La dotation globale de fonctionnement (DGF), qui demeure, avec 33 milliards d'euros en 2016, le principal concours financier de l'État aux collectivités locales, apparaît aujourd'hui, plus que jamais, à la fois injuste et illisible. C'était le constat du rapport, que j'avais eu l'honneur de réaliser l'année dernière, à la demande du Premier ministre, avec le sénateur Jean Germain.
Onze ans après la dernière réforme d'ampleur, la DGF n'a toujours pas été mise en cohérence avec les évolutions de notre paysage institutionnel, telles que l'achèvement de la carte intercommunale, l'approfondissement de l'intégration des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), la suppression de la taxe professionnelle, ou les communes nouvelles.
L'architecture de la DGF est opaque, et ses critères de répartition perfectibles. Elle est devenue, pour partie, une rente justifiée par l'histoire seulement, déconnectée de la réalité des charges de fonctionnement. La nécessité de la réforme recueille un assentiment très large, il reste à en définir les modalités.
C'est ce qu'a tenté de faire le Gouvernement dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2016. L'article 150, qui ne doit entrer en vigueur que le 1er janvier 2017, entendait répondre au souhait quasi unanime des élus de redonner à cette dotation de l'État davantage d'équité, de lisibilité et de prévisibilité.
Comme vous vous en souvenez, la complexité du débat en commission des finances puis en séance publique, notamment liée à l'opacité du mécanisme de mise en oeuvre progressive de la réforme et à l'absence de simulations pluriannuelles de ses effets, n'a pas permis d'évaluer correctement les différents dispositifs proposés. Pour autant, les principales pierres d'achoppement que sont les DGF négatives, la territorialisation de la dotation de centralité et l'application de la puissance cinq à la population pour la répartition de la part communale, ainsi que l'excessif étalement dans le temps des effets de la réforme, ont été clairement identifiées.
Un groupe de travail a été créé au sein des commissions des finances des deux assemblées avec l'objectif de travailler de concert via un comité de pilotage paritaire associant députés et sénateurs.
Le groupe de travail a fait appel, pour obtenir une expertise indépendante de la direction générale des collectivités locales (DGCL), au cabinet Ressources Consultants Finances.
Il convient de souligner, une fois n'est pas coutume, le caractère novateur de cette initiative parlementaire qui s'appuie sur un travail transpartisan et bicaméral visant à élaborer des propositions consensuelles et argumentées ainsi qu'à doter le Parlement d'une expertise renforcée sur le sujet.
Le rapport rédigé avec Jean Germain avait notamment mis en lumière le fait que « les écarts de DGF par habitant sont principalement liés aux composantes figées de la dotation forfaitaire », à savoir le complément de garantie institué en 2005 pour cristalliser les montants de dotation forfaitaire perçus en 2004 ; il prend en compte les dotations de base, de péréquation et de compensation, ainsi que les concours particuliers, de la DGF issue de la réforme de 1985 –, et la dotation de compensation.
Étudiant les écarts de dotation forfaitaire des communes entre les quinze strates démographiques figurant à l'article L. 2334-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT), le rapport précité indiquait que « les composantes historiques créent bien des écarts plus importants entre des communes comparables qu'entre communes de strates différentes ». Or, la répartition du complément de garantie en fonction du potentiel fiscal et du revenu par habitant montre également que l'essentiel de ces garanties se trouve dans la dotation forfaitaire des communes les moins bien dotées au regard de ces deux indicateurs. Ce constat permet ainsi de souligner à la fois la grande diversité des situations à l'égard de ces composantes figées et l'existence d'éléments de péréquation au sein de la dotation forfaitaire. Ces derniers doivent être considérés avec attention avant de procéder en tout ou en partie à une nouvelle répartition, ce qui n'est pas le cas dans l'article 150 de la loi de finances pour 2016.
Il nous est apparu nécessaire, dans un premier temps, de retrouver pour chaque commune et chaque EPCI un niveau de DGF qui corresponde à de véritables critères de charges et de ressources, ce que les prélèvements au titre de la contribution au redressement des finances publiques (CRFP) ont contribué à effacer. Prélèvement assis sur les recettes réelles de fonctionnement et supporté par la DGF, la CRFP a produit des effets différents selon la part que représente la DGF dans les recettes réelles de fonctionnement. Ce mécanisme a abouti au phénomène des « DGF négatives » : lorsque la dotation forfaitaire pour les communes, et la dotation d'intercommunalité pour les EPCI, ne permet pas d'absorber ces prélèvements, ceux-ci sont transférés sur le produit de la fiscalité locale avec, pour corollaire, des interrogations au regard de l'autonomie financière des collectivités locales.
Partant de l'article 150, dont l'application a été différée à 2017, le groupe de travail a élaboré différents scénarios d'architectures alternatives pour la DGF du bloc communal, scénarios qui demandent à être testés à l'aide de simulations faisant varier les nombreux paramètres qui entrent en ligne de compte. Ce travail de simulations itératives était en cours lorsque, comme vous le savez, des éléments nouveaux sont intervenus lors du congrès de l'Association des maires de France au début du mois de juin.
Le dernier prélèvement au titre de la CRFP pour le bloc communal devrait ainsi être étalé sur les exercices 2017 et 2018. Dans le même temps, la réforme de la DGF s'inscrira dans une réforme plus large du financement des collectivités locales qui fera l'objet d'un texte de loi spécifique en vue d'une application en 2018.
C'est pourquoi le rapport ne présente pas de scénarios finalisés ni de simulations pour les illustrer ; ce travail interviendra ultérieurement. Dans le cadre de ce rapport d'étape, nous avons décidé de ne pas nous focaliser sur une réforme de l'architecture de la DGF, mais sur les améliorations qu'il apparaît à la fois possible et souhaitable de faire adopter dans le cadre du PLF pour 2017, tout en dessinant le squelette de ce que pourrait être, dans un proche avenir, une réforme juste et soutenable.