressortissants d’un État membre de l’Union européenne autre que la France pour les élections municipales.
Ce travail, mené en étroite collaboration avec le Gouvernement, s’est appuyé sur le rapport de plusieurs inspections générales mandatées par le ministre des affaires étrangères, des finances et de l’intérieur, afin d’examiner la faisabilité des solutions préconisées et les modalités de leur mise en oeuvre. Le président de l’Assemblée nationale a également sollicité l’avis du Conseil d’État que ce dernier a rendu le 3 mars 2016, suggérant des modifications ou des compléments sans bouleverser l’esprit de la réforme proposée.
Comme les précédents orateurs, je retiendrai trois mesures, qui vont changer le quotidien de nos concitoyens : la création d’un répertoire électoral unique tenu par l’INSEE et dont les listes communales seront l’extraction ; la possibilité d’inscription toute l’année jusqu’à trente jours avant un scrutin par le maire de la commune ; la suppression de la possibilité de double inscription pour les Français établis hors de France, à l’horizon 2018-2019.
Nous pouvons nous féliciter de l’esprit de concorde – comme quoi, cela peut arriver ! – qui a présidé à nos travaux à l’Assemblée, comme à ceux au Sénat. La CMP conclusive qui nous mène à ces lectures rapides des textes n’a pas eu trop de mal à aboutir. Les questions ont été réglées après une suspension de séance constructive, puisque seuls trois points restaient en suspens : le délai de mise en oeuvre de cette réforme ; l’assouplissement de l’inscription sur le rôle fiscal d’une commune ; enfin, la question des commissions de contrôle des inscriptions et des radiations sur les listes électorales. Il est d’ailleurs à noter que les différences étaient plus entre l’Assemblée nationale et le Sénat qu’entre les groupes politiques.
Sur le délai de mise en oeuvre, les deux chambres se sont accordées pour en rester à la version de l’Assemblée nationale, à savoir une application après 2017, mais au 31 décembre 2018 au plus tard. Sur l’inscription au rôle fiscal, alors qu’un artisan ou un commerçant ne pouvait s’inscrire sur les listes que s’il exerçait en nom propre, il pourra désormais le faire en exerçant dans le cadre d’une société. C’est une bonne chose, puisque beaucoup exercent désormais dans ce cadre, ce qui était peu le cas par le passé.
Enfin, sur la question la plus épineuse, celle des commissions de contrôle, une voie médiane entre l’Assemblée et le Sénat a pu être trouvée. Ainsi, la composition de la commission restera à la majorité du conseil municipal, mais la commission de contrôle ne sera pas amputée de ses pouvoirs d’autosaisine, afin qu’elle puisse continuer à radier une personne qui n’a plus d’attaches avec la commune.
Pour conclure, vous 1’aurez compris, le groupe des députés Les Républicains continuera de soutenir sans réserve ces trois propositions de loi qu’il votera.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, si la progression inexorable de l’abstention est souvent liée à un désintérêt profond pour la politique, elle s’explique aussi parfois par des dysfonctionnements techniques et une mauvaise information des électeurs. Il est donc de notre devoir de permettre au plus grand nombre de s’exprimer par les urnes. Aussi, toute initiative qui permettrait de réduire cette forme d’abstentionnisme doit être encouragée.
L’excellent travail de nos collègues, Elisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann, a permis de pointer du doigt les défauts de la procédure actuelle et de proposer des pistes intéressantes de réformes, que l’on retrouve dans les trois propositions de loi soumises à notre examen.
Premier apport de ces textes : ils adaptent la procédure d’inscription à la réalité de notre société. Aujourd’hui, le calendrier électoral est complexe et décalé par rapport au rythme démocratique. En outre, le calendrier, figé jusqu’à la prochaine révision des listes électorales, est inadapté à la mobilité résidentielle croissante des électeurs. Nous approuvons donc les dispositions de ces propositions de loi, destinées à mieux établir les listes électorales pour revitaliser notre démocratie. Il en est de même de la rénovation des conditions d’inscription sur une liste électorale.
En outre, la modernisation des modalités d’établissement des listes électorales communales était nécessaire. Pour ce faire, la proposition de loi ordinaire prévoit de transférer au maire, plutôt qu’à une commission administrative, la responsabilité d’inscrire et de radier les électeurs. Elle crée également un répertoire électoral unique servant à l’extraction des listes communales, tenu par l’INSEE.
Afin de revaloriser le rôle des commissions de contrôle et d’éviter une juridictionnalisation excessive de la procédure d’établissement des listes électorales, le Sénat a souhaité créer un recours administratif préalable obligatoire devant les commissions de contrôle. La question des délais qui entourent cette procédure a fait l’objet de nombreux débats en commission mixte paritaire. Il semble que la solution finalement retenue soit un bon compromis, qui permettra à nos concitoyens de faire valoir plus facilement leurs droits.
Madame, monsieur le rapporteur, lors de la première lecture, nous vous avions alertés sur les nécessaires adaptations de ce texte aux spécificités des communes polynésiennes. Nous nous réjouissons que le Sénat ait permis d’améliorer partiellement le texte sur ce point, même si nous regrettons que le délai avant la date d’un scrutin n’ait pas été porté à soixante jours. Nous nous félicitons cependant que la composition de la commission de contrôle pour les communes composées de communes associées ait été simplifiée.
Enfin, ces propositions de loi adaptent les modifications envisagées à la spécificité des Français établis hors de France et donc à la liste électorale consulaire. La suppression de la double inscription sur une liste consulaire et une liste communale semble inéluctable, compte tenu de la mise en place d’un répertoire unique.
En parallèle, la suppression de la procédure de radiation automatique de la liste électorale consulaire d’un Français radié du registre des Français établis hors de France, prévue par la loi du 25 avril 2016 sur l’élection présidentielle, est tout à fait cohérente.
Mes chers collègues, les textes de compromis élaborés par les commissions mixtes paritaires comportent des dispositions utiles et nécessaires à la lutte contre l’abstentionnisme. Comme en première lecture, le groupe UDI les votera.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, suite au succès de la CMP, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner en dernière lecture les propositions de loi rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales.
Cette réforme a pour objectif, ambitieux, de simplifier les démarches des électeurs en permettant la révision des listes électorales, non plus une fois par an, mais tout au long de l’année à partir d’un répertoire électoral unique et permanent tenu de manière dématérialisée par l’INSEE.
La commission mixte paritaire a cependant retenu la position du Sénat visant à renforcer le rôle des nouvelles commissions de contrôle qui étudieront le recours administratif préalable obligatoirement formé par tout électeur contestant les décisions d’inscription et de radiation du maire. Comme le souhaitait notre assemblée, ces commissions veilleront également à la régularité des listes électorales.
Pour assurer le bon déroulement de cette réforme, la commission mixte paritaire a jugé nécessaire de modifier le délai limite d’inscription sur les listes électorales. Ainsi, la réforme sera plus favorable à nos concitoyens que le droit en vigueur qui impose une inscription le 31 décembre de l’année précédente au plus tard.
Enfin, l’ensemble de ce dispositif entrera en vigueur non pas aujourd’hui, non pas demain, mais bien après-demain pour les élections municipales de 2020. Pourquoi si tard ? Que de travail – je ne remets nullement en cause nos rapporteurs – pour des mesures qui, si elles sont importantes, demeurent bien en retrait de la volonté de favoriser le sursaut démocratique. Certes, si nous saluons le succès de ces CMP – et encore une fois, le travail des rapporteurs –, loin de moi l’idée de sombrer dans l’autosatisfaction. Ce n’est pas ma méthode de travail. Comment se réjouir de si peu et dans si longtemps ?
Cette avancée montre bien que les lourdeurs administratives sont, aujourd’hui, autant d’obstacles à l’application rapide des réformes. Il faut que nous en soyons bien conscients. Je n’en ignore rien, pour ma part, car je suis maire depuis plusieurs années. Néanmoins, tant de lourdeurs pour si peu, cela me semble malheureusement révélateur du fonctionnement de notre démocratie et de notre Parlement.
Si ces mesures sont utiles, permettront-elles d’endiguer la montée de l’abstention et de revitaliser la démocratie ? Je le souhaite, mais la réponse sera claire et nette. Les élections se succéderont et se ressembleront malheureusement. À chaque consultation, le grand vainqueur, c’est l’abstention. Cette mesure qui permettra de renforcer, peut-être, l’inscription sur les listes électorales suscitera une participation qui sera bien en deçà de celle massive que nous, démocrates et républicains, souhaiterions.
Pourquoi ne pas automatiser l’inscription sur les listes électorales et simplifier le vote par procuration ? Cela se fait dans de nombreux pays européens. Cette inscription au fil de l’eau est un objectif que nous devons nous assigner.
Par ailleurs, je le répète, car cet engagement me tient à coeur, pourquoi priver de vote celles et ceux qui vivent parmi nous ? Cet engagement n’a pas été tenu. Or, il est essentiel, si nous voulons retisser du lien social.
Plus que jamais, nous devrions être à l’offensive pour plus de démocratie et de citoyenneté. Nous saluons ce qui a été fait, mais ce qui reste à faire me semble nettement plus important que ce pas accompli. Contrairement à ce que l’on dit, je ne pense pas que le vote obligatoire se traduirait automatiquement par un report massif des électeurs vers les extrêmes ; bien au contraire. On le voit dans des pays où il est obligatoire et où les extrêmes font des scores moins importants que chez nous. Par ailleurs, il faudrait aussi prévoir la reconnaissance du vote blanc. Voilà autant de chantiers que nous souhaiterions voir ouverts.
Vous le savez, les députés du groupe RRDP voteront ces textes, même s’ils souhaiteraient aller encore plus loin. Comme l’écrivait Jean de La Fontaine dans la fable « L’Hirondelle et les Petits oiseaux » : « Nous n’écoutons d’instincts que ceux qui sont les nôtres. Et ne croyons le mal que quand il est venu. » Il y a urgence !
Il s’agit de prévoir qu’à partir du moment où la commission de contrôle ne se présente pas dans les délais, cela vaut décision implicite de rejet.
Nous sommes d’accord sur le fond, mais il serait bon que nous disposions des amendements avant d’entamer la discussion générale ! Ce serait le minimum de la part du Gouvernement. Je tenais à faire cette remarque. C’est important de le dire.
L’amendement no 2 est adopté.
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement qui vient d’être adopté.
La proposition de loi est adoptée.
J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire, sur lequel je ne suis saisi d’aucun amendement.
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
La proposition de loi organique est adoptée.
C’est un amendement de coordination correspondant à celui que j’ai défendu tout à l’heure.
L’amendement no 1 est adopté.
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement qui vient d’être adopté.
La proposition de loi organique est adopté.
La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinquante.
L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de MM. Bruno Le Roux, Laurent Grandguillaume et plusieurs de leurs collègues relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes (nos 3855, 3921).
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, mes chers collègues, la régulation, la responsabilisation et la simplification du transport public particulier de personnes – T3P – sont au coeur des débats sur l’économie dite collaborative. Cette expression renferme différentes réalités : cela va de la start-up française, qui innove et s’inscrit dans une dynamique collaborative, à la multinationale, qui se développe sur la base de schémas d’optimisation fiscale et qui veut imposer au consommateur un monopole sectoriel en mettant en concurrence les travailleurs indépendants. Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez beaucoup travaillé sur ces questions. Dans ce dernier exemple, on est loin de l’esprit collaboratif ! On retrouve ainsi ce paradoxe dans le transport public particulier de personnes, où les tensions entre les acteurs se manifestent régulièrement par des conflits. La question qui nous est posée collectivement, au-delà de nos différences, est de savoir comment réussir à concilier la révolution technologique et la protection des personnes – le progrès humain.
Les comportements des usagers se sont profondément modifiés avec le numérique, tout comme celui des collectivités territoriales. Les mutations technologiques accélèrent ces changements. Elles imposent de repenser régulièrement l’équilibre du secteur, le cadre juridique, la qualité de service pour les usagers et l’avenir de ceux qui travaillent au quotidien dans ce secteur. Ce débat sera un moment de vérité : peut-être y a-t-il, dans l’hémicycle, des libéraux libertariens qui ne veulent aucune règle, aucune régulation, aucune protection. Cela peut être un modèle de société ; ce n’est pas celui que je défends.
La généralisation et la facilitation de l’utilisation des réservations numériques – sur les applications de voitures de transport avec chauffeur, VTC, comme sur celles dévolues aux taxis – sont venues bouleverser l’activité du taxi et percuter le monopole de la maraude qui est la contrepartie de l’autorisation de stationnement. Sont venus ensuite de nombreux débats, ainsi que la loi Thévenoud de 2014. Face aux difficultés rencontrées sur le terrain, on ne peut pas se satisfaire d’une forme de Far West technologique ou d’une loi de la jungle sans aucune régulation ; en effet, il s’agit du domaine public. Si elle doit être accompagnée, l’innovation ne doit pas empêcher l’État – et les collectivités territoriales, dans le cadre de leurs compétences – de réguler cette activité. Le sujet pose également des questions de sécurité publique : l’arrestation d’hier montre qu’il faut vérifier l’honorabilité des chauffeurs. C’est la moindre des choses. J’ai vu que certains amendements visaient à supprimer cette condition ; nous en débattrons, mais je vous invite à faire en sorte que des vérifications soient opérées pour permettre aux consommateurs d’être en sécurité.
Le taxi n’est pas une profession du passé ; il doit se moderniser et s’adapter, mais partout dans le monde nous sommes accueillis par des chauffeurs. Serions-nous encore plus libéraux que les Américains ? À New York, c’est une autorité de régulation qui vérifie le nombre de bases présentes dans la ville, qui s’assure, par géolocalisation, du retour à la base, et qui attribue les autorisations de stationnement, y compris aux VTC. Pourquoi ne pourrions-nous pas, en France, défendre un modèle qui permette à la fois l’innovation et la protection des consommateurs ?
Le T3P est un secteur d’avenir – tourisme, croissance des aéroports, croissance démographique –, porteur de gisements d’emplois et répondant aux enjeux de la transition écologique. Nous y reviendrons car on peut aller plus loin encore. Le sens de la loi du 1eroctobre 2014 a été de rééquilibrer les contraintes pesant sur les différents acteurs, d’harmoniser certaines règles qui constituaient des distorsions de concurrence et de moderniser le droit et les outils tels que l’open data des taxis ou l’obligation d’avoir un terminal de paiement électronique – TPE. Le taxi a toutefois connu depuis 2014 une stagnation, voire un décrochage en 2015, les difficultés affectant en particulier l’Île-de-France. Il convient de distinguer les situations entre les grandes agglomérations et les zones rurales, qui ne présentent pas les mêmes problématiques. Il est donc essentiel de pacifier ce secteur et de donner de la visibilité aux acteurs en prenant des mesures de cohésion qui passent par la responsabilisation, la régulation et la simplification.
Un amendement vise à modifier le titre de la loi en enlevant le mot « simplification ». Mais croyez-vous normal qu’on soit aujourd’hui obligé, quand on est seul, de passer par un taxi ou par un VTC, alors que si l’on est un groupe – soit plus de deux personnes –, on peut passer par un transporteur public routier de personnes – LOTI ? On doit être le seul pays au monde à opérer cette distinction ! Il est essentiel de simplifier les choses en réduisant le nombre des statuts et de permettre une concurrence saine et loyale en créant une situation claire pour le consommateur. C’est tout le sens de cette proposition de loi.
Le 26 janvier 2016, le Premier ministre m’a confié une mission, que j’ai menée avec Alain Vidalies et Bernard Cazeneuve, ainsi qu’avec le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, pour la partie qui le concerne. J’ai préconisé plusieurs solutions immédiates.
Premièrement, le renforcement des contrôles : alors que plus de 25 000 véhicules – taxis, VTC, LOTI – ont été contrôlés, le nombre de délits constatés et de contraventions montre que les difficultés perdurent et qu’il faut poursuivre l’effort. L’exemple d’hier prouve qu’il est nécessaire de maintenir ces contrôles et d’assainir la situation. Il faut en particulier saluer les « Boers » qui font un travail très important sur le terrain, ainsi que les services de police et de gendarmerie.
Deuxièmement, la mise en place de cellules d’accompagnement des situations individuelles : plus de 500 dossiers ont été adressés à ces cellules, ce qui montre bien, contrairement à ce que j’ai pu entendre, que les difficultés sont réelles.
Troisièmement, l’envoi de lettres de mise en demeure aux plateformes qui se sont réfugiées derrière l’actuelle rédaction du code des transports pour ne pas envoyer les éléments rapidement au régulateur. C’est ce manque de coopération qui nous a poussés à soumettre au législateur cette proposition de loi : il faut remédier à cette situation intolérable. Pour cela, le régulateur doit disposer des instruments nécessaires pour opérer toutes les vérifications.
Un travail de concertation a été mené avec tous les acteurs. Des centaines d’heures ont été consacrées à des auditions et à des réunions de travail avec les VTC, les LOTI, les taxis et les plateformes numériques. Chacun a été associé au débat et a pu apporter sa contribution. Certains ne sont pas d’accord avec cette proposition de loi ; c’est assez logique, car ils n’ont même pas répondu aux lettres de mise en demeure qui leur ont été adressées par le Gouvernement.
Bien entendu, ceux-là peuvent toujours se réfugier derrière telle ou telle déclaration ; j’ai même vu que certaines plateformes ont dépensé des centaines de milliers d’euros pour acquérir de pleines pages de publicité dans la presse. En tant que parlementaire, je n’ai pas les mêmes moyens – et c’est heureux – : je ne peux acheter des pages entières de publicité dans les journaux, ni inviter mes collègues à des déjeuners dans tel ou tel restaurant à proximité de l’Assemblée. Ce que je peux faire, en revanche, c’est me présenter devant vous pour m’exprimer dans le cadre du débat parlementaire sur un texte qui deviendra une loi de la République.
Nous allons donc débattre ici de cette question de manière sereine et dans un esprit de responsabilité. Cette proposition de loi vise en effet à responsabiliser les acteurs. On ne peut pas prétendre être uniquement un intermédiaire, mettant simplement en relation les chauffeurs et les consommateurs, on ne peut pas dire que l’on n’organise pas des transports, et en même temps participer de manière continue aux débats qui concernent le secteur ! Tous les acteurs concernés doivent donc être reconnus comme des centrales de réservation, qu’il s’agisse de centrales de taxi, de VTC, ou de centrales radio : chacun doit avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Se pose ensuite la question de la simplification des statuts : taxis, VTC, LOTI… Il est essentiel d’en revenir à une concurrence saine et loyale entre taxis et VTC, avec des règles partagées. Il faut une période de transition permettant aux chauffeurs qui le souhaitent de continuer à faire du transport occasionnel, grâce à une équivalence qui existe déjà, à partir de douze mois d’activité. Les chauffeurs LOTI qui veulent faire du transport occasionnel pourront donc devenir VTC à la faveur de cette période de transition prévue par la proposition de loi.
Comme le disait très justement Jean Jaurès, « le courage, c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe ». Prétendre que cette proposition de loi conduirait à la suppression de 70 000 emplois est précisément un de ces « mensonges qui passent » ! Au début, on a prétendu qu’elle détruirait 10 000 emplois, puis 15 000, aujourd’hui 70 000 : la semaine prochaine, il sera peut-être question de 150 000 emplois ! Franchement, ce n’est pas responsable, car la période de transition que j’ai évoquée vise à prendre en compte toutes les situations ; les chauffeurs qui veulent continuer à travailler dans le transport occasionnel pourront le faire grâce à la reconnaissance de leurs compétences et de leur expérience.
Cette proposition de loi permettra par ailleurs d’interdire les clauses d’exclusivité, afin que les chauffeurs puissent travailler avec différentes plateformes. C’est une mesure en direction d’une concurrence libre et non faussée : j’espère que ceux qui appellent habituellement une telle concurrence de leurs voeux la soutiendront.
D’autres dispositions portaient sur l’organisation du tronc commun d’examen, qui sera confiée aux chambres des métiers et de l’artisanat. Ces dispositions figuraient à l’article 6 de cette proposition de loi, article qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. J’espère que le Gouvernement présentera à nouveau ces éléments par voie d’amendement, afin de les réintégrer au texte.
J’espère que notre débat permettra à la fois d’apaiser la situation, de moderniser le secteur, et d’assurer, par la régulation, la protection du consommateur.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission du développement durable, je ne saurais débuter mon intervention autrement qu’en saluant M. le rapport pour l’excellent travail qu’il a commencé il y a plus de six mois dans un contexte difficile, marqué par les mouvements sociaux des chauffeurs de taxi comme de VTC.
C’est l’ensemble de ce travail, engagé à la demande du Premier ministre, qui aboutit à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Votre capacité à écouter et à comprendre les enjeux a été un atout essentiel dans vos relations avec le secteur du transport public particulier de personnes qui comprend les taxis, les VTC et les véhicules motorisés à deux ou trois roues.
Le secteur du transport public particulier de personnes connaît depuis plusieurs années un développement heurté, marqué par l’apparition de nouveaux acteurs. Ces nouveaux acteurs ont fait émerger des services innovants pour les usagers, mais cela n’a pas été sans déstabiliser les professions historiques du secteur. Il faut en outre réfléchir à la protection, à la pérennisation des milliers d’emplois ainsi créés. Dans ce moment complexe et crucial, vous avez su rassembler tous les acteurs autour d’une même table.
Votre médiation trouvait là sa première concrétisation. Vous avez élaboré une méthode pour restaurer l’écoute, le dialogue, et ainsi développé une ligne commune pour ce secteur où se croisent des intérêts divergents et des cultures différentes, et où l’on se blâme réciproquement. L’incompréhension et la défiance s’étaient développées : il est de notre responsabilité de ne pas les laisser s’installer durablement et porter atteinte à ce secteur ô combien prometteur. Cette responsabilité, vous l’avez prise à bras-le-corps : je tenais tout particulièrement à vous remercier pour la qualité de votre travail.
Depuis maintenant quelques mois, j’ai la charge de la coordination interministérielle pour l’avenir de ce secteur, dont la responsabilité était historiquement partagée entre le ministère chargé des transports pour les LOTI, le ministère de l’intérieur pour les taxis et le ministère chargé du tourisme pour les VTC. J’estime, comme le Premier ministre, qu’il est temps de penser le secteur comme un tout cohérent et de cesser d’opposer les uns aux autres, afin de mener une réflexion durable pour le transport public particulier de personnes. C’était d’ailleurs la première recommandation formulée par le rapport de médiation de Laurent Grandguillaume ; elle fut immédiatement mise en oeuvre au sein des services de la direction générale des infrastructures de transports et de la mer du ministère de l’environnement.
Dès le mois de janvier, le Premier ministre, qui avait reçu l’ensemble des acteurs du transport public particulier de personnes, a posé les bases des chantiers pour un retour à l’équilibre dans ce secteur. Après la médiation que vous avez menée, monsieur le rapporteur, et qui a abouti au rapport dont j’ai parlé, la feuille de route de ces chantiers a été présentée à l’ensemble des acteurs le 4 avril 2016.
Cette journée fondatrice a été saluée par l’ensemble des représentants des professionnels. Elle a permis la constitution de quatre groupes de travail autour des thématiques structurantes pour l’avenir du transport public particulier de personnes identifiées par la puissance publique. Ces groupes de travail portaient sur l’accès aux métiers du secteur, sur les contrôles, sur la gouvernance et sur la création d’un fonds de garantie pour les taxis. Après plus de trois mois de discussions, de concertations, d’ajustements en lien avec les services du ministère des transports, de l’intérieur et de l’économie, il est temps de faire des choix cohérents et forts pour le futur de cette activité.
J’ai voulu appliquer une méthode simple et pragmatique ; le premier résultat de cette méthode fut le retour à une confiance mutuelle entre les pouvoirs publics et les acteurs du secteur. Rien ne peut être décidé, en effet, sans une large concertation des professionnels du terrain. Pour cela, plusieurs dizaines de réunions ont été tenues au sein des différents groupes de travail, associant les représentants des professionnels – taxis, VTC et LOTI. Le 7 juillet dernier, j’ai réuni au secrétariat d’État aux transports l’ensemble des représentants ayant pris part aux travaux, afin de faire un premier bilan de ces concertations à l’heure où la majorité des groupes de travail avaient adopté leurs conclusions. À l’occasion de cette matinée d’échanges, les représentants des chauffeurs de taxi, de VTC et des LOTI étaient réunis, ensemble, pour la première fois. Cela symbolise bien les avancées de ces derniers mois !
Une prise de conscience a eu lieu : celle de la responsabilité collective de l’avenir de ce secteur. Compte tenu de la rapidité des évolutions que connaît le transport public particulier actuellement, et qu’il connaîtra probablement encore longtemps, il faut avancer vite.
Le 7 juillet, les services de l’État ont fait le bilan des contrôles réalisés au cours du premier semestre 2016. Les forces de l’ordre accomplissent – je le sais – un travail remarquable sur le terrain, qui plus est dans une période particulièrement difficile pour elles. Malgré leur mobilisation pour de grands événements, les forces de police et de gendarmerie ont encore accentué leurs contrôles sur ce secteur depuis le début de l’année. Elles disposeront dans les prochaines semaines d’un nouvel outil leur permettant de repérer plus efficacement et plus rapidement les infractions au code des transports et au code du travail. Une nouvelle signalétique des VTC, plus claire et plus sécurisée, sera en effet mise en place dès la fin de l’année 2016, après une expérimentation à la rentrée.
Nous ne pouvions, néanmoins, nous en tenir aux contrôles des forces de l’ordre : nous devions aussi agir de manière structurelle : c’est tout l’enjeu des trois autres chantiers. Il fallait ainsi clarifier l’accès à ces professions qui représentent plusieurs milliers d’emplois. Grâce au dialogue que nous avons établi, les représentants des VTC et des taxis ont pu construire un nouveau référentiel de connaissances, qui sera sanctionné par un examen commun accompagné de modules spécifiques. Il était également nécessaire de trouver des méthodes de gouvernance plus structurelles et pérennes. En ce sens, un Observatoire national du transport public particulier de personnes, ainsi que des commissions locales, regrouperont l’ensemble des métiers du secteur. Ce décret, le dernier pris sur le fondement de la loi du 1er octobre 2014, sera publié dans les prochains jours.
Par ailleurs, l’enjeu des données devient de plus en plus important dans les politiques publiques en général et dans le transport en particulier. Je voudrais saisir cette occasion pour rappeler une disposition de la loi du 1er octobre 2014 – que votre assemblée avait votée – prévoyant la création d’une base de données sur les licences de taxi, qui n’avait jamais été constituée jusque-là en raison de la multitude des sources. Vous savez, en effet, que les 36 000 communes peuvent créer des licences de taxi.
Ce travail a été accompli auprès des collectivités territoriales et des préfectures. Une base de données comprenant les 59 000 licences de taxi a été constituée, riche de plus de 900 000 données qui seront précieuses pour la connaissance de ce secteur – dont l’analyse est souvent trop rapide, et déformée au prisme de la spécificité parisienne. Ce travail sur les données, nécessaire pour la construction de politiques publiques cohérentes et documentées, est poursuivi par la proposition de loi présentée par Laurent Grandguillaume.
Enfin, la feuille de route du Gouvernement prévoyait une réflexion sur la création d’un fonds de garantie pour les taxis, ayant pour objectif le rachat des licences. Un travail conséquent et sérieux a été présenté début juillet aux professionnels, avec des orientations concrètes et chiffrées en matière de ressources, d’accès au dispositif et de financement. Ce projet de fonds de garantie a été débattu au sein de la profession. Pour cette raison, dans la continuité de ma conduite depuis avril, j’ai décidé d’ouvrir une consultation écrite de l’ensemble des organisations professionnelles du secteur.
Leurs contributions seront rendues publiques et permettront de nourrir la réflexion du Gouvernement pour la constitution de ce fonds de garantie. J’estime que ce dispositif reste nécessaire pour répondre à des situations d’urgence économique et financière, ainsi que pour structurer l’avenir du secteur en mettant fin au système des licences cessibles de taxis. Je souhaite que les représentants du secteur prennent leurs responsabilités, comme le Gouvernement l’a fait : pour ces raisons, le travail continue sur ce dossier incontournable.
L’ensemble de ces travaux compose une nouvelle vision, plus cohérente, du secteur du transport public particulier de personnes ; cette vision aboutira avec la proposition de loi que nous examinons.
Ce texte reflète la vision d’un secteur décloisonné, tendant vers le rapprochement des règles qui s’imposent aux métiers concernés. La situation actuelle oblige en effet à une plus grande cohérence entre les différents régimes, mais aussi à une meilleure régulation des centrales, dont le développement rapide est l’un des éléments qui a conduit aux tensions que connaît la profession. Le rapporteur fait le choix d’une régulation renforcée des plateformes afin d’éviter les détournements du code des transports et du code du travail, détournements que tout le monde reconnaît désormais. En ce sens, l’évolution du statut LOTI proposée à l’article 4 permettra d’interdire son utilisation pour une activité VTC, ce qui a créé une situation de concurrence inégale et déloyale entre les acteurs du transport public particulier de personnes.
Cette proposition de loi permettra également d’apporter une concrétisation aux travaux menés depuis le 4 avril, je pense ainsi à la mise en place d’un examen commun grâce au transfert de la vérification des conditions d’aptitude aux chambres des métiers que je vais vous proposer par voie d’amendement.
La proposition de loi autorisera par ailleurs l’État à collecter les données du secteur afin de nourrir la réflexion de l’Observatoire.
Les travaux menés depuis plusieurs mois et la proposition de loi aujourd’hui discutée à l’Assemblée ont abouti en pleine cohérence et au terme d’une totale collaboration, toujours en lien avec la profession. J’en suis certain : les réponses aux problématiques que rencontre le transport public particulier de personnes ne peuvent venir seulement des taxis, des VTC ou des LOTI. Nos choix doivent être équilibrés et permettre à tous de se développer dans des conditions justes et équitables.
Je souhaite terminer mon propos en répondant aux interrogations sur l’opportunité de légiférer une nouvelle fois.
Vous le savez, mesdames, messieurs les députés : le transport public particulier de personnes est l’un des secteurs les plus innovants, en France comme dans le monde entier, il profite pleinement de progrès technologiques majeurs, tels que l’apparition des smartphones et de nouvelles applications, qui ont bouleversé les attentes et les usages. Dans ce contexte d’innovation, la loi de 2009 autorisait donc l’irruption sur le secteur des grandes plateformes de mise en relation sur le marché français, mais sans jamais l’avoir anticipée. En conséquence, le secteur s’en est trouvé profondément déstabilisé en l’absence de règles permettant un développement équilibré même s’il ne faut pas nier, bien évidemment, l’apport massif de ces nouveaux services dans la vie quotidienne de milliers d’usagers, notamment dans les grandes villes.
La loi du 1er octobre 2014 a donc posé les bases d’une concurrence équilibrée entre taxis et VTC, dans un souci de préserver l’innovation, nécessaire pour un secteur qui a peiné à se réformer de lui-même, tout en visant à sécuriser l’activité des taxis, dont les activités spécifiques doivent être pleinement reconnues. Cette loi a fixé un cadre législatif nouveau dans le code des transports. Contrairement à certains commentaires, elle n’a pas tourné le dos à la modernité, et j’ai rappelé que ses dispositions ont été validées par le Conseil constitutionnel. Des procédures innovantes ont été mises en oeuvre comme la mise en place de « l’open data des taxis », une plateforme numérique qui permet à un client de commander le taxi le plus proche avec un smartphone. Ce service va d’ailleurs s’ouvrir dès demain à Paris, en collaboration avec la mairie, permettant ainsi à plus de 3 000 chauffeurs de taxi parisiens, qui se sont portés volontaires pour adhérer à la plateforme, et à tous leurs clients d’accéder, eux aussi, à cette innovation.
Notre ambition est que la proposition de loi aujourd’hui examinée trouve, elle aussi, ses concrétisations dans la vie quotidienne, à la fois pour les usagers des taxis et des VTC, mais aussi pour l’ensemble des chauffeurs qui font vivre le secteur. Ce texte doit favoriser l’innovation, les nouveaux usages et accompagner le développement du numérique dont les promesses pour la profession semblent exponentielles. Mais elle doit également fixer des règles nouvelles pour des acteurs nouveaux et les rendre applicables afin de que le terme « innovation » ne devienne jamais un blanc-seing pour une paupérisation des chauffeurs.
Le texte de Laurent Grandguillaume répond à ces deux aspects : favoriser le développement de l’innovation et des emplois tout en adaptant les règles afin de créer les conditions d’une concurrence saine et équilibrée dont le secteur a besoin pour se développer, construisant enfin les conditions d’une innovation qui profite autant aux usagers qu’aux chauffeurs. Le Gouvernement avait pleinement confiance dans le travail mené par Laurent Grandguillaume : il soutient donc pleinement sa proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission du développement durable, mes chers collègues, moins de deux ans après l’adoption de la proposition de loi dite Thévenoud, nous devons remettre l’ouvrage sur le métier pour améliorer l’encadrement législatif du transport particulier de personnes. Le constat d’échec nous incite à la modestie : en dépit d’un long travail de préparation et de conciliation, ce texte n’a en effet pas atteint son objectif, à savoir apporter une réponse consensuelle et trouver une issue au conflit opposant taxis et VTC ; loin d’être apaisées, les tensions, on le sait, n’ont cessé de s’exacerber, allant même jusqu’à donner lieu à de violents affrontements entre chauffeurs.
Aujourd’hui, c’est notre collègue Laurent Grandguillaume qui joue, avec application, détermination et un certain succès, le rôle de rapporteur-démineur…
La numérisation de l’économie et l’émergence de nouveaux outils percutent un modèle économique en place depuis des dizaines d’années. De nouveau, une rupture technologique nous oblige à repenser le modèle traditionnel du fait du développement formidable des technologies de la communication – que certains penseurs un peu lyriques appellent déjà la « numérisation du monde ». La démocratisation des outils numériques se confronte en effet directement au droit existant. Oui, il nous faut trouver les moyens de réguler pour maintenir notre modèle social, et faire preuve de la plus grande attention à cet égard car il ne faut pas tuer l’innovation mais la faciliter tout en préservant l’emploi et le modèle socio-économique qui est le nôtre.
Nous devons tous intégrer le fait que vouloir limiter les effets d’innovation de toutes ces plateformes de l’économie collaborative, c’est comme vouloir arrêter la pluie. Mieux vaut essayer de réguler et de composer avec elles. Pour nous, au groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, il faut arrêter d’opposer, vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, deux systèmes et types d’activités mais, au contraire, rechercher leurs complémentarités. Un débat de fond devrait être mené sur l’économie collaborative mais aussi sur les effets de l’automatisation et de la robotisation car ce sont les enjeux de l’économie de demain. Nous devons de nouveau adapter notre législation encadrant les droits du transport léger de personnes à ce saut technologique.
Dans notre activité législative, l’immense majorité des projets et des propositions de loi ont d’ailleurs désormais une dimension numérique. Tel est le sens de l’initiative du Président de notre Assemblée quand il a décidé d’installer une commission parlementaire sur les droits et libertés à l’âge du numérique pour dégager un corps de doctrine juridique qui puisse servir pour chaque débat législatif. Notre démocratie représentative court le risque de s’essouffler si nous ne parvenons pas à l’adapter à la révolution numérique. Rapidement, dans tous les pays du monde, il est apparu comme une évidence qu’une réglementation stricte devait encadrer cette activité commerciale, notamment à travers une autorisation de stationnement sur la voie publique appelée habituellement « licence ». Puis, les tarifs et les horaires de travail ont dû rapidement faire l’objet d’une réglementation pour des raisons d’ordre public et de saine concurrence.
Mais, sous prétexte de simplification, nous sommes arrivés à une situation créant des dysfonctionnements et une concurrence inéquitable entre les taxis traditionnels et les VTC, menaçant le secteur d’une déstructuration profonde. La très grande disparité des nouveaux acteurs de l’économie numérique complexifie d’autant plus la mission qui est la nôtre.
Incontestablement, les nouvelles technologies ont permis une baisse des prix, une amélioration de la qualité des services rendus aux clients et la création de nombreux emplois pour des personnes au chômage parfois depuis plusieurs années. Selon l’INSEE, le secteur des voitures de transport avec chauffeur est celui qui a connu le plus de créations d’entreprise en 2014.
Les consommateurs y trouvent aussi leur compte : une étude récemment publiée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, étude évoquée en commission, a mis en lumière les effets positifs de l’arrivée des VTC sur le marché, jusqu’alors restreint à un nombre trop limité de taxis. L’offre de transport s’est élargie et les services se sont améliorés grâce à l’émergence de ces nouveaux acteurs, qui ont incité les taxis à moderniser leur offre. J’en vois un bel exemple dans la plateforme LeTaxi, créée par le Gouvernement, dont le lancement aura lieu demain : elle va permettre de programmer une course façon Uber mais avec des chauffeurs inscrits dans le registre de géolocalisation des taxis et associés aux applications partenaires de la plateforme.
Toutefois, les effets bénéfiques des TIC ne sauraient occulter leurs effets négatifs pour les travailleurs et pour la société : destruction de valeur, dumping social et précarisation en termes de temps de travail, de protection sociale, de revenus, sans oublier une perte non négligeable de ressources fiscales et sociales pour l’État et pour les collectivités.
La contradiction sur laquelle repose le modèle économique des plateformes est particulièrement criante dans le secteur du transport public particulier de personnes : les revenus futurs des chauffeurs, appelés « partenaires » puisque non-salariés, dépendent non seulement des notes attribuées par les clients transportés mais aussi et surtout de décisions prises par les plateformes pour encadrer leur travail. Sans être redevables des obligations liées au statut d’employeur, celles-ci imposent de facto une subordination aux chauffeurs qui travaillent avec elles. Si les chauffeurs d’Uber venaient à être reconnus comme étant salariés, cette société de VTC serait alors tenue de verser des cotisations sociales en France. Une telle décision n’irait pas sans affecter toutes les plateformes collaboratives fonctionnant sur le même modèle.
Dans ce contexte, la proposition de loi de Laurent Grandguillaume tend à faire converger les métiers de chauffeur VTC et de chauffeur de taxi, et à limiter les excès et les injustices de l’ubérisation. Celle-ci précarise en effet à la fois les VTC et les taxis, ces derniers étant, eux aussi, soumis à la course aux prix les plus bas pratiquée par les centrales de réservation. Plutôt que de maintenir une opposition stérile et artificielle entre taxis et VTC, il convient donc d’harmoniser les conditions d’exercice des deux professions, à la sociologie quasi identique ; qu’ils conduisent des VTC ou des taxis, les chauffeurs partagent la même envie d’entreprendre et de vivre de leur activité.
Cette proposition de loi apparaît plutôt équilibrée. Elle est soutenue par la majorité des organisations de taxis et de VTC, et va dans le sens d’un apaisement du secteur en ce qu’elle vise à responsabiliser les plateformes d’intermédiation et à assurer un socle de protections à leurs travailleurs. Mais nous devons aussi entendre les inquiétudes des petites plateformes de VTC, la création de barrières trop dures à l’entrée pouvant fragiliser leur développement. De toute façon, la régulation de ce secteur en pleine expansion et la préservation de notre modèle social ne peuvent se faire au détriment de l’innovation. S’il convient de réguler cette activité, il serait regrettable de nuire au développement des TPE et PME françaises dans ce type de service et d’aboutir à une hégémonie de Uber.
En commission, un travail de fond et de forme a été effectué. Soixante et un amendements ont été adoptés, tous de notre rapporteur, un joli score même si, pour l’immense majorité, il s’agit d’amendements rédactionnels.
À l’article 2, la clarification et l’élargissement du champ des données qui pourront être demandées aux personnes intervenant dans le secteur du transport public particulier de personnes, notamment aux centrales de réservation, sont une bonne chose, l’éparpillement des données et son absence de traitement étant générateurs de méconnaissances du secteur et de tensions entre les acteurs.
Il faut pouvoir objectiver les chiffres et les données relatifs à l’ensemble du secteur pour avancer pacifiquement, à terme, vers une harmonisation. À ce propos, j’ai déposé un amendement visant à ajouter un nouvel objectif à l’observatoire chargé de collecter les données qui va être créé : mieux connaître le nombre d’heures de travail effectuées. Peut-être que l’amendement est déjà satisfait par la rédaction actuelle de l’article 2 mais, en tout état de cause, il serait à moyen terme équitable d’envisager une harmonisation des réglementations existantes.
Nous présenterons un autre amendement d’appel, pour débattre du développement d’une offre de covoiturage stimulée et encadrée.
Le débat en commission a nettement clarifié la façon dont les chauffeurs au statut LOTI évolueraient vers le statut VTC. Si cette transition, prévue par l’article 4, peut encore être améliorée, elle montre, en tout état de cause, qu’il faut simplifier le dispositif.
Avec cette proposition de loi, les chauffeurs LOTI deviendront chauffeurs VTC par équivalence,, après douze mois d’activité, pour faire du transport occasionnel. En outre, les véhicules des chauffeurs VTC seront identifiés par un élément inamovible et infalsifiable, afin de faciliter les contrôles et de limiter les fraudes – c’est d’ailleurs une de leurs demandes. La concurrence doit être saine et loyale, avec des règles claires, faciles à respecter et à contrôler.
La proposition de loi Thévenoud avait été votée par l’Assemblée nationale et le Sénat dans les mêmes termes : elle avait fait l’objet d’un accord politique. Cette proposition va plus loin, en améliorant, notamment, la question des données, comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État.
Dans cette perspective, nous la soutiendrons, en espérant que la suite de l’examen parlementaire permettra d’aboutir à un équilibre satisfaisant pour les plateformes françaises de VTC.
« En toute chose il faut considérer la fin » affirmait Jean de La Fontaine dans la fable Le Renard et le Bouc. Pour ce qui nous concerne, la fin est bien de mener une activité traditionnelle, tout en faisant face à l’innovation. Tel est bien l’objet de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, moins de deux ans après l’adoption de la loi Thévenoud, si bien menée, en octobre 2014, nous sommes aujourd’hui conviés à examiner de nouveaux textes de régulation du secteur du transport public particulier de personnes.
Le texte que vous nous présentez, monsieur le rapporteur, s’inscrit dans le prolongement du long travail de concertation conduit depuis janvier avec l’ensemble des organisations de taxis, de VTC, de chauffeurs LOTI et des plateformes. Les propositions qu’il formule ont reçu l’assentiment d’une majorité des chauffeurs de taxi et de VTC. L’Union nationale des industries du taxi – UNIT –, syndicat patronal, a ainsi salué un texte dont la philosophie est la bonne. Quant aux chauffeurs de taxi et de VTC, ils se sont majoritairement exprimés en faveur des mesures proposées.
De fait, votre texte, monsieur le rapporteur, présente des avancées indéniables. Il met tout d’abord fin au régime d’irresponsabilité des plateformes, notamment à travers l’obligation qui leur est faite de vérifier que leurs conducteurs respectent bien les règles d’accès à la profession et ne se soustraient pas à leurs obligations de qualification. En interdisant les véhicules LOTI dans les agglomérations, le texte pose également un préalable à la mise en place du tronc commun de formation et de qualification, qui est le meilleur gage pour l’avenir de la pérennité des emplois créés et la sécurité des passagers.
Une contestation est cependant orchestrée depuis plusieurs semaines par certaines plateformes, qui brandissent le chiffon rouge de menaces sur l’emploi, à grand renfort de chiffres fantaisistes sur la croissance potentielle du secteur. Or, aucune analyse sérieuse ne permet d’affirmer que l’industrie du transport de personnes représenterait un formidable gisement d’emplois.
Dans une étude commandée par la Chambre syndicale nationale des entreprises de remise et de tourisme, la Fédération française des exploitants de voiture de transport avec chauffeur et grande remise et l’Union nationale des industries du taxi, Facta group a fait une démonstration convaincante, sur le fondement de comparaisons internationales pertinentes.
Le constat est celui d’un excédent d’offre, aggravé par le fait que des milliers d’acteurs exercent encore de manière illicite, notamment en région parisienne. L’étude établit que le choc d’offre quantitatif, à Paris comme dans beaucoup d’agglomérations, s’est traduit pour l’essentiel par une substitution de parts de marché, et non par une croissance du marché. Sur la période récente, l’activité globale du secteur des taxis et des VTC apparaît en effet à peu près stable, à Paris comme à Londres et New York, mais elle est désormais partagée entre un nombre beaucoup plus important d’acteurs. Cette forte croissance de l’offre pour un volume d’activité globale inchangé se traduit immanquablement par une paupérisation des chauffeurs.
Parallèlement, le quotidien économique La Tribune a publié en juin les résultats d’une enquête réalisée par le bureau de recherche indépendant 6-T. Il en résulte que le chiffre d’affaires d’un chauffeur de taxi serait en moyenne d’environ 54 000 euros par an dans les 13 grandes métropoles, 60 000 euros à Paris et 44 000 euros ailleurs, mais avec des dépenses annuelles de 53 340 euros pour un artisan qui n’a pas fini de rembourser sa licence. Seuls les artisans propriétaires de leur licence, ceux l’ayant obtenue gratuitement ou ayant soldé leur emprunt arrivent aujourd’hui à s’en sortir, avec des dépenses annuelles de 31 740 euros.
Selon la même étude, un chauffeur partenaire d’Uber gagnerait de son côté 6 813,50 euros par an, soit à peine plus que le revenu de solidarité active – RSA – pour une personne seule, tandis qu’Uber toucherait de son côté 8 225 euros au titre des commissions de 20 % prélevées sur chaque course.
Ces quelques chiffres suffisent à tordre le coup au mythe d’un secteur à fort potentiel de croissance, où des milliers de jeunes, notamment issus de quartiers défavorisés, pourraient trouver un emploi pérenne et une source de revenus suffisants. Ce potentiel de développement est inexistant et le marché, déjà saturé à Paris, arrivera rapidement à saturation ailleurs si rien n’est entrepris pour mettre fin aux pratiques de certaines plateformes.
Les études que je viens de citer illustrent la nécessité d’une régulation accrue du secteur, afin de parer aux phénomènes de surpopulation et de paupérisation des chauffeurs, et aux problèmes de sécurité et de qualité de service qui en découlent. Cette régulation ne répond pas seulement à un objectif d’intérêt général. Elle est du devoir des pouvoirs publics.
Cette proposition de loi, si elle présente des avancées incontestables, ne résoudra cependant pas tous les problèmes du secteur. Si nous en approuvons les orientations, certaines dispositions nous semblent insuffisantes, voire difficilement acceptables.
En particulier, le texte n’aborde pas le contrôle et la sanction de la maraude illégale, qui est au coeur du conflit entre taxis et VTC. Or, si les taxis sont fortement encadrés, les VTC continuent, bien souvent, de pratiquer une concurrence déloyale, en violant délibérément les quelques rares règles qui leur sont imposées.
Sur ce point, monsieur le rapporteur, vous avez raison de souligner que l’enjeu est de garantir une meilleure application des lois existantes et que le respect de ces obligations légales relève de la responsabilité du pouvoir exécutif. Il est néanmoins possible d’améliorer l’existant sur le terrain législatif, notamment pour faciliter les contrôles des activités réelles des VTC et pour que celles-ci ne conduisent pas au développement d’une concurrence déloyale.
Nous proposerons ainsi par voie d’amendement, comme nous l’avions fait lors de l’examen de la loi Thévenoud, la mise en oeuvre d’un registre numérique des données relatives à l’identification et à la géolocalisation des VTC. Compte tenu de la saturation et des limites intrinsèques au marché du transport public particulier de personnes dans les grandes agglomérations, nous pensons également qu’il serait utile de substituer à la procédure déclarative proposée une procédure d’agrément administratif. Le régime déclaratif nous apparaît en effet beaucoup trop souple pour permettre aux pouvoirs publics de réguler efficacement le secteur, en évitant l’inflation du nombre des nouveaux entrants.
Nous sommes également très dubitatifs quant aux dérogations prévues dans la loi pour permettre aux chauffeurs sous statut LOTI d’obtenir sans examen leur licence taxi ou VTC, statut que nous proposons par ailleurs d’abroger pour ne plus laisser subsister que deux statuts. La régularisation des quelque 10 000 chauffeurs sous statut LOTI est sans doute une mesure d’apaisement, mais elle n’est guère conforme avec l’esprit dans lequel nous légiférons, celui de réguler le secteur en se fondant sur la reconnaissance et la protection des qualifications.
Dans le même esprit, nous sommes opposés à la mesure inscrite à l’article 7, qui entend faire en sorte que le principe d’exploitation exclusivement personnelle ne soit pas applicable aux licences délivrées avant le 1er octobre 2014.
Il nous paraît assez illusoire de laisser penser qu’une licence peut faire vivre un patron, en l’occurrence l’artisan, et un chauffeur, salarié ou locataire gérant. Pour les chauffeurs concernés, le risque est donc ici de laisser perdurer des conditions de travail et de rémunération très défavorables.
Nous jugeons enfin très insuffisante la proposition d’interdire toutes clauses d’exclusivité dans les contrats qui lient plateformes et chauffeurs. Monsieur le rapporteur, vous nous dites vouloir ainsi permettre aux chauffeurs de travailler avec plusieurs plateformes, mais cela ne résoudra pas les situations de quasi-exclusivité et de salariat de fait.
Dans les prochaines années, nous devrons nous pencher très sérieusement sur le statut des travailleurs des plateformes. Sur cette question beaucoup plus vaste que celle qui nous intéresse aujourd’hui, la réponse que vous apportez dans ce texte, monsieur le rapporteur, est très incomplète.
Pour finir, je saluerai néanmoins le travail que vous avez conduit depuis janvier et le texte de la proposition de loi que vous nous présentez, qui, à défaut d’abroger le statut LOTI, permet de remédier aux scandaleux contournements auxquels se sont livrées certaines plateformes depuis l’adoption de la loi Thévenoud.
Quant à notre position finale sur ce texte, elle dépendra bien évidemment du sort qui sera réservé à nos amendements.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui traite d’un sujet très sensible dans notre société depuis plus de vingt ans : la question du transport public particulier de personnes, que l’on connaît depuis toujours par ses représentants historiques, les taxis.
C’est en 1994 qu’apparaît la première crise majeure du secteur. Une clientèle en berne et un nombre pléthorique de conducteurs exacerbent la concurrence : la profession accuse un lourd déficit d’image et de grandes difficultés économiques. Charles Pasqua, alors ministre de l’intérieur, dépose un projet de loi visant à moderniser et revaloriser la profession.
Parmi les principales mesures de ce texte figurent la limitation de l’accès à la profession, avec la généralisation du certificat de capacité professionnelle et, surtout, la cessibilité des licences, qui permet à tout artisan de revendre son autorisation de stationnement cinq ans après l’avoir achetée, ou quinze ans après l’avoir obtenue gratuitement.
Cette loi atteint son but, celui de limiter l’accès à la profession, mais bien au-delà de ce qui était nécessaire. Le numerus clausus qu’elle instaure conduit à une raréfaction des taxis, dont le nombre par habitant apparaît très faible au regard de ce que l’on constate dans les grandes métropoles occidentales, à Londres, à New York ou ailleurs. De même, elle entraîne une bulle spéculative sur la revente des licences, qui peuvent atteindre 200 000 euros à Paris et 400 000 euros sur la Côte d’Azur !
Le rapport Attali de janvier 2008 consacre un changement de stratégie. Entendant résoudre cette question, il propose de libéraliser le secteur, en mettant notamment fin au numerus clausus des taxis, arguant que depuis 1981, 8 000 licences supplémentaires auraient dû voir le jour pour satisfaire la demande. Inquiet des suites que le gouvernement d’alors pourrait donner à ces préconisations, le secteur entame une mobilisation nationale, qui conduira François Fillon à y renoncer – provisoirement du moins.
Ces mesures seront en effet transposées quelques mois plus tard, dans la loi Novelli du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques. Apparaît pour la première fois la dénomination des véhicules de tourisme avec chauffeur, les VTC, qui visent à remplacer les anciennes grandes remises, c’est-à-dire les voitures avec chauffeurs pour des trajets longs ou coûteux.
La loi encadre cette nouvelle profession, en précisant la réglementation les concernant. Ainsi, contrairement aux taxis, les VTC n’ont pas le droit de prendre des clients dans la rue – ce que l’on appelle la maraude –, mais doivent avoir fait l’objet d’une réservation préalable. Par ailleurs, ils n’ont pas les mêmes droits que les taxis en termes d’utilisation de la voirie et ne peuvent emprunter les voies de bus.
Pour les taxis déjà durement touchés par la crise économique de 2007, ces quelques contraintes pèsent toutefois peu au vu des avantages dont disposent les VTC, comme l’exonération des très coûteuses licences ou la souplesse tarifaire. Cette déréglementation déstabilise brutalement le secteur car, contrairement au début des années 1990, deux données ont complètement changé : d’une part, le besoin de véhicules de transport public de personnes est très fort, avec une évolution importante de la mobilité des personnes ; d’autre part, le développement très rapide de l’économie digitale et collaborative permet l’intermédiation entre les conducteurs et les consommateurs et fait émerger des acteurs économiques très innovants et réactifs.
On le voit notamment au travers du covoiturage qui exerce une concurrence très forte sur les transports publics, notamment la SNCF, ainsi que, bien sûr, avec les VTC, qui ont facilité l’arrivée de nouvelles voitures dans le secteur du transport public particulier de personnes – T3P – et de nouveaux usages de la mobilité urbaine.
Cette évolution, les taxis peuvent la regretter, la contester.
Il est vrai que l’on a pu constater depuis quelques années une double pression sur les conducteurs : une pression sur les salaires, du fait de la forte croissance de l’offre, qui fragilise les conditions de travail et conduit les conducteurs de taxis comme de VTC à multiplier les heures souvent au-delà du raisonnable, et parfois au détriment des exigences de sécurité ; une pression sur les titulaires récents de licences à titre onéreux, qui voient la valeur de leur fonds de commerce se dégrader rapidement, ce qui menace à terme leur activité, leur niveau de vie et celui de leur famille.
Toutefois, cette évolution n’a pas eu que des conséquences négatives : elle bénéficie aux clients, qui disposent désormais d’un choix beaucoup plus large et peuvent se décider en fonction de la qualité, de la disponibilité et du prix. Elle a aussi permis d’ouvrir le transport urbain à de nouveaux usagers, de satisfaire le besoin croissant de mobilité, et aussi de créer des emplois nouveaux et non délocalisables qui profitent en partie à des jeunes issus des quartiers sensibles. Elle a enfin engagé une évolution positive des taxis, qui ont modernisé leurs conditions d’accueil et de prise en charge, ce qui leur était depuis longtemps demandé.
Cette évolution se doit donc d’être encadrée, non par une remise en cause des VTC, mais par une régulation efficace afin que les taxis puissent continuer à exercer leur activité et que les artisans comme les salariés soient rémunérés convenablement. Tel est le sens du texte qui nous est présenté aujourd’hui et qui constitue la seconde étape de l’action législative que nous menons depuis 2012.
En effet, à la suite de la crise survenue au début de l’année 2014 entre les taxis et les VTC, une première proposition de loi avait été déposée par notre collègue Thomas Thévenoud afin de redéfinir les règles en vigueur dans le secteur du transport routier léger de personnes : cela a abouti à la loi du 1eroctobre 2014. Ce texte, rappelons-le, apportait un premier ensemble de règles claires et stables à un secteur économique en profonde transformation. Il ouvrait une perspective de modernisation des taxis, avec le développement de la « maraude électronique ». Il mettait fin au statut de locataire simple, très pénalisant pour les chauffeurs, et généralisait le droit commun, à savoir le statut de locataire-gérant. Il rendait les licences incessibles et gratuites pour mettre fin à un système de transactions devenu choquant. Il contraignait les VTC à un retour systématique à la base entre chaque course afin que les taxis conservent le monopole de la maraude physique. Il créait un statut d’intermédiaire pour les centrales de réservation, en précisant leurs responsabilités.
Ces avancées, réelles et reconnues, ont permis de corriger les dérives de la loi Novelli de 2009. Néanmoins, elles n’ont pas apporté toutes les réponses attendues et des contournements à la loi ont été observés à de trop nombreuses reprises. Un nouveau conflit social a vu le jour au début de l’année 2016, mené par l’ensemble des conducteurs : ceux des taxis, ceux des VTC, ceux des « LOTI ».
C’est notre collègue Laurent Grandguillaume qui s’est vu confier par le Gouvernement la mission délicate de trouver une issue à cette situation de crise.
Je tiens à saluer son travail remarquable et son investissement personnel depuis six mois sur ce dossier.
Il a, dans un premier temps, formulé des propositions qui ont été reprises en avril par le Gouvernement dans la feuille de route pour l’avenir du secteur, ce qui permet d’aboutir aujourd’hui à un texte de loi équilibré, soutenu par la majorité des organisations de taxis et de VTC.
La présente proposition de loi apporte cinq améliorations majeures au système.
D’abord, elle vient améliorer le régime déclaratif pour les plateformes, qui seront considérées comme des centrales de réservation organisant des déplacements ; elles seront contraintes de vérifier que les personnes mises en relation respectent bien les règles d’accès à la profession de VTC. Cela permettra d’harmoniser les règles en vigueur et que chacun travaille dans le cadre d’une concurrence plus loyale.
Ensuite, la proposition de loi complète le dispositif de l’Observatoire national du transport public particulier de personnes et des commissions locales, dont le secrétaire d’État a parlé tout à l’heure et qui sera créé par décret dans les semaines à venir, en vue d’améliorer la connaissance de ce domaine d’activité, aujourd’hui très lacunaire. Le texte imposera aux professionnels, notamment aux centrales de réservation, de transmettre des données sur leur activité et à l’administration de publier régulièrement des informations sur l’économie générale du secteur. Il ne s’agit en aucun cas de dévoiler des données sur les passagers ; l’objectif est de fournir à l’État des métadonnées sur le secteur, telles que le nombre de réservations, le nombre de conducteurs affiliés, le nombre de courses réalisées ou le temps d’attente moyen. Cela permettra d’avoir une connaissance plus fine du marché, et éventuellement d’adapter les politiques publiques de mobilité pour rendre l’offre de déplacement toujours plus attractive pour les usagers.
La proposition de loi interdit en outre aux centrales de réservation d’imposer des clauses d’exclusivité ou des obligations de chiffre d’affaires aux entreprises de transport, afin de ne pas créer des oligopoles dommageables non seulement aux conducteurs en termes de revenu, mais aussi aux consommateurs en termes de tarif. Le texte vise ainsi à favoriser la mise en concurrence des centrales pour les conducteurs, dont l’indépendance sera renforcée en matière de choix d’intermédiaires, de courses et d’affichage pour le véhicule.
La proposition de loi limite le champ d’intervention des véhicules capacitaires LOTI, qui ont contribué ces derniers mois à la déstabilisation du secteur en milieu urbain. Ces véhicules, destinés initialement à transporter des groupes d’au moins deux personnes, sont en effet aujourd’hui largement utilisés par les centrales pour réaliser des trajets relevant du transport individuel. Pour répondre à ce contournement de la loi, le texte limite strictement le champ d’intervention des LOTI en milieu urbain, leur interdisant la réalisation de services occasionnels avec des véhicules de moins de dix places dans les périmètres des autorités organisatrices de mobilité couverts par un plan de déplacement urbain, c’est-à-dire dans les soixante et une agglomérations françaises de plus de 100 000 habitants.
Enfin, la proposition de loi confie aux chambres de métiers et de l’artisanat – CMA – la mission d’organiser les examens qui seront désormais communs aux taxis et aux VTC. Les CMA, en tant qu’établissements publics, ont depuis de très nombreuses années fait la preuve de leur compétence en la matière et de leurs grandes capacités logistiques. De surcroît, elles sont réparties équitablement sur tout le territoire français. La combinaison de ces qualités permettra de rendre ces examens effectifs dans les plus brefs délais, dans des conditions de réalisation sérieuses, fiables, éprouvées, ce qu’attendent aujourd’hui légitimement les acteurs du secteur.
Des interrogations peuvent toutefois subsister concernant les modalités de mise en oeuvre du dispositif, qui seront définies par voie réglementaire. L’éventuelle cession des licences à titre onéreux via la création d’un fonds de garantie en fait partie : cela n’est pas traité dans le texte de loi. Le secrétaire d’État a fait en la matière des propositions qui ont reçu un avis très réservé de la part des organisations représentatives des taxis. Pourtant, chacun aura fait l’expérience en discutant avec les chauffeurs de taxi, notamment ceux qui ont acheté récemment leur licence, qu’ils attendent des solutions, parmi lesquelles cette proposition.
Au final, il convient de souligner les quatre objectifs prioritaires qui guident cette loi.
Un objectif d’ordre public, d’abord. Il importe en effet d’apaiser un secteur inquiet pour son avenir et d’éviter la résurgence de nouvelles mobilisations d’envergure qui paralysent les grandes villes, les aéroports et constituent une gêne grave pour les usagers.
Une forte préoccupation sociale, ensuite. Il s’agit de faire en sorte que la modernisation du secteur n’ait pas pour corollaire la précarisation des chauffeurs, donc de leurs familles.
Troisièmement, la conviction que les taxis ont un avenir. Notre rapporteur le rappelle avec insistance : il faut faire en sorte que cet avenir soit assuré et que les taxis puissent répondre à leur mission première, à savoir la prise en charge des usagers sans réservation dans les gares, les aéroports, sur la voie publique. Comme l’a très bien noté le rapporteur, il y a un avenir pour les taxis ; la meilleure preuve en est que dans toutes les grandes capitales européennes ou nord-américaines, leur statut et leur activité ont été maintenus dans des conditions satisfaisantes.
Enfin, il s’agit de répondre aux besoins nouveaux des usagers, ce que font aussi les VTC, en élargissant la clientèle du transport public particulier de personnes et en ouvrant des perspectives d’emplois non délocalisables à de nombreux salariés, notamment à beaucoup de jeunes.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, écologiste et républicain soutiendra avec conviction et détermination la proposition de loi que nous a brillamment présentée Laurent Grandguillaume.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, « c’est toujours quand les empires s’effondrent que les lois s’y multiplient », disait le romancier Philippe Muray. Avec deux lois en moins de deux ans pour un même secteur, on reconnaît en tout cas la marque d’un gouvernement qui patine.
Oui, cette proposition de loi est la deuxième en moins de deux ans pour tenter d’apaiser les tensions entre les VTC et les taxis qui éclatent régulièrement dans notre pays. En avril 2014, mis devant le fait accompli, le Gouvernement s’était décidé à agir sur cette question il est vrai épineuse. Alors que le problème était latent et géré à coups de petites modifications réglementaires décidées sans concertation, un rapport avait été commandé, rapport qui avait débouché sur une proposition de loi, le tout en l’espace de quelques semaines. De ces délais très courts a forcément résulté une solution partielle du problème – c’est d’ailleurs la position que j’avais exprimée à l’époque en tant qu’orateur du groupe de l’UMP.
Force est de constater que la fameuse loi « Thévenoud » n’a pas réussi, comme nous l’avions prédit, à organiser un cadre concurrentiel équilibré pour le secteur. Que reste-t-il, par exemple, du registre numérique des taxis, qui est géré aux frais de l’État, mais auquel les taxis ne sont pas pour autant obligés de s’inscrire ? Sauf erreur de ma part, le rapport du Gouvernement, qui, selon l’article 3 de la loi Thévenoud, aurait dû être remis le 1er octobre 2015, n’existe toujours pas. L’interdiction de la tarification horokilométrique a été censurée par le Conseil constitutionnel. L’interdiction de la géolocalisation et le retour au dépôt n’ont pas été censurés, mais restent toujours autant contestés. Les bonnes idées, comme la couleur unique pour tous les taxis, à l’instar de ce qui se fait partout ailleurs dans le monde, ont visiblement été oubliées.
Il aurait été utile de commencer par appliquer la loi existante ! Au lieu de cela, le Gouvernement a reproduit exactement le même schéma : grève des taxis, nomination d’un médiateur, remise d’un rapport et nouvelle proposition de loi, que nous examinons aujourd’hui. Certains, en particulier les plateformes, déplorent de ne pas avoir été associés à la concertation.
Cela m’amène à parler d’un vrai problème de méthode. Pourquoi la procédure accélérée a-t-elle été engagée sur cette proposition de loi ? Nous n’aurons sans doute pas, une fois encore, le temps nécessaire pour étudier un texte qui va pourtant bouleverser tout un secteur. Monsieur le secrétaire d’État, je serais curieux d’en connaître les raisons – même si j’ai ma petite idée ! Cette proposition de loi a été déposée le 21 juin dernier et débattue en commission dès le 5 juillet : même en passant sur le fait que la commission des affaires économiques, dont je fais partie, aurait pu être saisie pour avis, ces délais sont tout simplement inacceptables. Et si le Gouvernement nous a habitués à des fins de sessions parlementaires dans la précipitation, avouez que ce texte aurait pu être étudié bien plus sereinement en septembre ! C’est d’autant plus vrai que tous les Français et les médias n’ont d’yeux cette semaine que pour la prorogation – ou pas – de l’état d’urgence, dont nous débattrons ici même ce soir.
Autre problème de méthode, que j’avais déjà déploré lors de l’examen de la proposition de loi Thévenoud : il n’y a pas de vision globale de la part du Gouvernement. Il existe bien une feuille de route parue à la suite de la réunion du 4 avril, mais son articulation avec la proposition de loi est un mystère pour nous : le présent texte arrive soit trop tôt, soit trop tard.
L’une des mesures phares de cette feuille de route, le rachat des anciennes licences de taxi, est absente et renvoyée à la loi de finances. Le dispositif présenté il y a quinze jours par le Gouvernement aux représentants de la profession a été rejeté – à juste titre d’ailleurs, car les modalités de financement du fonds de garantie sont douteuses. Ce fonds serait de 100 millions par an jusqu’à épuisement, ce qui veut dire que ceux qui n’y ont pas eu accès devraient patienter jusqu’à l’année suivante. Il serait financé par une taxe forfaitaire sur les réservations ou par une taxe sur le chiffre d’affaires qui toucherait tout le secteur. Un nouveau problème, une nouvelle taxe : voilà qui nous manquait !
Enfin, s’agissant toujours de la méthode, nous ne voyons pas de diagnostic profond de l’état du marché, ni d’analyse des problèmes au sens large. Une étude d’impact aurait sans doute permis de poser un diagnostic et de légiférer autrement que dans le court terme et l’urgence. Elle nous aurait également permis d’évaluer les effets de la proposition de loi sur l’emploi, sachant que les VTC ont créé des milliers emplois : négliger cet aspect alors que nous comptons plus de 3,5 millions de chômeurs ne serait pas raisonnable. Une étude d’impact nous aurait aussi permis de connaître les apports du texte pour les consommateurs – c’est important, aussi, les consommateurs ! Dans cette affaire, la priorité devrait être la satisfaction du client, s’agissant de la disponibilité des véhicules et du rapport qualitéprix, qui doit être correct, le tout dans le respect de la concurrence.
À défaut de vision globale clairement affichée, il semble que cette proposition de loi tende vers une harmonisation progressive des professions de chauffeur de taxis et de chauffeur de VTC. Ce choix a le mérite d’exister, mais il est très étonnant dans la mesure où ce postulat a été largement validé ces dernières années : les deux professions sont différentes, car les taxis ont le monopole de la maraude.
Preuve de cette philosophie : le texte interdit aux LOTI d’effectuer des services occasionnels de transport de personnes avec des véhicules de moins de dix places dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants !
Je rappelle qu’à l’heure actuelle au moins trois régimes juridiques différents s’appliquent au secteur des transports de personnes : les taxis, qui relèvent du ministère de l’intérieur ; les VTC, qui relèvent de celui chargé du tourisme ; enfin, les LOTI, entreprises de transport public routier relevant du droit communautaire et du ministère des transports.
Cette proposition revient, sans le dire, à préparer l’extinction d’une certaine profession. Afin de ne pas pénaliser l’emploi des salariés, il faut donc que la transition vers le statut de VTC soit rendue facile. L’interdiction, par les centrales, d’appliquer la clause d’exclusivité aux chauffeurs de taxi et la possibilité, pour ces derniers, d’exercer une activité directe avec les clients, sans intermédiaire, va dans le bon sens car elle protège la liberté d’entreprendre à laquelle nous sommes profondément attachés.
De même, l’exigence de sécurité du passager et la vérification de la qualité, de l’intégrité et de la compétence des chauffeurs doivent être respectées, à condition que de telles obligations ne pèsent pas trop lourdement sur des plateformes qui n’ont qu’un rôle d’intermédiaire.
Une approche réaliste vis-à-vis des plateformes a été retenue en commission mixte paritaire sur la loi pour une République numérique, mais je crains qu’il n’en soit pas vraiment de même ici. En réalité, les quelques avancées sont malheureusement contrebalancées par la création de nouvelles barrières.
Là où la loi Thévenoud avait imposé des barrières artificielles, cette proposition de loi en instaure de façon détournée par l’augmentation des charges et des contraintes et par des clauses excessives : j’y reviendrai avec l’examen de l’article 2. À première vue, les dispositions semblent techniques ; en réalité, elles accumulent les lourdeurs pour les entreprises – car il s’agit bien d’entreprises – et donnent la curieuse impression que l’on entend administrer économiquement tout un secteur.
Or la solution, mes chers collègues, est ailleurs. Face à un fonds de commerce, la licence, qui a perdu de sa valeur – les nouvelles licences ne pouvant plus être revendues –, force est de constater que la profession de taxi a tardé à s’adapter, malgré la bonne volonté de certains. Il faut dire que, jusqu’à présent, l’État n’a pas spécialement rendu service aux exploitants en maintenant des barrières et des contraintes pour les protéger. Ces barrières sont en effet en train de céder car elles étaient artificielles et peu pertinentes dans un pays où la liberté de commerce est heureusement un principe non négociable depuis plusieurs siècles.
Du coup, la majorité croit bien faire en déposant des poids de l’autre côté de la balance. L’article 6 de la proposition de loi, qui confiait la mise en place d’une formation et d’un examen communs à l’ensemble du secteur, a été jugé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution car il représente une charge supplémentaire pour l’État. Mais le Gouvernement veut réintroduire cette disposition par voie d’amendement.
Même si l’harmonisation des conditions d’exercice de ce métier par la mise en place de modules communs est nécessaire pour certains aspects, comme la sécurité, le fait de confier la tenue des examens aux chambres des métiers suscite quand même quelques doutes. Cette disposition induit en effet un changement radical de la pratique actuelle, en vigueur depuis moins de six mois seulement.
Par ailleurs, la fréquence actuelle des examens – deux par an environ – ne paraît pas suffisante au regard du flux des demandes d’entrée dans le marché. S’agirait-il d’instaurer, sans le dire, une restriction de l’accès à la profession de VTC ? Une telle barrière à l’entrée serait inacceptable. Les numerus clausus, quels qu’ils soient, sont à proscrire.
En résumé, cette proposition de loi n’apporte qu’une réponse partielle au défi posé, alors qu’il aurait fallu concilier la lutte contre la concurrence déloyale dans le secteur et la modernisation de la profession de taxi, le tout au bénéfice du consommateur et de l’innovation.
Certaines mesures apparaissent pertinentes au départ, mais elles sont contrebalancées par un surcroît de bureaucratie. Le groupe Les Républicains ne votera donc pas le texte : il s’abstiendra ; à titre personnel, en fonction de l’évolution du texte au cours de nos débats, je me réserve le droit de voter contre.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, je vous remercie de me permettre de m’exprimer, sur ce texte relatif à la mobilité, depuis les bancs de notre hémicycle, compte tenu de mon immobilité partielle.
Sourires.
Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, cette proposition de loi illustre une forme d’indigence de l’action publique. Comment comprendre, en effet, que nous soyons amenés à légiférer de nouveau sur la question essentielle de la régulation du secteur du transport public particulier de personnes, alors même que la loi du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur nous avait été présentée comme un point d’équilibre ambitieux et le cadre d’une concurrence loyale entre les uns et les autres ?
Comment comprendre que, sur des problématiques aussi fondamentales que l’émergence d’une nouvelle économie, qui s’impose à nous et qui est d’ailleurs corrélative à une baisse du salariat, vous fassiez le choix d’additionner des mesures de circonstance, imparfaites, bancales, alors qu’une réforme profonde est nécessaire ?
La raison est simple : la loi du 1er octobre 2014 est passée à côté de l’essentiel ; et je crains fort que, malgré l’engagement de Laurent Grandguillaume, que je salue, la proposition de loi dont nous débattons ne contienne la même faiblesse.
Je veux souligner, en premier lieu, que la décision d’engager une concertation sous la conduite de notre rapporteur n’a pas été prise dans la sérénité, mais suite aux violences et aux dégradations que nous avons pu observer, lors des manifestations, entre les chauffeurs de taxi et ceux qui, à leurs yeux, leur font une concurrence déloyale, à savoir les chauffeurs de VTC. Ces manifestations ont d’ailleurs montré que les mesures décidées par le Gouvernement en 2014 n’ont pas été comprises, voire qu’elles ont été rejetées par les acteurs du secteur.
Or l’adhésion de ces derniers constituait, je le crois, un préalable indispensable à la sortie de crise.
À cette absence de méthode s’ajoute, à nos yeux, un manque d’ambition puisque la proposition de loi ne contient rien d’autre que de nouveaux ajustements, lesquels, monsieur le rapporteur, demeureront insuffisants, j’en suis tristement convaincu. C’est en effet une révolution complète de la mobilité qui est devant nous.
Le texte prévoit d’améliorer le régime déclaratif et d’obliger les plateformes considérées comme centrales de réservation organisant des déplacements à vérifier que les personnes mises en relation respectent bien les règles d’accès à la profession de VTC ; il tend aussi à instaurer un dispositif de transmission d’informations, afin d’assurer la fiabilité des données – objectif que l’on peut comprendre –, ou à interdire les clauses d’exclusivité en permettant aux chauffeurs de travailler avec plusieurs plateformes. Nous sommes, une fois de plus, à mille lieues de mesures d’envergure qui apporteraient une réponse à la hauteur des enjeux.
Notre groupe souhaite aussi émettre des réserves importantes sur des problèmes auxquels les travaux en commission n’ont pas permis d’apporter des solutions satisfaisantes. En premier lieu, nous nous inquiétons de la réforme du statut LOTI dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants : d’où vient ce seuil ? Pourquoi ne pas le fixer, par exemple, à 200 000, 400 000 ou 500 000 habitants ?
Qui a décidé d’un tel calibrage, à l’heure où la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe », réorganise complètement les agglomérations ? Tout cela générera évidemment de l’instabilité. Cette mesure ressemble à une tentative, que je qualifierai presque de pernicieuse, de mettre à mal les VTC dans les grandes villes.
En second lieu, nous sommes préoccupés par la création d’un examen commun aux VTC et aux taxis sous l’égide des chambres des métiers et de l’artisanat. Un autre système nous semble préférable : nous vous ferons, sur ce point, des propositions à travers nos amendements. Quoi qu’il en soit, une telle disposition risque d’entraver une certaine dynamique économique dont notre pays ne peut certainement pas se priver. Aussi notre groupe s’y opposera-t-il, car l’absence de cette dynamique aura pour corollaire la baisse des emplois liés au secteur. Nous proposerons donc – puisque nous entendons rester une force de propositions – que les modalités singulières d’accès à cette profession soient préservées à travers, d’une part, leur définition par décret en Conseil d’État après avis de l’Autorité de la concurrence – mesure avec laquelle chacun pourrait être d’accord –, de l’autre, la réussite à un examen proportionné.
Nous défendrons également un amendement visant à supprimer l’obligation, pour les conducteurs de VTC, de retourner, dès la prestation effectuée, au lieu d’établissement de l’exploitant du véhicule ou dans un lieu où le stationnement est autorisé. Franchement, une telle obligation n’est guère réaliste : le président de la commission du développement durable, qui a beaucoup milité pour la COP21 et pour la limitation des gaz à effet de serre, comprendra aisément que les kilomètres supplémentaires ainsi parcourus ne vont pas dans le sens de l’efficacité énergétique.
Nous soutiendrons en revanche la mise en concurrence des centrales de réservation. Cette disposition est selon nous indispensable pour enrayer la tendance oligopolistique des centrales, phénomène dont on sait où il conduit dans la grande distribution, l’agriculture et l’agroalimentaire, où, il y a peu de temps, on souhaitait décartelliser les centrales. Bref, nous souhaitons qu’il soit mis fin à des situations de précarité pour les taxis comme pour les VTC, cette précarité que dénonçait à juste titre Bertrand Pancher.
Enfin, je veux souligner que la proposition de loi n’apporte toujours aucune réponse à la question cruciale du fonds d’indemnisation des licences – dont la valeur a diminué par rapport au prix d’acquisition –, lequel devait être instauré avant le 1er octobre 2014, il y a presque deux ans. Je vois M. le secrétaire d’État dire « non » de la tête : il nous répondra tout à l’heure.
Je souhaite que le Gouvernement profite de ce débat pour nous présenter les contours de cette indemnisation – dont le montant sera fixé en loi de finances – ainsi que le mode de financement envisagé. Ce point doit faire l’objet d’un accord avec l’ensemble des acteurs du secteur.
Pour ma part, je suis tout à fait opposé à création d’une taxe forfaitaire assise sur chaque réservation : arrêtons les taxes ! Une taxe s’empile sur une autre, elle est un impôt et une entrave à la compétitivité. Je ne vous prête pas l’intention d’en créer une ; je dis seulement que, si l’idée vous en venait, nous nous y opposerions naturellement. Nous savons en effet qu’une taxe, in fine, pénalisera le consommateur, sur lequel elle sera répercutée.
Il appartient donc à l’État d’assumer ses responsabilités en définissant, dès lors que vous entendez indemniser, un mode d’indemnisation gagé par une réduction des dépenses publiques, puisqu’il est hors de question de les augmenter – comme vous le voyez, notre discours reste le même au fil des semaines.
Face à une telle révolution économique, la proposition de loi ne fait qu’effleurer les véritables enjeux ; elle oppose la profession des taxis, qu’elle maintient dans une forme d’apathie, à celle des VTC, à l’égard de laquelle elle révèle une méfiance. Notre groupe considère au contraire que ces deux professions peuvent cohabiter et qu’elles sont confrontées aux mêmes maux, la paupérisation et le dumping social, auxquels le texte n’apporte aucun remède. Il n’apporte d’ailleurs pas davantage de réponse sur les plateformes numériques qui ne paient aucun impôt en France – la remarque est valable pour les centrales de réservation, mais aussi pour quantité d’autres biens de consommation.
Le texte traduit également votre peur de l’avenir : il bride le secteur des VTC, que vous jugez trop souple, trop agile, trop concurrentiel peut-être. Il faut au contraire encourager les taxis à se moderniser et à simplifier leurs statuts à des fins de compétitivité.
Votre proposition de loi ne protège qu’insuffisamment ces nouveaux salariés, qui aspirent à plus d’indépendance et à plus de liberté : à nos yeux, leurs motivations sont insuffisamment comprises.
Enfin, il convient de mettre les usagers au coeur de la dynamique économique : le numérique, les plateformes de réservation, les VTC, l’émergence de la nouvelle économie ne doivent pas se voir opposer des freins mais être soumis à une concurrence saine et loyale ; car cette révolution économique, mes chers collègues, est irréversible.
C’est avec les usagers et les acteurs de la profession, et pour eux, que nous devons légiférer : ils ont en effet des attentes, et leurs comportements seront déterminés par le texte que nous voterons.
La lutte contre la précarisation, la lutte contre le dumping social, la modernisation des taxis et le statut des salariés de la nouvelle économie sont autant d’enjeux à côté desquels cette proposition de loi passe. Nous nous abstiendrons donc, tout en restant attentifs à la suite qui sera donnée à nos amendements.
Je veux cependant saluer, une fois encore, la patience, le travail et la détermination du rapporteur, qui s’est beaucoup impliqué sur ce texte.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur – cher Laurent Grandguillaume –, mes chers collègues, la proposition de loi consacrée au transport public particulier de personnes que nous examinons aujourd’hui à l’initiative de notre collègue Laurent Grandguillaume, dont je salue ici la qualité du travail, pourrait nourrir de longs développements philosophiques sur le sens de la réforme et du réformisme dans le monde qui est le nôtre.
D’ailleurs, les incessants soubresauts qu’ont connus depuis plus de dix ans le secteur des taxis et, plus généralement, celui du transport public de particuliers ont déjà laissé à la postérité un néologisme, l’« ubérisation », qui est très vite devenu la marque d’une époque bousculée sans ménagements par la formidable créativité de ce que l’on appelle la révolution numérique. Si l’ubérisation désigne très précisément l’émergence planétaire extraordinairement rapide d’une application numérique qui a bouleversé le transport de particuliers, en même temps qu’elle a menacé de disparition le modèle économique traditionnel des taxis en déréglant du jour au lendemain, l’accès à la profession de chauffeur, elle renvoie aussi à un déclassement extraordinairement rapide et difficilement contrôlable de règles du jeu et de modes opératoires familiers et établis de longue date. L’ubérisation désigne désormais par extension, bien au-delà du secteur du transport, le déferlement des technologies numériques dans tous les registres et tous les secteurs non seulement de l’économie, mais aussi de la vie sociale, voire, nous en savons nous-mêmes quelque chose avec les réseaux sociaux, de la vie politique.
Mais c’est probablement le secteur des taxis, bousculé à une
vitesse fulgurante par le déploiement mondial des applications « Uber », d’abord avec UberX – véhicules de transport avec chauffeurs –, puis de façon beaucoup plus contestable avec UberPop, sorte de vrai-faux covoiturage urbain à usage de taxi low-cost, qui restera la référence la plus édifiante du choc des technologies numériques dans nos économies du XXe siècle. Cet exemple nous enseigne, même si on le savait déjà depuis Gutenberg et même si Joseph Schumpeter, l’économiste autrichien, en a fourni la théorisation la plus complète et la plus prémonitoire, que l’on ne résiste pas au déploiement d’un progrès technologique majeur, et qu’il convient donc de s’y adapter et de s’efforcer d’en prévenir ou d’en compenser les conséquences sociales, et, si possible, d’en tirer le meilleur parti pour le bien-être collectif.
Le secteur des taxis peut ainsi nous inspirer une réflexion et un discours de la réforme. Face à une société en mouvements, exposée à des progrès techniques majeurs comme le déploiement mondial des technologies numériques, trois réactions sont possibles.
D’abord le conservatisme, qui consiste à refuser toute évolution au nom d’illusoires acquis d’une époque révolue. C’est précisément l’attitude adoptée par les taxis parisiens, depuis le début des années 2000.
Ensuite le laisser faire, qui tend à détruire le monde ancien et ses règles et à le remplacer par un monde faussement édénique, où la loi du plus fort se nourrit de l’exploitation du plus faible.
Enfin la réforme, qui vise à trouver, à négocier une nouvelle régulation adaptée à la nouvelle économie qui s’invite irrésistiblement dans notre quotidien et dans celui de notre société.
Le conservatisme est un confort illusoire, qui s’abuse des protections que lui offre le passé et se fait toujours déborder par l’imagination et la créativité du nouveau monde, surtout quand celles-ci s’appuient sur des technologies que le grand public s’est appropriées. Il a donc fallu bien des crises, des soubresauts, des grèves, parfois même des colères et des violences, pour que l’acceptation de la réforme devienne une évidence, mais une évidence trop tardive, trop tâtonnante en ce qui concerne le sujet qui nous intéresse ici, pour abandonner derrière elle quelques laissés-pour-compte.
Le texte fondateur du nouveau paysage des transports publics particuliers de personnes est bien évidemment la loi Thévenoud du 1er octobre 2014, du nom de notre collègue qui l’a élaborée après une très large et très longue concertation, avant que ne je la rapporte devant vous par défaut.
Sourires et murmures sur les bancs du groupe Les Républicains.
Pour ce faire, non seulement il a contraint les taxis à des modernisations évidentes, comme l’obligation d’accepter la carte bancaire dans le pays qui l’a inventée, la mise en place d’un forfait aéroport, l’utilisation de plateformes numériques grâce à l’open data, mais il a surtout visé à distinguer les VTC des taxis, notamment en confiant le monopole de la maraude à ces derniers, en définissant la maraude électronique et en leur laissant l’usage exclusif des droits de stationnement. À l’inverse, les VTC se voyaient contraints notamment à des obligations de formation des chauffeurs ainsi qu’aux impératifs de réservation préalable et de retour à la base.
Ces dispositions nouvelles, adaptatives, ont à la fois produit des effets remarquables et rencontré des difficultés de mise en oeuvre. On mettra au compte des effets remarquables, tout de même, la très rapide évolution des taxis, notamment des taxis parisiens, dont le comportement, la tenue, la qualité de service, le respect du client, mais aussi la présence en ville, ont été très significativement améliorés sous l’aiguillon de la concurrence.
À l’inverse, les difficultés de mise en oeuvre se sont très vite révélées dans le contrôle du monopole de la maraude et du principe de retour à la base des VTC. Surtout, est apparu sur le marché en même temps qu’UberPop était laborieusement interdit, un nouveau type de chauffeur low-cost, revêtu de la tenue de camouflage de la loi LOTI, c’est-à-dire n’ayant pas la moindre formation et ne présentant d’autre garantie que son permis de conduire alors qu’il transporte en réalité une seule personne, donc qu’il fait un travail de taxi.
C’est dans ces turbulences et ces tensions persistantes que Laurent Grandguillaume a été chargé par le Premier ministre d’une mission de médiation, dont les effets apaisants se font sentir dès aujourd’hui mais supposent les ajustements législatifs qu’il nous propose.
J’en citerai ici les mesures essentielles.
L’article premier vise à réguler la profession, jusque-là insaisissable, de « centrale de réservation » ou encore d’« application numérique », en la soumettant aux droits et obligations des organisateurs de services de transport tels que codifiés dans le code des transports, et en généralisant les obligations déclaratives des VTC aux autres véhicules légers de transports de particuliers : motos-taxis, « LOTI », covoiturage.
L’article 2 crée enfin un observatoire très complet de l’ensemble du transport particulier de personnes, alors que l’introduction des applications numériques et la diversification de l’offre ont apporté ces dernières années plus de confusion que de transparence.
L’article 4 vise à restreindre l’usage et prévenir les détournements du statut de chauffeur LOTI, notamment en soumettant les organisateurs de transport LOTI – capacitaires – à l’obligation de s’enregistrer comme VTC dans les périmètres des autorités organisatrices de mobilité couvertes par un plan de déplacements urbains, donc dans des agglomérations de plus de 100 000 habitants, c’est-à-dire d’une taille substantielle.
L’article 5 répond, ou plutôt voulait répondre, à la revendication formulée notamment par les taxis, en instaurant un tronc commun de formation entre taxis, VTC et motos-taxis. La disposition sera de nouveau soumise à notre délibération via un amendement du Gouvernement. Je pense pour ma part que cet amendement est nécessaire. Comme il fait consensus, je ne vois pas pourquoi nous nous en priverions.
L’article 6 confie aux chambres des métiers et de l’artisanat l’organisation des examens de chauffeurs de taxi et de VTC, ce qui ne représente pas une bien grande rupture. Comme M. Tardy l’indiquait lui-même, il n’y a que six mois que l’on procède autrement : ce n’est donc pas révolutionnaire mais, du fait du caractère très décentralisé des chambres des métiers, cela peut permettre une bonne régulation tout en étant un bon moyen de faire passer les examens.
Je voudrais insister pour finir sur deux dispositions, à commencer par celle de l’article 3, qui affranchit les chauffeurs de taxi, de VTC, de LOTI et de motos-pros de toute exclusivité à l’égard de telle ou telle centrale de réservation. J’en comprends bien le sens économique, c’est-à-dire d’assainissement des conditions de concurrence, mais aussi social, en ce qu’elle tend à libérer les chauffeurs de la tutelle souvent écrasante ou insidieuse des centrales de réservation ; mais je me permets de souhaiter que l’on en fasse une évaluation rigoureuse après quelques mois de fonctionnement. En laissant le chauffeur décider seul de sa course, on s’expose au risque que certaines courses soient particulièrement honorées et que d’autres soient délaissées. On a déjà connu ce phénomène malheureux à une époque, pas si lointaine, où les chauffeurs investissaient massivement les aéroports au détriment des stations et de la maraude en centre-ville. Par ailleurs, une centrale de rattachement peut reposer sur une culture et des exigences d’entreprise en matière de comportement, de tenue, de qualité de service, de rapport au client, qui ne sauraient être laissées sans risque à l’appréciation et à la liberté de chaque chauffeur. Je pense donc qu’il s’agit d’une mesure intéressante, mais qu’il faudra évaluer.
Enfin, le secrétaire d’État chargé des transports, Alain Vidalies, a lancé un appel à concertation et à propositions pour l’éventuelle mise en place d’un mécanisme financier de défaisance des licences à titre onéreux. J’estime personnellement que ce type de libéralité, qui constitue un droit d’usage de la voirie consenti par la puissance publique à des fins professionnelles, n’aurait jamais dû faire l’objet d’un marché. La loi « Thévenoud » a d’ailleurs introduit les licences gratuites et incessibles, qui reviendront à la puissance publique pour réaffectation au lieu de faire l’objet d’une vente à titre onéreux sur un marché informel. Là encore, il me semble que l’immobilisme et le conservatisme, dès lors que les nouvelles licences sont gratuites et incessibles, seraient préjudiciables aux chauffeurs de taxi, et que ceux-ci doivent prendre conscience qu’ils seraient les premières victimes d’un trop long attentisme.
Je formule donc le souhait que les efforts déployés par le secrétaire d’État pour que la profession s’engage dans un règlement raisonnable de cette affaire, évaluée à quelque 4 milliards d’euros, puissent se concrétiser rapidement. De la sorte, une grande réforme, en plusieurs épisodes certes, dont celui que nous propose Laurent Grandguillaume n’est pas le moindre, aura, au cours de cette législature, accompagné une grande révolution technologique du transport public particulier de personnes.
Ce secteur est cependant à ce point complexe et désormais pluriel que je me demande si l’on ne devrait pas envisager un jour, outre le renforcement des effectifs de contrôle, absolument nécessaire, qui est en cours et dont je me réjouis, d’en confier, sur la base de cette nouvelle législation, la régulation à l’ARAFER, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières. Mais il y a sans doute encore beaucoup de chemin à parcourir pour faire aboutir cette idée.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, moins de deux ans après la promulgation de la loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur, dite « loi Thévenoud », nous voilà une nouvelle fois réunis dans l’hémicycle pour examiner un second texte destiné à mettre fin au conflit opposant les taxis et les VTC et à réguler le secteur du transport public particulier de personnes. En effet, non seulement la loi du 1er octobre 2014 n’a pas apaisé les tensions entre les taxis et les VTC, mais elle n’a pas non plus réussi à donner de la visibilité aux différents acteurs, et encore moins à permettre une concurrence loyale au sein de ce secteur. Les mesures qu’elle contient, notamment la création d’un registre national des taxis, l’interdiction de la géolocalisation et de la maraude pour les VTC, ou encore la nécessité d’une certification professionnelle pour ces derniers, n’ont pas mis fin au conflit.
Avec mes collègues du groupe Les Républicains, nous doutons fortement que ce nouveau texte parvienne à réguler durablement le secteur du transport public particulier de personnes.
Des avancées, votre proposition de loi en contient, monsieur le rapporteur. C’est le cas de l’article 3, qui interdit aux centrales de réservation d’appliquer la clause de l’exclusivité aux chauffeurs de taxi et qui donne à ces derniers la possibilité d’exercer une activité directement avec les clients, sans intermédiaire. Cette disposition va pleinement dans le sens de la liberté d’entreprendre, principe fondamental auquel le groupe Les Républicains est particulièrement attaché. C’est aussi le cas de la responsabilisation des plateformes telle qu’elle découle de l’article 1er de ce texte : les plateformes devront veiller au respect de l’exigence de sécurité du passager et de vérification de la qualité, de l’intégrité et de la compétence des chauffeurs.
Pour autant, je pense que votre proposition de loi ne réussira pas à pacifier ce secteur. Elle ne permettra pas non plus de régler définitivement la question de la concurrence entre ces deux acteurs du transport public particulier de personnes. Je suis malheureusement convaincu, comme beaucoup de mes collègues du groupe Les Républicains, que l’adoption et la mise en oeuvre des mesures préconisées dans ce texte risquent d’exacerber à nouveau les tensions et les conflits entre VTC et taxis.
Tout d’abord, je ne comprends pas la volonté de votre majorité de légiférer maintenant sur cette question alors que les quatre groupes de travail associant les professionnels du secteur du transport public particulier de personnes et les représentants des trois ministères concernés sont, selon le calendrier imposé par la feuille de route du Gouvernement, en train de mener leurs travaux et n’ont, pour l’heure, toujours pas rendu leurs conclusions.
Le timing de l’examen de cette proposition de loi apparaît pour le moins discutable car il ne laisse aucune place à la concertation qui est en cours entre les acteurs. Une telle méthode de travail risque de jeter de l’huile sur le feu et de raviver les tensions. Pourquoi ne pas avoir attendu les conclusions des groupes de travail avant de présenter un nouveau texte à la représentation nationale ?
D’autant, monsieur le rapporteur, que vous affirmiez en janvier dernier qu’une nouvelle loi n’était pas nécessaire pour l’instant et qu’il convenait, tout simplement, d’appliquer la loi « Thévenoud ».
Outre la précipitation avec laquelle cette proposition de loi a été déposée devant le Parlement, les différentes dispositions qu’elle renferme ne permettront pas non plus de créer les conditions réelles de concurrence équilibrée dans le secteur.
En témoigne, par exemple, l’article 4, qui interdit aux entreprises capacitaires ou véhicules LOTI d’effectuer des services occasionnels de transport des personnes avec des véhicules de moins de dix places dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants. Cette réforme du statut LOTI pourrait avoir des conséquences néfastes pour l’emploi de ces salariés.
Qu’en est-il également de la mise en oeuvre du fonds de garantie pour les taxis, doté de 100 millions d’euros par an ? Totalement absente de la proposition de loi puisqu’elle est en projet pour la future loi de finances que nous examinerons à l’automne, cette mesure, qui a déjà, passez-moi l’expression, du plomb dans l’aile, a reçu un accueil très mitigé des organisations professionnelles. Ces dernières déplorent notamment les conditions d’éligibilité très restrictives, le montant de l’indemnisation et les sources et modalités de son financement.
Si je suis persuadé qu’il est possible de pacifier le secteur du transport public particulier de personnes, ce que nous souhaitons tous, je doute que votre proposition de loi apporte une réponse efficace au défi consistant à lutter contre la concurrence déloyale tout en contribuant à la modernisation et à l’ouverture de la profession de taxi au profit du consommateur, car c’est bien le consommateur qui est au coeur de nos débats.
Pour toutes ces raisons, comme mes collègues du groupe Les Républicains, je m’abstiendrai lors du vote de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous prenons tous le taxi, nous savons donc de quoi nous parlons.
J’ai personnellement eu la chance de travailler pendant un certain temps avec M. Grandguillaume dans un excellent état d’esprit et je sais le mal qu’il s’est donné pour nous présenter ce texte.
Sur un tel sujet, nous ne sommes pas au bout de nos peines, mais le texte a au moins le mérite de poser la question et de tenter d’y répondre, en particulier l’article 3 qui, comme cela vient d’être dit, fait évoluer positivement le dossier.
Je suis de ceux qui pensent que cette proposition de loi est un point de départ. Le taxi est un vrai métier, que l’on retrouve dans toutes les contrées du monde et les Français y sont extrêmement attachés. Ce métier vit et fonctionne selon des règles, je dirais presque des rites, profondément ancrés et auxquels les professionnels autant que les clients sont très attachés.
Le problème le plus important est l’introduction insidieuse d’Uber dans notre organisation. Comme dans beaucoup d’autres pays, Uber prend en otage les clients en leur facilitant l’accès, via une application, à un service très simple. Il est donc très difficile de lui échapper.
Il est indispensable de contrecarrer Uber. La société et l’histoire françaises ne sont pas faites pour Uber, sauf peut-être si l’entreprise changeait profondément sa façon d’agir.
Cette situation crée une tension réelle dans le monde des taxis.
Nous devrons par ailleurs, dans un texte à venir, régler un autre problème qui paraît complexe à première vue. Après en avoir discuté avec Laurent Grandguillaume, je pense que nous devrions trouver une solution : il s’agit de l’incompréhension qui existe entre les taxis traditionnels et les VTC. Car leurs clientèles sont complémentaires : certains utilisent les taxis sur appel téléphonique. Pour eux, le fait d’attendre est moins nuisible que pour d’autres, qui ont des rendez-vous impératifs, et ces deux clientèles sont interchangeables.
En revanche, il n’y a pas suffisamment de compréhension entre les taxis et les VTC et c’est un mal franco-français. Je plaide pour que l’on trouve une solution le plus rapidement possible. Je sais, monsieur Grandguillaume, que vous y êtes très attaché et je continuerai, pour ma part, à faire de mon mieux pour y parvenir. Les taxis le méritent, mais également les VTC car ils font bien leur travail et recherchent, eux, une solution. Je vous remercie.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État,
monsieur le rapporteur, mes chers collègues, sur un certain nombre de sujets, le Gouvernement, hélas, donne l’impression de succéder aux événements au lieu de les anticiper. C’est précisément le cas de ce qu’il convient d’appeler le « dossier taxis ».
Cette proposition de loi est en effet la deuxième en moins de deux ans qui tente d’apaiser les tensions entre les VTC et les taxis, tensions qui sont la conséquence inéluctable de la mutation profonde que connaît le secteur du transport particulier des personnes.
La loi du 22 juillet 2009 a créé le nouveau régime de transport léger des personnes pour les véhicules de tourisme avec chauffeur, dits VTC, et la précédente loi, dite loi Thévenoud, de septembre 2015, n’a pas réussi à organiser un cadre concurrentiel équilibré pour ce secteur. Il semble que la proposition de loi de Laurent Grandguillaume intervienne dans l’urgence pour tenter de répondre aux grèves et manifestations de force des chauffeurs de taxi en janvier 2016. Je veux toutefois saluer ici le travail accompli par le rapporteur Laurent Grandguillaume.
Le transport public particulier de personnes est l’incarnation même de l’économie dite collaborative et de ses déclinaisons, parfois liées, pour certaines multinationales, à une recherche d’optimisation fiscale.
Désormais, le transport public particulier de personnes est soumis à des tensions fréquentes et à des conflits récurrents entre les acteurs.
Le moins que l’on puisse constater, c’est l’extrême complexité de ce secteur dont les tutelles ministérielles varient en fonction de la catégorie : les taxis, qui relèvent du ministère de l’intérieur ; les VTC – voitures de tourisme avec chauffeur – qui relèvent du ministère chargé du tourisme ; enfin les LOTI, ces entreprises de transport public routier, qui relèvent du droit communautaire et du ministère des transports.
Les usagers modifient leurs habitudes et s’adaptent à l’économie du partage et de la fonctionnalité – covoiturage, Autolib’, Velib’ – tout comme les collectivités avec la montée en puissance des réseaux de transports collectifs.
Ces mutations comportementales et technologiques nécessitent une adaptation des acteurs et du cadre juridique applicable car certains ont le sentiment, parfois légitime d’ailleurs, de subir les effets d’une jungle, la maraude traditionnelle devant désormais tenir compte de la maraude numérique. Se pose alors avec une acuité nouvelle la question de son contrôle.
Chacun est désireux de mettre un terme réel à l’épineux problème que pose la régulation de ce secteur, qui se cristallise autour de la guerre des prix et génère des tensions grandissantes entre les VTC et les taxis.
Ce constat alourdit la donne et accrédite la thèse selon laquelle les conditions d’une concurrence équilibrée dans le secteur ne sont pas réunies.
La liberté d’entreprendre est fondamentale et doit se concilier avec la responsabilisation des acteurs, de tous les acteurs. La transparence ne doit pas demeurer un concept consensuel mais se vérifier concrètement.
Il convient donc de s’interroger à haute voix sur l’efficacité dans le temps de mesures comme l’encadrement de l’activité des centrales de réservation ou l’exclusion du marché des capacitaires détenant des véhicules de moins de dix places dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants – seuil qui d’ailleurs vient d’être relevé par l’un des derniers intervenants à cette tribune.
Mais quid de la plus grande partie des 11 000 entreprises environ qui seraient exclues de ce marché, en Île-de-France notamment, et qui ne possèdent pas plus de deux ou trois véhicules ?
Les conséquences de cette interdiction pourraient être totalement contre-productives pour l’emploi et la pérennité de ces structures.
L’article 2 crée un énième Observatoire national et induit de nouvelles obligations, au risque d’ajouter de la complexité aux mécanismes alors même nous défendons, les uns et les autres, la simplification.
L’article 6 de la proposition de loi a été jugé irrecevable au titre de l’article 40 car il représenterait une charge supplémentaire pour l’État, l’organisation des examens – taxis et VTC – étant confiée aux chambres des métiers et de l’artisanat, sous l’égide de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat.
S’il convient d’instaurer un corpus de formation via des modules communs, les examens doivent faire l’objet de dispositifs pertinents et pragmatiques, et, surtout, leur fréquence actuelle – deux par an environ – doit être augmentée.
Concernant le fonds de garantie, avec l’objectif d’un rachat par l’État des licences cessibles pour les chauffeurs de taxi volontaires, le vecteur législatif sera la prochaine loi de finances qui, avec les cadeaux du Président de la République, est déjà plombée dans la colonne « dépenses ».
Par ailleurs, les professionnels ont rejeté le projet de création du fonds, achoppant sur plusieurs données que sont les conditions d’éligibilité, le montant de l’indemnisation – qui ne devrait pas dépasser 200 000 euros par bénéficiaire – les modalités de financement – 100 millions par an jusqu’à épuisement, ce qui veut dire que ceux qui n’y ont pas eu accès doivent patienter jusqu’à l’année suivante – ; enfin, les sources de financement du fonds, basées sur le secteur : une « taxe forfaitaire sur les réservations », un « droit forfaitaire » acquitté par les nouveaux entrants, ou encore une « taxe sur le chiffre d’affaires » qui serait plutôt acquittée par les plates-formes de réservation comme G7 ou Uber.
En conclusion, cette proposition de loi est en décalage. En décalage car elle semble brouillonne et partielle. En décalage car elle paraît précipitée. En décalage car, sans soutien des organisations professionnelles, elle risque fort de rester caduque. Enfin, en décalage car la vision court-termiste risque de cristalliser la situation et non de calmer les esprits.
Je m’abstiendrai donc de voter cette proposition de loi car si certaines mesures sont acceptables, la méthode me semble inappropriée.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous entamons la première lecture de cette proposition de loi relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes que nous présente le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Derrière ce titre ambitieux se cache un énième texte sur le transport des personnes, faisant écho à la loi Thévenoud d’octobre 2014. Peu appliquée car inepte et inapplicable, cette loi faisait suite à des mouvements de grève et à des prises à partie de la part de chauffeurs qui ont donné une image très négative de notre pays pour finalement très peu de résultats.
Dans ce nouveau texte, nous avons découvert un inventaire à la Prévert de mesures très contraignantes pour les VTC : une formation, qui dépend des chambres de métiers et de l’artisanat, excessivement exigeante pour les chauffeurs – moins de 30 % de réussite en juin 2016 – et une complexification du statut défini par la LOTI, et utilisé par les VTC, qui fera drastiquement chuter le nombre de chauffeurs.
Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, ne nous voilons pas la face : ce texte, qui entend « réguler », est clairement en faveur des taxis et nuira à l’activité des plate-formes VTC, avec comme première cible le géant Uber. Soit. C’est déjà un premier aveu de faiblesse et d’incompréhension pour votre majorité face à la révolution numérique et à ses opportunités de développement.
Mais la proposition de loi méconnaît une réalité : quand on parle de VTC, on ne parle pas que de Uber. Nombreuses sont les start-up françaises qui se sont développées dans ce secteur à forte demande et à forte croissance.
AlloCab, Marcel, Chauffeur-Privé, Snapcar sont français, ils paient leur impôts en France, embauchent en France et sont directement menacés par votre texte.
En s’attaquant aux VTC, on s’attaque en réalité à ces entreprises françaises. Ces plate-formes n’ont d’ailleurs jamais été conviées aux réunions des groupes de travail mis en place par le ministère des transports suite à la mission de Laurent Grandguillaume sur l’avenir du secteur du transport public particulier de personnes.
Le problème, c’est qu’elles représentent 15 000 à 20 000 emplois en France, notamment dans des territoires marqués par un taux de chômage élevé, comme la Seine-Saint-Denis, et une moyenne d’âge plutôt jeune. Pour des personnes à faible revenu, ce travail représente souvent un complément financier important.
Ce secteur, qui se développe aujourd’hui dans l’ensemble de notre territoire, est en tel développement que ses besoins additionnels de croissance sont estimés à près de 10 000 chauffeurs supplémentaires chaque année. Les chiffres sont têtus. Tout un écosystème se développe autour de l’activité VTC, faisant vivre par exemple des start-up de location de berlines ou des garages spécialisés, ce qui génère de nombreux emplois induits.
Ainsi nos entreprises françaises demandent de l’air et reçoivent, en réponse, une enclume. Cette proposition de loi aura pour effet une réduction drastique du nombre de chauffeurs affiliés aux plate-formes de VTC, avec pour conséquences l’allongement du temps d’attente, la perte d’attractivité des plateformes, la hausse de leurs prix, tout cela au détriment des consommateurs.
Nous nous dirigeons donc vers la fin du dynamisme impulsé par les VTC : ces plateformes illustraient pourtant la possibilité pour les transports de personnes de surfer sur la vague numérique. Le texte vient dissoudre ces initiatives, pourtant porteuses de croissance, faisant primer le monopole du « tout taxi ».
Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, nous sommes au moins d’accord sur un point : le problème de la révolution numérique vient de ce qu’elle se construit, et cela très rapidement, sur un vide juridique. Les start-up françaises se sont installées dans une zone floue. Nous ne devons pas laisser la loi de la jungle s’installer. Alors oui, l’heure est venue de légiférer. Mais légiférer ne veut pas dire brider.
Les VTC font partie de cette nébuleuse d’entreprises dynamiques, digitales, animées, rapides, bluffantes. Nous ne pouvons nous contenter de durcir la législation actuelle pour les refréner : elles reviendront forcement sous une nouvelle forme car c’est une économie agile, en ébullition. Cessons donc de voir la révolution numérique à travers un prisme conservateur. Modernisons plutôt la législation afin de faciliter la prise d’initiative, tout en luttant contre les distorsions de concurrence.
C’est d’ailleurs ce que j’ai souhaité proposer dans mes amendements.
L’économie de la France en a profondément besoin : pour son tourisme, pour son dynamisme, pour sa politique de la ville, pour sa croissance, pour ses emplois et pour son image à l’international. À New York, il existe 60 000 VTC pour 13 000 taxis. Le rapport est d’un à cinq. À Londres, on compte 90 000 VTC contre 25 000 taxis. Bien sûr, les taxis de ces deux villes n’aiment pas la concurrence des VTC, mais ils sont toujours là !
En France, on ne sait même pas précisément combien il y a de VTC. En Île-de-France, ils seraient entre 15 000 et 20 000, selon les sources. Le rapport Thévenoud attestait d’ailleurs avec justesse que 68 000 emplois pourraient être créés si le marché des VTC s’y développait dans les mêmes conditions qu’à New York ou à Londres.
Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, il était possible de trouver un juste milieu. Visiblement, cet objectif a été raté.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La discussion générale est close.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur.
Quand j’ai reçu mission de proposer des solutions de sortie de crise, je suis parti de la situation des chauffeurs et des consommateurs. J’ai constaté chez les chauffeurs de taxi comme de VTC une forme de paupérisation dans certaines zones urbaines. Nos collègues l’ont d’ailleurs reconnu.
Quand un entrepreneur – je connais bien le sujet pour y avoir travaillé avec des collègues présents dans l’hémicycle – effectue des courses pendant environ quarante heures par semaine et que son revenu mensuel reste inférieur à 600 euros, il y a de quoi de poser des questions. Nombre de chauffeurs se trouvent dans une situation difficile. Si l’on veut remettre l’humain au coeur des choix, il faut partir de la simplification du statut juridique pour traiter la question de la régulation.
Je rappelle aussi que se pose une question d’ordre public et de régulation dans le domaine public. En la matière, les collectivités territoriales travaillent en tant qu’autorités organisatrices de la mobilité, ce dont nous devons tenir compte.
Il faut aussi réguler les plateformes. Certains d’entre nous ont exprimé des positions assez libertariennes : selon eux, en fin de compte, il n’y aurait plus de règles, le numérique serait le nouvel Eldorado, la Silicon Valley. Ce n’est pas le modèle que je privilégie.
Je pense en effet qu’on peut défendre un modèle social moderne, joint à une forme de protection du consommateur, qui me semble essentielle. Nous l’avons encore mesuré hier.
J’ai eu l’occasion de l’évoquer avec Jean Lassalle. Sur le fronton du musée de la paix, à Guernica, on peut lire l’inscription : « Il n’y a de paix que quand il y a réconciliation ». Pour qu’il y ait réconciliation, il faut des règles claires, partagées par tous. Or, aujourd’hui, les différences ont amené à la confrontation sur le terrain et à l’absence de visibilité pour les entrepreneurs. Le meilleur service qu’on puisse rendre à ceux-ci est de fixer les règles claires et visibles, sur le long terme, et de faire en sorte que le secteur soit pacifié.
Chacun l’a bien compris : le problème auquel la France est confrontée est largement partagé par tous les pays, qui lui ont apporté des réponses très diverses. Celles-ci vont d’une stricte régulation administrative à une liberté totale. Mais partout on rencontre les mêmes incidents.
Je tiens à remercier Mme Duby-Muller de son intervention. Je me demandais en effet si son groupe formulait des propositions alternatives. En exprimant sa position, qui est, je pense, celle des Républicains, elle a nourri le débat démocratique. Sa position mérite d’être connue de tous ceux qui veulent que notre échange soit riche. Je salue cette position claire et précise, bien qu’elle entre en contradiction avec nos propositions. Alors que s’annoncent des rendez-vous démocratiques, il est bon que nos concitoyens connaissent la vision que ceux qui aspirent au pouvoir se font du secteur des transports. Je vous remercie donc, madame la députée, pour la clarté de votre exposé.
Beaucoup d’entre vous se sont étonnés qu’il faille voter une nouvelle loi, après celle de 2014. Je pense notamment à M. Saddier.
Je vais revenir vers vous, monsieur Tardy.
Il s’est passé un événement, un tout petit événement depuis 2014. À cette époque, ni M. Thévenoud ni vous ni nous-mêmes ne pouvions imaginer que ce secteur serait confronté à ce qu’il faut bien considérer comme le plus grand détournement de la loi envisageable dans le secteur professionnel.
Peut-être les mesures adoptées auraient-elles pu fonctionner, même si, à mon sens, le secteur doit être accompagné.
Quoi qu’il en soit, en 2014, quand ceux qui ont voté le texte ont prévu qu’il y aurait deux statuts, celui des VTC et celui des taxis, chacun avec sa spécificité, tout le monde était de bonne foi. Mais au fil des mois, la situation a rapidement évolué. Lors du débat de 2014, personne n’a posé la question de l’utilisation du statut LOTI.
La question n’était pas au coeur du débat, puisque ce dispositif n’avait pas été utilisé massivement. S’il existait – c’était probablement le cas, je n’en sais rien –, il demeurait marginal.
Pourquoi y a-t-il eu tant d’incidents et une telle mobilisation ? Parce que les VTC – les vrais VTC, qui avaient suivi une formation – ont vu arriver des conducteurs qui se sont servis du statut LOTI.
Aucun d’entre vous, et je vous en remercie, n’a soutenu l’idée que l’utilisation de ce statut était conforme à la loi. C’est un détournement. Existe-t-il d’autres exemples de l’utilisation d’une disposition prévue pour une autre finalité ? Je le répète : on ne pouvait prévoir pareil détournement.
Après la mobilisation de janvier, j’ai écrit à toutes les plateformes pour leur demander, sur la base de la loi Thévenoud, quel statut elles utilisaient. Cette interrogation n’ayant pas été envisagée dans la loi,…
…leurs dirigeants, très avisés sur le plan juridique, m’ont objecté qu’ils n’étaient pas tenus de fournir une telle information. Je devais cette réponse, même si elle ne les fait pas changer d’avis, à ceux qui m’ont interrogé sur la nécessité d’une nouvelle action du législateur.
Dans son intervention, M. Krabal a soulevé une question à laquelle je n’apporterai pas de réponse. Il a décrit le secteur en mentionnant l’existence de facto d’un lien de subordination entre le chauffeur et la plateforme. C’est un grand débat juridique, économique et social. Il appartiendra à la justice, non au Gouvernement, de le trancher.
M. Carvalho considère, niant l’émergence de nouvelles formes, que l’activité n’a pas évolué, et qu’on a simplement partagé l’existant entre les anciens chauffeurs et les nouveaux arrivants. Ce n’est pas vrai.
Pour autant, les chiffres ne sont pas extravagants, comme le prétendent certains commentateurs. Certes, ils sont entachés d’incertitude. Aucun observatoire n’existe. Nous voulons justement en créer un. Nous ne possédons que les chiffres de l’INSEE. Il en ressort que, pendant six années entières, entre 2010 et 2015, l’activité et le chiffre d’affaires du secteur ont augmenté de 30 %. On ne peut donc pas dire qu’il ne s’est rien passé. Cette évolution résulte de l’apparition de nouveaux services. Les intéressés n’ont donc pas eu seulement à partager l’existant. Il fallait le préciser.
Un débat s’est élevé sur l’opportunité de supprimer le statut LOTI. Certains se sont demandé pourquoi nous avons retenu le chiffre de 100 000 habitants. Je vais vous dire la vérité à cet égard. L’idée de départ, compte tenu de la situation, était de supprimer purement et simplement ce statut. Mais, beaucoup d’entre vous le savent, car ils ont une implantation territoriale, quand nous avons consulté les associations d’élus, les maires de communes rurales ont objecté que ce statut correspond chez eux à une activité spécifique. Certaines entreprises fonctionnent dans ce cadre, dont je rappelle qu’à l’origine, en 1982, il était dédié au transport dans les zones rurales.
Il nous fallait résoudre le double problème de la confrontation entre les différents statuts en zone urbaine et des besoins qui s’expriment en zone rurale. La solution que nous avons retenue, si elle peut donner satisfaction à tout le monde, mérite d’être approuvée. C’est ce qui explique mon inquiétude, quand j’entends dire qu’il faudrait supprimer le statut LOTI.
Comment évolue la politique du Gouvernement ? Je ne reprocherai à personne de rater des épisodes. Cela prouve surtout que nous ne sommes pas très bons en communication. Certains ont demandé où en est la feuille de route et ce que deviennent les groupes de travail. Leur mission s’est achevée le 7 juillet. Je regrette que nous n’ayons pas su vous le faire savoir.
Leur travail a été très précis. Chaque groupe a rendu des conclusions. Je l’ai rappelé dans mon intervention. Celles-ci portent sur des questions qui relèvent de l’action du Gouvernement, comme le contrôle et la formation.
J’ai parlé du 7 juillet. En ce qui concerne la formation, justement, comment peut-on ignorer que le travail préparatoire accompli par Laurent Grandguillaume et par moi-même, au nom du Gouvernement, a consisté à définir un tronc commun soutenu par toutes les associations ?
Le texte que nous vous présentons – parce qu’il faut aussi des dispositions législatives – est soutenu par l’ensemble des associations. Le 7 juillet, au ministère, étaient réunis dans la même salle des représentants des LOTI, taxis et VTC. Tous ont soutenu le projet, après quatre mois d’un travail intense. Vous pouvez désapprouver le texte, mais je ne peux pas accepter que l’on remette en cause…
« Vous n’êtes pas taxi ! » sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ce sont les professionnels que nous avons réunis. J’admets que nous avons fait une erreur de communication, mais normalement, l’information a dû être reprise dans la presse. En tout cas, je tenais à faire état de ces conclusions positives. Je ne peux donc pas retenir votre argumentation, monsieur Saddier.
M. Tardy a fait part de ses inquiétudes sur les examens. En quatre mois, 5 000 candidats se sont présentés à celui de chauffeur de VTC. La moitié a été reçue. Nous y reviendrons au cours du débat. À celui de taxi, 20 000 candidats se sont présentés, et 5 000 à 6 000 cartes ont été remises. À ce sujet, monsieur Tardy, il n’y a pas lieu d’adopter une position restrictive. Vous nous intentez un procès d’intention inacceptable. J’y reviendrai.
J’ajoute qu’il n’y a pas lieu de mentionner les chambres de commerce. La moindre des choses, si l’on veut être rigoureux, est de se rappeler que les taxis et les VTC sont forcément adhérents aux chambres de métiers, les chambres de commerce n’ayant compétence que pour les entreprises de plus de onze salariés.
J’ai parlé non des chambres de commerce mais des chambres de métiers, qui, dans ce dossier, sont à la fois juges et parties !
Alors, c’est quelqu’un d’autre qui les a mentionnées. En tout cas, la solution alternative ne me paraît pas crédible aujourd’hui.
Ce qui importe à ce stade – M. Duron et M. Savary ont parfaitement brossé le tableau – est de prendre acte de la situation. On a vu arriver des LOTI, des chauffeurs en tenue de camouflage. La formule est bonne : elle illustre ce que les gens ont vécu sur le terrain. Il faut résoudre ce problème. C’est à nous de le faire. Je rends hommage au travail effectué par M. Grandguillaume.
J’ai rappelé l’existence des groupes de travail. Pendant que nous parlons, certains, sur les réseaux sociaux, nous reprochent de ne pas citer les chiffres. Vous vous êtes reconnu, monsieur Pancher ? Je vais les détailler. Je ne l’ai pas fait tout à l’heure pour ne pas alourdir les débats, mais je ne veux laisser personne sur sa faim.
Voici donc le bilan des contrôles qui ont été opérés au 7 juillet, date de la réunion dont l’existence a échappé à quelques-uns. Sur la zone des taxis parisiens, 178 opérations, dont 24 dans le cadre du comité opérationnel départemental anti-fraude, le CODAF, et 24 713 véhicules contrôlés ; 18 000 infractions constatées, dont 574 délits ; pour les LOTI, 7177 véhicules, dont 2877 en infraction ; pour les VTC, 7 276 véhicules, dont 1 365 en infraction ; pour les taxis, 5 496 véhicules, dont 1 298 en infraction. En définitive, 465 dossiers ont été transmis à des fins de procédures disciplinaires du type retrait de carte.
Les conducteurs de LOTI sont ceux qui comptabilisaient le plus d’infractions. Si l’on exclut la région parisienne, le département des Alpes-Maritimes est celui qui enregistre le plus de conducteurs de VTC en infraction ; les départements du Rhône et de la Seine-Saint-Denis sont ceux où l’on constate le plus grand nombre d’infractions de la part des LOTI.
Ces chiffres ont été communiqués à l’ensemble des organisations – y compris aux plateformes, que j’ai reçues l’après-midi – le 7 juillet. Je les partage aujourd’hui avec vous.
Ils me paraissent intéressants pour la suite de nos débats, qui promettent d’être très fructueux.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
La parole est à M. Christophe Caresche, premier orateur inscrit sur l’article.
Permettez-moi de revenir sur la discussion générale, puisque je n’ai pas pu m’exprimer.
Je note d’abord un élément positif dans la démarche qui a été entreprise par le rapporteur et le Gouvernement : nous avons aujourd’hui au banc du Gouvernement non plus le ministre de l’intérieur, mais celui des transports. Cette évolution mérite d’être soulignée, car l’approche que nous avons du problème des taxis et des VTC est restée jusqu’à présent cantonnée à une problématique d’ordre public, sans considération pour la problématique de service ni pour la problématique économique. Beaucoup d’errements et de difficultés sont nés de cette approche en termes d’ordre public. Je trouve donc positif que l’État décide d’en sortir. Il me semble qu’il devrait aller jusqu’au bout en confiant la gestion des taxis et des VTC aux organismes de transport locaux, et non plus, dans le cas de Paris notamment, à la préfecture de police. Mais c’est un autre débat.
En tant que député parisien, je voudrais aussi dire qu’incontestablement, l’arrivée des VTC a débouché sur une importante amélioration de l’offre et de la qualité de service. Il me semble que c’est indéniable. Le rapport de l’ADEME est d’ailleurs éclairant à cet égard. Il ne faut donc surtout pas revenir en arrière.
Enfin, il importe de lever une ambiguïté. Il s’agit de savoir quel modèle nous voulons. En effet, les différences d’approche entre le rapport Thévenoud et le rapport Grandguillaume sont assez sensibles. L’un et l’autre ayant été salués par le Gouvernement, j’aimerais connaître la position de celui-ci. Le rapport Thévenoud estimait qu’il y avait deux activités, deux professions différentes, dont chacune a sa spécificité, et son objectif était de reconnaître les spécificités des deux activités. Le rapport Grandguillaume ne dit pas cela : il considère qu’il y a une activité et qu’il faut aller vers la fusion des métiers. Or tant que cette ambiguïté ne sera pas levée, elle continuera d’entretenir les polémiques. Je souhaite donc que nos débats permettent de lever l’ambiguïté entre ces deux approches qui me paraissent assez contradictoires.
Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, permettez-moi d’abord de saluer le travail de mon collègue successeur – si j’ose dire – Laurent Grandguillaume, qui a repris ce difficile travail de médiation entre deux professions qui se regardent en chiens de faïence depuis quelques années, pour ne pas dire plus. Je veux saluer le travail qu’il a accompli, dans le droit fil de celui que nous avions conduit ici, à l’Assemblée nationale, mais aussi au Sénat, puisque le texte de 2014 avait été adopté dans les mêmes termes par l’une et l’autre. C’est un travail de régulation, qui comporte à la fois des règles nouvelles pour les VTC et des éléments de modernisation pour les taxis.
La présente proposition de loi est utile : elle crée un observatoire, ce que j’avais proposé dans le rapport de 2014, organise la filière de formation, ce qui est important si nous ne voulons pas d’un service de transport low cost, et règle la question du camouflage via la loi LOTI.
Je souhaite également vous interroger sur l’application de la loi de 2014, monsieur le secrétaire d’État – car quel que soit notre vote tout à l’heure, cette dernière demeure. Des mesures positives pour le consommateur sont entrées en vigueur : la carte bleue quasi généralisée, même s’il y a encore des taxis qui la refusent ; la course d’approche, qui a été réformée et dont le tarif a diminué ; les forfaits aéroport ; l’open data enfin, qui entre en vigueur demain. Mais d’autres dispositions restent à appliquer – un rapport de l’inspection générale des finances a constaté au début de l’année que cette loi était insuffisamment appliquée, alors qu’elle pouvait l’être. Je pense par exemple à la voie dédiée pour les aéroports, ou à la question des « boers », que nous n’avons pas évoquée aujourd’hui : pouvez-vous nous confirmer que les effectifs de police affectés aux contrôles vont augmenter, monsieur le secrétaire d’État ? Je pense aussi à la couleur unique. Je pense enfin au cas de Heetch, dont nous n’avons pas parlé : je voudrais connaître votre position sur ce système, monsieur le secrétaire d’État. Pour ma part, je considère qu’il entre dans le cadre de la loi de 2014 et qu’il s’apparente au service Uberpop, qui a été interdit par le Gouvernement il y a quelques mois.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez interrogé les formations politiques de l’opposition sur le modèle qu’elles privilégient pour le transport de personnes par des véhicules légers. La position de l’UDI est claire : nous privilégions un modèle de régulation. Il n’existe aucun pays au monde, pas même des pays aussi libéraux que le Royaume-Uni ou les États-Unis, où les professionnels puissent s’en sortir correctement sans régulation. Celle-ci peut passer par de nombreux systèmes – concours, licences, épreuves – qui permettent que cela fonctionne bien. Notre modèle n’est pas celui de la paupérisation d’une profession qui vit une forme d’esclavage moderne. Il ne saurait être question d’introduire le loup dans la bergerie à travers un système de VTC non contrôlé. C’est la raison pour laquelle je souhaitais vous interroger sur les chiffres des contrôles. Les nouveaux modes de communication vous ont permis d’être très réactif – mais rassurez-vous, je n’en abuserai pas. Vous m’avez répondu clairement, et je tenais à vous en remercier. La profession y est très attentive. Bien entendu, nous ne souhaitons pas que ce soit un coup d’épée dans l’eau. Je partage d’ailleurs sans réserve l’avis de notre collègue Christophe Caresche : nous préférerions de beaucoup que cette gestion revienne aux collectivités territoriales, aux organisateurs de transports. Le fait que le secrétariat d’État aux transports ait repris la gestion de l’ensemble des activités de transport permet certes une harmonisation, mais il est tout de même très compliqué de concentrer les moyens de contrôle comme vous le faites actuellement.
Je formule le voeu que vous continuiez à vous engager dans des systèmes de contrôle et à rendre les chiffres publics.
En ce qui concerne l’article 1er, le renforcement de la réglementation sur les pratiques des centrales de réservation m’apparaît essentiel – à condition, encore une fois, que l’on contrôle réellement ces pratiques.
Nous en venons aux amendements.
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 8 .
Cet amendement tend à supprimer l’article 1er, qui vise à prévenir les détournements de la réglementation résultant des pratiques des centrales de réservation de véhicules légers en plaçant les plateformes VTC sous la dénomination d’organisateur de déplacements. En effet, les dispositions de l’article ne correspondent pas au métier de ces plateformes numériques, dont l’unique objet est de mettre en relation des clients avec des chauffeurs professionnels.
Avis défavorable. Comment expliquer à un consommateur que lorsqu’il passe par une application pour réserver un chauffeur, il passe en fait par un intermédiaire qui n’organise pas de transports ? Ce n’est guère logique. Tout le monde – qu’il s’agisse des centrales radio, des centrales de réservation de taxis ou des plateformes VTC – doit être mis sur un pied d’égalité et avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Même avis.
L’amendement no 8 n’est pas adopté.
La loi Thévenoud avait l’avantage de bien distinguer les sociétés intermédiaires et les organisateurs de transport. Cet amendement vise à maintenir cette distinction, car les sociétés intermédiaires de mise en relation entre exploitants et clients ne sont pas des transporteurs ou organisateurs de transport. Dans leur cas, le déplacement est réalisé par un conducteur qui assure la bonne exécution de la prestation de transport. Ne pas le reconnaître, c’est tout simplement nier la réalité d’un secteur économique. Accroître les obligations pesant sur les intermédiaires ne va certainement pas dans le sens de la simplification, ni du développement de l’économie numérique.
Avis défavorable. Je voudrais juste préciser à M. Tardy – dont j’écoute toujours l’avis avec attention, car il connaît bien le sujet – que la loi de 2014 a créé des obligations précises pour une catégorie appelée « intermédiaires » dans le seul secteur des VTC, et mentionne, sans les définir, des « intermédiaires » dans un article relatif aux taxis. Ce n’est donc pas clair. Nous proposons de clarifier et d’unifier tout cela à travers la dénomination de « centrale de réservation ».
Cet amendement apparaît comme la déclinaison logique de la position défendue en discussion générale par M. Tardy et Mme Duby-Muller. C’est exactement l’inverse de ce que nous pensons, puisque nous ne sommes pas favorables à écarter la prise en compte de la situation des plateformes. Nous souhaitons nous inscrire dans une démarche de régulation. Ce sont là deux visions différentes de la façon dont le problème dont nous traitons doit être résolu. Avis défavorable.
L’amendement no 63 n’est pas adopté.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour soutenir l’amendement no 1 .
L’amendement no 1 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à nouveau à M. Laurent Grandguillaume, pour soutenir l’amendement no 33 .
L’alinéa 10 comporte les mots : « ou sous-traitent ». Or cette catégorie n’est pas clairement identifiée. Nous proposons donc de supprimer ces mots pour clarifier le texte.
L’amendement no 33 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
J’associe à la défense de cet amendement mes deux collègues de Haute-Savoie, Mme Duby-Muller et M. Tardy. Nous avons concrètement beaucoup travaillé, à la fois dans la région annécienne et dans celles du Genevois haut-savoyard, de la vallée de l’Arve et d’Annemasse, pour développer et promouvoir le covoiturage.
Cet amendement vise à exclure explicitement le covoiturage du champ de la régulation instituée par cette proposition de loi. Le covoiturage appartient en effet, avec les services privés de transports, à la catégorie du transport privé routier de personnes, et non à celle du transport public particulier de personnes. C’est une voie d’avenir extrêmement prometteuse, qu’il s’agisse de réaliser des économies d’énergie, d’améliorer la qualité de l’air ou de permettre aux Françaises et aux Français qui vont travailler tous les matins de réduire leurs frais de transport en les partageant.
D’une façon générale, il convient d’éviter à tout prix l’excès de réglementation concernant l’économie collaborative.
J’ai rencontré un des principaux acteurs du secteur. Il ne s’agit pas d’imposer des obligations disproportionnées, mais simplement de vérifier, en appliquant des mesures de prévention, que les déplacements effectués dans le cadre du covoiturage le sont dans des conditions licites. C’est pourquoi le texte considère comme des centrales de réservation les services mettant en relation les conducteurs et les passagers, de façon à prévoir la transmission de données, adaptées au covoiturage.
Cela permettra de vérifier que ces activités ont lieu dans des conditions licites.
On ne peut d’ailleurs pas dire que le transport public particulier de personnes se caractériserait par des abus dont le covoiturage serait totalement exempt. Voyez ce qui en a été dit tout à l’heure par notre collègue Thomas Thévenoud : certains se réclament du covoiturage tout en pratiquant le T3P, ce dont nous ne pouvons nous satisfaire.
Il me semble que nous sommes d’accord sur le diagnostic : la crise du transport public particulier de personnes résulte certes des innovations liées à l’émergence de l’économie numérique, mais aussi – c’est la spécificité de ce secteur, et c’est ce qui explique qu’une partie de la réponse nous appartient – du fait que des cadres juridiques très différents ont été appliqués à des services similaires. C’est cette absence de lisibilité, propice aux détournements, qui a entraîné les difficultés que nous connaissons.
Le covoiturage ne mérite-t-il pas d’entrer dans le champ d’application du texte en raison, notamment, de l’existence d’un faux covoiturage, qui est, me semble-t-il, une difficulté soulignée à l’unisson par les grands opérateurs ? Si l’on ne bâtit pas un cadre juridique permettant de connaître la réalité du secteur, on risque de devoir à nouveau légiférer demain, comme on doit le faire à présent s’agissant des transporteurs dits LOTI, parce que certains éléments nous échappaient à l’époque. Lorsque l’on fait preuve de pédagogie à l’égard des opérateurs concernés – et M. le rapporteur s’y est employé –, ces derniers admettent volontiers la nécessité de prendre certaines précautions, quand bien même il est évident qu’aucune confusion n’est possible entre le covoiturage et les activités dont nous discutons aujourd’hui.
C’est pourquoi le Gouvernement, tout en comprenant l’intention de ses auteurs, émet un avis défavorable à l’amendement. Au regard de l’expérience vécue, à savoir la coexistence de cadres juridiques très différents, il apparaît aujourd’hui préférable, au moins s’agissant de cet article, d’englober l’ensemble de l’activité pour éviter d’avoir à reprendre en d’autres circonstances le débat que nous tenons aujourd’hui.
Sur l’amendement no 12 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Christophe Caresche.
Jean Launay a déposé un amendement identique, que je souhaite défendre. J’entends évidemment la préoccupation du Gouvernement et du rapporteur. Personne ne nie que des abus peuvent être commis, mais la question est de savoir s’ils n’entraînent pas, de notre part, une réponse disproportionnée, susceptible d’entraver une activité en plein essor et qui produit des effets positifs. Or je crains justement que les obligations mises à la charge des plateformes de covoiturage ne soient de nature à contrarier le développement de cette forme d’économie collaborative. Aussi, personnellement, je voterai cet amendement.
Très objectivement, il n’est pas nécessaire d’inclure le vrai covoiturage dans le texte pour lutter contre le faux, c’est-à-dire contre cette zone grise entre le covoiturage et le transport public particulier de personnes. Le covoiturage est en effet clairement défini à l’article L. 3132-1 du code des transports : il implique un « partage des frais » dans le cadre d’un « déplacement que le conducteur effectue pour son propre compte ». Si l’une de ces deux conditions fait défaut – si le conducteur n’effectue pas le trajet pour son propre compte mais ne se déplace que pour répondre à la demande d’un passager, ou s’il perçoit une véritable rémunération –, on n’est pas en présence d’un covoiturage. Un juge peut donc, d’ores et déjà, sur le fondement de cet article, sanctionner les pratiques qui prétendent indûment relever de cette catégorie.
Par ailleurs, et afin de sécuriser encore davantage la situation des utilisateurs de plateformes de l’économie dite collaborative, notamment des plateformes de covoiturage, le ministère des finances travaille actuellement à définir le partage des frais en dressant la liste des coûts qui peuvent valablement être partagés dans le cadre de ce type d’activités. Une telle définition existe déjà depuis 2013 dans la jurisprudence de la Cour de cassation.
Dans ce contexte, nous sommes nombreux à nous interroger sur l’opportunité d’inclure dans le texte de la proposition de loi une activité par ailleurs parfaitement bien définie et dont la pratique est considérée comme vertueuse, tout cela dans le but de réglementer un phénomène qui n’a rien à voir avec elle. Ce serait dangereux pour le vrai covoiturage.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 30 Nombre de suffrages exprimés: 30 Majorité absolue: 16 Pour l’adoption: 14 contre: 16 (L’amendement no 12 n’est pas adopté.)
Je me félicite que l’on ait procédé à un scrutin public sur l’amendement précédent !
Encore une fois, l’intermédiaire n’effectue qu’une mise en relation. À ce titre, il doit certes effectuer des vérifications, mais ce n’est pas à lui de prendre les mesures destinées à prévenir l’exécution de déplacements dans des conditions illicites.
La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement no 72 .
Il me semble que la disposition consistant à demander au professionnel de prendre « des mesures pour prévenir l’exécution de déplacements dans des conditions illicites » se caractérise par une certaine imprécision. De quelles mesures s’agit-il ? Elles ne sont pas définies dans la proposition de loi. Il paraît difficile d’imposer aux professionnels concernés des obligations aussi floues.
Je veux insister sur un autre point : la plupart des conducteurs relevant de la profession libérale ou du statut de VTC, il n’existe donc – et nous y reviendrons – aucun lien de subordination entre eux et les plateformes. Les professionnels visés n’auraient donc, en réalité, pas les moyens de faire appliquer les mesures qu’on leur demande de prendre.
Cela étant, c’est surtout le caractère imprécis de cette disposition qui m’incite à demander sa suppression.
La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.
Même si le rôle de ces professionnels se limite à la mise en relation, ne serait-il pas plus normal d’exiger un certain nombre de vérifications périodiques, comme le contrôle technique, par exemple, qui participent à la protection du consommateur ? L’avis est donc défavorable.
Le contenu du décret d’application prévu à l’alinéa 12 de cet article est extrêmement flou. Ainsi, les obligations des intermédiaires seront modulées en fonction de plusieurs critères, notamment le niveau de contrôle ou d’influence exercé sur les conducteurs. Ce n’est franchement pas sérieux ; comment définir objectivement un tel critère ? C’est pourquoi je propose avec l’amendement no 15 , qui sera examiné ensuite, de supprimer cette mention. Le Gouvernement prévoit d’ailleurs cette suppression dans un amendement en discussion commune avec le mien : cela montre qu’un tel décret aurait été impossible à prendre.
Par ailleurs, afin de cadrer davantage les choses, et ce ne sera pas du luxe, le présent amendement prévoit que ce décret soit pris en Conseil d’État, comme tous les autres décrets prévus à l’article 1er.
L’avis du Gouvernement sur l’amendement no 14 est favorable.
L’amendement no 14 est adopté.
L’article 1er prévoit que les plateformes procèdent à un certain nombre de vérifications auprès des conducteurs et mettent en place des mesures préventives pour éviter la fraude.
Compte tenu de la diversité des situations, l’article renvoie à un décret – il vient d’être évoqué – pour préciser les modalités d’application de ces dispositions. Les critères à prendre en compte à cette fin sont définis par la loi, étant entendu qu’il ne s’agit pas de traiter des questions relatives à la qualité du service rendu ni de créer des distorsions de concurrence par le biais de cette obligation. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est prévu que le décret soit pris après avis de l’Autorité de la concurrence.
Dans ce contexte, la rédaction actuelle de la proposition de loi n’est pas pleinement satisfaisante ; des critères tels que le niveau de contrôle ou d’influence apparaissent subjectifs ou difficiles à mettre en oeuvre.
Nous proposons donc dans cet amendement des critères plus faciles à objectiver qui restent néanmoins cohérents avec la visée d’une lutte plus efficace contre la fraude : les caractéristiques du service de mise en relation, notamment ses règles d’utilisation, qu’il s’agisse d’un service entre particuliers ou entre professionnels ; le nombre et l’importance des obligations imposées par leur plateforme aux conducteurs ; les caractéristiques du déplacement, qui peut être réalisé pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, sur des trajets urbains ou non urbains.
Cet amendement de clarification me paraît bien correspondre à l’esprit de nos débats.
Dans la discussion commune, la parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement no 15 .
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?
La commission a émis un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement ; je demande donc à notre collègue de retirer l’amendement no 15 .
Le Gouvernement souhaitait qu’il soit retiré ; puisqu’il est maintenu, l’avis sera défavorable.
Nous proposons par cet amendement, comme à l’amendement no 63 , d’établir une distinction entre, d’une part, les intermédiaires mettant en relation les exploitants et les clients par le biais d’applications, qui ne sont pas transporteurs et, d’autre part, les centrales de réservation qui, pouvant être des transporteurs, mettent en relation des clients avec un pôle de chauffeurs bénéficiant d’un statut d’indépendant ou de salarié.
La qualification des intermédiaires en centre de réservation les transformera en transporteurs et aura donc des effets directs sur un modèle économique qui aujourd’hui fonctionne et que vous vous acharnez à vouloir modifier à contre-courant du reste de l’Europe. Tel est le sens de cet amendement.
Défavorable.
L’amendement no 64 n’est pas adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 83 .
Cet amendement tend à supprimer l’alinéa 16 de l’article 1er qui est source d’ambiguïté.
Le nouveau chapitre II créé par l’article 1er prévoit des obligations visant spécifiquement les centrales qui viennent d’être évoquées. Son premier article définit, à son premier alinéa, le champ d’application : les centrales commercialisant un dispositif de mise en relation avec des conducteurs exerçant leur activité à titre professionnel.
Il est précisé au second alinéa que ces centrales proposent notamment des services de réservation de véhicules de transport public particulier de personnes. Cette précision apparaît inutile, car le transport public particulier de personnes relève sans ambiguïté d’une activité professionnelle.
Il s’agit donc d’un amendement de clarification.
L’amendement no 83 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement no 36 .
L’article 1er modifie le régime applicable aux plateformes de réservation en les responsabilisant davantage. C’est une orientation que nous approuvons. Vous prévoyez cependant pour l’ensemble des centrales de réservation une procédure déclarative en partie calquée sur la procédure actuellement applicable aux intermédiaires du secteur des VTC. Cette procédure offre à nos yeux beaucoup trop de souplesse et risque de ne pas permettre aux pouvoirs publics de s’assurer du respect de la réglementation et de maîtriser le flux des nouveaux entrants.
Nous pensons donc qu’il serait bon qu’elles aient l’obligation de disposer d’un agrément administratif, grâce auquel on conserverait un droit de regard sur leur création. Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué en commission la question de la compatibilité d’une telle procédure d’agrément avec le droit européen de la concurrence. Nous pensons pour notre part que les pouvoirs publics sont fondés à réguler, c’est-à-dire à limiter éventuellement l’exercice de l’activité de certaines plateformes ou l’arrivée de nouveaux entrants lorsque l’intérêt général l’exige, par exemple en raison de la saturation du marché.
L’organisation des transports publics relève à l’évidence de la compétence et des missions des pouvoirs publics. En outre, l’ambition d’une régulation du secteur perdrait tout son sens si nous nous interdisions de réguler le nombre de véhicules en circulation ou le nombre de chauffeurs en exercice. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à adopter le présent amendement.
Cher collègue, un amendement similaire déposé en commission avait reçu un avis défavorable. De telles dispositions allongeraient en effet les procédures de création d’une activité sans pour autant empêcher les acteurs de déroger aux règles dans les faits. Ce qui est important, c’est l’effectivité des contrôles : la déclaration doit donc contenir les éléments relatifs à l’activité pour que les contrôles exercés en vérifient l’exactitude. Le régulateur sera chargé d’opérer les contrôles en s’appuyant sur les données transmises. L’avis est donc défavorable.
Même avis : défavorable.
L’amendement no 36 n’est pas adopté.
Mon collègue Tardy et moi-même tenons à alimenter le débat permanent, cher aux membres de la commission des lois, sur l’usage dans cette maison de l’adverbe « notamment ». Nous proposons dans cet amendement la suppression de ce mot à l’alinéa 20, dont l’objet est d’ajouter des obligations déclaratives aux centrales de réservation. Il est préférable en effet que les informations devant être transmises à chaque déclaration annuelle soient strictement limitées, de façon à ne pas ajouter de charge administrative aux entreprises concernées.
Avis défavorable : cet amendement revient à dire que ces centrales devront exclusivement fournir des informations sur la part respective des catégories d’exploitants dans l’activité de mise en relation et sur les vérifications qu’elles effectuent. Or, il est préférable qu’elles aient à en fournir d’autres, car ces seules informations ne permettront pas une bonne connaissance de leurs activités.
Même avis : défavorable.
L’amendement no 16 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à supprimer les alinéas 21 et 22, qui instaurent une responsabilité des plateformes de réservation à l’égard des clients dans la bonne exécution de la prestation. S’il est souhaitable de renforcer la responsabilité des plateformes dans la relation qu’elles ont avec les conducteurs, il est incompréhensible d’étendre cette responsabilité aux clients.
Rappelons en effet que les conducteurs sont, pour la plupart, des travailleurs indépendants sans lien de subordination avec les plateformes. La proposition de loi propose d’ailleurs de renforcer cette indépendance. Dès lors, ces dispositions font peser sur les plateformes une responsabilité que, dans les faits, elles n’ont pas les moyens d’exercer.
En outre, transférer du chauffeur aux plateformes la responsabilité de la bonne exécution de la prestation aboutirait à déresponsabiliser les chauffeurs eux-mêmes.
L’avis est défavorable. Ces alinéas ne créent pas une obligation nouvelle. Le droit en vigueur, en l’espèce l’article L. 3120-3 du code des transports, dispose que les intermédiaires du secteur VTC sont responsables de plein droit, à l’égard du client, de la bonne exécution des obligations contractuelles, que ce contrat ait été conclu à distance ou non et que ces obligations soient à exécuter par les intermédiaires eux-mêmes ou par d’autres prestataires.
Nous souhaitons simplement étendre cette responsabilité à toutes les centrales de réservation.
Je suis allé un peu vite en demandant immédiatement l’avis du rapporteur, car M. Caresche, qui est présent dans l’hémicycle, avait déposé un amendement identique.
Vous avez la parole pour soutenir l’amendement no 74 , cher collègue.
Il est normal que les centrales de réservation endossent une responsabilité plus importante concernant les chauffeurs ; c’est d’ailleurs l’objet des alinéas précédents, et je ne nie pas que cela figure déjà dans le code des transports.
En revanche, instaurer une responsabilité à l’égard des clients pose un autre problème, car il n’y a pas de lien de subordination entre les centrales et les conducteurs, qui sont des travailleurs indépendants. Un tel mécanisme tendrait d’ailleurs également à déresponsabiliser les conducteurs eux-mêmes. Une telle responsabilité serait donc excessive.
En réalité, c’est le droit en vigueur, c’est-à-dire les dispositions de l’article L. 3120-3 du code des transports, que vous critiquez, monsieur le député. Vous vous trompez sur la portée des dispositions que vous entendez supprimer de la présente proposition de loi. Celles-ci ont pour seul objet d’étendre le droit actuel aux plateformes, aux centrales de réservation qui font appel aux transporteurs sous le régime dit LOTI.
Compte tenu de ce que nous avons dit au sujet de l’évolution de la profession, ce peut être une solution, mais permettez-moi de ne pas partager votre avis sur le sujet. Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour soutenir l’amendement no 34 .
Les articles L. 3142-1 à L. 3142-4 créés par la proposition de loi permettent d’étendre à l’ensemble des centrales de réservation des dispositions qui actuellement ne concernent que les intermédiaires du secteur des VTC. L’article L. 3122-6 en vigueur, qui va être abrogé, prévoyait que ces intermédiaires devaient vérifier chaque année si les exploitants avaient bien une assurance de responsabilité civile professionnelle ; il est proposé de conserver cette obligation pour les centrales.
L’amendement no 34 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Les alinéas 30 à 35 durcissent très sévèrement les sanctions à l’égard des sociétés de transports qui n’auraient pas rempli leurs obligations. Je préfère ne pas commenter le fait que vous ajoutiez un an d’emprisonnement pour des infractions mineures telles que le défaut de déclaration annuelle ; il faudrait peut-être revoir les priorités de votre politique pénale. Nous aurons l’occasion d’en débattre ce soir lors de l’examen de la prorogation de l’état d’urgence.
L’absence de déclaration à l’autorité administrative est en tous les cas punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende à l’alinéa 31, alors que l’alinéa 35 renvoie la définition des sanctions à un décret, y compris pour cette infraction. Il est préférable de s’en tenir au décret, qui définira des peines contraventionnelles, beaucoup plus adaptées et réalistes.
L’avis est défavorable. L’amendement no 6 , que je présenterai à la suite de celui-ci, supprime en effet du chapitre relatif aux sanctions la double mention de l’article L. 3142-2 du code des transports tout en maintenant le caractère délictuel du non-respect de ses dispositions.
Il s’agit d’un débat complexe, monsieur Tardy. Au fond, vous préférez au délit prévu dans le texte une contravention qui existe déjà et vous semble plus adaptée. Il s’agit d’un débat juridique de fond. Je ne suis pas sûr que prévoir une contravention protège ceux que vous voulez protéger. Il existe en effet une grande différence entre contravention et délit : l’intention délictueuse est constitutive du délit alors qu’il suffit, pour dresser une contravention, de constater objectivement les faits. Si par exemple vous commettez un excès de vitesse, on ne vous demande pas si vous avez voulu le commettre, on le constate, ce qui suffit à constituer une infraction passible d’une contravention.
Soyez très attentif à cette différence, car elle compte aussi dans d’autres cas, y compris celui des entreprises auxquelles je vous sais très attaché. Le non-respect de telle ou telle disposition du code du travail était jadis sanctionné par une contravention et les entreprises elles-mêmes, à un moment donné, ont préféré aller devant le juge et lui expliquer que l’infraction n’était pas constituée – parce que leur comportement en était un élément constitutif – plutôt que de se voir infliger autant de contraventions qu’elles employaient de salariés. Il en irait de même dans le cas d’espèce. Je comprends l’intention qui vous anime, monsieur Tardy, mais il me semble que vous commettez une erreur et qu’il vaut mieux conserver la qualification délictueuse, qui porte le débat devant le juge, contrairement à la contravention qui est par définition automatique.
L’amendement no 65 n’est pas adopté.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour soutenir l’amendement no 5 .
L’amendement no 5 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour soutenir l’amendement no 6 .
J’y faisais référence il y a un instant. Contrevenir aux dispositions de l’article L. 3142-2 du code des transports constitue déjà un délit en vertu de l’article L. 3143-1. Il n’est donc pas utile de prévoir des sanctions administratives ou contraventionnelles en sus.
L’amendement no 6 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 1er, amendé, est adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.
La parole est à M. Christophe Caresche.
Sans allonger les débats, je voudrais poser une question à M. le secrétaire d’État. L’article 2 vise à créer un observatoire destiné à améliorer la connaissance de l’activité du secteur, ce qui est une bonne chose. Le seul problème, c’est qu’il n’est pas mentionné dans l’article ! Je voudrais donc savoir, monsieur le secrétaire d’État, sous quelle forme il sera mis en place, qui en sera chargé, si vous entendez y associer les acteurs du secteur, ce qui serait selon moi une bonne chose. Si vous pouviez fournir quelques précisions sur la mise en oeuvre des dispositions de l’article 2, nous en serions satisfaits.
Je me félicite tout d’abord de la publication des informations relatives à l’économie du secteur. Cet article vient compléter la création prochaine de l’observatoire national qui lui sera consacré. Il importe que des informations soient rendues publiques, au moins pour que chacun se forge son propre jugement sur la situation catastrophique dans laquelle se trouvent les chauffeurs de taxi qui ont vu chuter le prix de leur licence ainsi que leur chiffre d’affaires malgré de très nombreuses heures de travail. L’observatoire permettra également à chacun de se rendre compte que l’activité de VTC ne constitue pas la panacée voire est encore plus difficile que le métier de chauffeur de taxi.
Nous sommes donc très favorables à la publication de ces chiffres, sous réserve évidemment que l’observatoire se matérialise réellement, comme Christophe Caresche l’a dit excellemment avant moi. À défaut de connaître à peu près le budget de cette centrale, saurons-nous combien de collaborateurs elle comptera, à qui ils seront rattachés et comment fonctionnera le tout ? Nous aimerions obtenir des indications de votre part, monsieur le secrétaire d’État. Je forme le voeu que les chiffres de contrôle soient annexés à ces informations car ils sont eux aussi essentiels à la bonne activité de cette profession.
En complément de ce que viennent de dire Christophe Caresche et Bertrand Pancher, je voudrais insister sur la création de cet observatoire, qui manque en France et existe dans d’autres pays. Elle soulève la question que posait tout à l’heure Christophe Caresche : qui est chargé de la régulation ? Partout, il existe une autorité administrative indépendante, souvent rattachée à l’autorité territoriale de régulation et également chargée de l’observation du secteur, comme Transport for London dans le cas britannique ou la commission chargée des taxis et des VTC à New York. Si on sait à peu près combien on compte de taxis actuellement ainsi que les catégories dans lesquelles ils se répartissent, qui peut dire combien on compte de VTC ? Peut-être pouvez-vous nous le dire cet après-midi, monsieur le secrétaire d’État ? Quant aux contrôles évoqués tout à l’heure, je réitère ma question sur les effectifs de police.
Bref, s’il faut mettre en place un observatoire, il faut aussi se poser la question de savoir quelle est l’autorité de régulation. C’est un premier pas. M. le secrétaire d’État chargé des transports se trouve actuellement au banc du Gouvernement, ce qui constitue une avancée dépassant la traditionnelle confrontation entre les ministères de l’intérieur et de l’économie. Nous avons fait un pas, il faut aller plus loin et imaginer l’autorité de régulation du transport de personnes du futur.
Je réponds aux questions posées car elles ne font pas l’objet d’amendements. Elles sont en outre logiques et précises et appellent donc des réponses précises. Il ne s’agit pas de créer une nouvelle structure. Le suivi sera assuré par le service de l’observation et des statistiques du CGDD, le Commissariat général au développement durable, qui relève du ministère chargé des transports. Quant à la deuxième question portant sur la façon dont les professionnels, auxquels j’ajoute les parlementaires, seront associés à cette démarche, j’y réponds que le décret prévoira la mise en place d’un comité d’évaluation et de suivi comportant des professionnels et des parlementaires afin que les informations soient partagées.
Nous en venons à l’examen des amendements.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n° 17 .
Malgré la réponse de M. le secrétaire d’État, nous ne sommes pas convaincus. En effet, sous couvert d’améliorer la connaissance du secteur, cet article procède à une aspiration importante et non limitée des données d’entreprises privées. Il soumet en effet à des obligations de transmission d’informations l’ensemble des acteurs du transport public particulier de personnes. Ces dispositions sont difficilement acceptables car elles font peser une charge importante sur les entreprises et travailleurs indépendants concernés. Il s’agit bien d’une charge supplémentaire. Le champ des données concernées, qui ne sont pas des données publiques, est extrêmement large et ne semble pas limité à des informations statistiques.
S’il s’agit de mieux repérer les atteintes à la concurrence, l’Autorité de la concurrence dispose déjà de moyens pour détecter les pratiques anticoncurrentielles sans qu’une telle transmission soit nécessaire. Par ailleurs, il me semble que l’État devrait disposer de données fiables, notamment en matière de nombre de licences, d’autorisations accordées aux VTC et de candidatures. Je ne nie pas que davantage de données et une meilleure connaissance du secteur sont nécessaires, mais commençons par utiliser les outils existants avant de prévoir ce genre de disposition trop large ! Même si vous affirmez qu’aucun observatoire ne sera créé, monsieur le secrétaire d’État, en charger un service qui existe déjà consiste véritablement à le faire grossir, ce à quoi nous sommes défavorables.
L’avis est défavorable. Adopter cet amendement reviendrait à se priver d’éléments dont le caractère essentiel a été observé à plusieurs reprises. Ils sont nécessaires pour mieux appréhender le secteur.
Si je n’ai pas répondu à la question précise posée par M. Thévenoud, c’est que de tels chiffres ne peuvent être avancés avec certitude par un membre du Gouvernement ! Par exemple, les taxis et les VTC ont le même code APE, ce qui pose tout de même un problème si l’on veut les dénombrer !
Les chiffres portant sur les VTC sont des approximations et il est très difficile de faire la distinction.
À vrai dire, je ne comprends pas vraiment votre démarche, monsieur Saddier. Nous évoquerons plus tard la protection des données commerciales et je conçois ce qu’en dira M. Tardy en présentant d’autres amendements, mais il est nécessaire de disposer de ces éléments. Quiconque a la responsabilité d’une politique publique, aujourd’hui et demain, doit en disposer. Cette difficulté est réelle et explique d’ailleurs pour partie les hésitations passées, récentes et moins récentes. La réponse a minima consiste à ne pas créer un autre machin institutionnel et à confier ce travail à l’administration associée aux parlementaires et aux professionnels.
Très honnêtement, penser que l’on sait tout ou que l’on n’a pas besoin de ces informations ne prend pas en compte la réalité actuelle, car on ne peut pas prendre une décision. Quelques-uns d’entre vous déploraient tout à l’heure l’absence d’étude d’impact, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, et à présent qu’il s’agit de disposer d’informations pour prendre une décision politique, vous êtes contre ! Je ne vois pas beaucoup de rationalité dans cette démarche.
L’amendement no 17 n’est pas adopté.
Par rapport au précédent, il s’agit d’un amendement de repli, prévoyant que la transmission des données visées est une possibilité, que les documents ou informations transmis relèvent de la loi du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques et qu’ils sont transmis de manière agrégée afin d’en épargner la charge aux sociétés concernées.
L’adoption de cet amendement alourdirait les procédures. L’avis de la commission est défavorable.
Même avis.
L’amendement no 66 n’est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement no 75 .
Cet amendement vise à supprimer trois alinéas dont certains me semblent redondants, en particulier l’alinéa 9, et d’autres un peu inquiétants, mais peut-être les réponses de MM. le rapporteur et le secrétaire d’État me rassureront-elles ! L’alinéa 11 prévoit en effet que l’autorité administrative est autorisée à procéder à la mise en oeuvre de traitements automatisés de données à caractère personnel. Certes, l’alinéa 12 précise que cette transmission de données doit s’inscrire dans le cadre du respect de la loi. On peut d’ailleurs se demander s’il faut vraiment écrire cet alinéa, car le respect de la loi s’impose !
En matière de transmission et de traitement automatisé de données à caractère personnel, faut-il aller aussi loin ? N’y a-t-il pas là quelque chose de trop intrusif ? Est-ce vraiment la vocation de l’observatoire envisagé ? Il ne s’agit pas, à ma connaissance, de créer une sorte de passenger name record du transport public de personnes ! Vous qui avez longtemps siégé à la CNIL, monsieur le secrétaire d’État, peut-être pouvez-vous m’éclairer sur ce point ?
L’avis est défavorable. La mention de la loi « informatique et liberté » dans le texte est indispensable. Par ailleurs, vos arguments me semblent excessifs, cher collègue, en particulier l’évocation du PNR. Celui-ci a pour objet la lutte contre l’immigration irrégulière et le terrorisme ; y faire référence dans l’exposé des motifs de votre amendement est donc tout à fait excessif. Il ne s’agit que de contrôler et de réguler le secteur du transport public particulier de personnes, et les objectifs de la transmission de données sont bien précisés à l’article 2.
Même avis.
L’amendement no 75 n’est pas adopté.
Je soutiendrai une douzaine d’amendements à ce texte. Je ne souhaitais pas allonger la discussion générale, très longue, ni m’inscrire sur un article, mais je voulais souligner qu’à chaque fois qu’une innovation voit le jour, et elles sont nombreuses dans le monde numérique, les Américains en font un business, les Chinois la copient et les Français la régulent !
C’est la même chose dans le domaine des taxis et VTC. J’ai déjà eu l’occasion de le dire lors de l’examen de la proposition de loi « Thévenoud », on a besoin de trouver des cadres et les questions qui se posent sont à chaque fois les mêmes : faut-il réguler en imposant des règles spécifiques aux nouveaux acteurs, aux plates-formes concernées ? Faut-il réguler les outils ? Faut-il imposer des règles identiques à l’ensemble des acteurs ? Je souhaite que nous puissions avoir une discussion globale sur l’ensemble de ces articles afin de trouver un juste équilibre – ce qu’a tenté de faire le rapporteur en engageant le dialogue avec les uns et les autres.
Le présent amendement précise que ce n’est pas l’autorité administrative qui rend les données anonymes, comme la rédaction peut le laisser entendre. Celles-ci sont rendues anonymes avant leur transmission.
Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable. Il est préférable que l’anonymisation soit effectuée par le service des statistiques du ministère des transports, qui a l’habitude d’y procéder. Ainsi, cela ne constituera pas une charge pour les entreprises et garantira une uniformité dans le traitement des données.
Cet amendement répond à un certain nombre d’interrogations et n’est pas tout à fait contradictoire avec ce que suggère le rapporteur. Prévoir l’anonymisation des données avant leur transmission à l’autorité administrative peut s’entendre, même si nous pouvons discuter sur d’autres parties du texte. Le Gouvernement, qui souhaite que le texte soit équilibré et qui veut entendre l’ensemble des acteurs, est favorable à cet amendement.
Cet amendement mérite d’être soutenu car il permettra de lever une crainte. L’interrogation n’est sans doute pas fondée, monsieur le rapporteur, mais si cette rédaction peut apporter une sécurité, autant l’adopter !
Les députés du groupe Les Républicains ont soulevé depuis le début de la discussion un certain nombre de craintes et d’interrogations et se sont vus opposer des avis défavorables de la part de la commission et du Gouvernement. L’avis favorable que vient d’émettre M. le secrétaire d’État prouve que nos craintes étaient fondées et que nous avions raison, en soutenant nos amendements, de provoquer le débat !
Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que celui qui nous a animés lors de l’examen du projet de loi relatif à l’open data, visant à transposer la directive « PSI », dont j’étais le rapporteur, et au projet de loi pour une République numérique, que nous examinerons demain, après son passage en commission mixte paritaire. Il s’agit de traiter de la manière dont les données sont rendues publiques et anonymisées. Il s’agit de protéger les données personnelles. Je maintiens cet amendement et souhaite qu’il soit adopté, ainsi que nous y a invités M. le secrétaire d’État, que je remercie.
L’amendement no 86 est adopté.
Continuons dans la même veine ! Étant pour le moins étonné par cet article 2, je suis allé voir un article similaire, l’article 12 du projet de loi pour une République numérique. Cet article concerne uniquement les données du secteur privé, aspirées à des fins d’enquêtes statistiques. Si son champ est mieux défini, il est aussi bien plus protecteur, puisqu’il prévoit une consultation préalable du secteur ainsi qu’une étude de faisabilité et d’opportunité pour chaque catégorie de données. Je vous propose d’adopter la même rédaction, afin que les données demandées soient réellement utiles et pertinentes et que les obligations soient proportionnées.
Le fonctionnement de l’observatoire du T3P sera confié, ainsi que je l’ai dit tout à l’heure, au service de l’observation et des statistiques du CGDD. De ce fait, il entre dans le champ de l’article 12 du projet de loi pour une République numérique. Votre amendement sera donc satisfait par l’adoption de ce texte. L’adoption d’un tel amendement serait dangereuse car elle contraindrait à réécrire dans chaque texte ce qui est de portée générale dans le projet de loi pour une République numérique, et questionnerait quant à l’application de l’article 12. Je vous demande donc de retirer cet amendement.
L’amendement no 18 n’est pas adopté.
Le décret prévu à l’alinéa 13 détermine les conditions d’application de l’article. Il fixe aussi le montant de l’amende encourue, ce qui nous place dans une situation d’incompétence négative.
C’est au législateur qu’il revient de fixer le montant de l’amende, mais aussi de prévoir la procédure. Je me réfère une nouvelle fois à l’article 12 du projet de loi pour une République numérique, qui est similaire sur le principe et sur la forme. En cas de non-transmission des informations, l’article 12 prévoit une procédure de mise en demeure, la possibilité pour la personne de faire valoir ses observations, une amende et son montant, pouvant être prononcée dans un certain délai. Cet amendement supprime le renvoi au décret et vous invite à revoir l’architecture de la procédure de sanction au cours de la navette parlementaire.
Avis défavorable. Les précisions relatives à l’organisation de la procédure de sanction administrative ne relèvent aucunement de la loi – on pourrait même admettre que le législateur ne définisse pas la nature de la sanction. Il n’y a pas d’incompétence négative du législateur dans le cas présent.
Même avis. Les questions de procédure sont d’ordre réglementaire.
L’amendement no 19 n’est pas adopté.
Amendement de précision. L’exposé des motifs montre que l’objectif de cet article est de fournir des données globales sur le transport public particulier de personnes, non de fournir des « informations », dont on voit mal ce qu’elles recouvrent. Cette rédaction montre bien le problème posé par l’absence d’étude d’impact.
Avis défavorable. Le terme « informations » est plus large et l’administration ne fournira pas uniquement des données brutes.
Même avis.
L’amendement no 67 n’est pas adopté.
Les examens passés par les futurs chauffeurs de taxi et de VTC ont suscité ces derniers mois de nombreuses controverses, légitimes ou non, sur les risques de favoriser une profession par rapport à une autre et d’abaisser le niveau d’exigences. Cet amendement prévoit que les données statistiques relatives aux examens, comme le nombre de candidats, le taux de réussite ou le délai d’attente, seront rendues publiques, ce qui permettra d’éviter des polémiques contre-productives.
Cet amendement assigne un nouvel objectif à la communication des données. Il n’est pas souhaitable, sur la seule question des examens, d’aller autant dans le détail. Par ailleurs, cela serait disproportionné par rapport aux autres enjeux couverts par l’article 2. Je vous demande de retirer cet amendement.
L’objectif de l’amendement peut être largement partagé, puisqu’il concerne les conditions de passage des examens. Sur ce sujet, j’ai eu aussi, le 7 juillet, un débat fort intéressant avec les responsables des plates-formes. Il en est ressorti que les informations dont ils disposaient, issues d’un seul centre, n’étaient pas exactes et que le taux de réussite pouvait varier énormément, de 10 % à 60 %, selon que les candidats sont plus ou moins bien préparés.
Que les chiffres soient rendus publics est nécessaire, car cela permet d’apaiser les inquiétudes, lorsqu’elles existent. Pour autant, faut-il que la loi le prévoie ? C’est là que nous avons une divergence.
Votre amendement a une utilité, celle de permettre au Gouvernement de prendre des engagements. Je m’engage à reprendre mot pour mot le contenu de votre amendement dans le texte réglementaire. Je vous demande en conséquence de bien vouloir retirer cet amendement.
Monsieur le secrétaire d’État, j’entends que vous reprendrez ces éléments dans le décret, notamment dans le cahier des charges. Je vous en remercie et, pleinement satisfait, retire l’amendement.
L’amendement no 95 est retiré.
Cet amendement aborde un sujet important pour les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste puisqu’il s’agit de la connaissance du temps de travail. Si la réglementation et la durée de travail des taxis parisiens sont parfaitement connues, le temps de travail des VTC et des LOTI n’est pas clairement réglementé. Il est nécessaire de clarifier les choses. À moyen terme, il serait équitable d’envisager une harmonisation de la réglementation.
Je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable. L’alinéa 8 de l’article 2 répond en partie au problème que vous soulevez, puisqu’il fait référence aux données nécessaires à la connaissance des conditions de travail. Par ailleurs, l’alinéa 18 prévoit que les données rendues publiques permettront d’informer les professionnels des conditions de travail dans le secteur. Cela me semble suffisant.
Même avis mais il ne me semble pas nécessaire de soulever un faux débat à ce sujet, car nous partageons votre préoccupation. Nous avons besoin de ces informations pour nous poser les bonnes questions, dans un cadre qui n’est pas toujours défini, entre les travailleurs indépendants et les salariés. Les situations qui soulèvent des interrogations ne manquent pas. Les mesures prévues dans le texte que nous examinons répondent, me semble-t-il, à cet objectif. Il n’est peut-être pas nécessaire que la loi entre dans le détail des précisions. La notion de conditions de travail englobe le temps de travail. Lorsque nous aurons obtenu ces informations, il sera extrêmement utile d’essayer de dresser un cadre, en tout cas d’alimenter notre réflexion.
Je le répète, ne nourrissons pas un faux débat. Je vous invite par conséquent à retirer votre amendement.
Loin de nous l’intention de soulever un faux débat. Nous souhaitions simplement évaluer plus précisément la situation. Nous acceptons bien entendu de retirer notre amendement, comme je m’y étais déjà engagé lors de la discussion générale.
L’amendement no 102 est retiré.
Nous évoquions tout à l’heure les disparités de gestion entre opérateurs. C’est en particulier le cas des contrôles techniques obligatoires, tous les six mois pour les LOTI, tous les ans pour les VTC. Cet amendement tend à astreindre tous les véhicules utilisés pour l’exécution des prestations de transport public particulier de personnes à un même contrôle technique, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.
Le contrôle technique annuel est suffisant pour un véhicule léger. Il s’applique à tous les véhicules de moins de dix places dans le transport public particulier de personnes. Le contrôle semestriel concerne les véhicules de plus de dix places. Nous aurions plutôt besoin d’études techniques mais ces dispositions ne relèvent pas de la loi. Enfin, la suppression de l’obligation de capacité financière n’est pas justifiée.
Je vous invite à retirer cet amendement sinon j’y rendrai un avis défavorable.
Je comprends l’objectif de l’amendement mais ce débat, pour être clair et transparent, mérite d’être nourri. Le Gouvernement vous demande de retirer cet amendement pour ne pas avoir à donner un avis défavorable. Nous pourrons ensuite poursuivre le travail avec le rapporteur et vous-même, monsieur le député, d’ici l’examen de ce texte au Sénat. Je comprends bien votre intention, mais cet amendement soulève des questions techniques et je ne voudrais pas commettre d’imprudence. Nous avons besoin de procéder au préalable à quelques vérifications. Nous réitérons par conséquent notre invitation à retirer cet amendement, en échange de notre engagement à poursuivre le débat.
Je me tiens à votre disposition, monsieur le secrétaire d’État, pour poursuivre le travail avec vous et M. le rapporteur, avant le passage au Sénat. Je retire l’amendement.
L’amendement no 80 est retiré.
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement no 37 .
Cet amendement tend à remettre à l’ordre du jour une proposition que nous avions faite en 2014, lors de la discussion de la loi « Thévenoud ». Il s’agit de combler une lacune dans le dispositif de contrôle et de sanction de la maraude illégale qui reste un point de tension crucial entre taxis et VTC, en créant un registre national pour géolocaliser les VTC et transmettre des informations sur leur disponibilité.
Le registre que nous proposons n’a pas vocation à fonctionner comme un registre public mais plutôt comme un registre à l’usage des services de police afin de mieux contrôler le respect de la réglementation par les VTC.
La question du contrôle des VTC et de la sanction efficace de ceux qui violent la réglementation en vigueur est en effet majeure. Ce point est aussi l’une des principales faiblesses des pouvoirs publics.
Fixer des règles du jeu est utile. Les faire respecter est beaucoup plus ardu.
Ce registre obligatoire des VTC recensant des informations sur leur localisation et leur disponibilité peut vous sembler un dispositif extrêmement lourd et difficile à mettre en oeuvre. Il serait irréaliste de prétendre effectuer un contrôle en temps réel, 24 heures sur 24, mais un tel outil serait en revanche utile pour contrôler les chauffeurs ou les entreprises sur lesquels pèsent des soupçons, suite à une plainte, par exemple. C’est en tout cas le sens que nous lui donnons.
Je vous invite à retirer votre amendement, monsieur le député, ou j’y rendrai un avis défavorable. Cet amendement vise à créer, pour tous les conducteurs mis en relation par l’intermédiaire d’une plateforme, un registre identique à celui des chauffeurs de taxi. Seraient également concernées, au sens large, les plateformes de covoiturage. Si le registre a pour finalité d’améliorer l’accès aux taxis par les clients en favorisant le développement de services innovants – je vous renvoie au texte porté par notre collègue Thomas Thévenoud –, vous oubliez le monopole de la maraude. Ce registre aurait des effets contraires à ceux que vous souhaitez. Il n’y a donc pas lieu de l’étendre à d’autres modes du transport public particulier de personnes.
Même avis défavorable.
L’amendement no 37 n’est pas adopté.
L’article 2 est adopté.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour soutenir l’amendement no 45 rectifié .
Cet amendement vise à élargir les conditions dans lesquelles un arrêté du ministre de l’économie, pris après avis conforme de l’Autorité de la concurrence, peut reconnaître certains accords ou pratiques dérogatoires aux interdictions posées à l’article L. 420-2-2 nouveau du code de commerce.
Un second amendement présenté par votre rapporteur vise à limiter la durée pendant laquelle ces accords pourraient être reconnus par un arrêté afin que les conditions de la reconnaissance fassent l’objet d’un réexamen périodique. Il s’agit d’éviter que des éléments puissent être prorogés indéfiniment.
L’amendement no 45 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 99 .
Cet amendement tend à substituer, à l’alinéa 12, aux mots : « de favoriser l’apparition d’un nouveau service », les mots : « d’améliorer les services existants ou de développer de nouveaux services ». Il s’agit d’étendre les possibilités de déroger aux règles définies à l’article 3 et de préciser que les accords ou pratiques satisfaisant les conditions de dérogation sont reconnus, après avis conforme de l’Autorité de la concurrence, par un décret conjoint du ministre chargé de l’économie et du ministre chargé des transports. Il s’agit d’une mesure de souplesse.
Nous parlons bien de l’amendement no 99 , l’amendement précédent ayant fait tomber le no 91 ?
Il est prévu qu’un arrêté du Gouvernement accorde des dérogations pour les pratiques ou les accords qui favorisent l’émergence de nouveaux services. Même en cas d’avis conforme de l’Autorité de la concurrence, c’est une pratique typiquement française de voir le Gouvernement décider indirectement des innovations qui méritent ou non d’être autorisées sur le marché. Quoi qu’il en soit, je ne vois pas pourquoi cet amendement prévoit que l’arrêté soit pris conjointement par les ministres de l’économie et des transports. Sauf erreur, cette disposition s’insère dans le code de commerce et concerne l’ensemble de l’économie, pas uniquement les transports. Seul devrait compter l’avis du ministre de l’économie.
Sans malice, il me semble que le secrétaire d’État a présenté l’amendement no 91 et non l’amendement no 99 . Je ne voudrais pas semer la confusion mais il me semble bien qu’ont été évoquées les possibilités de déroger à l’interdiction pour les centrales de réservation de prévoir des clauses d’exclusivité pour leurs conducteurs. L’amendement no 91 a-t-il bel et bien été retiré ?
L’amendement no 91 , qui est le frère jumeau de l’amendement no 99 , a été retiré. L’amendement no 99 vise à prévoir cet arrêté conjoint des ministres de l’économie et des transports. J’ai bien défendu l’amendement no 99 , qui tend à élargir les possibilités de dérogation, telles qu’elles sont prévues à l’article 3, en ajoutant certaines dispositions comme l’amélioration des services existants ou le développement de nouveaux services.
L’amendement no 99 est adopté.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour soutenir l’amendement no 43 .
Cet amendement vise à limiter la durée de ces dérogations à cinq ans, afin que les conditions de la reconnaissance fassent l’objet d’un réexamen périodique.
Avis favorable.
Je voudrais savoir à quels types de dérogations ces amendements font référence. Pouvons-nous avoir un exemple précis ? Je ne mets aucune malice dans ma question, mais je ne comprends pas de quoi il s’agit.
Je voudrais bien vous répondre mais je ne comprends pas votre question, ce qui me navre. L’article concerné est limité aujourd’hui à la création de nouvelles structures. Nous souhaitons étendre la dérogation à l’interdiction à d’autres cas plus larges. Le champ d’application est celui des nouveaux services et nouvelles activités. La notion même de création de service n’est pas définie. Ce sont donc des services existants qui pourront être étendus et créés. C’est pourquoi le ministre des finances et le ministre des transports prendront une décision par un arrêté conjoint et apprécieront le caractère nouveau. Il ne suffit pas, en effet, de déclarer qu’une pratique est nouvelle pour qu’elle le soit réellement.
Je ne comprends vraiment pas votre question.
L’amendement no 43 est adopté.
L’article 3, amendé, est adopté.
Je suis saisi d’un amendement no 32 qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements.
La parole est à M. Philippe Duron, pour soutenir l’amendement.
Cet amendement ne vise pas à prendre en compte de futurs services mais plutôt à renforcer les services existants, notamment ceux offerts par les voitures de grande remise qui proposent des prestations différentes à une clientèle particulière. Il s’agit en général de prestations haut de gamme pour des clients qui se rendent à des congrès, participent à des événements internationaux, des festivals, et qui ont besoin de chauffeurs polyglottes ou de services particuliers. Il conviendrait de leur attribuer un label de haute qualité, comme cela se pratique pour des hôtels ou des prestations touristiques.
Ce label offrirait une meilleure visibilité aux entreprises de grande remise mais aussi une plus grande attractivité touristique à la marque France. La France a vocation à développer son tourisme. Elle est aujourd’hui la première puissance touristique du monde et il serait souhaitable que nous puissions accompagner ce développement.
La commission est favorable à l’amendement no 32 , car il va dans le sens de la reconnaissance de la qualité, en particulier dans le domaine des véhicules de tourisme avec chauffeur, les VTC, et donc dans celui des anciens véhicules de grande remise.
Je vous propose, en effet, quatre sous-amendements à cet amendement : ils visent à la fois à codifier la disposition proposée et à en préciser la rédaction sur un certain nombre de points sans modifier le fond du texte.
Favorable, à la fois sur l’amendement et sur ces quatre sous-amendements.
Je suis également favorable à la création d’un tel label, mais il me semble que cela ne relève pas du domaine de la loi. Le Gouvernement ne pourrait-il pas prendre l’engagement de le faire par arrêté, plutôt que d’alourdir, une fois de plus, la loi ?
L’amendement no 32 , sous-amendé, est adopté.
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement no 41 .
L’interdiction de proposer des prestations de transport LOTI dans les véhicules de moins de neuf places pour des trajets entièrement situés dans le périmètre géographique d’un plan de déplacement urbain, un PDU, c’est-à-dire dans les agglomérations de plus 100 000 habitants, est une des mesures phares de cette proposition de loi. Nous approuvons sans réserve son objectif : lutter contre les pratiques scandaleuses de contournement de la législation. L’utilisation de véhicules enregistrés comme LOTI et utilisés en réalité pour du transport particulier de personnes s’apparente à une concurrence déloyale : elle doit donc être très durement sanctionnée.
En revanche, le texte laisse la possibilité de faire du transport collectif occasionnel avec cette catégorie de véhicules, dans les périmètres non couverts par un PDU.
Il serait plus judicieux, dans un souci de simplification du cadre législatif, de mettre fin au régime dit « LOTI léger » sur l’ensemble du territoire, afin de le réserver aux seuls véhicules de plus de dix places. Rien n’interdit en effet aux chauffeurs concernés de réaliser les mêmes prestations sous les régimes de taxi ou de VTC. Maintenir le régime LOTI ouvre en effet la voie à la sous-qualification et au dumping social que la proposition de loi a précisément pour objet de combattre.
Vous proposez de supprimer totalement le régime LOTI au lieu de l’interdire dans les seules zones dans lesquelles cette activité livre une concurrence déloyale aux VTC comme aux taxis. Une telle proposition amènerait à y mettre également fin dans les zones rurales, ou dans les trajets entre ces zones et les agglomérations . Or même si ces trajets représentent un faible volume, il s’agit d’une activité très importante pour des entreprises rurales.
Par conséquent, je vous suggère, monsieur Carvalho, de retirer l’amendement. À défaut, l’avis de la commission le concernant serait défavorable.
Monsieur Carvalho, j’ai déjà répondu à cette question au cours de la discussion générale. En réalité, le Gouvernement a commis la même erreur que vous au moment d’examiner cette proposition de loi : compte tenu de la situation, il lui a d’abord semblé plus simple, pour éviter toute confusion, de supprimer les prestations dites LOTI. Mais comme l’ont observé les associations de maires ruraux, que nous avons consultées, ainsi que les professionnels, le problème auquel nous sommes confrontés est spécifiquement urbain. D’ailleurs, en 1982, le dispositif LOTI visait précisément les territoires ruraux, auxquels il aurait donc dû être circonscrit. Il est en effet nécessaire, dans ces territoires, d’adapter l’offre à une demande certes peu importante, mais qui existe cependant. Leurs habitants aussi ont droit au transport !
Les entreprises concernées nous ont expliqué que leurs marges étaient faibles et qu’elles avaient justement besoin de ce dispositif pour continuer à servir lesdits territoires. C’est aussi la position des associations d’élus. Voilà pourquoi j’ai du renoncer à une solution qui paraissait pourtant simple – et qui est précisément, monsieur Carvalho, celle que vous défendez aujourd’hui. J’ai en effet pris conscience, à la suite de toutes ces rencontres, qu’il s’agissait d’une fausse bonne idée. Au fond, il faut trouver à ce problème purement urbain une solution urbaine : c’est pour cette raison que nous avons retenu pour critère l’existence d’un PDU.
Je partage votre préoccupation, monsieur Carvalho, mais si vous aviez, comme moi, pu entendre ces témoignages des associations d’élus et des entreprises, vous abandonneriez comme moi cette idée. Il ne faudrait pas, de ce point de vue, que votre démarche soit mal interprétée : peut-être faudrait-il, par conséquent, que vous retiriez votre amendement.
L’amendement no 41 est retiré.
À partir du moment où cette loi prévoit qu’en zone urbaine, tous les chauffeurs devront exercer sous le régime des VTC, réussir un examen et se soumettre à une vérification de leursantécédents judiciaires, il doit en être de même en milieu rural : il en va de la sécurité des usagers. En effet, l’ordre public ne peut pas être à géométrie variable selon que l’on se trouve en milieu urbain ou en milieu rural : nous devons apporter partout les mêmes garanties. Il s’agit même d’une exigence constitutionnelle.
Aussi je propose de modifier la rédaction du début de l’alinéa 7 en prévoyant que « les services occasionnels sont exécutés exclusivement avec un véhicule motorisé comportant, outre le siège du conducteur, plus de huit places. »
Je demande le retrait de cet amendement : à défaut, la commission donnerait un avis défavorable le concernant. En effet, l’objet de l’article 4 est de lutter contre le dévoiement du régime LOTI dans les agglomérations les plus denses et de simplifier les statuts, afin de parvenir à une situation dans laquelle une concurrence loyale entre taxis et VTC pourrait s’exercer. Il faut donc éviter que trois statuts différents ne s’opposent dans les agglomérations.
Le Gouvernement souhaite également le retrait de cet amendement.
La disposition concernée se trouve au coeur de ce qui a provoqué les tensions. Si le problème avait été traité avant, peut-être les choses se seraient-elles passées différemment, mais au moment d’adopter la loi de 2014, il était impossible de prévoir que le statut LOTI serait massivement choisi – car c’est au fond ce qui s’est passé.
La principale explication de l’utilisation du statut offert par la loi LOTI pour cette activité de transport urbain réside dans sa plus grande simplicité : il est en effet moins contraignant, car il permet de s’exonérer des obligations de formation auxquelles sont soumis les VTC. Mais ce ne sont pas les chauffeurs qui ont fait ce choix : eux voulaient exercer une activité de VTC, mais en se rendant sur telle ou telle plateforme, ils se sont vite rendus compte qu’ils pouvaient parvenir au même résultat d’une manière beaucoup plus simple – ce à quoi ils n’auraient jamais pensé au départ.
Je le dis clairement : je reproche aux plate-formes d’avoir pensé qu’une telle solution était possible. Leur approche a en effet eu un effet extrêmement perturbant pour le secteur, à un moment où la loi prévoyait un rapprochement entre les VTC et les taxis, dans une optique de respect mutuel et de modernité. Cela aurait pu fonctionner si ceux à qui on avait fait accepter, en 2014, la coexistence entre deux professions n’en avaient pas vu arriver une troisième ! Ils n’ont pas compris – personnes ne pouvait le comprendre, d’autant que l’on ne m’a jamais fourni les informations statistiques que je réclamais.
Aujourd’hui, il faut donc le dire clairement : tous les acteurs, quels qu’ils soient, doivent s’inscrire dans une démarche respectueuse de la loi. Chacun a sa place ; il ne peut pas en être autrement. Nous sommes, sur ce point, parvenus à un accord, notamment avec les associations d’élus.
Pourquoi un traitement différent en zone rurale, demandera-t-on ? Parce que la réalité y est totalement différente : les problèmes dont nous débattons ne s’y posent pas, du moins à ce stade. L’activité des taxis elle-même y est d’une autre nature, car il n’y existe pas forcément de clientèle pour le transport public particulier de personnes. L’activité des taxis dans ces zones est constituée, dans des proportions considérables, de transports pour le compte d’autrui, et plus de 80 % de leur chiffre d’affaires – un chiffre probablement sous-estimé – correspond au transport de malades assis pour la sécurité sociale. Il s’agit donc d’une autre démarche que le T3P, même si elle est tout autant nécessaire.
Quoi qu’il en soit, on ne peut pas regrouper des situations aussi différentes à l’intérieur d’un cadre unique. Même si j’ai d’abord réagi comme M. Carvalho, la solution qu’il propose ne correspond pas à la réalité. En outre, il nous faut aujourd’hui respecter la volonté des association d’élus, des syndicats de chauffeurs de taxis, mais aussi – et de plus en plus – des associations de VTC, hormis celles qui ont des liens trop étroits avec les plate-formes.
Je rappelle que le 7 juillet dernier, j’ai pour la première fois réuni au ministère les associations représentant VTC, LOTI et taxis. Ils avaient travaillé ensemble depuis des mois, à l’initiative de l’administration, sur la base d’une feuille de route, et ils ont réussi à s’entendre, ce qui me paraît extrêmement important. Il s’est passé beaucoup de choses depuis 2014 ; dès lors, il me paraît nécessaire d’opter pour une solution qui, sans être réellement consensuelle, constitue une piste de travail sur laquelle s’accordent les élus comme l’ensemble des professions concernées. Nous ne devons pas passer à côté de cette chance.
Pour toutes ces raisons, il me semble préférable de maintenir le texte de la proposition de loi sur ce point.
Monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de ces éléments de réponse. Il ne faut à mon sens pas oublier ce qui s’est passé ces dernières années ni les raisons qui ont poussé les uns et les autres à se saisir des opportunités qui leur étaient offertes.
En effet, les réponses apportées pourraient laisser croire que la principale activité des plate-formes de VTC consiste à contourner la loi, à déréguler et à casser les systèmes existants.
Lorsque l’instruction des dossiers de VTC est passée du ministère de l’intérieur à celui des transports, on est tombé de plus de 1 000 certifications par mois à moins de 1 000 sur six mois. Dès lors, pour tous ces jeunes qui attendaient leur certification après avoir terminé leur formation, quelle était la solution pour commencer à travailler ? Uber Pop. Ils n’en avaient pas d’autres !
Quand on veut abattre son chien, on l’accuse d’avoir la rage : on cède parfois à cette tentation lorsqu’on veut se débarrasser des VTC au profit des taxis.
De même, lorsque les délais d’obtention des certifications se sont allongés et que le dispositif en place s’est avéré par trop complexe, les uns et les autres se sont saisis du statut LOTI.
Autre exemple, sur lequel je reviendrai tout à l’heure en défendant un amendement : on a fait peser les véhicules hybrides des contraintes extrêmement fortes – puissance fiscale ne tenant pas compte de la puissance électrique, exigences en termes de longueur comme de largeur – au point d’empêcher l’usage de véhicules de type Toyota Prius. Or ces véhicules représentent 50 % de la flotte de VTC dans une ville comme Londres ! Il s’agit de voitures moins polluantes et moins bruyantes : or, à chaque fois, on a voulu empêcher les VTC de les utiliser.
J’entends la réponse du rapporteur comme du secrétaire d’État, et je veux bien retirer l’amendement no 97 , mais j’appelle tous nos collègues à la vigilance : ces plate-formes ne veulent pas contourner le droit : simplement, lorsqu’on les empêche d’exister, elles trouvent les moyens de poursuivre leur activité.
Trouvons un juste équilibre : je crois que le rapporteur est dans cet état d’esprit. J’y souscris, et continuerai à le faire y compris lorsque seront examinés les amendements suivants.
L’amendement no 97 est retiré.
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 11 .
L’article 4 fait évoluer la distinction entre les régimes léger et lourd opérée dans le cadre de la Loti. Il interdit, dans les périmètres des autorités organisatrices de mobilité couverts par un PDU obligatoire, la prestation de services occasionnels avec des véhicules de moins de dix places.
De fait, 10 000 LOTI se retrouveront du jour au lendemain sans activité, la transition du statut de LOTI à celui de VTC pour les entreprises et les chauffeurs concernés ne faisant l’objet d’aucune précision dans la proposition de loi.
Cet amendement vise donc à y introduire la possibilité pour les chauffeurs de statut LOTI travaillant à temps partiel avec une plate-forme, et pouvant justifier d’au moins 250 heures de travail, de bénéficier d’une équivalence immédiate avec le statut de chauffeur de VTC.
Je vous demande de retirer votre amendement, madame la députée. Sinon, j’y serai défavorable.
Vous parlez de chauffeurs LOTI travaillant avec une plate-forme. En tant que chauffeurs, ils peuvent être mis en relation par une plate-forme, mais ils sont d’abord salariés d’une entreprise.
Vous soulevez toutefois un vrai problème, celui du bénéfice de l’équivalence pour les chauffeurs travaillant à temps partiel, et non pas seulement à temps plein. Mais cela relève du pouvoir réglementaire et il appartient au Gouvernement de préciser les choses sur ce point.
Par ailleurs, il n’est pas vrai que, du jour au lendemain, 10 000 chauffeurs pourraient se retrouver sans travail, même si de tels chiffres ont été assénés dans la presse par un certain nombre de plateformes. Une période de transition permettra justement à un chauffeur LOTI de devenir VTC par équivalence. S’il veut devenir taxi, il devra obtenir une autorisation de stationnement.
Défavorable.
On ne va pas refaire l’historique des LOTI, je pense que ce qu’a dit le secrétaire d’État va dans le bon sens.
Cela dit, si la loi a été détournée, c’est que c’était possible. C’est bien la raison pour laquelle nous sommes en train de la modifier. Le Gouvernement a essayé de durcir par décret le statut des LOTI, avec une disposition difficilement applicable ; c’est ainsi qu’est né le conflit. Nous sommes obligés de revoir le statut mais, je suis assez d’accord avec Luc Belot, ne considérons pas ceux qui l’ont utilisé comme des délinquants. Ce n’est pas la réalité.
Les conducteurs ayant le statut de LOTI dans les villes de plus de 100 000 habitants pourront continuer à travailler en adoptant le statut VTC. Il n’est pas question de laisser sur le carreau les nombreux conducteurs qui ont accédé à ce travail. Ils ne seront pas pénalisés par l’évolution législative. Il est très important de le rappeler car l’évolution du statut a suscité de nombreuses inquiétudes, certains conducteurs pensant pouvoir être privés de leur travail du jour au lendemain.
Ce qu’il est également important de souligner, c’est que, jusqu’à présent, personne n’a été empêché de travailler.
En 2008, il n’y avait pas de VTC, ni d’Autolib’ d’ailleurs, parce qu’on ne parle jamais de l’autopartage et du développement d’Autolib’ dans l’agglomération parisienne, qui est pourtant un élément de concurrence supplémentaire pour les taxis. Il y avait 20 000 taxis à Paris, et on trouvait qu’il n’y en avait pas assez. Aujourd’hui, vous avez 20 000 taxis, plus de 10 000 VTC, des stations d’Autolib’ ont fleuri partout dans Paris, et tout le monde travaille.
La question qu’il faut se poser, c’est de savoir si tout le monde travaille suffisamment pour pouvoir payer ses charges à la fin du mois. Rappelons qu’en 2014, nous avons revu le statut de locataire et permis à des milliers de chauffeurs – 10 % des taxis français étaient sous le statut de locataire – de devenir locataires gérants et de gagner 1 500 euros nets chaque mois. Nous avons ainsi sorti de la précarité un certain nombre d’entre eux.
Nous devons donc nous demander si l’on peut améliorer collectivement la qualité de service, parce qu’on en a besoin pour l’attractivité de notre territoire, mais il ne s’agit absolument pas d’empêcher qui que ce soit de travailler, et ce que nous proposons aujourd’hui avec la réglementation de la LOTI n’empêchera personne de travailler.
J’en profite, monsieur le secrétaire d’État, pour vous demander à nouveau la position du Gouvernement sur un service qui, selon moi, devrait être interdit, qui s’appelle Heetch. Pour un certain nombre d’acteurs, y compris pour des VTC, Heetch, c’est Uber Pop la nuit, et Uber Pop a été interdit par le Gouvernement il y a six mois.
Nous sommes dans une situation très particulière. Le parquet a engagé des poursuites contre Heetch, sur la base du droit existant – l’audience a été reportée au mois de décembre. Nous sommes le pouvoir exécutif. Il est donc impossible, à ce stade, que le Gouvernement réponde à votre question puisque cela consisterait à donner son opinion sur des poursuites pénales, ce que ne permet pas le principe de la séparation des pouvoirs.
Il est évidemment impensable d’apporter une réponse au juge par voie d’amendement, ce qui empêcherait l’affaire d’être jugée ultérieurement. On ne modifie pas une disposition pour éviter des procédures pénales.
Je ne porte pas d’appréciation sur la procédure pénale en cours mais, à partir du moment où le parquet a engagé une procédure, respectons la séparation des pouvoirs. Je ne peux donc pas vous répondre, j’en suis désolé, et modifier la loi en cours de procédure pénale serait la pire des choses. Quels que soient les bons sentiments de ceux qui veulent le faire, que chacun réfléchisse à ce qui pourrait se passer pour des tas de poursuites pénales si on modifiait la loi pour arrêter les procédures.
Telle est la ligne de conduite du Gouvernement sur la question que vous posez, qui est légitime.
L’amendement no 11 n’est pas adopté.
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement no 38 .
Dans le souci de ménager une phase transitoire, l’article 4 fixe au 1er juillet 2017 la date d’interdiction des LOTI de moins de dix places dans les grandes agglomérations.
Toute entreprise qui, à cette date, exécuterait encore des services occasionnels avec un ou plusieurs véhicules de moins de neuf sièges aura jusqu’au 1er juillet 2018, soit un an supplémentaire, pour se conformer aux règles applicables aux exploitants de taxis ou de VTC.
Dans l’intervalle, c’est-à-dire au plus tard jusqu’au 1erjuillet 2018, ces entreprises continueront d’être régies par les dispositions LOTI jusqu’à ce qu’elles aient procédé aux démarches nécessaires pour être inscrites au registre national des VTC ou avoir le droit d’exploiter une licence de taxi.
Cette date nous paraît beaucoup trop lointaine et le dispositif, beaucoup trop conciliant. On ne peut à la fois faire le constat du caractère déloyal de pratiques et laisser deux ans à leurs auteurs pour les cesser et se conformer aux règles en vigueur et à la législation. Il importe au contraire de faire cesser au plus vite ces pratiques déloyales, qui portent un préjudice grave à l’ensemble des professionnels. Nous vous proposons donc de fixer au 1er janvier prochain l’échéance de la mise en conformité.
Défavorable.
Nous sommes d’accord sur l’objectif mais il est essentiel de prévoir une période de transition. Avec une date fixée au 1er janvier 2017, si tout se passait bien et et que la loi était promulguée par exemple en novembre, cela laisserait très peu de temps aux uns et aux autres pour s’organiser. C’est plutôt un principe de réalité qui nous anime.
L’amendement no 38 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement no 39 .
Aux termes de l’article 4, il est prévu qu’un décret en Conseil d’État fixe les mesures dérogatoires visant à faciliter la transition du régime LOTI vers un autre. Des dérogations pourront être prévues pour les conducteurs en matière d’accès à la profession de conducteur de taxi et à celle de conducteur de VTC. Des dérogations pourront également être prévues pour le respect des caractéristiques techniques requises pour les véhicules.
Si ces mesures dérogatoires sont temporaires, elles n’en sont pas moins excessivement choquantes. Rappelons en effet que les 10 000 chauffeurs concernés exercent dans un cadre illicite. Rien ne fait obstacle à ce qu’ils présentent les examens requis pour accéder en bonne et due forme à la profession.
Nous sommes ici dans une logique analogue aux velléités de casse des métiers de l’artisanat à travers la dévalorisation des qualifications. Il est au contraire conforme à l’intérêt général, aux chauffeurs eux-mêmes et à leurs passagers de s’inscrire dans une logique de reconnaissance et de valorisation des qualifications. Elles sont une garantie d’assainissement du secteur.
Nous sommes donc, vous l’aurez compris, plus que réservés sur les dérogations envisagées, qui fonctionnent un peu comme une prime au fait accompli.
Défavorable.
En fait, les éléments de transition sont temporaires et, surtout, répondent à deux situations. La première c’est celle des jeunes conducteurs, avec le permis probatoire. Il faut donc prévoir des délais suffisants pour ne pas les empêcher d’avoir une équivalence par leur expérience. La seconde, c’est celle des flottes de véhicules qui ne seraient pas conformes aux exigences techniques de VTC.
Il s’agit donc de prendre en compte ces éléments, mais l’objectif est bien d’arriver à avoir uniquement deux statuts, taxi et VTC, avec une concurrence loyale et des règles claires pour tous.
L’amendement no 39 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour soutenir l’amendement no 2 rectifié .
L’amendement no 2 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour soutenir l’amendement no 3 .
L’amendement no 3 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 90 rectifié .
L’objet de cet amendement est de définir un délai pertinent pour les dérogations aux caractéristiques des véhicules des entreprises LOTI afin de leur permettre de basculer en statut VTC à l’issue de la période transitoire en répondant aux objectifs de la proposition de loi dont les principes ont été rappelés par le rapporteur.
Le cadre commun donne un an aux entreprises LOTI à partir du moment où l’article 4 sera applicable, soit du 1er juillet 2017 au 1er juillet 2018, pour s’inscrire au registre VTC.
L’objectif de l’alinéa concernant les mesures dérogatoires temporaires pour les véhicules est de permettre aux entreprises LOTI de s’inscrire au registre VTC dans cette période, y compris si les véhicules ne respectent pas la totalité des caractéristiques techniques exigées pour les véhicules VTC.
Cette dérogation est indispensable pour sauvegarder la viabilité économique des entreprises au regard des investissements structurants qu’elles auraient réalisés dans l’achat de véhicules avant le changement de statut.
La majorité des entreprises LOTI offrant une prestation en service occasionnel avec des véhicules de moins de dix places, y compris celle du conducteur, le font en respectant le cadre associé et n’ont pas à être pénalisées par une évolution législative visant à préciser les cadres respectifs d’exercice du transport collectif et du transport particulier.
De leur côté, les LOTI ayant exercé illégalement du transport particulier l’avaient fait avec des véhicules conformes à la réglementation VTC, puisque c’est une condition imposée par les plateformes. La mesure la plus efficace pour assurer le contrôle de la mise en conformité des anciens LOTI est de la traiter au plus tard lors de la phase d’obligation de renouvellement de leur inscription au registre VTC. Tel est l’objectif de cet amendement.
L’amendement no 90 rectifié est adopté.
L’article 4, amendé, est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion du projet de loi prorogeant l’application de la loi no 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly