La commission examine le rapport d'information sur la dotation globale de fonctionnement du bloc communal (Mmes Christine Pires Beaune et Véronique Louwagie, rapporteures).
La dotation globale de fonctionnement (DGF), qui demeure, avec 33 milliards d'euros en 2016, le principal concours financier de l'État aux collectivités locales, apparaît aujourd'hui, plus que jamais, à la fois injuste et illisible. C'était le constat du rapport, que j'avais eu l'honneur de réaliser l'année dernière, à la demande du Premier ministre, avec le sénateur Jean Germain.
Onze ans après la dernière réforme d'ampleur, la DGF n'a toujours pas été mise en cohérence avec les évolutions de notre paysage institutionnel, telles que l'achèvement de la carte intercommunale, l'approfondissement de l'intégration des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), la suppression de la taxe professionnelle, ou les communes nouvelles.
L'architecture de la DGF est opaque, et ses critères de répartition perfectibles. Elle est devenue, pour partie, une rente justifiée par l'histoire seulement, déconnectée de la réalité des charges de fonctionnement. La nécessité de la réforme recueille un assentiment très large, il reste à en définir les modalités.
C'est ce qu'a tenté de faire le Gouvernement dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2016. L'article 150, qui ne doit entrer en vigueur que le 1er janvier 2017, entendait répondre au souhait quasi unanime des élus de redonner à cette dotation de l'État davantage d'équité, de lisibilité et de prévisibilité.
Comme vous vous en souvenez, la complexité du débat en commission des finances puis en séance publique, notamment liée à l'opacité du mécanisme de mise en oeuvre progressive de la réforme et à l'absence de simulations pluriannuelles de ses effets, n'a pas permis d'évaluer correctement les différents dispositifs proposés. Pour autant, les principales pierres d'achoppement que sont les DGF négatives, la territorialisation de la dotation de centralité et l'application de la puissance cinq à la population pour la répartition de la part communale, ainsi que l'excessif étalement dans le temps des effets de la réforme, ont été clairement identifiées.
Un groupe de travail a été créé au sein des commissions des finances des deux assemblées avec l'objectif de travailler de concert via un comité de pilotage paritaire associant députés et sénateurs.
Le groupe de travail a fait appel, pour obtenir une expertise indépendante de la direction générale des collectivités locales (DGCL), au cabinet Ressources Consultants Finances.
Il convient de souligner, une fois n'est pas coutume, le caractère novateur de cette initiative parlementaire qui s'appuie sur un travail transpartisan et bicaméral visant à élaborer des propositions consensuelles et argumentées ainsi qu'à doter le Parlement d'une expertise renforcée sur le sujet.
Le rapport rédigé avec Jean Germain avait notamment mis en lumière le fait que « les écarts de DGF par habitant sont principalement liés aux composantes figées de la dotation forfaitaire », à savoir le complément de garantie institué en 2005 pour cristalliser les montants de dotation forfaitaire perçus en 2004 ; il prend en compte les dotations de base, de péréquation et de compensation, ainsi que les concours particuliers, de la DGF issue de la réforme de 1985 –, et la dotation de compensation.
Étudiant les écarts de dotation forfaitaire des communes entre les quinze strates démographiques figurant à l'article L. 2334-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT), le rapport précité indiquait que « les composantes historiques créent bien des écarts plus importants entre des communes comparables qu'entre communes de strates différentes ». Or, la répartition du complément de garantie en fonction du potentiel fiscal et du revenu par habitant montre également que l'essentiel de ces garanties se trouve dans la dotation forfaitaire des communes les moins bien dotées au regard de ces deux indicateurs. Ce constat permet ainsi de souligner à la fois la grande diversité des situations à l'égard de ces composantes figées et l'existence d'éléments de péréquation au sein de la dotation forfaitaire. Ces derniers doivent être considérés avec attention avant de procéder en tout ou en partie à une nouvelle répartition, ce qui n'est pas le cas dans l'article 150 de la loi de finances pour 2016.
Il nous est apparu nécessaire, dans un premier temps, de retrouver pour chaque commune et chaque EPCI un niveau de DGF qui corresponde à de véritables critères de charges et de ressources, ce que les prélèvements au titre de la contribution au redressement des finances publiques (CRFP) ont contribué à effacer. Prélèvement assis sur les recettes réelles de fonctionnement et supporté par la DGF, la CRFP a produit des effets différents selon la part que représente la DGF dans les recettes réelles de fonctionnement. Ce mécanisme a abouti au phénomène des « DGF négatives » : lorsque la dotation forfaitaire pour les communes, et la dotation d'intercommunalité pour les EPCI, ne permet pas d'absorber ces prélèvements, ceux-ci sont transférés sur le produit de la fiscalité locale avec, pour corollaire, des interrogations au regard de l'autonomie financière des collectivités locales.
Partant de l'article 150, dont l'application a été différée à 2017, le groupe de travail a élaboré différents scénarios d'architectures alternatives pour la DGF du bloc communal, scénarios qui demandent à être testés à l'aide de simulations faisant varier les nombreux paramètres qui entrent en ligne de compte. Ce travail de simulations itératives était en cours lorsque, comme vous le savez, des éléments nouveaux sont intervenus lors du congrès de l'Association des maires de France au début du mois de juin.
Le dernier prélèvement au titre de la CRFP pour le bloc communal devrait ainsi être étalé sur les exercices 2017 et 2018. Dans le même temps, la réforme de la DGF s'inscrira dans une réforme plus large du financement des collectivités locales qui fera l'objet d'un texte de loi spécifique en vue d'une application en 2018.
C'est pourquoi le rapport ne présente pas de scénarios finalisés ni de simulations pour les illustrer ; ce travail interviendra ultérieurement. Dans le cadre de ce rapport d'étape, nous avons décidé de ne pas nous focaliser sur une réforme de l'architecture de la DGF, mais sur les améliorations qu'il apparaît à la fois possible et souhaitable de faire adopter dans le cadre du PLF pour 2017, tout en dessinant le squelette de ce que pourrait être, dans un proche avenir, une réforme juste et soutenable.
Je poursuis en vous présentant les propositions de notre rapport, qui se décomposent en deux grandes parties : la première, comportant quatre sujets que nous vous proposons d'examiner dès le PLF pour 2017, la seconde fixant les principes d'une réforme à venir de la DGF, étant entendu qu'il s'agit d'un rapport intermédiaire.
La première proposition en vue du PLF pour 2017 concerne le rebasage. Elle s'appuie sur l'idée évoquée par Christine Pires Beaune selon laquelle la CRFP ne doit pas être considérée comme un prélèvement sur la DGF mais comme une ponction sur les recettes réelles de fonctionnement. Le mécanisme actuel a entraîné des « DGF négatives » dont le montant, en 2016, atteint 9,15 millions d'euros. Alors que, en 2015, 85 communes se trouvaient en situation de « DGF négative », elles sont au nombre de 168 en 2016.
Il vous est proposé de rebaser la DGF en élargissant le support de la CRFP et en faisant remonter la compensation « part salaires » (CPS) et la dotation de compensation de la réforme de taxe professionnelle (DCRTP) de toutes les communes vers les EPCI, de façon neutre pour chaque commune et pour chaque EPCI, par le biais d'un système d'attributions de compensation obligatoires. Ces mesures permettront de rétablir de la justice, car, aujourd'hui, les communes qui n'ont plus de dotation forfaitaire – c'est-à-dire les communes les plus riches – ne participent pas au financement de l'augmentation de la péréquation verticale.
La DCRTP a été attribuée aux EPCI qui percevaient déjà l'ex-taxe professionnelle, aux communes restées isolées – il y en avait quelques-unes, notamment en Île-de-France –, ou encore aux deux dans le cas d'EPCI à fiscalité additionnelle.
Lorsque vous nous proposez de transférer la DCRTP aux EPCI, cela signifie, corrigez-moi si je me trompe, que la totalité de la DCRTP ne serait plus perçue par les communes mais par les EPCI, y compris ceux à fiscalité additionnelle. La correction serait opérée par le biais des attributions de compensation.
La compensation « part salaires » avait été attribuée dans les mêmes conditions. Sera-t-elle donc soumise au même mouvement ? Pour un EPCI à fiscalité additionnelle, la part salaires reviendra-t-elle en totalité à l'EPCI ?
Oui, nous proposons bien de concentrer toutes les composantes liées à la taxe professionnelle sur les EPCI et d'opérer les transferts nécessaires pour que ce nouveau système soit neutre pour les communes évidemment.
La réfaction de 16 % des bases, datant de 1987 et appelée « réforme Juppé » – elle représente encore quelques centaines de millions d'euros –, restera-t-elle au niveau communal ?
Il me semble en effet qu'elle a été intégrée dans la dotation forfaitaire en 2015. Dans ce cas, il n'est pas nécessaire d'en parler.
La remontée de ces deux composantes de la DGF est compensée par les attributions de compensation (AC). Dans le cas d'un EPCI à fiscalité additionnelle, il faut créer une AC puisqu'il n'en existe pas aujourd'hui.
Ces mesures sont neutres pour les communes et les EPCI, puisque les attributions de compensation servent à équilibrer les flux financiers.
Cette simplification va également permettre une comparaison qui aura du sens entre les communes et les EPCI. La comparaison n'est pas possible aujourd'hui compte tenu de la diversité des situations et des flux financiers entre les deux entités, liés à la taxe professionnelle.
Il faut retenir de cette première proposition un rebasage neutre et un équilibre global assuré entre les masses financières.
Après le rebasage, se pose la question de l'évolution des attributions de compensation (AC). Dans votre schéma, l'AC est neutre l'année de rebasage, mais elle ne l'est plus ensuite.
Le rebasage donne lieu à une photographie prise l'année « n », mais cela n'empêche pas les AC d'évoluer plus tard, au gré des transferts de compétence.
La DCRTP n'est pas concernée. La CRFP s'impute, pour les communes, sur la dotation forfaitaire, et, pour les EPCI, sur la dotation d'intercommunalité.
L'État a pris en 2010 l'engagement de préserver la DCRTP ; en 2014, il était un peu trop tôt pour rompre cet engagement. La DCRTP a été protégée ; en revanche, toutes les autres dotations ont subi des diminutions. La compensation « part salaires » datant de 2000, l'État pouvait rompre son engagement quinze ans après. D'ailleurs, il l'a rompu sous la précédente législature.
Il y aurait donc deux AC : l'AC de rebasage et l'AC négociée dans le cadre d'un transfert de compétences.
Votre dispositif est neutre pour les EPCI qui récupèrent de l'argent sur l'attribution de compensation, mais il ne l'est pas pour les communes.
Parce que ce sont elles qui perçoivent aujourd'hui l'attribution de compensation.
À la page 30 du projet de rapport, il est écrit : « Cette neutralité serait assurée à travers la variation des attributions de compensation. […] ; si l'EPCI devait prendre en charge le reliquat de la CRFP d'une commune dont le “ support ” était insuffisant, ceci entraînerait une minoration du montant de l'AC qu'il lui verse au titre du transfert de la DCRTP et de la CPS ».
Les simulations de rebasage pour chaque commune ont dû vous être distribuées. Nous avons vérifié la neutralité du dispositif pour les 36 000 communes.
J'ai analysé le tableau qui nous a été fourni par le Comité des finances locales (CFL). Dans certaines communes en Île-de-France – je ne donnerai pas de noms – la DGF annuelle atteint 580 euros par habitant, alors que les dotations les plus faibles s'établissent aux alentours de 22 euros. Je ne vois pas comment vos propositions peuvent résoudre le problème. Les écarts sont colossaux. C'est proprement scandaleux !
J'admets qu'il peut y avoir des priorités à mettre en oeuvre. Mais, à un moment donné, il n'est plus question de priorité. On a « gavé » certains territoires au détriment d'autres. On peut me faire toutes les leçons de solidarité. Aujourd'hui, les territoires ruraux sont les premiers solidaires des territoires urbains. La réalité des chiffres est quand même assez édifiante. Je tenais à le dire.
Dans le rapport d'information figurent deux cartes : la première sur la DGF des communes, la seconde sur leurs recettes réelles de fonctionnement. En les juxtaposant, on s'aperçoit que la DGF est plus élevée là où les recettes réelles de fonctionnement sont plus importantes.
Il existe une vraie corrélation entre ces deux cartes ; on peut quasiment les superposer.
Le rapport identifie quatre points qui méritent d'être traités dès le PLF pour 2017. En revanche, pour la suite, il est proposé de mener une réflexion beaucoup plus large prenant en compte l'ensemble des inégalités ainsi que des péréquations horizontales et verticales afin de remédier à des situations complètement inéquitables.
Je poursuis en vous présentant notre deuxième proposition en vue du PLF pour 2017, qui concerne le dispositif de plafonnement de l'écrêtement à 3 % de la dotation forfaitaire des communes. Aujourd'hui, le dispositif « péréqué » destiné à financer la hausse de la péréquation verticale ne fonctionne plus, en raison notamment de ce plafonnement. En 2015, sur 17 298 communes écrêtées, 6 371 étaient plafonnées, tandis que, en 2016, sur 17 702 communes écrêtées, 10 467 sont plafonnées. Ce plafonnement entraîne un report du financement de la hausse de la péréquation verticale sur les autres communes écrêtées. Des évolutions peuvent donc être envisagées pour pallier ce dysfonctionnement, parmi lesquelles la suppression du plafonnement du prélèvement « péréqué » ou l'augmentation progressive de son taux.
La troisième proposition consiste à réformer la dotation de solidarité urbaine (DSU) en resserrant le nombre de ses bénéficiaires et en répartissant plus équitablement sa croissance, afin d'éviter son saupoudrage et de limiter les effets de seuil ; il s'agit de corriger les effets de seuil entre les communes cibles et les autres, en garantissant que chaque commune éligible bénéficie de l'augmentation de l'enveloppe. Il n'est pas proposé de revoir la dotation de solidarité rurale (DSR).
La quatrième proposition concerne le fonctionnement en enveloppes de la DGF des EPCI. L'enveloppe de DGF de chaque catégorie d'EPCI est calculée en fonction de la population et d'un montant par habitant ; elle est ensuite répartie en fonction de critères que sont le coefficient d'intégration fiscal et le potentiel fiscal. Pour les communautés d'agglomération, le montant de l'enveloppe correspond à 45 euros par habitant. En 2016, 28 communautés d'agglomération sont devenues des communautés urbaines ou des métropoles ; ce mouvement a entraîné une diminution de l'enveloppe, qui, toutes choses égales par ailleurs, a créé un manque à gagner de 52 millions d'euros pour les communautés d'agglomération restantes, soit 4,3 % de l'enveloppe des communautés d'agglomération en 2015. Face à ce mouvement qui devrait se poursuivre en 2017, il nous faut trouver un moyen de résoudre ce problème qui peut avoir des conséquences particulièrement importantes pour les communautés d'agglomération.
Le changement de catégorie juridique des EPCI est un vrai scandale. Il faut être conscient que ce dispositif a bénéficié de la complicité des très grands élus. Nous sommes là dans un système d'Ancien Régime, je l'ai dit à plusieurs reprises. Les pauvres alimentent ceux qui sont déjà les plus riches.
Ce système aristocratique a été mis en place par l'amendement des sénateurs Michel Mercier et Gérard Collomb. Le grand jeu consiste à sauter de catégorie en catégorie. C'est un système de fous dans lequel, à chaque fois, on ramasse le « jackpot ». Et qui paie ? Les communautés de communes rurales, les petites et les moyennes. C'est un vrai scandale. Nous sommes à la fin de l'Ancien Régime, mes chers collègues !
Madame Louwagie, vous n'avez pas traité la question de la « DGF négative » des intercommunalités. Une vingtaine d'entre elles sont concernées.
Nos propositions concernent l'ensemble du bloc communal, dont font partie les intercommunalités.
Une autre grande inconnue tient aux communes nouvelles. Le problème, qui, fin 2015, concernait un très faible nombre de collectivités, est en train de s'amplifier pour échapper à la contribution au redressement des finances publiques. Je vois fleurir autour de moi des mariages intéressants – entre Boulogne-Billancourt et Issy-les-Moulineaux par exemple. Or, la loi ne prévoit pas les divorces. Lorsque le maintien des dotations prendra fin, nul ne sait comment évolueront ces communes nouvelles. Souhaitons leur bon vent mais sans garantie aucune sur leur avenir. Sait-on aujourd'hui ce que le maintien de la DGF à ces collectivités va coûter, compte tenu du succès, dû à des préoccupations purement financières, de ce dispositif ? Dans trois ans, comment pourra-t-on imposer à ces communes de contribuer au redressement des finances publiques ? Elles auront été épargnées de tout effort. Je suis vraiment sceptique.
Je reconnais que la DGF est complexe, mais dire qu'elle est injuste est péremptoire. Il faut regarder les faits. On met en avant des écarts de dotation importants, mais il faut savoir qu'une commune qui compte 50 % de logements sociaux ne bénéficie pas, hélas, d'une dotation cinq fois plus élevée qu'une commune qui n'en compte que 10 %. De même, une commune comme la mienne, qui dénombre 31 % de demandeurs d'emploi, ne perçoit pas une dotation multipliée par trois. La situation prend une tournure dramatique qui exige des moyens.
Je salue, ce n'est pas la première fois, l'impulsion donnée par Jean-Louis Borloo à l'augmentation de la DSU. Il connaissait les difficultés de nos concitoyens.
Je mets en garde Marie-Christine Dalloz, pour laquelle j'ai beaucoup d'estime, au sujet des propos qu'elle a tenus sur les territoires qui auraient été « gavés ». Faites attention, ma chère collègue, à ce type d'expression, surtout vis-à-vis de nos quartiers sensibles.
Le rapport, par ailleurs, exclut la suppression de la dotation nationale de péréquation (DNP). Pourquoi ce choix, contraire à l'avis du Comité des finances locales notamment ?
Si nous qualifions la DGF d'injuste, c'est parce que deux communes se trouvant dans la même situation ne perçoivent pas la même dotation. Quand l'une perçoit 100 et l'autre 170, pour moi, c'est injuste. Leur situation identique étant appréciée au regard de plusieurs critères objectifs, tels que le revenu, la population, le potentiel fiscal, je ne vois pas comment on pourrait affirmer que cette différence est juste. Je vous renvoie à la page 44 du rapport précité dans laquelle nous présentons plusieurs exemples de communes rurales et urbaines placées exactement dans la même situation. Je reconnais que tous les mécanismes de garantie ne sont pas injustes, mais certains le sont.
S'agissant des communes nouvelles, madame Dalloz, leur impact financier est évalué dans le rapport du CFL du 28 juin dernier. Pour l'instant, les montants restent raisonnables, de l'ordre d'une vingtaine de millions d'euros. Les deux communes que vous avez citées sont l'exemple même qui nous a conduits à poser des limites : les communes nouvelles dont la population est comprise entre 1 000 et 10 000 habitants bénéficient d'une majoration de la dotation forfaitaire, mais, au-dessus de 10 000 habitants, il n'y a plus de bonus.
Monsieur Goua, notre rapport n'écarte pas la suppression de la dotation nationale de péréquation. Il évoque deux hypothèses de travail : dans la première, la DNP est supprimée, suivant la recommandation du CFL ; dans la seconde, il est proposé de la conserver dans l'optique d'un recentrage plus important encore sur la DSU « cible » et la DSR « cible », en faisant de la DNP une dotation globale de péréquation à spectre large, puisque les deux autres seront à spectre très étroit.
Je me félicite du travail réalisé – indépendamment de la vitesse à laquelle il progresse, car le problème de la DGF n'est pas nouveau.
Je suis maire depuis longtemps, certains considéreront peut-être que je le suis depuis trop longtemps. La demande de participation à l'effort national des collectivités a mis en exergue les injustices qui existaient. Il y a bien longtemps que je pose la question de la DGF, et toujours dans les mêmes termes.
Malgré les annonces, que je salue, du Président de la République, l'année prochaine sera pour ma commune difficile, voire impossible.
C'est pourquoi il ne faut pas renoncer. J'ai bien compris que la réforme de la DGF ferait l'objet d'une loi particulière. Soit, mais cela signifie qu'il faudra attendre encore trois ans. En attendant, il faut plus de péréquation et de justice, car toutes les communes ne sont pas sur un pied d'égalité. Prenez le cas d'une commune-préfecture dans un territoire pauvre, dans un département lui-même pauvre, sur laquelle pèsent toutes les charges de centralité. Il faut progresser dès la loi de finances pour 2017 – et je vous remercie, mesdames les rapporteures, de votre travail en ce sens. Si nous attendons une réforme globale de la DGF, un certain nombre de communes, peut-être 1 000 ou 1 500, auront plus que des difficultés pour établir leur budget. On connaît la solution : la fiscalité locale. Mais le transfert de l'impopularité, ça suffit ! En recourant à cette solution, on accentue encore les différences, puisque les taux d'imposition sont déjà supérieurs de six à huit points à ceux des communes périphériques – tout le monde veut y habiter, mais les services restent rendus par les villes centres.
Il faut aller vers plus de justice et de péréquation dès 2017. C'est le plus important. Je l'ai dit au Président de la République : l'enveloppe globale n'est pas modifiée ; ce n'est pas un problème de moyens de l'État, mais de répartition. Les riches n'ont jamais voulu donner à qui que ce soit – on le sait – et les pauvres partagent entre eux. Certains partageaient leurs manteaux, nous partageons nos budgets !
L'état des lieux de la DGF par habitant laisse apparaître des variations relativement importantes au sein de chaque strate démographique. Le tableau indique pour chacune d'elles la moyenne, le minimum et le maximum, ainsi que l'écart-type. Le tableau suivant montre l'évolution des écarts au sein des strates entre 2014 et 2016 : ces écarts persistent, voire augmentent. Il est important de prendre en compte cette évolution.
Je remercie les rapporteures pour ce travail très instructif.
Je voulais réagir à propos de ce que certains ont qualifié d'injustice.
Dans la région d'Île-de-France, on constate des disparités extraordinaires, et je ne peux pas l'accepter. Je voudrais qu'à partir de votre rapport, mesdames, le président de la commission des finances puisse faire des propositions concrètes pour que les méthodes de calcul changent. Tant que ces méthodes resteront inchangées, les résultats seront les mêmes. Tant que certaines communes cumuleront les avantages, les disparités demeureront.
Je ne sais pas qui est en mesure de le faire – il est vrai que la DGCL n'est pas très allante…
À la page 51 de votre projet de rapport, vous évoquez les métropoles, sans mentionner celle du Grand Paris qui existe pourtant depuis 2016. Le tableau de la page 52 sur la dotation d'intercommunalité des communautés d'agglomération devenues métropoles est intéressant, car l'injustice en ressort de manière flagrante. Prenons, par exemple, deux agglomérations identiques en nombre d'habitants : celle du Val-de-Bièvre, avec ses 207 000 habitants, et celle du Mont-Valérien, avec ses 222 000 habitants, cette dernière comptant 36 % de logements sociaux. La seconde reçoit, par habitant, 13,4 euros quand la première perçoit 36,2 euros !
Comment, monsieur le président, simplifier les calculs et fixer des modalités qui prennent davantage en compte la réalité ? Je peux citer certaines communes de l'Est parisien qui cumulent les dotations. Une opération vérité doit être conduite ; elle ne l'est pas dans ce rapport. Le rapport dresse un constat, mais les propositions qu'il contient ne permettent pas de résoudre le problème que je viens d'évoquer : deux agglomérations comparables, dont l'une perçoit presque trois fois plus que l'autre, sans qu'on puisse le justifier.
Le rapport comporte deux parties : la première porte sur des problèmes qu'il nous semble urgent de résoudre, dès le PLF pour 2017 ; la seconde propose un « squelette » pour poursuivre la réforme de la DGF.
Nous sommes confrontés à la difficulté suivante : nous devons, dans les dotations historiques, faire la part des garanties justes et de celles que l'on pourrait qualifier d'injustes.
Je demande à notre président que la DGF de la métropole du Grand Paris soit intégrée dans la réflexion.
On distingue deux niveaux d'action pour renforcer la solidarité territoriale : celui qui vise à rendre plus performante encore la péréquation, d'une part, et celui de la réforme de la DGF, d'autre part. Se pose immédiatement la question de la mise en oeuvre. C'est une vraie difficulté, car il faut à la fois aller vite et laisser du temps aux collectivités pour digérer la réforme ; choisir d'agir sur une dizaine d'années, c'est prendre le risque qu'il n'y ait pas de vraie réforme, pas de remise à plat d'un système qui engendre de l'inégalité territoriale.
J'espère que nous serons tous d'accord pour soutenir l'adoption de nos propositions dans le PLF pour 2017, qui, j'en conviens, ne répondent pas à la préoccupation exprimée par Patrick Ollier de corriger les inégalités.
Je vous rappelle les annonces du Président de la République en réponse aux associations d'élus qui demandaient unanimement le report de la réforme. Ce sont ces annonces qui expliquent nos propositions de réforme en deux temps. Il n'est pas question de suspendre l'effort de péréquation verticale ; cet effort devra être poursuivi dans le PLF pour 2017.
Je tiens à féliciter les rapporteures pour leur travail opiniâtre. Il doit être un peu frustrant pour elles de voir la vaste réforme qu'elles envisageaient circonscrite par des décisions politiques qui ne leur incombent pas…
J'approuve entièrement, mesdames, vos propositions pour 2017. Toutefois, vous n'avez pas évoqué les biais de la DSR. Je me permets d'insister à nouveau sur l'injustice la plus grande à cet égard : le calcul de la fraction dite « bourg-centre », qui s'appuie non pas sur la population municipale mais sur la population servant de base de calcul à la DGF. On observe des écarts considérables entre les communes qui sont réellement des bourgs-centres, avec des services ouverts à l'année, et les communes touristiques, dont la population est souvent très faible et qui n'ont pas de services ouverts à l'année, mais qui touchent des sommes mirifiques au titre de la DSR. Une commune de 200 habitants qui possède des remontées mécaniques, par exemple, perçoit 150 000 euros de DSR « bourg-centre ». J'avoue que cela fait réfléchir… Je souhaite que cette question soit remise à l'ordre du jour, car nous risquons de devoir faire face à des blocages. Les communes qui reçoivent une dotation parce qu'elles sont considérées comme des bourgs-centres alors qu'elles n'en ont aucune caractéristique refusent que certains services soient transférés à l'intercommunalité. Elles refusent également la logique des communes nouvelles. Quand on est assis sur un trésor de guerre, on a tendance à ignorer le reste du monde ! Cela concerne de très petites communes, notamment dans les zones de montagne, avec une forte « population DGF ». Il suffit qu'il y ait deux communes touristiques dans une intercommunalité pour qu'elles absorbent 100 % de la fraction « bourg-centre » de la DSR.
On ne peut laisser une telle injustice perdurer. La DSR ne doit pas être une manière détournée de financer les communes touristiques. Il y a d'autres financements à trouver pour elles. Les communes touristiques – les stations classées – ont déjà obtenu dans le cadre de l'« acte II de la loi montagne », contre toute solidarité, d'être exonérées de l'obligation, imposée par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), d'adhérer à un office de tourisme intercommunal. Si l'on maintient la fraction « bourg-centre » pour ce type de communes, les intercommunalités seront vidées de leur sens. Resteront des roitelets assis sur un tas d'or.
J'aimerais que cette question soit traitée dans le prochain PLF. Afin de supprimer des écarts qui sont injustifiés et qui minent la solidarité intercommunale dans les territoires concernés, la fraction « bourg-centre » de la DSR devrait être répartie selon la population calculée par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et non selon la « population DGF ».
Si notre rapport ne comporte pas de propositions sur la DSR, c'est parce qu'on ne peut pas réformer la DSR sans réformer la dotation forfaitaire.
Le problème que vous soulevez, monsieur Giraud, est très spécifique. Vous contestez l'un des critères pour le calcul de la part « bourg-centre » de la DSR, au motif qu'il repose sur la « population DGF » et non la population municipale. La simulation qui a été réalisée sur la modification que vous souhaitez vous a été transmise. La révision de ce critère peut être étudiée indépendamment de notre rapport. Continuons dans cette voie, mais reconnaissez que les simulations ne sont pas pleinement satisfaisantes.
Le financement des communes touristiques est intégré dans la dotation forfaitaire. La DSR vient amplifier la dotation, mais elle n'est pas la seule source de financement des communes touristiques. Un travail spécifique sur cette part « bourg-centre » devrait toutefois être mené dans un avenir proche.
Je vous invite à méditer sur le tableau présentant le montant minimal et le montant maximal de la DGF par habitant pour chaque strate démographique. Si je prends l'exemple de la strate comprise entre 0 et 500 habitants, la commune la moins dotée ne perçoit rien, tandis que la plus dotée reçoit 4 655 euros.
Avec des disparités aussi colossales, et 36 000 communes, je vous souhaite bien du plaisir pour trouver l'impossible réforme qu'on recherche depuis trente ans.
Cette commune, Pennes-le-Sec – dont le maire a été amené il y a quelques mois à démissionner parce qu'il avait été condamné pour grivèlerie dans un hôtel en Italie – a été longtemps le siège de l'entreprise Piot Pneus, grande entreprise de négoce de pneus dans le sud-est de la France.
De telles dispersions existent dans chaque strate. La DGF de Champigny-sur-Marne et celle de Sarcelles, communes comparables par la taille comme par la sociologie, sont très différentes. Comment l'expliquer ?
Je vous propose de vous présenter les principes que nous vous proposons pour envisager une réforme de la DGF du bloc communal, au-delà des quatre points que nous venons d'évoquer.
Le premier principe porte sur la structure de la dotation forfaitaire. La dotation de centralité, telle qu'elle est prévue par l'article 150 de la loi de finances pour 2016, pose plusieurs problèmes. Tout d'abord, les nouveaux périmètres intercommunaux ne sont pas pris en compte, alors qu'ils sont déterminants dans la répartition de cette dotation. Ensuite, la mise à la puissance cinq du critère de population donne des résultats absurdes pour certains territoires. Il est également difficile d'appréhender les charges de centralité. En outre, la question de la territorialisation d'une part de la DGF est très sensible pour certaines associations d'élus. Enfin, des résultats très pénalisants ont été constatés pour les communes des strates 9 et 10.
Il est donc proposé d'abandonner le partage de la dotation de centralité entre les communes et l'EPCI ainsi que la mise à la puissance cinq du critère de population. Il importe de maintenir un dispositif qui tienne compte de la population relative de la commune, afin de traiter la question de la centralité en milieu rural, mais à l'échelle du département.
Il faut également créer une dotation de centralité et une dotation de ruralité, indépendantes l'une de l'autre, et faire de la dotation de base un solde. Enfin, il faut créer une dotation de consolidation pour surmonter la suppression des « garanties justes » qui correspondaient à la consolidation d'anciennes dotations de péréquation.
S'agissant des dotations de péréquation, le rapport propose de conserver une dotation de péréquation universelle, face à laquelle serait construite, « en miroir », une dotation d'aménagement. S'en tenir à la DSU et à la DSR permet certes de traiter le cas des communes qui connaissent le plus de difficultés, mais, dès lors que la dotation forfaitaire n'est pas péréquatrice, il faut également prévoir le cas des communes « moyennement pauvres ». Nous proposons donc de recentrer la DSU et la DSR tout en conservant une dotation de péréquation générale pour l'ensemble des communes, notamment celles ayant un faible potentiel fiscal par habitant.
Troisième piste : il faut mettre en place une transition lisible, autofinancée et achevée en dix ans. Le « tunnel » proposé par l'article 150 comportait plusieurs défauts : le système de garanties n'était pas autofinancé ; les effets de la réforme étaient considérablement retardés – de quarante ans pour certaines communes ; le rythme de correction de l'écart à la cible était identique pour toutes les communes.
Notre quatrième piste a trait à la DGF des EPCI. Pour garantir la soutenabilité de la mise en oeuvre de l'article 150 pour les EPCI, nous envisageons une DGF composée de trois parts : une dotation d'intégration ; une dotation de péréquation ; une dotation territoriale calculée en fonction de critères relatifs à l'ensemble intercommunal.
Je n'entrerai pas dans des considérations techniques complexes ; mon propos se veut politique. Chacun sera, cet automne, face à ses responsabilités. Puisque, manifestement, personne ne souhaite que la réforme qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2017 soit appliquée, on peut très bien déposer un amendement au PLF visant à la supprimer ou à la reporter ! Toutefois, les propositions de nos rapporteures nous offrent une alternative. Il est en effet évident qu'un système aussi complexe ne connaîtra jamais de révolution. Les dépenses des collectivités locales s'ajustant à leurs recettes – et non l'inverse –, la rigidité des dépenses à la baisse est si forte que tout bouleversement est exclu. Une réforme n'est donc possible que si elle s'accompagne d'un lissage, lequel ne peut cependant pas s'étendre sur une période trop longue car les collectivités ont besoin de visibilité.
Par ailleurs, au plan macroéconomique, le système ne se porte pas si mal que cela. On dit que les collectivités territoriales sont mieux gérées que l'État, mais, si l'on examine chaque indicateur – nombre d'emplois, évolution de la masse salariale et des dépenses générales de fonctionnement –, force est de constater que tel n'est pas le cas et que nous sommes bien face à un problème global de maîtrise de la dépense locale. Or, toute fuite en avant qui consisterait à injecter davantage d'argent dans le système est exclue. Se pose donc la question d'une redistribution interne, car le dispositif actuel se caractérise par de nombreuses incohérences et injustices.
Dès lors, il me semble que nous nous grandirions en adoptant des dispositions qui, certes, ne régleront pas tout, mais qui ont le mérite de s'inscrire dans une dynamique d'évolution cohérente. En tout cas, le groupe socialiste, écologiste et républicain fera en sorte que des évolutions soient possibles, car ces travaux ne peuvent pas se conclure, au terme du quinquennat, par une copie blanche. Quant à l'opposition, elle devra décider, à la veille de l'élection présidentielle, si elle se contente d'adopter une posture ou si elle préfère que les choses progressent. Quoi qu'il en soit, je suggère que nous votions, dans le cadre du PLF pour 2017, les premières mesures proposées par nos rapporteures, tout en traçant les perspectives d'une réforme plus durable qui relèverait, quant à elle, d'une loi – dont je ne suis pas certain qu'elle puisse être inscrite dans le calendrier parlementaire d'ici au mois d'avril prochain... Si nous ne le faisons pas, ceux, quels qu'ils soient, qui seront majoritaires en 2017 auront à faire face à des difficultés !
Tout d'abord, que peut-il advenir en cas de changement de majorité ? Il est frappant que la légère baisse des dotations amorcée, non sans difficultés, en 2012 ait été interrompue dès la loi de finances pour 2013, avant de reprendre à partir de 2014. Certes, à l'avenir, cette baisse devra probablement être ralentie – et, de ce point de vue, le Président de la République a montré la voie –, d'autant qu'en 2017 le rythme de la diminution baissera pour le seul bloc communal, ce qui est un peu paradoxal. Mais je plaide très clairement en faveur d'une poursuite de la baisse des dotations – à un rythme acceptable de 1 à 2 milliards par an –, et ce dès la loi de finances pour 2018.
Ensuite, je constate que, dans l'opposition, ressurgit l'idée selon laquelle le montant de la DGF doit être lié à la qualité de la gestion des collectivités. De fait, l'objectif de la baisse des dotations aux collectivités – objectif très clairement affiché par le gouvernement et la majorité actuels – était de provoquer, par répercussion, une baisse de la dépense des collectivités territoriales dont ils estiment – de même, du reste, que le gouvernement et la majorité précédents – qu'elle a progressé trop rapidement au cours des dernières décennies. Dès lors, certains semblent séduits par un dispositif qui – à l'instar de ce qui s'est fait dans beaucoup d'autres pays, notamment en Italie récemment – reposerait sur un standard de dépense. Ainsi les collectivités qui dépasseraient ce standard recevraient une dotation moindre, tandis que celles qui demeureraient en deçà percevraient une dotation plus élevée. Mais, à mon avis, beaucoup d'eau aura coulé sous les ponts avant qu'un tel système voie le jour…
La Cour des comptes, que nous avons sollicitée en ce sens, doit nous remettre, au mois de novembre, un rapport sur la dépense. L'une de ses conclusions est que cette dernière est corrélée à la recette : plus on est riche, plus on dépense. Par ailleurs, il ressort de son analyse de la relation entre dépense et DGF que c'est la dotation forfaitaire, et non les dotations de péréquation, qui est le principal facteur explicatif du niveau de dépense.
En tout état de cause, il existe d'importantes convergences entre nous. Je partage notamment l'avis de Dominique Lefebvre : nous ne pouvons pas laisser le dispositif en l'état et rendre une copie blanche dans le cadre de la loi de finances pour 2017. Dès lors, ne pourrait-on pas s'accorder sur une solution intermédiaire qui consisterait à proposer un squelette de réforme qui, sans être normatif et opérationnel au 1er janvier 2018, fixerait quelques principes qui font consensus ? Car, si nous entrons dans le détail, nous allons nous heurter à quantité de problèmes – on a cité celui des communes touristiques et celui des communes DSU –, et nous sommes certains d'échouer. Il ne me paraît pas opportun de proposer un produit fini dans le cadre de la dernière loi de finances de la législature.
Lorsque, sous la précédente législature, j'ai proposé une baisse lente et continue de 1 % à 2 %, soit un milliard par an, de la DGF, tout le monde, y compris dans la majorité de l'époque, a hurlé contre cette idée. L'erreur a été, me semble-t-il, de décider trop tard une baisse trop forte.
Si nous étions sages, nous nous accorderions sur la nécessité de ne pas baisser les dotations à un rythme trop élevé, pour laisser aux collectivités le temps de s'adapter. Mais il ne s'agit pas de réformer uniquement la DGF qui, au bout de quarante ans, à force de conservatisme, n'a fait qu'accentuer les inégalités. D'autres réformes sont nécessaires. Tout d'abord celle de la péréquation – en particulier de sa principale composante, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) –, qui connaît toute une série de dérives, puisqu'elle aboutit à ce résultat paradoxal que les pauvres contribuent à une solidarité dont bénéficient les riches ! Quant à la réforme des bases locatives, chacun reconnaît qu'elle est nécessaire mais, à chaque fois que l'on en établit de nouvelles, tout le monde met le holà.
Si l'on ne s'accorde pas, dans la majorité et dans l'opposition, sur le fait qu'on ne peut pas continuer ainsi et qu'un minimum de solidarité est nécessaire, on n'y arrivera jamais ! De plus, on agite le tapis, si bien qu'on découvre des inégalités qui, dès lors, deviennent insupportables alors qu'elles étaient acceptées tant qu'on n'en avait pas conscience. Il faudrait donc que nous aboutissions à un accord sur une réforme recueillant un consensus minimum et que celle-ci intervienne en début et non en fin de mandat, donc dès 2018.
Tout d'abord, n'oublions pas que, même si certains de ses aspects doivent être revus, la DGF compense des inégalités réelles. Ensuite, puisque l'on a évoqué la corrélation entre les recettes et les dépenses, je tiens à rappeler qu'en 2015 les dépenses des collectivités territoriales n'ont augmenté que de 0,4 %, ce qui est très faible, et que, pour la première fois, leur endettement a diminué. Par ailleurs, la baisse des dépenses publiques globales – investissement et fonctionnement – est constituée à 90 % par la baisse des dotations aux collectivités. Celles-ci me semblent donc assez maltraitées.
On ne peut pas arguer de l'existence d'injustices – l'exemple du FPIC a été cité – pour mettre à terre un système qui, globalement, favorise l'égalité. Quant aux recettes réelles de fonctionnement des collectivités, elles ne proviennent pas uniquement de la DGF. À cet égard, les bases et les modalités de la péréquation posent problème. En effet, en privilégiant la péréquation horizontale, on jette les collectivités les unes contre les autres. Il faudrait donc parvenir à rétablir une péréquation verticale dans le cadre d'un fonds national, faute de quoi les collectivités ne pourront être tournées vers un même objectif, celui de corriger les inégalités. Enfin, parmi les critères appliqués dans le cadre des dotations de l'État, il en est un qui est très peu, voire pas du tout pris en compte : je veux parler du revenu des habitants.
Pas suffisamment, monsieur le président, et vous le savez. Or, c'est un critère très important, car il permettrait à certaines collectivités, que ce soit celle de Marc Goua, celle de Michel Vergnier ou la mienne, de bénéficier d'une dotation un peu plus égalitaire.
Tout d'abord, je dis « chiche » à Charles de Courson : la réforme des bases est en effet primordiale. Ensuite, je rappelle que les communes bénéficiant de la DSU doivent transmettre, chaque année, un rapport à la préfecture qui examine les modalités d'utilisation de cette dotation. Peut-être n'est-ce pas pratiqué dans tous les départements, mais ce rapport est obligatoire et il constitue un moyen de contrôle.
Certes, il faut ralentir la baisse des dotations pour éviter qu'elle ne soit trop brutale, mais ce qui est vrai pour les collectivités territoriales l'est également pour l'État et les organismes de sécurité sociale… Je doute que la concorde nationale soit possible pour traiter sereinement un tel problème, mais il est certain que la confiance suppose une transparence totale : chaque collectivité doit savoir, pour chacune des dix années à venir, où elle va.
Monsieur Sansu, dès lors que les dépenses de protection sociale, en raison des mécanismes propres aux retraites et à l'assurance maladie, progresseront au mieux de 1 % à 1,5 %, au pire de 2 % à 2,5 %, la pression, à dépense publique constante, s'exerce de facto ailleurs. J'ajoute que les principales dépenses de l'État correspondent, d'abord, à ses missions régaliennes, puis aux transferts vers les collectivités locales et aux dépenses de solidarité : il n'y a donc pas de trésor caché. Et les crédits de l'éducation nationale et de la défense étant sanctuarisés, il ne reste plus grand-chose à « gratter ». Par ailleurs, on ne peut pas dire, d'un côté, que l'État fait supporter tout l'effort par les collectivités territoriales et, de l'autre, que les services de l'État sont paupérisés dans les départements et les régions.
Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. J'ajoute que les dépenses fiscales ont augmenté pendant le quinquennat !
Nous n'allons pas nous engager dans un débat sur les prélèvements, mais n'oublions pas que les recettes de l'impôt sur le revenu progressent alors que le nombre des foyers imposables baisse.
Quoi qu'il en soit, j'ai bien entendu la proposition de notre président. L'idéal serait que des dispositions soient inscrites en loi de finances, et qu'une proposition ou un projet de loi reprenne le résultat des réflexions du groupe de travail. Je ne vois pas d'autre solution.
Avant de conclure, je veux dire un mot des communautés d'agglomération car, pour nombre d'entre elles, les élus ont été étonnés par le montant de la DGF qui leur a été notifié. Je précise donc que la baisse de cette dernière n'est pas liée à un changement de critères ou de mode de calcul de la répartition, mais au mouvement intercommunal. En effet, le fait que 28 communautés d'agglomération soient devenues communautés urbaines ou métropoles a mécaniquement fait baisser le montant à répartir entre les autres communautés d'agglomération.
Encore avons-nous dû extorquer au Gouvernement, un vendredi après-midi – heureusement que Michel Sapin était présent, plutôt que Christian Eckert –, 114 millions d'euros hors enveloppe ! Je m'étais d'ailleurs joint au groupe socialiste, lors de la suspension de séance, pour plaider cette cause…
En résumé, nous sommes tous d'accord pour que les mesures proposées par Véronique Louwagie pour 2017 – mesures de correction, et non réforme de fond, sauf pour la DSU – soient proposées au Gouvernement afin qu'il les reprenne à son compte dans le cadre du PLF. Quant à la seconde partie du rapport, qui dessine la structure d'une réforme globale de la DGF, un consensus semble se dessiner pour que son squelette soit proposé dès 2017. Enfin, je veux remercier les administrateurs de l'Assemblée et me féliciter qu'avec Véronique Louwagie et nos collègues du Sénat nous ayons su mettre de côté, les uns et les autres, nos étiquettes politiques pour travailler au profit de l'intérêt général.
Il me reste à remercier à mon tour nos deux rapporteures, ainsi que les administrateurs de l'Assemblée qui les ont assistées. Nous pouvons être fiers du travail accompli ; il nous reste maintenant à le traduire en mesures durables et opérationnelles.
En application de l'article 145 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d'information sur la dotation globale de fonctionnement du bloc communal.
Puis elle passe à l'examen du rapport d'information sur la situation du groupe Électricité de France et de la filière nucléaire (MM. Marc Goua et Hervé Mariton, rapporteurs spéciaux).
Nous en venons à la présentation du rapport d'information sur la situation d'Électricité de France (EDF) par Marc Goua et Hervé Mariton, qui évoqueront les problèmes que l'entreprise publique rencontre actuellement ainsi que ses perspectives d'avenir. Leur rapport arrive à point nommé, compte tenu notamment des interrogations que suscitent des projets tels que celui d'Hinkley Point au Royaume-Uni. Nous écouterons donc avec un grand intérêt leur diagnostic et leurs propositions.
Marc Goua et moi-même avons été incités à faire le point sur la situation d'EDF et de la filière nucléaire, d'une part, par la mise en lumière ces derniers mois d'un certain nombre de données concernant l'entreprise publique et, d'autre part, par l'évolution du contexte énergétique en France et dans le monde. Nos travaux prennent bien entendu en compte le cadre législatif existant – à savoir la loi relative à la transition énergétique –, qui est susceptible d'évoluer éventuellement à l'avenir.
Chacun a en tête la démission du directeur financier d'EDF en mars dernier, la dégradation de la note de l'entreprise publique par trois agences financières ainsi que la baisse de ses résultats : son résultat d'exploitation, qui s'établissait aux alentours de 8 milliards d'euros sur la période 2011-2014, a été de 4 milliards d'euros en 2015 et le résultat net part du groupe est tombé de près de 4 milliards à 1 milliard d'euros.
Au-delà de l'ouverture à la concurrence – qui affecte aujourd'hui 60 % du chiffre d'affaires du groupe contre 20 % en 2014 –, EDF est confronté à la faiblesse durable du cours de l'électricité qui, depuis le début de l'année, a chuté de 29 % en France. Cette situation est due à la conjonction de plusieurs facteurs : la baisse généralisée du prix des combustibles fossiles, notamment le charbon et le pétrole ; la diminution du prix des droits d'émission de dioxyde de carbone ; enfin, la surcapacité des moyens de production en électricité, compte tenu de l'arrivée sur le marché d'importantes quantités d'énergie renouvelable fortement subventionnée. Dès lors, se pose la question de savoir comment répondre aux besoins de prévisibilité et d'investissements d'EDF à moyen et long terme.
En France, plusieurs textes législatifs, qui régissent l'ouverture à la concurrence de la production et de la fourniture d'électricité, donnent un certain nombre de moyens à l'État : la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOME) et la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Encore faut-il que ces moyens d'action soient utilisés de manière appropriée. Or, tel n'a pas été le cas ces dernières années, sous des majorités différentes, s'agissant de la fixation des tarifs réglementés de vente de l'électricité puisque les recommandations de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ne sont pas suivies par le Gouvernement, qui est régulièrement sanctionné par la juridiction administrative. Il faut aujourd'hui apurer un passif d'autant plus préjudiciable à EDF qu'il atteint, pour les seuls tarifs réglementés, un montant significatif de 1,85 milliard d'euros, auquel s'ajoute celui dû au titre de la contribution au service public de l'électricité (CSPE). Lors de la dernière loi de finances, l'évolution du compte d'affectation spéciale Transition énergétique a permis d'apporter un début de réponse, mais cela doit être confirmé à l'avenir.
Il conviendrait également d'adapter le tarif de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH). En effet, ce tarif avait un sens à une époque où le tarif d'accès au marché était supérieur au coût de production de l'électricité nucléaire, mais tel n'est plus le cas aujourd'hui. De fait, le dispositif n'a pas été défini pour faire face à l'évolution des marchés telle qu'elle s'est produite.
Enfin, il faut envisager la création de nouveaux dispositifs de tarification et de soutien qui correspondent mieux aux besoins d'investissement dans les énergies décarbonées, parmi lesquelles l'énergie nucléaire. Cela implique une réforme du système de fixation du prix du carbone – par l'instauration d'un prix plancher ou d'une taxe différentielle – et, en s'inspirant éventuellement des termes de l'accord conclu entre EDF et le gouvernement britannique, l'institution de mécanismes de soutien sur le modèle du dispositif conçu pour soutenir le développement des capacités de production faisant appel aux énergies non-carbonnées au Royaume-Uni.
La trajectoire d'EDF est évidemment affectée par la loi relative à la transition énergétique – sur laquelle Marc Goua et moi-même ne portons pas la même appréciation –, loi dont la mise en oeuvre est complexe et nécessitera, dans les années qui viennent, un certain nombre de précisions de la part du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. À ce jour, les documents relatifs à la programmation pluriannuelle de l'énergie ne portent que sur les énergies renouvelables. Ainsi, à moins de pratiquer par soustraction – mais la méthode n'est ni satisfaisante ni transparente –, la stratégie nucléaire n'est pas lisible. Or, compte tenu du mix électrique tel qu'il existe dans notre pays, la programmation pluriannuelle définie par le Gouvernement doit comprendre explicitement des lignes directrices pour le secteur nucléaire.
Pour EDF, les investissements relatifs au « Grand carénage » représenteraient 51 milliards d'euros, dont 10 milliards au titre des travaux prescrits par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) à la suite de l'accident de Fukushima. Ce cadrage doit être explicité et assumé par l'État. Celui-ci, quelle que soit l'évolution du capital, joue un rôle si déterminant dans la gouvernance d'EDF qu'il ne peut pas ne pas prendre explicitement position au sujet du « Grand carénage » et de l'anticipation de la construction d'une trentaine de nouveaux réacteurs d'ici à 2050. Cela exige des décisions publiques qui n'apparaissent pas dans les programmations prévues par la loi.
Par ailleurs, se pose, à propos de la fermeture de Fessenheim, la question de la réparation du préjudice du fait des lois. Nous avons évalué ce préjudice aux environs de 4 milliards d'euros, mais ce montant peut varier en raison des incertitudes sur l'évolution du prix de l'électricité à moyen et long terme. Notre évaluation est en tout cas très éloignée des 80 à 100 millions d'euros évoqués par la ministre de l'écologie, qui n'a pas répondu au courrier que nous lui avons adressé pour lui demander ses éléments de calcul. Quoi qu'il en soit, nous jugeons indispensable que cette évaluation se fasse selon un « calcul financier objectivable », comme l'a d'ailleurs indiqué le ministre de l'économie.
Actuellement, l'État détient près de 85 % des parts du capital d'EDF. Or, nos travaux confirment l'absence d'un réel arbitrage de sa part entre une politique énergétique de long terme, qui nécessite des investissements lourds, et la protection du pouvoir d'achat des consommateurs. De même, on peut considérer que l'État actionnaire a trop sollicité les dividendes de l'entreprise, qui ne peut pas être sa vache à lait. Toutefois, au printemps dernier, le Gouvernement a annoncé, d'une part, une augmentation de capital de 4 milliards d'euros dont 3 milliards d'euros seront souscrits par l'État et, d'autre part, la perception de dividendes dus pour l'exercice 2015 sous forme de titres, ce qui équivaut à une augmentation de capital de 1,8 milliard d'euros et la reconduction de cette décision pour 2016 et 2017. Ces deux décisions sont tout à fait pertinentes.
S'agissant de la gouvernance, nous jugeons nécessaire de renforcer le rôle de l'Agence des participations de l'État (APE) et de mieux impliquer le Parlement. À ce propos, nous déplorons que les dispositions législatives qui permettraient que celui-ci fût représenté au conseil d'administration d'EDF ne présentent qu'un caractère facultatif dans leur application. Par ailleurs, il serait judicieux qu'un mécanisme d'alerte permette une meilleure information du Parlement en cas de dégradation significative de la situation d'une entreprise stratégique.
Le groupe EDF et la filière nucléaire dans son ensemble se trouvent aujourd'hui dans une situation difficile dont les symptômes sont connus : défaillance industrielle et financière d'AREVA – aux difficultés de laquelle j'ai pourtant consacré un rapport dès 2011 –, qui est l'un des principaux fournisseurs d'EDF ; dérives financières et temporelles des grands projets du nouveau nucléaire incarné par le réacteur pressurisé européen – European Pressurized Reactor (EPR) –, effondrement du marché de gros de l'électricité dont les prix ne permettent plus de financer les besoins d'investissements à long terme – le plan d'affaires de l'année 2016 ayant dû être révisé à la baisse ; enfin, un mur d'investissement dont le « Grand carénage » qui représente un investissement de 51 milliards d'euros.
Toutefois, les fondamentaux d'EDF demeurent solides et la pérennité et les atouts du groupe ne sont pas remis en cause : celui-ci joue et peut continuer de jouer un rôle de leader sur le marché de l'énergie en France et à l'international.
Mais cela nécessite, tout d'abord, de mener à bien la restructuration de la filière nucléaire engagée par le Président de la République en juin 2015. La feuille de route prévoit la cession d'AREVA NP au groupe EDF afin de renforcer les synergies dans l'ingénierie et la construction de nouveaux réacteurs. La valorisation des activités destinées à être acquises par EDF a été établie à 2,5 milliards d'euros, avec un complément de prix éventuel de 350 millions. Toutefois, EDF ne formulera une offre engageante que si deux conditions sont réunies. La première condition est la mise en place d'un dispositif d'immunisation financière des conséquences du projet finlandais d'Olkiluoto et son cantonnement au sein d'AREVA SA. Or, l'échec récent des négociations avec l'exploitant finlandais TVO rend plus difficile la réalisation de l'opération, qui imposerait le transfert de tous les actifs et contrats commerciaux en cours dans une nouvelle société ad hoc et conduirait à demander de nouvelles autorisations d'exploitation pour les installations concernées. La réalisation du projet serait ainsi substantiellement retardée, ce qui est préoccupant compte tenu des besoins de financement à très court terme de l'entreprise.
La seconde condition est la décision de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) quant à la conformité des cuves de l'EPR de Flamanville, qui doit intervenir au premier semestre 2017. EDF et AREVA nous ont confirmé qu'ils étudiaient l'ensemble des scénarios tout en affirmant ne pas avoir d'inquiétudes quant à la conformité des calottes aux exigences de sûreté. Nous rappelons néanmoins qu'une éventuelle non-conformité de la cuve de Flamanville pourrait être fatale à la filière et avoir des conséquences sur le chantier des EPR chinois à Taishan.
Il est ensuite nécessaire que, face à une concurrence nationale et internationale de plus en plus intense, EDF effectue un saut de compétitivité. Les résultats de l'année 2015 peuvent donner des motifs de satisfaction, dans la mesure où la majorité des objectifs fixés ont été atteints. Ils doivent cependant être remis en perspective, car des efforts d'investissement importants devront être consentis à l'avenir et le niveau d'endettement actuel du groupe est élevé. À la fin de l'exercice 2015, les emprunts et dettes financières atteignaient en effet 64 milliards d'euros, en augmentation de 15 % par rapport à 2014. En cohérence avec la stratégie d'EDF « CAP 2030 », adoptée en 2015, et face à la perspective d'une faiblesse durable des prix de l'électricité – dont EDF n'envisage pas une hausse significative avant trois ans –, le groupe a présenté, lors de son conseil d'administration du 22 avril 2016, un plan d'action visant à inscrire sa gestion et son développement dans une nouvelle trajectoire financière.
Ce plan d'action poursuit trois objectifs : l'optimisation et la sélectivité des investissements, qu'EDF prévoit de réduire de 2 milliards d'euros entre 2015 et 2018 ; la réduction des charges opérationnelles, l'entreprise envisageant de réduire les coûts de 700 millions d'euros en 2018 et d'au moins 1 milliard en 2019 ; enfin, l'élaboration d'un plan de cession d'actifs pour un montant de 10 milliards d'euros entre 2015 et 2020, afin de financer les nouveaux développements du groupe.
Dans ce cadre, la cession envisagée de Réseau de transport d'électricité (RTE) apparaît comme une suite logique de l'évolution des rapports entre les deux entités. Elle doit cependant donner lieu préalablement à l'établissement d'un véritable projet industriel pour le gestionnaire du réseau.
Enfin, il est impératif pour EDF de renouer avec l'excellence dans le domaine du nucléaire et des énergies renouvelables. Un tel objectif passe notamment par la réalisation du projet d'Hinkley Point au Royaume-Uni. En dépit des contraintes financières auxquelles est soumis l'exploitant, nous estimons que, compte tenu de la recapitalisation envisagée par l'État, des efforts de compétitivité et d'organisation consentis par l'entreprise, le risque financier peut aujourd'hui être supporté par EDF de manière raisonnable. Nous rappelons en effet que les aspects contractuels et industriels du projet ont été examinés par des experts indépendants, que l'équilibre du contrat est assuré par un contrat pour différence avec une garantie de prix et une garantie de volume, que le projet est jugé rentable avec un taux de rentabilité prévisionnel proche de 9 %, enfin que les retours d'expérience en cours serviront à la réalisation d'Hinkley Point : les équipes d'EDF et d'AREVA NP travailleront conjointement sur le projet. On peut regretter, à ce propos, que la bataille que se sont livrée les deux entreprises pendant des années ait conduit à la construction de deux têtes de série, en France et en Finlande, au lieu d'une seule. Le délai de construction d'Hinkley Point paraît un peu court mais il est raisonnable, et une éventuelle prolongation ne mettrait pas l'opération en péril.
En tout état de cause, le report du projet n'est pas envisageable. En effet l'EPR nouveau modèle évoqué dans la presse ne pourrait voir le jour qu'en 2028 voire 2030. Or, le précédent gouvernement britannique a clairement exprimé le souhait que la décision finale d'investissement soit prise le plus rapidement possible.
Nous estimons que le projet d'Hinkley Point est essentiel pour restaurer la crédibilité de la filière nucléaire française en démontrant sa capacité à tenir ses engagements et à réaliser de grands projets d'ingénierie dans le nucléaire. En outre, la France aura prochainement besoin de cette expérience pour renouveler son propre parc nucléaire.
Ce rapport permet de sortir de l'hystérie provoquée par les déclarations du directeur financier selon lequel EDF était en situation de quasi-faillite, et autour du projet d'Hinkley Point, que nous avons connue au mois de mars.
Votre présentation montre bien que les problèmes d'EDF se trouvent ailleurs. D'une part, ils font suite aux décisions prises il y a dix ans dans un relatif consensus politique. D'autre part, la loi NOME impose le passage d'un marché dans lequel la part du chiffre d'affaires lié à des tarifs non régulés augmente de 20 % en 2014 à 60 % aujourd'hui. Enfin, le prix de l'électricité a baissé de 30 % depuis le début de l'année. Marc Goua évoquait cette évolution à l'instant : le modèle économique d'EDF était construit cette année encore sur un prix de 37 euros par mégawatt-heure (MWh), alors que le prix actuel est en moyenne de 26 euros par MWh. Ces éléments entraînent une fragilité globale du système.
La réponse se trouve dans la mise en place d'une programmation pluriannuelle de l'énergie conforme à la loi relative à la transition énergétique. Si je vous ai bien compris, messieurs les rapporteurs, on trouve des indices de mise en oeuvre de cette programmation dans le domaine des énergies renouvelables. Vous auriez d'ailleurs pu vous intéresser aux conditions de rachat d'EDF Energies Nouvelles pour un coût assez élevé, alors que ses activités ne représentent aujourd'hui que 2 % du chiffre d'affaires d'EDF, mais vous aviez déjà suffisamment de travail.
Cependant, la programmation pluriannuelle n'a pas avancé s'agissant du nucléaire. Nous devons soutenir votre proposition de conditionner la recapitalisation d'EDF par l'État à l'établissement de cette programmation dans le domaine du nucléaire.
C'est d'autant plus vrai que nous avons le projet de prolonger le fonctionnement de nos centrales nucléaires au-delà des trente années prévues lors de leur construction à quarante, voire cinquante ans. Ce prolongement devra d'ailleurs être négocié financièrement avec EDF, qui nous oppose le coût d'amortissement entraîné par la fermeture de Fessenheim. Il faut prendre en compte les écarts de valorisation à la hausse comme à la baisse.
Il faut donc soutenir l'exigence des rapporteurs que la recapitalisation d'EDF par l'État s'accompagne d'un engagement clair et fort sur la mise en oeuvre d'une programmation énergétique et du nucléaire. Sur la part du nucléaire pour 2025, les engagements pris dans la loi de transition énergétique et par la ministre sont suffisamment clairs, il faut qu'EDF traduise ces engagements avec nous de façon concrète dans cette programmation pluriannuelle.
Contrairement à ce que vient de dire Christophe Castaner, je n'ai pas entendu dans les propos des rapporteurs que cette réflexion s'inscrive dans le cadre de la loi de transition énergétique et de la programmation pluriannuelle de l'énergie. J'ai plutôt entendu que tous ces éléments pourraient être remis en cause, et que les énergies renouvelables étaient largement soutenues alors que la filière nucléaire ne l'était pas assez. J'y décèle un questionnement très profond, et sans doute des orientations différentes. Vous connaissez ma sensibilité à cette question ; j'ai l'impression qu'il s'agit d'une fuite en avant.
Si, pour des raisons quelconques, le projet d'Hinkley Point ne devait pas se réaliser, qu'adviendrait-il de la filière électronucléaire, d'EDF et d'AREVA ?
Je souhaiterais avoir un peu plus de précisions sur l'avenir de RTE par rapport à EDF. Nous sommes actuellement dans une phase de transition : pouvez-vous préciser le futur actionnariat de RTE ?
Messieurs les rapporteurs, vous indiquez que, si l'on applique la loi de transition énergétique, avec un taux de croissance de la consommation électrique de 1 % dans les années à venir, il faudrait fermer entre 17 et 19 des 58 réacteurs. Avec une croissance nulle – situation que nous avons connue au cours des cinq dernières années – il faudrait fermer presque la moitié des réacteurs.
Votre rapport évoque la programmation pluriannuelle de l'énergie. Cette programmation pluriannuelle, qui devrait être connue d'ici à la fin du mois, donnera-t-elle la liste des tranches qu'il faut fermer en fonction des différentes hypothèses ? Et quel en sera le coût pour EDF et pour l'État ?
Si une autorisation de prolongation est donnée par l'ASN – autorité indépendante – et que l'État impose néanmoins la fermeture d'un réacteur, que se passera-t-il juridiquement et financièrement ?
S'agissant de l'EPR, vous faites l'hypothèse qu'il s'agit d'un bon produit qui pourra parvenir à l'équilibre financier, avec un prix garanti à Hinkley Point de 92,5 livres par MWh. Toutefois, tout le monde nous dit que le prix de revient sera bien supérieur à 92,5 livres : qui supportera la différence de prix ?
Plus généralement, beaucoup de bons esprits nous disent que l'EPR est le nouveau Concorde. Et encore, le Concorde volait ! À l'exception de la Chine, où la corruption du régime est telle que l'autorité indépendante donnera l'accord de mise en marche, nombreux sont ceux qui pensent que cette autorisation ne sera jamais accordée en Finlande. Le chantier y a déjà neuf années de retard. Heureusement, il n'est pas encore chargé ; il est donc possible de le mettre sous cocon.
Mais le coût atteint déjà 10 milliards. Si l'acheteur, qui a versé 3 milliards d'avance, refuse la livraison parce que l'autorité de sécurité nucléaire finlandaise décide de ne pas donner d'autorisation, que se passera-t-il ? Et qui supporte la garantie ? EDF ne peut pas reprendre la partie conception et production des centrales nucléaires d'AREVA sans que l'État ne garantisse qu'il prendra en charge le surcoût, y compris dans l'hypothèse d'un refus de livraison. M. Macron s'est beaucoup trop engagé dans cette affaire en déclarant qu'en quinze jours ou trois semaines le problème serait réglé. De quand datent ces déclarations ?
Il faut tout de même dire un minimum de vérités aux représentants du peuple. Est-ce que le système informatique de régulation des EPR est au point ? La réponse, aujourd'hui, est négative. Le système informatique n'est pas au point. Il n'y a pas que les problèmes techniques de construction, mais aussi les problèmes de régulation du système. Et que l'on ne m'accuse pas d'être anti-français !
Tout le monde peut faire des erreurs, et Mme Lauvergeon les a accumulées. Ce n'est hélas pas elle qui paiera. L'hypothèse catastrophique de la non-livraison est tout à fait vraisemblable, et j'espère que dans cette hypothèse, l'EPR ne sera jamais chargé. Car s'il faut démanteler après chargement, les coûts seront encore plus élevés. S'il n'y a pas de chargement, il sera peut-être possible de le mettre sous cocon. Mais qui paiera la note ?
À Flamanville, on parle du problème de cuve. S'il faut casser la cuve, il y aura des surcoûts. Le chantier a quatre ans de retard, les plus optimistes pensent qu'il faut encore deux à trois ans de plus. Le retard sera donc de six à sept ans, pour un produit dont le prix de revient est estimé à 110 euros par MWh, mais il monte – il était au départ de 35 euros. Je ne suis pas écologiste, mais les énergies renouvelables du type éoliennes ont un coût de revient de 60 à 70 euros le MWh. Les mêmes problèmes se posent à Flamanville et à Olkiluoto : si aucun système de régulation n'est au point, comment fera-t-on ?
Les risques financiers sont énormes. Je ne vois pas comment EDF pourrait assumer de tels risques en cas de reprise d'AREVA NP. Il nous sera donc demandé d'apporter une garantie législative, sur laquelle nous devrons voter.
Enfin, s'agissant d'Hinkley Point, nous sommes encore complètement fous. Je suis étonné que le rapport n'aborde pas le pseudo-accord avec l'investisseur chinois. Messieurs les rapporteurs, avez-vous obtenu ce que même les membres du conseil d'administration n'ont pas pu obtenir : les termes de cet accord ? D'après mes sources, cet accord prévoit des clauses qui font porter la totalité du risque par EDF. Pouvez-vous confirmer ou infirmer ces craintes ?
Si l'EPR est un mauvais produit, même avec une garantie de prix à 92,5 livres par MWh, qui paiera la différence avec le prix de revient, estimé à 110 euros ? La filiale anglaise ? Mais si elle est en déficit, l'actionnaire de référence est EDF France. Le groupe EDF devra combler chaque année les déficits d'Hinkley Point ? Est-ce raisonnable ?
Je n'ai pas entendu parler de la question du provisionnement d'EDF. Le poids des provisions dans les équations économiques d'EDF ne cesse de changer depuis quatre ou cinq ans. Tous les six mois, nous entendons des informations nouvelles sur le provisionnement, pour le parc lui-même, pour les investissements futurs, les investissements en cours. Il est déconcertant qu'il n'y ait pas de méthode stabilisée sur la nature du provisionnement, sachant que je n'ai pas le sentiment qu'au ministère des finances, la doctrine soit très stable sur ce en quoi il devrait consister.
Pour le provisionnement, les éléments les plus notables du changement récent sont liés au projet de centre industriel de stockage géologique (CIGEO).
Le vote sur CIGEO a eu lieu hier, et il aura des impacts. Mais ma question porte plus sur la nature des provisions : à quoi correspondent-elles concrètement ?
Les provisions d'EDF ont été augmentées de 800 millions d'euros pour CIGEO. Elles sont plutôt élevées, et les provisions pour démantèlement et autre sont constituées d'actifs cantonnés. Fin 2015, le taux de couverture des provisions nucléaires de long terme d'EDF s'établissait à 99,3 %. Les provisions sont aujourd'hui considérées comme suffisantes, et elles n'ont pas été réduites pour améliorer les comptes d'EDF.
Les montants ont été calculés en appliquant une méthode, et ces provisions ont été cantonnées, ce que ne font pas certains concurrents d'EDF dans le nucléaire.
La loi des États-Unis impose d'externaliser les provisions. EDF a utilisé ses provisions pour financer ses investissements !
Elles sont reconstituées, et elles n'ont pas baissé.
Mais je voudrais répondre à l'attaque en règle de notre collègue de Courson, car il ne faut pas dire n'importe quoi. À Taishan, la technologie de l'EPR est la même. Les essais à froid viennent d'être faits, les essais à chaud le seront bientôt, et EDF espère faire démarrer le premier réacteur au début de l'année 2018. On ne peut donc pas dire que l'EPR ne fonctionne pas.
À Hinkley Point, le point de non-retour sera atteint lorsque nous aurons la certitude que Taishan fonctionne. Le béton commencera à être coulé au deuxième semestre de l'année 2018, et Taishan fonctionnera avant.
La technologie devra être améliorée, car elle est extrêmement chère. Elle est aussi chère parce que – c'est bien français ! – nous avons voulu qu'il soit possible d'intervenir pour faire des travaux de maintenance tout en continuant à faire fonctionner la centrale. Les bétons sont donc doublés ou triplés. Ce ne sera pas le cas à Hinkley Point : quelques modifications vont permettre de réduire le coût.
À Flamanville, il y a le problème de la cuve, qui est évidemment un problème sérieux. Si d'aventure il ne se réglait pas, cela poserait un problème massif au projet en tant que tel. Mais en dehors de ce sujet, sans préjuger des décisions finales de l'ASN, il n'y a pas de mise en cause globale ou ponctuellement grave de la part de l'ASN, qui suit ce chantier depuis le départ.
Les propos de Charles de Courson sur l'EPR sont donc excessifs, même si les difficultés ne sont pas contestées. Je ne sais pas si ses considérations particulières sur le fonctionnement de l'autorité chinoise de sûreté nucléaire sont valables…
À Flamanville, la seule vraie question est celle de la cuve ; l'ASN travaille de manière continue et n'a pas de distance particulière à l'égard du projet.
La partie technique a été validée par toutes les autorités, en Finlande, en France et au Royaume-Uni.
D'après nos informations, TVO est plutôt impatient de voir l'exploitation démarrer. Il y a possibilité d'accord. Je regrette les positions en France, qui sont un peu dures. Je sais de source finlandaise qu'il y a une possibilité d'accord. Pas à n'importe quel prix, mais à des conditions qui ne sont pas rédhibitoires. Il faut reprendre les négociations, et j'essaie d'ailleurs de joindre le ministre pour lui expliquer qu'il y a peut-être un médiateur possible dans cette affaire. On ne peut donc pas dire que ce dossier soit bloqué. Et il n'y a pas de problème de cuve en Finlande.
En Finlande, c'est AREVA qui s'est occupé de tout, sans aucune compétence en matière de travaux publics.
Christophe Castaner et Éric Alauzet ont bien compris que la programmation pluriannuelle de l'énergie aura une faiblesse : elle est contraignante sur sa première période, pas sur la deuxième. Et la période contraignante est courte : seulement deux ans.
Je ne fais pas un secret de mes critiques à l'égard de la loi de transition énergétique. Indépendamment des positions différentes que nous pouvons avoir sur le nucléaire, cette loi est un outil flou. C'est dans ces termes qu'elle a été votée, et elle ne se prête pas à une mise en pratique évidente. Nous avons débattu des dizaines d'heures de la formulation par laquelle nous fixons un objectif à un horizon. Sans revenir sur ces débats, nous pouvons dire que la notion d'horizon est tout de même « fuyante » sur le plan législatif. Le fait même que la programmation pluriannuelle de l'énergie distingue des périodes contraignantes et des périodes non contraignantes n'aide pas à fixer une stratégie.
Nous avons besoin de choix nets de l'État, et la loi de transition énergétique n'impose pas ces choix nets, d'autant que certains l'ont votée dans l'idée qu'elle ne serait pas mise en oeuvre de manière absolument contraignante et que d'autres, dont je suis, n'y sont pas favorables. Tout cela crée un contexte qui doit être confirmé demain, quel que soit le gouvernement. La loi de la République s'applique, mais pour fixer une programmation, nous avons besoin de choses plus claires que ce qui a été établi dans la loi de transition énergétique avec un certain sens de la diplomatie.
Il faudra sortir de l'ambiguïté, car nous ne pouvons nous satisfaire d'un texte dont l'application fait question, qui ne fixe pas de feuille de route claire à EDF, et qui n'oblige pas l'exécutif à dire clairement à EDF ce qui doit être fait. Je ne sais pas si la liste des réacteurs à fermer figurera dans la programmation pluriannuelle de l'énergie, mais je ne serais pas surpris qu'elle n'y soit pas. Ce flou n'est pas très heureux démocratiquement, et il a des impacts sur la stratégie d'EDF. Nous ne connaissons pas le niveau d'indemnisation pour la fermeture de Fessenheim, ni pour les réacteurs qui seront fermés par la suite. Nous ne connaissons pas le caractère contraignant de la stratégie et nous ne savons même pas le degré de précision avec lequel elle sera énoncée.
Éric Alauzet a dit que si Hinkley Point ne se faisait pas, toute la crédibilité d'EDF et de la filière nucléaire française serait en cause. Je rappelle tout de même que le nucléaire représente 125 000 emplois. Le « Grand carénage » et d'autres opérations devraient entraîner la création de 110 000 emplois directs et indirects.
Soit l'on considère qu'il faut faire table rase de la filière nucléaire en France, alors que les chiffres fournis dans le rapport montrent que des projets assez importants sont en cours dans le monde entier, soit l'on essaie de passer le cap, avec un EPR qui a sans doute été un peu trop sophistiqué, mais que j'espère voir passer sur le plan de la sûreté et de la technique.
En dehors du conflit qui a opposé EDF et AREVA pendant quelque temps, nous sommes en train de payer le fait de ne pas avoir construit de centrales pendant vingt ans : l'expérience a été perdue. Le même phénomène a été constaté dans des secteurs moins stratégiques. Ainsi, lorsque l'on a envoyé massivement le personnel du secteur du bâtiment en préretraite, la qualité de la construction en a souffert, car il n'y a pas eu de transmission des savoirs. L'idée est donc de capitaliser sur l'expérience acquise à Flamanville, Olkiluoto et Taishan pour anticiper la construction du parc français de nouvelle génération.
Il y a un mois ou un mois et demi de cela, mes conclusions auraient peut-être été différentes. Un rapport a été demandé par EDF à M. Yannick d'Escatha pour savoir quelles mesures il fallait prendre. J'ai pu consulter ce rapport. Il dresse un constat sans complaisance des problèmes rencontrés par EDF, tant sur le plan de l'organisation que sur le plan technique, et préconise des solutions qui ont été mises en place par le groupe.
Ce rapport m'a rassuré sur un certain nombre de questions, mais il ne peut pas être rendu public, car EDF est en concurrence internationale, coté en bourse, et certaines informations ne peuvent pas être diffusées. Sur la garantie de volume, des accords sont imbriqués, et ils ne doivent pas être rendus publics. Sur le plan des techniques internes, certaines spécificités du nucléaire français ne doivent pas non plus être rendues publiques. Ce rapport m'a particulièrement impressionné, car il identifie clairement les maux et propose des solutions pour y remédier.
Reste un problème pour Hinkley Point : le délai paraît trop court. Mais les calculs ont été faits : si les travaux se prolongeaient, le taux de rentabilité interne diminuerait de 20 points de base pour six mois de retard, ce qui serait encore correct. Entre le temps de décaissement et le retour, il faudra toutefois régler un problème de trésorerie.
S'agissant de TVO, il faut arriver à passer un accord. À défaut, nous entrons dans une autre stratégie, qui demande dix-huit mois à deux ans. Or les deux entreprises, tant AREVA qu'EDF, ont besoin de régler le problème rapidement pour qu'il ne pèse pas sur leur trésorerie ou leur stratégie. La même remarque vaut pour les cuves : l'ASN doit rendre sa décision le plus rapidement possible.
Avez-vous eu accès aux conditions de l'accord avec les investisseurs chinois sur Hinkley Point ? Pourriez-vous les obtenir afin de savoir si c'est bien EDF qui assume la totalité des risques suite à cet accord secret ?
Comment rentabiliser Hinkley Point si les prix de revient sont ceux qui nous ont été donnés pour Flamanville, de l'ordre de 110 euros par MWh, alors que la garantie de prix est de l'ordre de 92,5 livres par MWh ? Et qui assume le risque ?
Il est clair que l'équilibre sur Hinkley Point n'est pas établi avec le prix maximum que vous évoquez, mais compte tenu des effets d'expérience de Flamanville et de Taishan, le scénario du pire n'est pas établi. Les précautions doivent être prises, je consulterai le rapport d'Escatha et nous irons chercher les éléments auxquels vous faites référence.
Mais analyser Hinkley Point sous l'angle du risque maximum me semble faire courir un danger à la filière nucléaire française. Nous considérons que l'argument d'EDF tendant à faire valoir un effet d'expérience suite aux chantiers de Flamanville et de Taishan tient la route. Pourquoi récuser les effets d'expérience de ces dossiers difficiles ? Le chantier finlandais, Flamanville et Taishan permettent de borner les risques sur Hinkley Point.
En application de l'article 146 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d'information sur la situation du groupe Électricité de France et de la filière nucléaire.
Puis elle examine le rapport d'information sur la nouvelle chaîne d'information en continu du service public audiovisuel (M. Jean Marie Beffara, rapporteur spécial).
Rapporteur spécial des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles, il m'a semblé important de m'intéresser au lancement prochain de la nouvelle chaîne d'information en continu du service public, prévu pour le 1er septembre à 18 heures sur le canal 27 de la télévision numérique terrestre (TNT).
Au cours de cette mission, j'ai mené une quinzaine d'auditions. J'ai ainsi entendu les quatre opérateurs de l'audiovisuel impliqués, les services de la tutelle, les chaînes privées d'information en continu, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), mais également l'ensemble des syndicats représentatifs des deux principaux partenaires que sont France Télévisions et Radio France.
Les interrogations autour de cette nouvelle chaîne ont été nombreuses, et portent notamment sur son nom, sa numérotation, son coût, son incidence sur un univers médiatique où il existe déjà trois chaînes privées d'information en continu diffusées sur la TNT gratuite, depuis que le CSA a autorisé en avril dernier le passage en gratuit de LCI.
En cinq mois, ce seront donc deux nouvelles chaînes gratuites d'information en continu qui feront irruption dans le paysage audiovisuel, face au leader incontesté du marché qu'est BFM TV, du groupe Next Radio, et face à I-Télé, la chaîne du groupe Canal +.
Si ce projet inquiète, étonne parfois, il n'est pourtant pas nouveau. Il était sur le point d'aboutir en 2002, et a finalement été abandonné in extremis à quelques mois de son lancement au profit, en 2005, d'une nouvelle chaîne d'information internationale, France 24, souhaitée ardemment par le Président de la République de l'époque.
Cet abandon a eu pour conséquence de créer une exception – voire une anomalie – française, puisque la France est le seul pays européen à ne pas avoir de chaîne publique d'information en continu. Il apparaît cependant essentiel que la voix du service public apporte son éclairage sur l'actualité. Sur le principe du moins, personne, au cours des auditions, n'a remis en cause la légitimité de ce projet.
Le projet éditorial porté par Mme Delphine Ernotte dès la présentation de son document stratégique au CSA est cependant bien différent de celui d'il y a quinze ans, puisqu'il prend en compte les évolutions technologiques ainsi que les contraintes financières d'aujourd'hui.
Nouveaux supports de diffusion, mutualisation, optimisation, sont les maîtres-mots d'un projet innovant valorisant l'existant pour construire une offre nouvelle à moyens constants, ou du moins contenus.
« Franceinfo: » porte également une ambition inédite pour l'audiovisuel public : la collaboration étroite entre France Télévisions, colonne vertébrale du projet, Radio France, France Médias Monde et l'Institut national de l'audiovisuel (INA). Il s'agit du premier projet commun aux groupes de l'audiovisuel public. Seul Arte manque à l'appel, mais j'y reviendrai.
Construite sur une logique de média global, la nouvelle chaîne combine à la fois une diffusion hertzienne, qu'il serait prématuré de négliger, et une solide offre numérique. Cette dernière s'appuie sur les sites existants de l'audiovisuel public : francetvinfo.fr et franceinfo.fr. Conçue également comme une offre mobile first, particulièrement adaptée à la consommation en mobilité et multisupport, elle se distingue en cela de ses concurrentes. Cette offre globale se veut donc en phase avec un large public, notamment les jeunes, pour qui l'accès à l'information ne passe plus par les grands rendez-vous de 20 heures.
La mise en oeuvre du projet s'est faite dans des délais exceptionnellement rapides : à peine huit mois à compter de sa présentation. Si l'on peut saluer l'efficacité que cela révèle, les difficultés de communication engendrées n'ont pas toujours facilité notre travail.
La rapidité de mise en oeuvre du projet n'a pas facilité non plus, et c'est plus préoccupant, le travail d'appropriation par les équipes touchées directement par ces mutations. La communication partielle a parfois été vécue comme un manque de transparence et a entraîné inquiétudes et crispations sociales.
Cela a été particulièrement prégnant sur le volet numérique, pour lequel les modalités de convergence des offres de Radio France et France Télévisions ont été finalisées il y a quelques jours. La convention a, par ailleurs, été conclue pour un an seulement, afin de permettre des marges d'adaptation. Cette clause de revoyure témoigne sans doute de la difficulté des négociations sur ce point.
Ma première proposition va donc dans le sens d'un renforcement de la cohésion sociale et d'un meilleur dialogue au sein et entre chaque entreprise. Les négociations collectives doivent se poursuivre sur les nouveaux métiers et la polyvalence. Des structures communes de dialogue réunissant les représentants du personnel, à l'image du comité d'analyse, de mise en oeuvre et d'ajustement, mis en place uniquement au sein de France Télévisions, doivent se généraliser.
La première partie du rapport analyse l'ambition éditoriale de la nouvelle chaîne, qui veut se différencier de l'offre existante par un décryptage de l'information et un recul face à l'immédiateté de l'actualité chaude.
Ce sera possible grâce à la plus-value apportée par les quatre partenaires : France Télévisions, tout d'abord, apportera son expérience et la visibilité incontestable de ses antennes en matière d'information. Les 3 500 journalistes de ses rédactions, son ancrage à la fois local et ultramarin et ses 20 % de part d'audience du journal télévisé de 20 heures représentent une force de frappe évidente.
La station France Info, ensuite, est une référence dans le domaine de l'information, et de surcroît la seule offre d'information en continu du service public. Outre les rappels de titres – plus de quatre-vingt par jours –, les équipes de Radio France proposeront des tranches d'information produites et diffusées à la fois sur les antennes radio et sur celles de la chaîne d'information. La station participera également aux éditions spéciales via le « Live » de France Info. L'INA produira des programmes permettant, grâce aux images d'archives, d'éclairer l'événement présent dans une perspective historique. Cette participation prendra la forme de modules quotidiens et hebdomadaires. Enfin, France 24 en français sera diffusée entre minuit et 6 heures, évitant à la chaîne de fonctionner par rediffusion comme c'est le cas pour les chaînes privées. Elle fournira également des modules spécifiques sur des sujets internationaux.
Il s'agit donc d'une programmation ambitieuse, qui tire profit de l'ensemble des savoir-faire des opérateurs du service public.
J'ai cependant émis deux propositions en lien avec le volet éditorial. La première est de renforcer les obligations déontologiques dans le traitement de l'information. Préconisé par le CSA, ce renforcement doit être inscrit dans le cahier des charges de France Télévisions. Ce traitement éthique de l'information doit permettre d'incarner le label « service public » et prémunir de tout dérapage.
Ma seconde préconisation est d'associer Arte, aujourd'hui absente du projet, alors même qu'il s'agit d'un diffuseur reconnu de l'audiovisuel public. L'expérience de la chaîne en matière de décryptage de l'information pour les plus jeunes, acquise depuis 2014 par le lancement d'Arte Journal Junior, pourrait sans doute compléter utilement l'offre de « Franceinfo: ».
La seconde partie du rapport tente d'évaluer l'impact de l'arrivée de la nouvelle chaîne d'information pour les trois concurrents privés déjà diffusés sur la TNT gratuite. Ces trois chaînes sont financées par des recettes publicitaires : les risques de transferts d'audience liés à l'arrivée de la nouvelle chaîne publique ne sont donc pas neutres pour leurs ressources. Selon BFM TV, une perte de 0,1 point d'audience entraîne une perte de recettes publicitaires de l'ordre de 4 millions d'euros.
Au regard des comparaisons internationales et des évolutions du marché audiovisuel national exposées dans le rapport, l'audience globale des chaînes d'information en continu semble, en effet, plafonnée à 3 %, voire 3,2 %, 4 % au moment des pics d'actualité, l'audience étant très élastique en fonction de l'actualité.
Il est peu probable que l'offre du service public parvienne à conquérir une nouvelle audience sans capter une part de celle qui préexiste. Néanmoins, plus l'offre sera différenciée, moins le phénomène de vases communicants sera prégnant.
La chaîne d'information se financera sans publicité : il n'y aura donc pas de détournement des investissements des annonceurs. Pour autant, l'absence de publicité peut également représenter un avantage concurrentiel capable de capter l'audience. En revanche, la numérotation 27 attribuée par le CSA ne favorisera pas la chaîne publique, ni sa place de dernière arrivée sur le marché, mais celle-ci bénéficiera sans aucun doute de la notoriété des groupes de l'audiovisuel public.
Il est donc difficile, à ce stade, de mesurer les effets réels sur le marché de l'information en continu de la nouvelle offre du service public. Cette incertitude prédomine également sur le volet numérique, où le site de BFM TV bénéficie encore à ce jour d'un nombre de visites supérieures à francetvinfo.fr.
Un dernier point pourrait influer sur l'environnement concurrentiel, celui de la promotion croisée. Cette technique d'autopromotion entre les chaînes d'un même groupe sera possible pour France Télévisions, alors que TFl a renoncé à ce type de promotion dès 2010 avec ses autres chaînes de la TNT gratuite. Cette précaution, réitérée dans la convention établie entre LCI et le CSA, permet de ne pas fausser la concurrence face à I-Télé et BFM TV, qui ne sont pas adossées à une chaîne historique.
Je suggère que France Télévisions, dont le caractère public ne doit pas faire oublier qu'elle évolue dans un marché concurrentiel, renonce également à la promotion croisée, dans les mêmes conditions que TFl. Cette mesure permettrait de limiter les risques de distorsion de concurrence avec les chaînes privées.
La troisième partie du rapport traite du financement de cette chaîne d'information.
De nombreux aspects de la nouvelle chaîne reposant sur des synergies et des mutualisations avec les chaînes publiques existantes, il est impossible de fournir une évaluation du coût complet de la chaîne. Ce chiffrage n'aurait d'ailleurs que peu de sens car, par exemple, l'utilisation d'images produites pour le journal télévisé de France 2 ou celle d'un son de Radio France, déjà valorisés dans les charges de la chaîne pour laquelle ils sont produits, ne peuvent être valorisés une deuxième fois.
Nous nous sommes donc attachés à valoriser seulement le surcoût qui découle des moyens nouveaux dédiés à la chaîne d'infos. Le nombre de postes dédiés à la chaîne d'information est évalué à 213 équivalents temps plein (ETP), dont 175 à France Télévisions. Près de 63 % des postes seront consacrés au volet éditorial et 41 % de ces postes seront pourvus par voie de redéploiement à partir des effectifs existants. Ce taux atteint 50 % au sein de France Télévisions, permettant d'économiser la moitié du coût. À Radio France, les 28 postes dédiés proviennent d'un refléchage de postes initialement prévu pour le développement commercial.
Le montant des investissements initiaux nécessaires au lancement de la chaîne d'information s'élève quant à lui à 9,6 millions d'euros pour l'ensemble des partenaires.
Ainsi, l'impact financier total est évalué, pour l'ensemble des partenaires, à 16,5 millions d'euros en 2016, 25,6 en 2017 et 29,8 en rythme de croisière dès lors que le financement de la chaîne sera stabilisé. Grâce à la mutualisation et les redéploiements, le surcoût net devrait s'élever à 10,3 millions d'euros en 2016, à 15,9 en 2017, et à environ 14 par la suite, après la réalisation de l'ensemble des redéploiements. Pour rappel, les ressources publiques dédiées à l'audiovisuel public s'établissent, au terme de l'exécution 2015, à 3,8 milliards d'euros : la chaîne d'information représenterait donc un surcoût de l'ordre de 0,3 % et risque peu de déséquilibrer l'ensemble du secteur.
Cependant, il s'agit de groupes différents aux financements indépendants et non d'une entreprise unique. Certains ont une situation financière particulièrement fragilisée – notamment Radio France – et tous sont engagés dans un effort de rationalisation des dépenses.
C'est pourquoi ma principale préconisation consiste en la mise en oeuvre d'un suivi consolidé du coût et des objectifs à court et moyen terme. Ce suivi doit se concrétiser par une inscription dans le contrat d'objectifs et de moyens (COM) de chaque partenaire ou par avenant pour les COM déjà conclus, des objectifs et de la trajectoire financière de la chaîne d'information. En effet, ces éléments sont issus de conventions bilatérales qui, contrairement au COM, n'ont pas vocation à faire l'objet d'un rapport d'exécution annuel et d'une communication au Parlement. L'inscription dans les COM permettrait donc d'identifier plus facilement les risques de dérapages pouvant résulter d'un sous-dimensionnement initial des moyens nécessaires.
Nous pourrions être plus ambitieux et demander qu'un COM thématique rassemble l'ensemble des opérateurs, de façon à réaliser une évaluation globale.
En conclusion, ce projet permet de rappeler les interrogations qui pèsent sur l'audiovisuel public.
L'assiette de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) tout d'abord, toujours fondée sur les téléviseurs, est obsolète, alors même que la nouvelle chaîne développe une stratégie de média global et mobile first. Le décalage est donc de plus en plus flagrant entre la base d'imposition et le service financé.
D'autre part, on peut toujours demander aux acteurs de l'audiovisuel public de gérer les risques de dérapages, mais il faut alors garantir des trajectoires pluriannuelles certaines. Depuis plusieurs années, les COM font souvent l'objet de décrochages financiers, sans que les objectifs soient revus pour autant. Il est donc nécessaire que, dans les années à venir, la part affectée de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) soit reconduite pour un montant au moins égal à celui de 2016.
Le prochain projet de loi de finances sera, bien évidemment, l'occasion d'aborder l'ensemble de ces sujets, et peut-être de faire un bilan des premiers mois de fonctionnement de « Franceinfo: ».
Il est très utile de disposer de ce rapport aujourd'hui, avant le lancement de la chaîne au mois de septembre. Comme chaque année, nous mènerons des auditions à l'automne dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 2017 ; nous pourrons entendre la présidente de France Télévisions et peut-être le président de Radio France sur le contrat d'objectifs et de moyens.
Vous prenez clairement position contre la mise en place de promotion croisée au sein du groupe. Cette position a-t-elle des chances d'être suivie ? Il pourrait être tentant, surtout au moment du démarrage de la chaîne, de pratiquer cette promotion croisée, quitte à ralentir ensuite ou à la supprimer complètement après quelques mois.
Cette position relève du bon sens et de l'équité. Lorsque TF1 a demandé le passage de LCI sur les canaux de la TNT, LCI était à l'époque la seule chaîne d'information adossée à la puissance d'une chaîne historique. Il a donc été proposé, et TF1 a accepté, de renoncer à la publicité croisée pour ne pas bénéficier d'un avantage concurrentiel autre que celui de la ligne éditoriale. Maintenant, une deuxième chaîne d'information adossée à une chaîne historique va venir faire concurrence aux trois autres. Deux solutions se présentent : soit TF1 est libéré de ses engagements, ce qui déséquilibrerait totalement la situation des deux chaînes préexistantes, soit l'on considère que la précaution qui valait pour l'une devrait valoir pour l'autre. Je fais donc cette proposition, dont je ne sais pas, à ce stade, si elle fait l'objet d'un consensus.
La partie du rapport consacrée à l'ancrage numérique de la chaîne me paraît très importante. Aujourd'hui, le changement du mode de consommation des médias est évident : je suis le père de jeunes adolescentes qui ne regardent plus l'écran noir. En revanche, elles sont toujours devant un écran. Cette méthode d'utilisation de l'information mélange le texte, le son et l'image et créé des modes de consommation très différents. La convergence de ces médias est un enjeu, et il est important que le rapport insiste sur ces aspects. Les grands médias français, et pas seulement ceux du service public, ont aujourd'hui des sites internet intéressants, mais qui ne sont pas forcément au niveau pour accompagner cette convergence que nous connaissons sur d'autres médias internationaux.
C'est un enjeu essentiel : faire un produit de grande qualité qui n'est pas consommé, donc qui n'est pas entendu, vu ou diffusé, poserait un vrai problème. Mais comment faire un produit différent de celui que nous subissons, alors que notre rapport au temps nous installe dans le « vu-pris-mis en ligne » ? Comment marquer la patte du service public ? S'il s'agit de faire ce que d'autres font déjà, ce n'est pas la peine d'engager des fonds publics, avec les conséquences en termes de transferts publicitaires et de fragilisation des différents acteurs.
Il est difficile pour le rapporteur de poser la condition de qualité, mais il faudrait a minima s'assurer d'une différence.
Vous avez dit que l'information en continu, dans la plupart des démocraties équivalentes, représente une part de marché de 3 % à 4 %. Il y a déjà deux intervenants : BFM TV et I-Télé. Quels sont les objectifs de ce nouveau média en termes de parts de marché ?
Cette chaîne sera entièrement financée par la contribution à l'audiovisuel public, qui est une taxe. Vous nous avez dit que son fonctionnement représentera 10 à 15 millions d'euros en net, ce qui ne présente pas de problème. Sera-t-elle donc financée par redéploiement et n'y aura-t-il pas de hausse de la redevance télévisuelle dans la loi de finances pour 2017 suite au lancement de cette nouvelle chaîne ?
C'est la mutualisation qui explique l'absence d'affectation d'une quote-part de la redevance à cette chaîne. Sur le papier, nous voyons bien qu'il serait possible de tirer des complémentarités d'intervenants tels que France Télévisions, France Info, l'INA, peut-être Arte demain. Nous voyons bien le type de produit qui pourrait être imaginé. Mais, ces acteurs divers n'ont pas toujours l'habitude de travailler ensemble, et peuvent avoir des intérêts différents. Même si la part de marché reste limitée à 1 % ou 2 %, c'est toujours autant que ces acteurs risquent de perdre, je pense en particulier à France Info. Il me sera répondu que l'on ne regarde pas la télévision et la radio de la même manière, mais n'y a-t-il pas des facteurs qui risquent de faire que ces acteurs ne jouent pas le jeu de la mutualisation ? Or à défaut de mutualisation, les coûts vont s'envoler.
Sur les partenariats, le temps qui a été nécessaire pour conclure un certain nombre de conventions, notamment entre Radio France et France Télévisions, témoigne des difficultés rencontrées. Visiblement, tout ne coule pas de source.
Il y a trois conventions : une sur la marque, une sur la diffusion et une sur les sites internet. La convention sur les sites internet a été la plus compliquée, et elle prévoit une clause de revoyure au bout d'un an. Mais a contrario de ces éléments de concurrence, les partenaires peuvent espérer des gains de visibilité. L'exposition de la radio sur la télévision et celle de la télévision à la radio donnent une plus grande visibilité. Par exemple, le site internet de France Info est trois fois moins visité que celui de la télévision. La réunion de ces deux sites sur une seule plateforme permettra à France Info en radio de gagner en visibilité. Les dirigeants des chaînes font le pari que la concurrence éventuelle sera compensée par les gains en termes d'exposition des uns et des autres.
S'agissant des coûts de la mutualisation, je veux être clair : si j'insiste sur le fait que ces éléments doivent être prévus par le contrat d'objectifs et de moyens et que nous devons avoir un suivi à moyen et long termes, c'est parce qu'il existe un risque de dérapage si les choses ont été mal dimensionnées au départ. Faute de suivi spécifique de la chaîne, nous pouvons imaginer que des postes seront pris dans d'autres services pour venir renforcer discrètement la chaîne d'information, et de ce fait, ses coûts de fonctionnement augmenteraient. Il faut donc absolument que le Parlement effectue ce suivi.
La présidente de France Télévisions a clairement dit, lundi, qu'elle ne faisait pas de l'audience une priorité pour cette chaîne d'information, misant plutôt sur la construction d'une offre globale autour de nouveaux médias et de l'internet. Le chiffre de 1 % de part d'audience a été évoqué comme une perspective, pas comme un objectif à court terme. Je rappelle que la chaîne publique d'information en continu ne sera pas financée par la publicité. Il n'y a donc pas d'incidence de l'audience sur les recettes de cette chaîne.
Enfin, des engagements extrêmement clairs ont été pris en termes de ligne éditoriale. La volonté n'est pas de faire du scoop, mais de l'information décryptée et prendre le temps de vérifier plutôt qu'être les premiers. Le CSA a donné un certain nombre d'indications sur le respect du droit des victimes, de la notion de témoignage éclairé et un certain nombre de mesures qui doivent permettre de garantir le service public contre tout dérapage tels que ceux que nous avons pu connaître dans d'autres médias.
Dernier point : la chaîne est conçue mobile first, les reportages sont pensés pour être d'abord consultés sur les téléphones mobiles ou les tablettes. C'est différent de la culture des autres médias français, qui raisonnent autour du modèle de la télévision puis s'adaptent en réduisant le format pour diffuser sur les supports numériques.
En application de l'article 146 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d'information sur la nouvelle chaîne d'information en continu du service public audiovisuel.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 13 juillet 2016 à 9 heures
Présents. - M. Éric Alauzet, M. Jean-Marie Beffara, M. Jean-Claude Buisine, M. Christophe Caresche, M. Gilles Carrez, M. Christophe Castaner, M. Gaby Charroux, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Faure, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Joël Giraud, M. Marc Goua, M. Régis Juanico, M. Jérôme Lambert, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, M. Victorin Lurel, M. Hervé Mariton, M. Patrick Ollier, Mme Christine Pires Beaune, M. Alain Rodet, M. Nicolas Sansu, M. Michel Vergnier
Excusés. - M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Olivier Carré, M. Alain Chrétien, M. Olivier Dassault, M. Jean-Louis Dumont, M. Henri Emmanuelli, M. Jean-Claude Fruteau, M. Laurent Grandguillaume, M. David Habib, M. Laurent Marcangeli, Mme Valérie Rabault, M. Camille de Rocca Serra, M. Pascal Terrasse, M. Philippe Vigier, M. Laurent Wauquiez
Assistaient également à la réunion. - M. Guillaume Chevrollier, Mme Anne-Yvonne Le Dain