Intervention de Catherine Piante

Réunion du 5 juillet 2016 à 16h15
Commission des affaires européennes

Catherine Piante, responsable du programme « Medtrends » du WWF :

Le rapport « Medtrends », publié au début de cette année par le WWF, contient une synthèse prospective des différents secteurs de l'économie maritime, essentiellement dans les huit pays européens riverains de la Méditerranée. Ce rapport a été financé par la Commission européenne via sa ligne de financement « Programme Med » et par le ministère de l'environnement français, dans le cadre d'un partenariat avec le Plan bleu.

La Méditerranée est une mer anthropisée depuis longtemps qui se caractérise par le fait que les activités maritimes y sont très intenses dans plusieurs secteurs simultanément, notamment ceux du transport, lequel devrait doubler d'ici à 2030, du tourisme et de l'exploration d'hydrocarbures, qui croît fortement. S'y développent également, dans une moindre mesure, l'éolien marin, l'aquaculture et éventuellement, à plus long terme, l'exploitation minière. Il s'agissait donc de retracer l'ensemble de ces tendances dans une publication unique car, dans le milieu maritime, en Méditerranée comme ailleurs, la vision sectorielle prime souvent sur l'approche intégrée.

Nous nous sommes efforcés de mettre ces données en perspective avec les objectifs d'autres politiques, notamment ceux de la convention sur la diversité biologique, qui vise à protéger 10 % des océans d'ici à 2020. Nous avons ainsi superposé les cartes des grandes zones d'activités et celles des grandes zones où il existe un enjeu de conservation, que ces aires marines soient déjà protégées – notamment près des côtes et en Europe –, ou qu'elles ne le soient pas, comme c'est le cas au large. Je pense, par exemple, au sud de la Sicile : dans cette zone très importante pour la reproduction des stocks halieutiques, qui abrite également une grande concentration de mammifères marins, le trafic maritime et l'activité de pêche sont très intenses et l'exploration pétrolière se développe. Nous avons pu identifier ainsi des zones où le développement économique et les enjeux de conservation entrent en contradiction. Il nous paraît donc nécessaire de compléter au large le réseau des aires marines protégées.

Par ailleurs, nous nous sommes interrogés, en nous fondant sur les programmes de recherches scientifiques de nombreuses universités européennes, sur la cohérence qui existe entre la politique de croissance bleue et l'objectif d'atteindre le bon état écologique du milieu marin en 2020. Le rapport montre ainsi qu'à l'échelle du bassin méditerranéen, cet objectif risque de ne pas être atteint pour sept des onze descripteurs de la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin », si les choses ne changent pas. Certes, des efforts exceptionnels sont consentis, mais force est de constater qu'il existe un antagonisme entre ces différentes tendances.

Quelles recommandations WWF formule-t-il dans son rapport ? Tout d'abord, nous avons essayé de définir les principes d'une économie bleue durable. Ensuite, nous préconisons que l'approche intégrée prenne en compte notamment la traduction des engagements de la COP21, les principes de l'économie circulaire – je pense notamment aux projets d'exploitation minière de la Commission dans les grands fonds : récupère-t-on suffisamment les métaux rares dans les gisements urbains ? – et la sécurité alimentaire. Nous montrons en effet que le secteur qui risque de souffrir le plus est celui de la pêche, car de nombreuses activités économiques auront besoin d'emprises physiques en mer dans les zones de pêche, notamment dans le Golfe du Lion. Il convient donc de s'interroger sur la place de la pêche dans la politique maritime intégrée. Il me semble, du reste, que, dans le cadre du deuxième cycle de la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin », les États devraient être incités à développer la prospective dans le cadre de leurs programmes de mesures.

Enfin, il importe d'évoquer la directive-cadre « Planification de l'espace maritime », qui donnera certainement lieu à de difficiles négociations puisqu'il s'agira de déterminer la localisation des différentes activités. Il s'agit d'un enjeu majeur d'intégration des politiques de la croissance bleue et de protection du milieu marin. L'approche écosystémique devra être définie précisément dans les années qui viennent. Par exemple, il faudra identifier les impacts cumulatifs intersecteur et les cartographier avant d'envisager des mesures de gestion dans les zones concernées.

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