Merci pour cet ensemble de questions : lorsque l'on interroge notre groupe sur sa stratégie globale, nous répondons que, depuis quinze ans, notre métier consiste à fournir de l'accès fixe et mobile de manière simple. De fait, dans les années 2008-2009, les offres, au nombre de 550 pour le mobile chez l'un de nos concurrents, étaient très complexes, ce qu'a rappelé Mme Corinne Erhel.
Nous avons toujours tâché de rester aussi autonomes que possible avec nos propres réseaux ; il faut donc les construire, et cela nécessite du temps et des investissements. Nous le faisons en métropole et espérons le faire outre-mer, si les licences nous sont accordées. Par ailleurs, après de nombreuses tentatives, nous avons la possibilité, sous réserve de l'autorisation de la Commission européenne, d'exporter notre stratégie et notre savoir-faire en Italie.
Notre certitude est que, quelles que puissent être les évolutions technologiques, l'accès au réseau sera toujours nécessaire : tous les foyers recevront toujours de l'eau, de l'électricité ainsi que du débit internet. Ce débit sera peut-être reçu en mobile ou en fixe, et nous souhaiterions, pour un maximum de Français aujourd'hui et d'Italiens demain, être le fournisseur de ce débit.
Cela peut sembler trivial et peu lyrique pour une stratégie, mais c'est la nôtre. Nous ne nous dispersons pas et restons concentrés sur notre coeur de métier dont nous tâchons de nous acquitter au mieux.
Beaucoup de questions ont porté sur l'extinction de l'itinérance et l'extension du réseau ainsi que les investissements que cette extension appelle ; cela dans un contexte dont j'ai considéré qu'il était rendu difficile par des lois récentes. Je souhaite couper court à tout malentendu : nous sommes respectueux des lois de la République ; j'ai simplement considéré qu'il y avait quelque paradoxe à nous demander dans la même injonction d'aller au plus vite vers l'extinction de l'itinérance et de nous conformer à des licences singulièrement exigeantes.
D'un autre côté, la qualité de nos services fait l'objet de commentaires, et la plupart d'entre vous ont mentionné l'enquête de l'ARCEP. Il faut avoir conscience que les licences qui nous sont accordées comportent des obligations de couverture extrêmement étendues, et que les licences françaises se situent à des années-lumière de ce qui est exigé dans les autres pays d'Europe. Je répète que la récente législation rend le déploiement de notre réseau complexe, c'est là mon seul message : il nous est difficile d'aller vite alors que l'on nous impose beaucoup d'obstacles.
Au demeurant, si le choix retenu est d'imposer des obstacles, il faut avoir conscience que la conséquence, pour nous ainsi que pour nos collègues et concurrents, est un développement ralenti des réseaux ; mais nous nous adaptons. Toutefois, il nous semble utile de faire valoir nos points de vue devant la Représentation nationale. Nous ne déployons jamais nos réseaux en contravention avec les lois : les tribunaux sont là pour trancher les litiges, et chacun intervient dans le cadre du droit.
Par ailleurs, nous sommes très satisfaits de pouvoir développer la téléphonie mobile plus rapidement que nous le faisons aujourd'hui. Il ne doit pas y avoir d'ambiguïté : au cours des quatre premières années, le contrat d'itinérance nous a coûté l'équivalent d'un demi-réseau national, simplement pour de la consommation. Si, dès le premier jour, nous avions pu acheter un réseau clé en main de 15 000 antennes, nous l'aurions évidemment fait, et nous aurions été le plus heureux des opérateurs.
C'est en cela que la consolidation Free-Bouygues Telecom nous aurait permis d'accélérer le déploiement de notre réseau mobile en récupérant des sites déjà construits ; celle-ci n'ayant pas abouti, nous n'en poursuivons pas moins notre activité, et restons très heureux et très sereins.
S'agissant de nos investissements, il convient de ne pas établir de distinction entre l'investissement réalisé par l'opérateur lui-même et le co-investissement, qui constitue un investissement au même titre que les autres. Il a été collectivement décidé, pour une grande partie du territoire national, de ne pas construire trois réseaux parallèles, ce qui aurait été mal compris par les collectivités locales et les Français, tout en constituant un gaspillage financier alors que beaucoup d'argent est nécessaire ; et ce choix est excellent. Au contraire, nous avons décidé d'un partage, réalisé sous le contrôle de l'ARCEP et de l'Autorité de la concurrence : partout où l'un des opérateurs construit, les autres peuvent co-investir s'ils le souhaitent.
Cette solution est très efficace, et elle inspire aujourd'hui les institutions européennes pour la définition du cadre futur de l'Union. C'est pourquoi il convient de raisonner de façon globale : un euro en co-investissement est pour nous strictement identique en termes de copropriété ou de propriété à un euro investi dans un réseau propre situé en zone très dense. Nous investissons 350 millions d'euros pour 2016, un peu moins en 2015, dans ce déploiement de la fibre optique.
S'agissant de notre implantation dans les RIP, nous avons entamé des négociations avec deux des grands opérateurs de ces réseaux, et escomptons aboutir dans quelques mois. Dès lors que le groupement d'intérêts économiques (GIE) évoqué par Madame la présidente sera opérationnel, nous serons client des RIP de façon assez systématique, cela nous est indispensable, car nous perdrions nos abonnés actuels à l'ADSL si nous ne leur offrions pas demain le très haut débit à travers les RIP. Il n'y a donc pas lieu de concevoir des inquiétudes, les opérateurs deviendront clients des réseaux d'initiative publique, même si certains tentent de lutter contre.
La mission « très haut débit » accomplit un travail remarquable pour fédérer, à travers ce GIE FTTH, le point de commande et de service après-vente afin que ces RIP soient effectivement opérationnels, et nous y serons présents dans un délai raisonnablement proche.
Je ferais, par ailleurs, une réponse similaire au sujet des zones blanches ; un amendement a été écarté au cours de la discussion du projet de loi pour une République numérique, qui proposait la constitution d'un réseau commun unique, mutualisé et piloté à l'échelon national afin d'atteindre les 18 % de la population encore mal desservis. Cet abandon est regrettable, car les zones restant à couvrir représentent une portion significative du territoire national. Faute d'un tel réseau, les élus recevront toujours des récriminations de la part de la population, et les opérateurs continueront de faire l'objet des mêmes remarques lorsqu'ils seront entendus par le Parlement.
Par ailleurs, le mécanisme de sur-amortissement accéléré du co-investissement dans les réseaux constitue à nos yeux le point le plus positif de la future loi pour une République numérique, et constitue une bonne incitation à l'investissement dans les réseaux FTTH.
En réponse à la question de Mme Corinne Erhel sur la relation client et le réseau de boutiques, je confirmerai que la relation aux abonnés évolue rapidement du fait de l'accroissement de la familiarité des Français avec internet. Aujourd'hui beaucoup d'opérations sont susceptibles d'être effectuées en ligne, comme s'abonner, modifier son abonnement ou se dépanner – ce qu'en jargon nous appelons le self-care –, cela emporte nécessairement un impact sur le trafic en boutique ainsi que sur les appels auprès des centres de relation abonnés. Quand bien même beaucoup d'appels demeurent émis, leur réduction constitue une pente naturelle, car les Français préfèrent se dépanner eux-mêmes, plutôt que d'avoir à se déplacer ; de leur côté, les opérateurs tendent à progresser dans cette direction.
S'agissant de nos 8 000 salariés, je précise que 6 500 d'entre eux sont occupés par la relation abonnés, pour l'essentiel au sein de plateaux d'appels téléphoniques ; 1 800 de ces employés se trouvent au Maroc et sont salariés du groupe, donc pas dans un statut de sous-traitance. Le choix de ce pays s'explique par le moindre coût du travail, mais aussi parce qu'il est extrêmement difficile en France de faire travailler les gens la nuit, période où nos centres d'appel fonctionnent. Il faut encore planifier les week-ends et les vacances, c'est pourquoi cette souplesse nous est indispensable.
À Monsieur Laurent Furst qui m'a demandé si nous faisons tout cela dans le but d'être rachetés un jour, bien que n'étant qu'un mandataire social et pas l'actionnaire, je rappellerai que M. Xavier Niel est actionnaire à 50 % du groupe Iliad, et qu'il maintient cette position très forte depuis bientôt vingt ans. Je pense que les occasions de vendre, s'il l'avait souhaité, n'auraient pas manqué de se présenter. Or, à titre personnel, il continue d'investir en Suisse, à Monaco et en Israël et, au titre du groupe Iliad, il regarde vers l'Italie. Nous nous situons donc davantage dans une logique de développement que de cession ; nous sommes d'ailleurs le seul opérateur français à ne pas avoir fait l'objet de rumeurs, de manoeuvres ou de perspectives de rachat.
J'entends souvent dire que Free Mobile connaîtrait un problème majeur de qualité de service. Or la dernière enquête annuelle de l'ARCEP, qui est utile, montre que, pour ce qui concerne la voix et le minimessage, les quatre opérateurs atteignent un très haut niveau de qualité. Il convient donc d'étudier ces résultats avec discernement, car, si tous les opérateurs fournissent de très bonnes prestations, le quatrième d'entre eux ne saurait être foncièrement mauvais. Free Mobile compte 18 millions d'abonnés dont 12 millions pour le téléphone mobile. À titre personnel, je n'ai d'ailleurs qu'un abonnement Free Mobile et rien d'autre, et je ne rencontre pas de problèmes particuliers lorsque je passe des appels…