Commission des affaires économiques

Réunion du 12 juillet 2016 à 15h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission a procédé à l'audition de M. Maxime Lombardini, directeur général d'Iliad.

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Mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour entendre M. Maxime Lombardini, directeur général d'Iliad. Cette réunion s'inscrit dans un cycle d'auditions qui a conduit la commission des affaires économiques à entendre successivement M. Sébastien Soriano, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique, M. Olivier Roussat, président-directeur général de Bouygues Telecom, M. Stéphane Richard, président-directeur général d'Orange et M. Michel Combes, président-directeur général du groupe SFR.

Notre commission a produit plusieurs rapports portant sur le numérique, et une mission d'information, qui travaille actuellement sur les objets connectés, devrait rendre ses conclusions à l'automne prochain.

En 2012, Free apparaissait sur le marché de la téléphonie mobile française en tant que quatrième opérateur, dans un contexte économique très difficile marqué par une période de transition entre la téléphonie mobile classique et l'émergence de nouveaux réseaux. Au premier trimestre 2016, la société représentait 17,5 % du marché du mobile : pouvez-vous dresser un premier bilan de votre action ?

Vous n'êtes pas sans savoir par ailleurs que l'accès de tous les Français à la téléphonie mobile ainsi qu'à internet constitue une préoccupation constante des députés que nous sommes.

S'agissant du réseau mobile, vous bénéficiez d'un contrat d'itinérance portant sur la 2G et la 3G conclu avec l'opérateur Orange ; récemment, vous avez transmis à l'ARCEP l'avenant à ce contrat prévoyant son extinction à la fin 2020. Cela vous impose d'accélérer le déploiement de votre réseau sur l'ensemble du territoire afin de garantir une connexion à l'ensemble de vos abonnés. Pouvez-vous nous préciser comment vous allez procéder au développement de vos équipements pour respecter le délai fixé, et quel est le calendrier de cette opération ?

Vous êtes aujourd'hui en mesure de desservir 68,3 % de la population en 4G. Toutefois, ce sont surtout les zones les plus densément peuplées, donc les plus rentables, qui sont ainsi couvertes. Free mobile demeure le seul opérateur à ne pas disposer de fréquence dans les 800 mégahertz (MHz) pour la 4G, mais votre groupe a reçu deux blocs de fréquences 700 MHz qui vont permettre d'équiper les lignes ferroviaires du transport express régional (TER), du Transilien ainsi que du Réseau express régional (RER). Pouvez-vous nous indiquer la stratégie de développement de la 4G que vous mettez en oeuvre pour vos abonnés ?

Nous souhaiterions, par ailleurs, vous entendre au sujet de la mise en place des réseaux d'initiative publique (RIP) de deuxième génération, d'ici le début de l'année 2017. À l'occasion de la troisième conférence du plan « France très haut débit », le 28 juin dernier, le ministre de l'économie a annoncé la mise en place d'une plateforme commune d'interopérabilité qui garantira l'uniformité de l'exploitation des RIP dans tous les territoires.

Compte tenu de l'actualité la plus récente, pouvez-vous nous livrer votre analyse des conséquences que serait susceptible d'avoir le « Brexit » sur les marchés français et européens des télécommunications ?

Enfin, Iliad envisageait le rachat de l'opérateur britannique O2, mais semble se tourner aujourd'hui vers le marché italien ; le groupe a récemment confirmé la passation d'accords avec les groupes Hutchison et VimpelCom, qui vont fusionner dans ce pays. Pouvez-vous nous exposer votre stratégie nationale, européenne et internationale ?

Monsieur Maxime Lombardini, je vous cède la parole pour un exposé liminaire à la suite duquel mes collègues présents ne manqueront pas de vous poser des questions.

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Maxime Lombardini

Je suis d'autant plus heureux de pouvoir m'exprimer devant la Représentation nationale que notre secteur concerne des produits entrés dans la vie quotidienne de chacun, et nous avons conscience de susciter beaucoup d'attentes.

Par ailleurs, bien des choses sont dites par des analystes, nos concurrents, et parfois par vous-mêmes, alors qu'elles ne nous paraissent pas toujours exactes. Aussi me semble-t-il important de vous fournir quelques chiffres illustrant la réalité des investissements réalisés par les uns et des autres.

J'exposerai donc notre stratégie, notre conception du déploiement des réseaux numériques en France, et développerai un certain nombre de points auxquels il me semble qu'il convient d'être attentif pour l'avenir.

Créée il y a moins de vingt ans, Iliad est une jeune entreprise qui compte aujourd'hui 18 millions d'abonnés en France, dont 6 millions pour le téléphone fixe et 12 millions pour le mobile — notre chiffre d'affaires s'élève à 4,5 milliards d'euros. Très innovante, notre société figure à ce titre en deuxième position avec le groupe Hermès dans le classement Forbes. Il y a quinze ans, nous avons inventé le triple play, et nous tâchons de persévérer dans l'innovation sur ce marché.

Le groupe emploie plus de 8 000 salariés, dont 6 000 en France, et a créé beaucoup d'emplois au cours des cinq dernières années. Nous sommes l'opérateur qui, en proportion de son chiffre d'affaires, a investi le plus, et de très loin : pratiquement 30 % de notre chiffre d'affaires annuel. Ainsi, en 2015 comme en 2016, sur un chiffre d'affaires de 4,4 milliards d'euros, nos investissements représenteront 1,2 à 1,3 milliard d'euros, qui, si l'on y ajoute les acquisitions de fréquences hertziennes, s'élèveront à 1,7 milliard d'euros.

Tous secteurs confondus, bien peu d'entreprises réinvestissent plus de 30 % de leur chiffre d'affaires dans les infrastructures comme nous le faisons.

Par ailleurs, nous ne distribuons pratiquement pas de dividendes – quelques dizaines de millions d'euros par an – alors qu'en 2015 nos concurrents ou leurs maisons mères en ont distribué pour quelque 6 milliards d'euros. Dans un secteur où il est régulièrement avancé que l'investissement est important – avis que nous partageons –, il me semble utile que vous puissiez avoir ces chiffres présents à l'esprit. Nos concurrents investissent un peu, mais distribuent massivement des dividendes.

Aussi devez-vous être conscients que, ceux qui viennent vous dire que la réglementation devrait être plus amicale et les contraintes moins pesantes afin de favoriser l'investissement, pourraient, à cadre réglementaire constant, dégager la marge de manoeuvre nécessaire en réduisant la distribution de dividendes.

Notre stratégie est limpide : nous proposons des offres très simples, très innovantes et très accessibles. Pour 18 millions d'abonnés, nous nous limitons à quatre offres seulement : deux sur le fixe et deux sur le mobile. Ces offres changent très rarement, et les prix demeurent les mêmes, alors que nous tâchons d'enrichir nos prestations de façon constante.

Le deuxième axe majeur de notre stratégie consiste à bâtir nos réseaux – dont vous avez évoqué l'itinérance – à marche forcée. Pour le déploiement de notre réseau mobile, de tous les opérateurs, en prenant le même point de départ, nous avons été les plus diligents dans le domaine de la licence 3G. Nous sommes par ailleurs le seul opérateur ayant respecté la totalité des jalons de sa licence 3G, alors que tous les autres ont fait l'objet de mises en demeure du fait de leurs retards.

Dans le domaine de la téléphonie fixe, Free est le groupe qui a le plus dégroupé ses répartiteurs, au nombre d'environ 8 500 aujourd'hui, ce qui constitue une bonne couverture du territoire par le haut débit et le triple play. De son côté, SFR a dégroupé à peu près 7 200 répartiteurs, alors que le groupe Bouygues – qui ne se prive pas de nous critiquer – n'a dégroupé en propre que moins de 2 000 répartiteurs ; ce qui signifie que cet opérateur ne dessert la téléphonie fixe que dans les grandes villes.

L'investissement dans le FTTH – acronyme de Fiber to the Home – constitue depuis 2007 un élément important de notre stratégie, nous avons considérablement investi dans les zones très denses, et avec Orange, nous co-investissons systématiquement dans la zone d'appel à manifestations d'intentions d'investissement (AMII).

S'agissant des RIP, nous avons engagé des négociations avec deux opérateurs très présents dans ce secteur ; nous considérons par ailleurs qu'un groupement d'intérêt économique (GIE) rassemblant les acteurs du FTTH constitue un facteur prépondérant de réussite. J'appelle votre attention sur l'attitude de l'opérateur historique, qui lutte d'arrache-pied contre ce guichet unique ; or, offrir la possibilité de passer commande ou d'accéder à des prestations d'après-vente à un grand nombre de RIP réunis en un point unique sera une condition essentielle du succès des réseaux d'initiative publique.

Il y a quatre ans et demi, le lancement de Free Mobile a fait l'objet de bien des commentaires ; à l'époque, le marché français relevait de l'oligopole tel que la science économique le définit : cher, avec des offres très complexes et peu adaptées aux attentes des consommateurs. Nous avons lancé deux offres, l'une à 2 euros, l'autre à 20 euros dans le domaine du « SIM only », qui ne propose que la carte, sans obligation de souscrire un abonnement de 24 mois, avec un téléphone dont on prétend qu'il est subventionné alors qu'il est vendu.

Quatre ans et demi après notre arrivée sur le marché, 60 % des Français ont fait le choix du SIM only – même s'ils ne sont pas tous nos clients –, ce qui prouve que la situation de concurrence ainsi créée a conduit à apporter la réponse à un besoin qui n'était pas satisfait. Les forfaits illimités se sont généralisés, le fair use, c'est-à-dire la quantité de données rendues accessibles par le forfait, a explosé, puisque nous avons d'entrée proposée un forfait de 50 gigaoctets (Go) alors que, à l'époque, disposer d'un gigaoctet était considéré comme une vraie richesse.

Depuis plus d'un an, nous offrons le roaming – l'itinérance – 35 jours par an et par pays pour 28 pays de l'Union européenne ainsi qu'aux États-Unis ; le tarif demeure inchangé, et le forfait peut être utilisé comme en France en 2G et en 3G. Cette possibilité n'existait pas auparavant, et la consommation de données à l'étranger faisait exploser la facture.

S'agissant de la couverture mobile et de la façon de s'affranchir de l'itinérance, vous l'avez souligné, Madame la présidente, en 2016, notre groupe a investi entre 550 et 600 millions d'euros dans la bande des 700 mégahertz (MHz). Nous n'avions pas pu être présents dans la bande des 800 MHz, car nous n'avions pas encore lancé nos services, alors que nous avions déjà subi deux appels d'offres supplémentaires pour les bandes des 2 600 MHz et des 800 MHz. La réussite n'étant pas certaine, nous ne pouvions pas prendre de risques inconsidérés.

Nous sommes aujourd'hui fortement engagés dans la bande 700 MHz, ce qui favorisera l'amélioration de la couverture 4G sur l'ensemble des territoires ainsi que la couverture des voies de transport, particulièrement les voies ferroviaires. Par ailleurs, avec l'impulsion du Gouvernement et le soutien de l'ARCEP, nous sommes très impliqués dans la couverture des zones blanches, puisque Free Mobile a rejoint le programme « zones blanches », dont l'ampleur s'est significativement accrue.

L'itinérance, stigmatisée par l'un de nos concurrents, doit être relativisée, car elle ne constitue pas un avantage concurrentiel dont nous disposerions ; il ne pourrait pas y avoir un quatrième opérateur sans itinérance. De fait, il n'aurait pas été possible d'entrer sur un marché comme la France en 2012 ou 2014 en se bornant à proposer un service limité à quelques grandes villes, alors que trois acteurs déjà présents couvraient 90 % de la population.

Nous disposons aujourd'hui d'un contrat limité à la 2G et à la 3G, alors que le marché est majoritairement orienté vers la 4G, ce qui n'est guère avantageux. Par ailleurs notre contrat est très coûteux, je ne peux en dévoiler le montant, qui est couvert par un accord de confidentialité, bien qu'il ait « fuité » dans diverses publications ; mais il s'agit de plusieurs centaines de millions d'euros.

Notre groupe possède en propre près de 8 000 antennes, ce qui implique toutes les charges de développement et d'exploitation du réseau, et il acquitte chaque année le montant des fréquences achetées à l'État. Nous sommes par ailleurs titulaires d'un contrat d'itinérance, condition sine qua non de notre existence, dont le coût est extrêmement élevé : je répète que, de ce fait, il ne constitue en rien un avantage concurrentiel. L'extinction progressive de ce contrat d'itinérance est donc prévue, j'ignore si l'année 2020 en sera le terme, mais nous avons conclu un accord avec Orange courant jusqu'à cette échéance. Avant cette date, nous dresserons un bilan avec l'ARCEP afin de faire le point sur la progression de notre couverture du territoire national, sur les efforts que nous aurons entrepris ainsi que des investissements que nous aurons réalisés.

J'observe que le groupe Bouygues Télécom, qui est souvent venu fustiger l'itinérance devant vous, fournit à SFR une itinérance en 4G afin de permettre à celle-ci de ralentir ses investissements ; et cet accord ne donne guère lieu à débat, ce qui ne laisse pas de me surprendre.

Par ailleurs, il n'a pas pu vous échapper qu'un opérateur virtuel, un MVNO – acronyme de mobile virtual network operator –, fait actuellement de la publicité pour des offres strictement similaires aux nôtres en proposant un tarif de 15,99 euros, avec un forfait 4G de 50 Go. Ce concurrent n'a pas investi dans la moindre fréquence, ni acheté la moindre antenne, mais se borne à acheter du trafic aux trois opérateurs. L'itinérance est-elle moins légitime que ces accords avec les MVNO qui permettent à une grande banque française d'offrir des produits aux mêmes prix que les nôtres, alors que nous investissons massivement ? À mon sens, la question fait débat.

Il n'en demeure pas moins qu'Iliad est un opérateur de réseau qui investit fortement dans le déploiement de son réseau ; le groupe est performant, rentable et innovant lorsqu'il maîtrise ses réseaux, qu'il s'agisse de la fibre optique, du cuivre ou du mobile. Soyez donc assurés que nous sommes là pour déployer nos antennes, tout en conservant à l'esprit que déployer un réseau mobile en France prend du temps.

Nos concurrents ont commencé il y a quinze ans sans avoir terminé à ce jour ; aussi ne faut-il pas nous demander l'impossible, nous avons démarré il y a cinq ans seulement, et avons déjà implanté près de 8 000 antennes. Nous couvrons ainsi 84 % de la population en 3G, et 65 % en 4G ; je souligne que notre couverture propre en 4G est supérieure à celle de SFR, qui a pourtant vingt ans d'existence et dispose de fréquences puissantes. Cela démontre, si besoin en était, que nous ne sommes pas un opérateur passif dans ce domaine.

Selon les analyses et les périodes, la France a parfois été présentée comme sinistrée et en retard au regard du maillage numérique de son territoire ; or les comparaisons que nous établissons avec les autres pays d'Europe démentent ces assertions. Au contraire, la France est un pays très bien placé, et les Français sont fort bien équipés, tant en accès fixe que mobile.

La concurrence apportée par le quatrième opérateur a favorisé le déploiement de la 4G, alors que la 3G était restée au réfrigérateur pendant sept ans, les opérateurs souhaitant réaliser le plus de bénéfices possible avec la 2G. Pour la 4G, à l'inverse, le marketing a précédé les premiers déploiements, et la couverture 4G française est très bonne et progresse rapidement.

Les pouvoirs publics et les opérateurs ont fait le choix très luxueux du FTTH. Un ou deux pays nordiques mis à part, la France est le seul pays d'Europe ayant retenu ce choix, qui a aussi été celui du Japon et la Corée. Le dispositif est très coûteux, estimé à au moins 36 milliards d'euros ; il me semble toutefois que ce choix est judicieux, et que, dans cinq à six ans, il nous conférera une large avance sur les autres pays européens. De fait, certains pays d'Europe, pour avoir légèrement modernisé le cuivre ou le câble, peuvent offrir un débit de 30 mégabits à un peu plus de foyers, faisant ainsi illusion dans les statistiques.

Je n'en ai pas moins la conviction que ce plan FTTH, dans lequel sont engagés les opérateurs privés, les collectivités locales ainsi que l'État, constituera une réussite et placera la France en tête du très haut débit. Par ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir que, lorsque l'on utilise le quadruple play tout en disposant d'un réseau fixe très à haut débit, le réseau mobile est également performant, car le réseau fixe n'est rien d'autre que la collecte des réseaux mobiles. La 4G a donc besoin de réseaux fibrés pour être efficace.

Par ailleurs, l'investissement est le plus élevé sur le marché français puisqu'il développe actuellement la 4G et la fibre, certes, mais les chiffres fournis par les opérateurs, et certifiés par l'ARCEP, montrent que, depuis 2009 – date de l'attribution de la quatrième licence –, le volume d'investissement s'élève régulièrement à plus de 7 milliards d'euros. Or, par le passé, de tels montants n'avaient jamais été atteints. Cela prouve que l'attribution d'une quatrième licence de téléphonie mobile et la concurrence qui en a résulté, loin d'avoir pour effet de réduire l'investissement, l'ont au contraire dynamisé et augmenté.

Un autre sujet de satisfaction, qui n'est pas toujours perçu comme il le devrait, réside dans la très bonne santé économique des quatre opérateurs français de la téléphonie mobile, qui distribuent beaucoup de dividendes – à l'exception d'Iliad –, investissent beaucoup, connaissent une bonne cotation à la Bourse ainsi qu'un équilibre financier sain. Numericable-SFR, qui se trouve dans une phase d'intégration consécutive à la fusion des deux entités, mis à part, tous les opérateurs du mobile conquièrent des marchés ; il n'y a donc pas d'opérateur du secteur affaibli par la concurrence.

Par ailleurs, trois de ces quatre acteurs exportent leur savoir-faire : Orange est présent dans le monde entier, Numericable-SFR a pris des positions très fortes dans plusieurs pays d'Europe et aux États-Unis, et Iliad, sous réserve de validation par la Commission européenne attendue au début du mois de septembre prochain, disposera rapidement des moyens de pénétrer le marché italien.

En ce qui concerne l'avenir, la fibre constitue un magnifique projet pour la téléphonie fixe, toutefois, deux écueils doivent être évités.

Le premier, et cela est dit sans esprit polémique, réside dans ce que l'opérateur historique ne doit pas mettre à profit le développement de la fibre afin de renouer avec une position de monopole. C'est pourtant ce qu'il advient aujourd'hui : Orange possède plus de 60 % des parts de marché, ce qui n'est dû à son seul talent.

Les investissements de ce groupe dans la fibre n'ont rien d'extraordinaire, M. Stéphane Richard a évoqué il y a peu dans le journal La Tribune un investissement de 550 à 600 millions d'euros en 2016, pour 20 milliards d'euros de chiffre d'affaires ; ce chiffre est à comparer aux 350 millions d'euros investis par Iliad dans la fibre pour 4,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires, et n'est donc pas considérable. Par comparaison, au titre du dégroupage, lorsque nous utilisons le réseau de cuivre d'Orange, nous versons sensiblement plus que ce que ce groupe investit dans la fibre.

Par ailleurs, le succès actuel de l'opérateur historique est certes lié à son talent, mais il est aussi le fait d'avantages structurels : jusqu'en 2009, Orange s'est réservé l'usage du « fourreau » – les 300 000 kilomètres de tuyaux implantés dans les routes françaises qui permettent le déploiement de la fibre – alors que ses concurrents devaient creuser des tranchées ou passer par les égouts. Cette situation a permis à ce groupe de couvrir l'ensemble de la zone dense quand ses concurrents ne pouvaient pas y accéder.

À cela s'est ajouté le fait que le point de mutualisation (PM) a été installé dans l'immeuble, ce qui constitue une considérable barrière à l'entrée au sein des zones denses : pour la seule ville de Paris, cela représente 65 000 immeubles dans lesquels il faut entrer, ce qui ne manque pas de nous créer de sérieuses difficultés.

Orange jouit d'une position ultra-dominante dans la zone de co-investissement, dite AMII, puisqu'il possède près de 85 % des lignes ; il surfacture les prises et refuse des conditions contractuelles acceptables.

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Je vous rappelle, Monsieur Maxime Lombardini, que nous sommes ici pour vous entendre nous exposer votre stratégie. Nous avons reçu tous les opérateurs qui ont répondu à toutes nos questions ; nous ne souhaitons pas être la caisse de résonance des échanges entre opérateurs.

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Maxime Lombardini

Notre stratégie, Madame la présidente, consiste à développer la fibre. Or, si le cadre juridique y fait obstacle, il est légitime que je m'en ouvre à la Représentation nationale. Aujourd'hui, l'opérateur historique bénéficie d'une réglementation qui joue en sa faveur et s'arroge la majorité des parts de marché. Nous investissons massivement dans le réseau haut débit, et, à cette fin, nous demandons un ajustement de la législation en vigueur.

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Il existe un régulateur. Aujourd'hui, c'est au législateur que vous vous adressez…

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Maxime Lombardini

Il me semble que vous êtes chargés d'une mission de contrôle et de supervision de ces autorités administratives…

Si nous considérons que le cadre juridique doit être amélioré, nous ne pensons pas moins que la concurrence par les infrastructures ne doit pas concerner notre seule entreprise dans le domaine de la téléphonie mobile. Aussi, tous les opérateurs doivent-ils investir dans la téléphonie fixe, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Pour mettre un terme à l'itinérance, nous devons pouvoir déployer nos antennes, or les contraintes légales sont toujours plus pesantes, je me bornerai à mentionner la loi du 9 février 2015 relative à la sobriété, à la transparence, à l'information et à la concertation en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques, dite « loi Abeille », ainsi que la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR ». De par la complexité de leurs dispositions, ces textes ralentissent notre déploiement.

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J'entends votre propos, mais ce cadre législatif s'applique également à tous les opérateurs.

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Maxime Lombardini

Certes, mais trois des opérateurs ont déjà déployé des réseaux de 20 000 sites, et ils ne rencontrent pas les difficultés qui sont les nôtres. Nous ne contestons pas les lois de la République, je souhaite simplement souligner devant vous les aspects paradoxaux de l'action des pouvoirs publics qui, d'un côté nous demandent de déployer très rapidement notre réseau, et, de l'autre, posent des entraves à notre action en imposant des chartes ou des dispositions restrictives.

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Maxime Lombardini

Dans le domaine du mobile, nous travaillons toujours en collaboration étroite avec les collectivités territoriales et les associations, et nous sommes attentifs aux contraintes environnementales. Toutefois, nous sommes soumis à des obligations de couverture importantes, singulièrement pour la bande des 700 MHz, alors que nous payons ces fréquences très cher, et que les lois rendent le contexte difficile.

Dans le domaine international, nous souhaitons nous implanter en Italie, pays qui n'a pas encore investi dans le quadruple play ; nous disposons en effet des savoir-faire nécessaires à la constitution d'un quatrième opérateur parfaitement compétitif.

À plus court terme, nous avons déposé des dossiers de candidature en réponse à l'appel d'offres de l'ARCEP pour l'attribution de lots de fréquences dans les départements et régions d'outre-mer. Je souhaitais vous faire part aujourd'hui de notre projet concernant l'ensemble des Antilles, l'arc caraïbe, par lequel nous assurerons la continuité territoriale. En effet, actuellement les offres mobiles sont deux fois plus chères aux Antilles qu'en métropole, le projet pour lequel nous avons d'ores et déjà investi consiste à faire en sorte que tous les Français, qu'ils résident en métropole, aux Antilles ou à La Réunion, bénéficient des mêmes offres de prestation.

Ainsi, et comme je l'ai indiqué, le marché français se porte bien, que ce soit en termes d'investissements ou de bonne santé économique des acteurs, et l'effet Free Mobile a été très positif, poussant à la modernisation un secteur jusque-là quelque peu assoupi. Les alternatifs que nous sommes, avec Bouygues et SFR, tiennent un rôle déterminant, et leurs investissements combinés sont supérieurs à ceux de l'opérateur historique. C'est pourquoi il convient de ne pas les négliger dans le plan d'aménagement du territoire.

J'insiste sur le fait que la concurrence par les infrastructures ne devrait pas constituer le dogme absolu, alors qu'il nous est appliqué avec beaucoup de rigueur dans le secteur du mobile, et que, dans le domaine du fixe, certains développent des stratégies de flibusterie.

Enfin, s'agissant du FTTH, le cadre réglementaire, qui est globalement bon, gagnerait à être rééquilibré, afin que le très haut débit ne soit pas offert aux Français dans le contexte d'un retour au monopole.

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J'observe avec intérêt que les échanges avec les opérateurs sont toujours animés : on ne s'ennuie jamais !

L'arrivée de Free Mobile a transformé le paysage français dans le domaine de la téléphonie fixe comme mobile, en apportant des innovations et des prix plus bas ainsi que la simplification radicale des offres proposées à la clientèle, chose trop peu soulignée.

Un accord portant sur l'extinction de l'itinérance à l'horizon de l'année 2020 a été conclu entre Free et Orange, toutefois cette échéance pourrait varier en fonction de votre politique d'investissement : pouvez-vous préciser votre stratégie dans ce domaine ?

L'ARCEP vient de publier son enquête annuelle d'évaluation de la qualité de service des opérateurs mobiles métropolitains, à cet égard, Free se trouve en dernière position avec des résultats plus faibles que ses concurrents pour un grand nombre d'indicateurs. Comment interprétez-vous ces résultats, et quelle sera notamment votre politique d'investissement pour rattraper ce retard ?

Au mois d'avril dernier, nous avons appris que le rachat de Bouygues Télécom par Orange n'aurait pas lieu : quelles sont les éventuelles conséquences de cet échec sur la stratégie de votre groupe ?

Free Mobile avait fait part de son intention de reprendre une partie du service relation client de Bouygues Telecom, particulièrement les boutiques, alors que l'on constate une augmentation du nombre de fermetures de boutiques au profit de l'assistance en ligne, comment orientez-vous votre stratégie dans ce domaine ?

Par ailleurs, je souhaiterais connaître la localisation de vos centres de services de relation client : une partie se trouve-t-elle hors de France ? Le cas échéant, dans quelle proportion et dans quels pays ?

Enfin, quelle analyse faites-vous des dispositions du projet de loi pour une République numérique issues de la récente commission mixte paritaire (CMP) : quels en sont à vos yeux les aspects positifs ou négatifs ?

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Monsieur le directeur général, vous avez présenté l'histoire du succès d'une entreprise dans un contexte complexe et très concurrentiel ; votre groupe semble vouloir donner l'image d'un « Édouard Leclerc de la téléphonie ». Avec 18 millions de clients et 4,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires réalisés en quelques années, vous avez pris d'importantes positions sur le marché.

Par ailleurs, vous avez indiqué employer 8 000 salariés dont 6 000 sur le territoire national : où se trouvent les 2 000 salariés restants ?

Vous avez aussi évoqué les offres simples et claires que l'entreprise propose à sa clientèle.

Vous avez largement souligné qu'Iliad était entourée de concurrents très prospères dont vous considérez que certains bénéficient d'avantages particuliers, et considéré que cela était source de difficultés pour votre groupe. Dans ce contexte, quelles sont vos ambitions et quelles parts de marchés ambitionnez-vous de conquérir ?

Sur le plan international, votre projet d'implantation en Italie n'est-il qu'un « coup », ou s'inscrit-il dans une stratégie plus vaste ? Le cas échéant, à terme de cinq ou dix ans, envisagez-vous de gagner des marchés au-delà de l'Europe ?

En termes de développement de son activité en France, Free Mobile veut-il être un opérateur des villes, ou souhaite-t-il être présent sur tous les territoires ? Quelle est votre cible ? Je souhaiterais que vous puissiez être très précis à ce sujet : votre ambition est-elle de portée nationale ou est-elle plus limitée territorialement, mais aussi socialement ? Car l'image que donne votre groupe s'adresse à un segment bien particulier de la société.

Êtes-vous animé d'une stratégie précise à l'égard du monde de l'entreprise, où comptez-vous plutôt abandonner ce marché à d'autres opérateurs ?

Quel volume d'investissements envisagez-vous pour les trois années à venir ? Vous avez considéré qu'au regard de son chiffre d'affaires, votre groupe investissait beaucoup, toutefois, compte tenu du contexte du marché, cela est-il suffisant pour devenir un opérateur stratégique à long terme ?

Enfin : n'êtes-vous pas un opérateur destiné à être racheté un jour ? En effet, Free Mobile gagne des parts de marché, et l'entreprise peut être valorisée ; l'actionnaire pourrait considérer qu'il y aurait une belle opération à réaliser en revendant le fruit du travail effectué.

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Je tiens, Madame la présidente, à vous remercier tout particulièrement pour l'organisation de ce cycle d'auditions des opérateurs des télécommunications, qui nous permet de disposer d'une vision complète et cohérente du paysage français de la téléphonie fixe et mobile.

Monsieur le directeur général, vous avez évoqué la stratégie de votre groupe en matière de déploiement de la fibre optique et insisté sur le montant de 1,7 milliard d'euros investis dans les infrastructures. Au-delà des cofinancements que votre groupe réalise dans des réseaux déployés par des tiers, quelle est la part des investissements de Free Mobile dans ses propres réseaux, et quelle sera cette part à terme ?

En tant qu'élue d'une circonscription rurale, je suis particulièrement concernée par les réseaux d'initiative locale. Aujourd'hui Free Mobile est interconnecté aux réseaux de SFR et d'Orange ; or ces opérateurs ne manifestent guère d'intérêt pour les RIP : quelles sont vos intentions dans ce domaine ?

Par ailleurs, dans son enquête d'évaluation de la qualité de service des opérateurs mobiles métropolitains publiée ce matin même, l'ARCEP classe votre groupe en quatrième position et considère que : « Free Mobile obtient des résultats sensiblement moins bons sur un grand nombre d'indicateurs. » Comment expliquez-vous ces résultats ?

Enfin, comment justifiez-vous la position de retrait prise par votre groupe dans les domaines de la navigation sur le réseau internet ainsi que de la vidéo diffusée en ligne ?

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Je n'envisageais pas d'intervenir, mais, M. le directeur général ayant cru bon d'indiquer que les lois « Abeille » et « ALUR » rendaient plus complexe l'environnement au sein duquel son groupe évolue, je souhaite lui faire observer que, si chacun est libre des appréciations qu'il porte sur les lois que le Parlement adopte, il convient de s'y conformer dès lors qu'elles entrent en vigueur.

Je rappelle par ailleurs qu'à Villeneuve-d'Ascq, commune située dans ma circonscription d'élection, une pétition intitulée « Non à l'antenne Free dans le quartier d'Ascq » vous fait une singulière publicité. Vous avez évoqué la stratégie de flibusterie de certains de vos concurrents, mais, dans le domaine des pratiques de piraterie, chacun peut choisir les exemples qui lui semblent bons.

Il se trouve que des lois ont été adoptées, que des municipalités ont mis en place des procédures, et la commune de Villeneuve-d'Ascq n'a pas l'habitude de refuser l'implantation d'antennes, à condition que les opérateurs observent ces procédures. Or, en l'occurrence, cela n'a pas été le cas. Et cela vous vaut le courroux de la mairie, la saisine du procureur et 300 pétitionnaires hostiles, cela paradoxalement dans un quartier souhaitant l'amélioration du débit de son réseau.

Les habitants concernés ne refusent pas cette implantation dans son principe, mais ils n'ont pas plus été concertés que les élus ou les autres opérateurs ; le résultat est une publicité négative pour votre groupe ainsi que des contretemps pour ceux qui se soucient de la bonne application de la loi.

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L'ARCEP a publié aujourd'hui les résultats de son enquête d'évaluation de la qualité de service des opérateurs mobile pour 2016 et considère que : « Free Mobile obtient des résultats sensiblement moins bons sur un grand nombre d'indicateurs ». Comment justifiez-vous ce résultat ?

Aujourd'hui, Free Mobile est interconnecté aux réseaux de SFR et d'Orange, mais ne se positionne pas dans les RIP ; or les réseaux d'initiative locale constituent souvent une bonne solution pour les territoires ruraux. Quelle analyse faites-vous de ce positionnement ?

Vous avez par ailleurs évoqué un rachat d'actifs de deux groupes italiens de télécommunications, et vous élargissez les perspectives internationales du groupe Iliad : quelle est votre stratégie à long terme dans ce domaine, et quels financements comptez-vous y consacrer ?

Au mois de juin dernier, votre entreprise a lancé un service de stockage de données sur le cloud à un prix défiant toute concurrence. Selon certains experts, la plateforme proposée est particulièrement adaptée au stockage des données sensibles issues du secteur médical, bancaire ou militaire. Elle dispose également des certifications des principaux organismes d'assurance du marché. Quelle est votre ambition dans ce domaine ?

Par ailleurs, à l'heure du tout numérique, la question de la sécurité des connexions ainsi que de leur surveillance se pose toujours plus : quelle est votre analyse de la souveraineté numérique de la France ?

Élue de la Haute-Savoie où les zones blanches sont nombreuses, à l'occasion de l'atelier consacré au numérique lors du dernier congrès des maires de France, j'ai entendu les élus locaux témoigner des difficultés financières auxquelles, malgré les aides de l'État, ils sont confrontés pour la couverture de leurs territoires. Il est notoire que, pour atteindre le taux de 100 % de très haut débit, le Gouvernement mise sur la fibre avec pour objectif la mise à disposition de 7 millions de prises allant jusqu'à l'abonné ; ce qui représente un investissement de 12 milliards d'euros. Que pensez-vous de cette stratégie de couverture du territoire ?

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Monsieur le directeur général, pouvez-vous nous dire si Free Mobile envisage de s'implanter dans les réseaux d'initiative publique, le cas échéant avec quel calendrier, et à quelle échelle ?

Beaucoup de questions ont été posées au sujet de votre arrivée sur le marché italien, qui constituerait une première pour le groupe Iliad, même si M. Xavier Niel a déjà réalisé des investissements à l'étranger à titre personnel. Le cas échéant, cette aventure sera-t-elle à vos yeux comparable à votre arrivée sur le marché français en tant qu'opérateur il y a bientôt cinq ans ?

Enfin, investissant à l'étranger, deviendrez-vous un opérateur semblable aux autres, chose qui vous est très souvent reprochée ?

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Maxime Lombardini

Merci pour cet ensemble de questions : lorsque l'on interroge notre groupe sur sa stratégie globale, nous répondons que, depuis quinze ans, notre métier consiste à fournir de l'accès fixe et mobile de manière simple. De fait, dans les années 2008-2009, les offres, au nombre de 550 pour le mobile chez l'un de nos concurrents, étaient très complexes, ce qu'a rappelé Mme Corinne Erhel.

Nous avons toujours tâché de rester aussi autonomes que possible avec nos propres réseaux ; il faut donc les construire, et cela nécessite du temps et des investissements. Nous le faisons en métropole et espérons le faire outre-mer, si les licences nous sont accordées. Par ailleurs, après de nombreuses tentatives, nous avons la possibilité, sous réserve de l'autorisation de la Commission européenne, d'exporter notre stratégie et notre savoir-faire en Italie.

Notre certitude est que, quelles que puissent être les évolutions technologiques, l'accès au réseau sera toujours nécessaire : tous les foyers recevront toujours de l'eau, de l'électricité ainsi que du débit internet. Ce débit sera peut-être reçu en mobile ou en fixe, et nous souhaiterions, pour un maximum de Français aujourd'hui et d'Italiens demain, être le fournisseur de ce débit.

Cela peut sembler trivial et peu lyrique pour une stratégie, mais c'est la nôtre. Nous ne nous dispersons pas et restons concentrés sur notre coeur de métier dont nous tâchons de nous acquitter au mieux.

Beaucoup de questions ont porté sur l'extinction de l'itinérance et l'extension du réseau ainsi que les investissements que cette extension appelle ; cela dans un contexte dont j'ai considéré qu'il était rendu difficile par des lois récentes. Je souhaite couper court à tout malentendu : nous sommes respectueux des lois de la République ; j'ai simplement considéré qu'il y avait quelque paradoxe à nous demander dans la même injonction d'aller au plus vite vers l'extinction de l'itinérance et de nous conformer à des licences singulièrement exigeantes.

D'un autre côté, la qualité de nos services fait l'objet de commentaires, et la plupart d'entre vous ont mentionné l'enquête de l'ARCEP. Il faut avoir conscience que les licences qui nous sont accordées comportent des obligations de couverture extrêmement étendues, et que les licences françaises se situent à des années-lumière de ce qui est exigé dans les autres pays d'Europe. Je répète que la récente législation rend le déploiement de notre réseau complexe, c'est là mon seul message : il nous est difficile d'aller vite alors que l'on nous impose beaucoup d'obstacles.

Au demeurant, si le choix retenu est d'imposer des obstacles, il faut avoir conscience que la conséquence, pour nous ainsi que pour nos collègues et concurrents, est un développement ralenti des réseaux ; mais nous nous adaptons. Toutefois, il nous semble utile de faire valoir nos points de vue devant la Représentation nationale. Nous ne déployons jamais nos réseaux en contravention avec les lois : les tribunaux sont là pour trancher les litiges, et chacun intervient dans le cadre du droit.

Par ailleurs, nous sommes très satisfaits de pouvoir développer la téléphonie mobile plus rapidement que nous le faisons aujourd'hui. Il ne doit pas y avoir d'ambiguïté : au cours des quatre premières années, le contrat d'itinérance nous a coûté l'équivalent d'un demi-réseau national, simplement pour de la consommation. Si, dès le premier jour, nous avions pu acheter un réseau clé en main de 15 000 antennes, nous l'aurions évidemment fait, et nous aurions été le plus heureux des opérateurs.

C'est en cela que la consolidation Free-Bouygues Telecom nous aurait permis d'accélérer le déploiement de notre réseau mobile en récupérant des sites déjà construits ; celle-ci n'ayant pas abouti, nous n'en poursuivons pas moins notre activité, et restons très heureux et très sereins.

S'agissant de nos investissements, il convient de ne pas établir de distinction entre l'investissement réalisé par l'opérateur lui-même et le co-investissement, qui constitue un investissement au même titre que les autres. Il a été collectivement décidé, pour une grande partie du territoire national, de ne pas construire trois réseaux parallèles, ce qui aurait été mal compris par les collectivités locales et les Français, tout en constituant un gaspillage financier alors que beaucoup d'argent est nécessaire ; et ce choix est excellent. Au contraire, nous avons décidé d'un partage, réalisé sous le contrôle de l'ARCEP et de l'Autorité de la concurrence : partout où l'un des opérateurs construit, les autres peuvent co-investir s'ils le souhaitent.

Cette solution est très efficace, et elle inspire aujourd'hui les institutions européennes pour la définition du cadre futur de l'Union. C'est pourquoi il convient de raisonner de façon globale : un euro en co-investissement est pour nous strictement identique en termes de copropriété ou de propriété à un euro investi dans un réseau propre situé en zone très dense. Nous investissons 350 millions d'euros pour 2016, un peu moins en 2015, dans ce déploiement de la fibre optique.

S'agissant de notre implantation dans les RIP, nous avons entamé des négociations avec deux des grands opérateurs de ces réseaux, et escomptons aboutir dans quelques mois. Dès lors que le groupement d'intérêts économiques (GIE) évoqué par Madame la présidente sera opérationnel, nous serons client des RIP de façon assez systématique, cela nous est indispensable, car nous perdrions nos abonnés actuels à l'ADSL si nous ne leur offrions pas demain le très haut débit à travers les RIP. Il n'y a donc pas lieu de concevoir des inquiétudes, les opérateurs deviendront clients des réseaux d'initiative publique, même si certains tentent de lutter contre.

La mission « très haut débit » accomplit un travail remarquable pour fédérer, à travers ce GIE FTTH, le point de commande et de service après-vente afin que ces RIP soient effectivement opérationnels, et nous y serons présents dans un délai raisonnablement proche.

Je ferais, par ailleurs, une réponse similaire au sujet des zones blanches ; un amendement a été écarté au cours de la discussion du projet de loi pour une République numérique, qui proposait la constitution d'un réseau commun unique, mutualisé et piloté à l'échelon national afin d'atteindre les 18 % de la population encore mal desservis. Cet abandon est regrettable, car les zones restant à couvrir représentent une portion significative du territoire national. Faute d'un tel réseau, les élus recevront toujours des récriminations de la part de la population, et les opérateurs continueront de faire l'objet des mêmes remarques lorsqu'ils seront entendus par le Parlement.

Par ailleurs, le mécanisme de sur-amortissement accéléré du co-investissement dans les réseaux constitue à nos yeux le point le plus positif de la future loi pour une République numérique, et constitue une bonne incitation à l'investissement dans les réseaux FTTH.

En réponse à la question de Mme Corinne Erhel sur la relation client et le réseau de boutiques, je confirmerai que la relation aux abonnés évolue rapidement du fait de l'accroissement de la familiarité des Français avec internet. Aujourd'hui beaucoup d'opérations sont susceptibles d'être effectuées en ligne, comme s'abonner, modifier son abonnement ou se dépanner – ce qu'en jargon nous appelons le self-care –, cela emporte nécessairement un impact sur le trafic en boutique ainsi que sur les appels auprès des centres de relation abonnés. Quand bien même beaucoup d'appels demeurent émis, leur réduction constitue une pente naturelle, car les Français préfèrent se dépanner eux-mêmes, plutôt que d'avoir à se déplacer ; de leur côté, les opérateurs tendent à progresser dans cette direction.

S'agissant de nos 8 000 salariés, je précise que 6 500 d'entre eux sont occupés par la relation abonnés, pour l'essentiel au sein de plateaux d'appels téléphoniques ; 1 800 de ces employés se trouvent au Maroc et sont salariés du groupe, donc pas dans un statut de sous-traitance. Le choix de ce pays s'explique par le moindre coût du travail, mais aussi parce qu'il est extrêmement difficile en France de faire travailler les gens la nuit, période où nos centres d'appel fonctionnent. Il faut encore planifier les week-ends et les vacances, c'est pourquoi cette souplesse nous est indispensable.

À Monsieur Laurent Furst qui m'a demandé si nous faisons tout cela dans le but d'être rachetés un jour, bien que n'étant qu'un mandataire social et pas l'actionnaire, je rappellerai que M. Xavier Niel est actionnaire à 50 % du groupe Iliad, et qu'il maintient cette position très forte depuis bientôt vingt ans. Je pense que les occasions de vendre, s'il l'avait souhaité, n'auraient pas manqué de se présenter. Or, à titre personnel, il continue d'investir en Suisse, à Monaco et en Israël et, au titre du groupe Iliad, il regarde vers l'Italie. Nous nous situons donc davantage dans une logique de développement que de cession ; nous sommes d'ailleurs le seul opérateur français à ne pas avoir fait l'objet de rumeurs, de manoeuvres ou de perspectives de rachat.

J'entends souvent dire que Free Mobile connaîtrait un problème majeur de qualité de service. Or la dernière enquête annuelle de l'ARCEP, qui est utile, montre que, pour ce qui concerne la voix et le minimessage, les quatre opérateurs atteignent un très haut niveau de qualité. Il convient donc d'étudier ces résultats avec discernement, car, si tous les opérateurs fournissent de très bonnes prestations, le quatrième d'entre eux ne saurait être foncièrement mauvais. Free Mobile compte 18 millions d'abonnés dont 12 millions pour le téléphone mobile. À titre personnel, je n'ai d'ailleurs qu'un abonnement Free Mobile et rien d'autre, et je ne rencontre pas de problèmes particuliers lorsque je passe des appels…

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Maxime Lombardini

Il faut, par ailleurs, prendre en compte le fait que Free Mobile est un opérateur arrivé sur le marché à la fin de l'année 2009 et qui, là où nos camarades ont commencé il y a vingt ans, développe son réseau depuis six ans – ce qui explique que nous disposons d'un peu moins d'antennes et de beaucoup moins de fréquences.

Même si nous n'avons pas obtenu de lots dans la bande des 800 MHz, qui pénètre le mieux les bâtiments, nous offrons un très haut niveau de qualité pour la voix, le texto ainsi que pour la navigation sur la toile, particulièrement en 4G. En revanche, il est vrai que, dans le domaine de la vidéo mobile, qui ne représente pas l'usage majoritaire, la qualité de notre prestation est plus faible.

J'observe par ailleurs, que l'ensemble de ces mesures de qualité sont réalisées sans qu'il soit tenu compte du wi-fi, alors que nos abonnés ont accès aux six millions de box comme hotspot wi-fi, et que la vidéo est plus souvent regardée sur les téléphones mobiles à domicile qu'en marchant dans la rue. Je considère, toutefois, qu'avec un flux wi-fi le résultat serait bien différent. Nous n'investissons pas moins, et nous avons acheté des lots dans la bande des 700 MHz et en avons obtenu dans celle des 1 800 MHz après « refarming » ; nous les déployons aussi rapidement que possible.

Enfin, j'observe que notre qualité de service augmente à chaque enquête de l'ARCEP ; bien entendu, notre objectif est toujours d'atteindre la première place, et soyez assuré que nous faisons tout pour accélérer le déploiement de nos réseaux.

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Quelles peuvent être, selon vous, les conséquences de l'échec du rapprochement des groupes Bouygues et Orange ?

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Maxime Lombardini

Je considère que la fibre sera l'authentique vecteur de la consolidation, car le FTTH constitue un projet tellement lourd en termes d'investissement, d'exécution et d'importance pour le pays qu'il n'est pas assuré que quatre opérateurs, quelles que soient leur qualité et leur volonté, soient susceptibles d'y être présents de façon durable.

Certes, le cadre réglementaire peut évoluer et rendre la partie moins difficile pour les opérateurs alternatifs, au rang desquels je range Iliad et Bouygues ; SFR avec son réseau câblé, occupant une position différente. Toutefois la préoccupation est bien réelle. La consolidation peut être utile, car sinon, la fibre balaiera tout, y compris les opérateurs alternatifs. Il faut donc consolider ou mourir ; car, si les Français s'intéressent encore un peu à l'ADSL à bas prix, dans deux ou trois ans, ils voudront savoir s'ils disposent de 400 mégabits ou d'un gigabit. Et l'opérateur proposant l'ADSL à 19,90 euros par mois n'aura guère d'avenir.

Il est donc impérieux de développer la fibre. La consolidation aurait sûrement permis d'aller plus vite et de façon plus efficace, et Iliad aurait été autonome plus rapidement dans le domaine du réseau mobile. Au demeurant, les quatre opérateurs disposent d'une bonne solidité financière, et peuvent continuer de faire face à la concurrence sur le fixe et le mobile tout en déployant leurs réseaux.

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Quelle est votre analyse des conséquences que pourrait avoir le Brexit sur le monde européen des télécommunications ?

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Maxime Lombardini

Nous avons l'avantage d'opérer dans un marché portant sur un bien qui n'est pas substituable ; le consommateur peut certes changer d'opérateur, mais il peut difficilement se passer d'internet ou de son téléphone mobile. Les tarifs français sont peu élevés. Par ailleurs, commerçant peu avec la Grande-Bretagne, nous ne sommes pas affectés par les fluctuations des taux de change.

En tant que responsable d'entreprise, je considère donc que le Brexit n'aura pas d'impact majeur sur notre marché et nos activités.

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Comme vous l'avez relevé, la généralisation de l'usage d'internet modifie la relation entre les clients et les opérateurs. Quelles solutions proposez-vous aux personnes qui ne disposent pas d'une connexion, que cela relève d'un choix, de l'âge ou d'une localisation géographique défavorable ? Ces consommateurs ne risquent-ils pas d'être pénalisés par la diminution du nombre de boutiques, comment appréhendez-vous ce qui s'apparente à une phase de transition ?

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Maxime Lombardini

Effectivement, la numérisation progresse, mais l'usage du téléphone demeure constant : nous continuons de traiter plusieurs millions d'appels par mois et les effectifs de nos centres de relation clients ne cessent de croître. De son côté, le parc d'abonnés augmente aussi, mais une réduction brutale des effectifs n'est pas d'actualité, et la relation abonnés ne passera pas uniquement par internet du jour au lendemain. Le premier moyen de contact que constitue le téléphone demeurera longtemps.

Afin de satisfaire les besoins des personnes que vous évoquez, nous disposons de plus de 1 500 techniciens itinérants, salariés de Free Mobile, qui interviennent gratuitement chez nos abonnés lorsqu'un problème n'a pas pu être réglé en deux coups de téléphone. Ces interventions peuvent concerner une installation au moment de l'abonnement ou un problème technique, et il faut parfois aller au-delà de ce qui relève strictement de nos activités, comme le paramétrage d'un ordinateur, par exemple.

Par ailleurs, nous disposons aujourd'hui d'une soixantaine de boutiques, alors qu'au départ, nous n'en avions aucune. Ainsi, environ 80 % de la population se situe à une trentaine de kilomètres de l'une de nos boutiques. Certes, je concède que cela n'est pas pleinement satisfaisant, mais ce réseau nous permet néanmoins de répondre aux demandes de notre clientèle, et de rassurer une population qui a besoin de contact humain.

Comme vous le savez, peu d'opérations sont susceptibles d'être réalisées en boutique. Ni nos concurrents, ni nous-mêmes n'y disposons des pièces détachées nécessaires, mais, pour le client, la possibilité d'avoir un échange vivant rassure, ce qui a une indéniable valeur. D'ailleurs, dans le contexte de la consolidation que j'ai évoquée, nous pourrions être conduits à augmenter le nombre de nos boutiques, car la présence physique devient plus importante dans un marché mature, ce qu'est en train de devenir le marché français. La situation est différente dans une situation de forte croissance où les opérateurs peuvent se priver de la clientèle ayant besoin d'un contact humain.

On observe d'ailleurs une réorganisation des réseaux. Les opérateurs ont ainsi beaucoup réduit les réseaux tiers afin de se concentrer sur leurs propres boutiques dont les formats évoluent : elles sont désormais plus grandes. Le client, éventuellement assisté par un conseiller, y fait plus de choses par lui-même. Le résultat principalement recherché est la limitation du temps d'attente, assez caractéristique de l'ancien format.

C'est donc tout le secteur qui évolue dans ses pratiques. Cela concerne les boutiques, certes, mais aussi le self care ainsi que tout ce que nous pouvons automatiser. Nous sommes très vigilants, car, si nous souhaitons conquérir notre clientèle, il nous importe de la conserver. Il ne vous aura, par ailleurs, probablement pas échappé que le nombre des plaintes rapportées par le baromètre annuel de l'ARCEP est devenu pratiquement nul, car tous les opérateurs ont amélioré leur niveau de qualité dans ce domaine.

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Merci, Monsieur le directeur général ; comme vous avez pu le constater, nous avons entendu de façon égale tous les opérateurs du secteur en leur accordant le même temps de parole, et en prenant soin d'organiser ces auditions au moment où les députés sont disponibles.

Nous avons donc reçu les quatre opérateurs ; au mois d'octobre prochain, Mmes Corinne Erhel et Laure de La Raudière, qui pilotent la mission d'information sur les objets connectés, nous présenterons le fruit de leurs travaux.

En tout état de cause, nous demeurons très attentifs à l'évolution du numérique dans tous ses aspects, et particulièrement au bon maillage de l'ensemble du territoire. Nous ne manquerons pas de rester vigilants sur l'ensemble de ces problématiques.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 12 juillet 2016 à 15 h 30

Présents. - M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, M. Laurent Furst, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, M. Philippe Kemel, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Frédérique Massat, M. Lionel Tardy

Excusé. - Mme Catherine Vautrin

Assistait également à la réunion. - Mme Virginie Duby-Muller