Intervention de Charles de Courson

Réunion du 13 juillet 2016 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Messieurs les rapporteurs, vous indiquez que, si l'on applique la loi de transition énergétique, avec un taux de croissance de la consommation électrique de 1 % dans les années à venir, il faudrait fermer entre 17 et 19 des 58 réacteurs. Avec une croissance nulle – situation que nous avons connue au cours des cinq dernières années – il faudrait fermer presque la moitié des réacteurs.

Votre rapport évoque la programmation pluriannuelle de l'énergie. Cette programmation pluriannuelle, qui devrait être connue d'ici à la fin du mois, donnera-t-elle la liste des tranches qu'il faut fermer en fonction des différentes hypothèses ? Et quel en sera le coût pour EDF et pour l'État ?

Si une autorisation de prolongation est donnée par l'ASN – autorité indépendante – et que l'État impose néanmoins la fermeture d'un réacteur, que se passera-t-il juridiquement et financièrement ?

S'agissant de l'EPR, vous faites l'hypothèse qu'il s'agit d'un bon produit qui pourra parvenir à l'équilibre financier, avec un prix garanti à Hinkley Point de 92,5 livres par MWh. Toutefois, tout le monde nous dit que le prix de revient sera bien supérieur à 92,5 livres : qui supportera la différence de prix ?

Plus généralement, beaucoup de bons esprits nous disent que l'EPR est le nouveau Concorde. Et encore, le Concorde volait ! À l'exception de la Chine, où la corruption du régime est telle que l'autorité indépendante donnera l'accord de mise en marche, nombreux sont ceux qui pensent que cette autorisation ne sera jamais accordée en Finlande. Le chantier y a déjà neuf années de retard. Heureusement, il n'est pas encore chargé ; il est donc possible de le mettre sous cocon.

Mais le coût atteint déjà 10 milliards. Si l'acheteur, qui a versé 3 milliards d'avance, refuse la livraison parce que l'autorité de sécurité nucléaire finlandaise décide de ne pas donner d'autorisation, que se passera-t-il ? Et qui supporte la garantie ? EDF ne peut pas reprendre la partie conception et production des centrales nucléaires d'AREVA sans que l'État ne garantisse qu'il prendra en charge le surcoût, y compris dans l'hypothèse d'un refus de livraison. M. Macron s'est beaucoup trop engagé dans cette affaire en déclarant qu'en quinze jours ou trois semaines le problème serait réglé. De quand datent ces déclarations ?

Il faut tout de même dire un minimum de vérités aux représentants du peuple. Est-ce que le système informatique de régulation des EPR est au point ? La réponse, aujourd'hui, est négative. Le système informatique n'est pas au point. Il n'y a pas que les problèmes techniques de construction, mais aussi les problèmes de régulation du système. Et que l'on ne m'accuse pas d'être anti-français !

Tout le monde peut faire des erreurs, et Mme Lauvergeon les a accumulées. Ce n'est hélas pas elle qui paiera. L'hypothèse catastrophique de la non-livraison est tout à fait vraisemblable, et j'espère que dans cette hypothèse, l'EPR ne sera jamais chargé. Car s'il faut démanteler après chargement, les coûts seront encore plus élevés. S'il n'y a pas de chargement, il sera peut-être possible de le mettre sous cocon. Mais qui paiera la note ?

À Flamanville, on parle du problème de cuve. S'il faut casser la cuve, il y aura des surcoûts. Le chantier a quatre ans de retard, les plus optimistes pensent qu'il faut encore deux à trois ans de plus. Le retard sera donc de six à sept ans, pour un produit dont le prix de revient est estimé à 110 euros par MWh, mais il monte – il était au départ de 35 euros. Je ne suis pas écologiste, mais les énergies renouvelables du type éoliennes ont un coût de revient de 60 à 70 euros le MWh. Les mêmes problèmes se posent à Flamanville et à Olkiluoto : si aucun système de régulation n'est au point, comment fera-t-on ?

Les risques financiers sont énormes. Je ne vois pas comment EDF pourrait assumer de tels risques en cas de reprise d'AREVA NP. Il nous sera donc demandé d'apporter une garantie législative, sur laquelle nous devrons voter.

Enfin, s'agissant d'Hinkley Point, nous sommes encore complètement fous. Je suis étonné que le rapport n'aborde pas le pseudo-accord avec l'investisseur chinois. Messieurs les rapporteurs, avez-vous obtenu ce que même les membres du conseil d'administration n'ont pas pu obtenir : les termes de cet accord ? D'après mes sources, cet accord prévoit des clauses qui font porter la totalité du risque par EDF. Pouvez-vous confirmer ou infirmer ces craintes ?

Si l'EPR est un mauvais produit, même avec une garantie de prix à 92,5 livres par MWh, qui paiera la différence avec le prix de revient, estimé à 110 euros ? La filiale anglaise ? Mais si elle est en déficit, l'actionnaire de référence est EDF France. Le groupe EDF devra combler chaque année les déficits d'Hinkley Point ? Est-ce raisonnable ?

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