Commission des affaires européennes

Réunion du 5 juillet 2016 à 16h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 5 juillet 2016

I. Table ronde sur la protection et le développement durable de la Méditerranée

Avec la participation de : Mme Valérie Lainé, chef d'unité à la direction générale des affaires maritimes et de la pêche (conservation des pêches en Méditerranée et Mer Noire) et M. Michel Sponar, chef d'unité adjoint à la direction générale de l'environnement, de la Commission européenne ; Mme Catherine Piante et Mme Marine Reboul, chargées de mission à la Fondation WWF France ; M. François Galgani, chef de projet à l'IFREMER ; M. Thierry Lavoux, président du Plan bleu ; M. Philippe Cury, directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement et directeur du Centre de recherche halieutique en Méditerranée.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

« L'éternité, c'est la mer allée avec le soleil », disait Rimbaud. Certes, la contemplation de la Méditerranée peut nous donner ce sentiment d'éternité, mais la mer elle-même, dans quel état est-elle ? La pollution imposée par l'homme a pris une ampleur si considérable au cours des quarante dernières années que l'on peut se demander si la vie et les merveilles de l'espace terrestre et maritime méditerranéen, fruit d'un équilibre délicat, ne sont pas aujourd'hui menacées.

Comment ne pas penser, en ouvrant cette table ronde sur la protection et le développement durable de la Méditerranée, au drame humain qui se joue actuellement dans ses eaux ? Il ne faudrait pas, comme le disent nos amis Italiens, que Mare nostrum devienne un grand cimetière... Or, le réchauffement climatique a des effets sur la vie des populations méditerranéennes et, si les réfugiés syriens fuient la guerre, ils fuient également la famine liée à la désertification. Nous devons avoir présente à l'esprit l'ampleur de la crise qui affecte la Méditerranée.

La Commission des affaires européennes a souhaité que débutent par cette table ronde les travaux de la mission d'information sur la protection et le développement durable de la Méditerranée, pour laquelle ont été désignés trois rapporteurs : Jean-Louis Roumégas, présent aujourd'hui, Rudy Salles et Jérôme Lambert.

La Méditerranée est notre patrimoine commun. Il nous faut donc nous poser d'abord la question de la biodiversité. De fait, la Méditerranée est considérée, sous cet aspect, comme l'un des vingt-cinq points chauds que compte la planète, lesquels désignent une zone géographique contenant au moins 1 500 espèces endémiques mais ayant déjà perdu 70 % des espèces présentes dans leur état originel. La Méditerranée ne représente que 1 % de l'océan mondial, mais elle abrite 4 % à 18 % des espèces marines communes.

Les menaces sont nombreuses. Outre la pollution tellurique et l'étalement urbain sur les côtes, il faut citer les déchets venant du continent – métaux lourds, pesticides, eaux usagées… –, la pêche professionnelle – selon la Commission européenne, 96 % des stocks de poissons sont surexploités alors que la Méditerranée n'est pas soumise aux quotas par espèce –, le tourisme – le Plan bleu, qui associe le Plan d'action pour la Méditerranée et le programme des Nations unies, prévoit qu'en 2025, le flux de touristes atteindra 630 millions de personnes sur les côtes méditerranéennes – et le transport maritime : la Méditerranée est l'une des routes maritimes les plus empruntées et, contrairement à ce que l'on pourrait penser, plus de 75 % du trafic maritime est international, et non intraméditerranéen. Enfin, une nouvelle menace apparaît avec le développement à venir de l'exploitation des hydrocarbures : des projets sont en cours sur les deux rives, et il est inutile d'évoquer le risque que court la biodiversité en cas de catastrophe liée à cette exploitation.

Pour examiner ensemble, d'une part, l'état de l'environnement méditerranéen et, d'autre part, les enjeux liés aux activités humaines et les politiques menées, nous recevons M. Michel Sponar, représentant de la Direction générale de l'environnement de la Commission européenne, M. Thierry Lavoux, ancien directeur du Plan d'action pour la Méditerranée et président du Plan bleu, M. François Galgani, chef de projet à l'IFREMER, Mme Catherine Piante, responsable du programme Medtrends de WWF France, M. Philippe Cury, directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement et directeur du Centre de recherche halieutique en Méditerranée, et Mme Valérie Lainé, représentante de la Direction générale des affaires maritimes et de la pêche de la Commission européenne.

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Michel Sponar, Direction générale de l'environnement de la Commission européenne

Je travaille au sein de l'unité de la DG Environnement chargée de la politique maritime et de l'environnement marin.

La Méditerranée est à la fois, pour nous, une source d'espoir, car le développement potentiel de différentes activités est réel et sans doute nécessaire dans cette zone du sud de l'Europe, et une source d'inquiétude, puisque la fragilité des écosystèmes méditerranéens est telle que ce développement ne peut être que durable, faute de quoi il risque d'atteindre rapidement ses limites. De fait, les pressions sur l'environnement marin en Méditerranée sont nombreuses, qu'il s'agisse du tourisme ou de l'exploitation offshore d'hydrocarbures. Dans le premier cas, trop de tourisme peut tuer le tourisme ; dans le second, un accident aurait des conséquences si catastrophiques qu'il mettrait un coup d'arrêt au développement de cette exploitation.

Nous nous efforçons donc d'encadrer autant que faire se peut ces activités et de nous assurer, d'une part, que la réglementation européenne s'applique dans les pays membres de l'Union européenne riverains de la Méditerranée et, d'autre part, qu'elle « percole », grâce à des conventions, dans les pays du sud. Nous favorisons ainsi une approche intégrée, à deux niveaux : celui des pressions et des impacts et celui de l'ensemble du bassin car il est évident que les pays du nord et du sud de la Méditerranée doivent coordonner leurs efforts.

Dans cette optique, l'Union européenne a tout d'abord adopté la Directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin » (DCSMM). Il s'agit d'un véritable outil d'intégration qui comporte onze descripteurs de pressions et d'impacts, qui vont de la pollution liée aux déchets solides au bruit, en passant par la préservation de la biodiversité, l'eutrophisation ou les contaminants… Les États membres se voient imposer l'obligation de mettre en oeuvre une politique de suivi de ces descripteurs. Ils doivent définir pour chacun d'entre eux des objectifs afin d'atteindre le bon état écologique à l'horizon 2020 et élaborer des programmes de mesures pour atteindre ces objectifs. Dans le cadre du premier cycle, ces programmes de mesures devaient être arrêtés en 2015 et transmis à la Commission cette année – je viens, du reste, de recevoir le programme français, qui comprend environ 80 mesures. Une partie de notre tâche consiste maintenant à comparer et à évaluer l'ensemble de ces programmes, ce qui est un défi considérable.

Nous menons également des actions plus concrètes. Tout d'abord, pour améliorer l'état de l'environnement marin, la Commission doit s'assurer que l'ensemble des directives sont exécutées. Je pense notamment à la directive sur les eaux résiduelles urbaines, qui impose aux villes de se doter d'un système de traitement des eaux ; nous comptons réviser et compléter cette directive à partir de 2017, car une partie des eaux résiduelles urbaines échappe aux stations d'épuration et arrive dans les océans sans traitement. D'autres textes, tels que la directive-cadre « Eau » ou la directive « Nitrates », relative à l'agriculture, sont très importants car ils permettent de réduire les rejets à la source et d'éviter ainsi que ces pollutions n'atteignent les océans.

Nous contribuons également à l'amélioration des connaissances. À cet égard, l'une des vertus de la directive-cadre sur l'environnement marin est d'avoir obligé les États membres à mettre en place une stratégie, même incomplète et imparfaite, de monitoring et de suivi de l'état des mers, de sorte que nous pouvons nous faire une idée plus précise des priorités, bassin par bassin. Par ailleurs, nous subventionnons des programmes de recherche et nous travaillons à l'élaboration d'un modèle intégré qui nous permettra d'analyser les pressions qui s'exercent sur les différentes mers européennes et de définir des mesures dont le rapport coût-efficacité est satisfaisant. Nous avons, en outre, récemment adopté un programme très important sur l'économie circulaire – domaine dans lequel la France nous a précédés. Nous travaillons ainsi d'arrache-pied à la définition d'une stratégie destinée à améliorer, au niveau européen, la recyclabilité et la durabilité des plastiques pour empêcher, in fine, qu'ils atteignent les rivières puis les océans.

J'en viens à l'action que nous menons au plan international, dans le cadre de la convention de Barcelone, qui réunit l'ensemble des États riverains de la Mer Méditerranée et à laquelle l'Union européenne et la France sont parties. Avec l'aide du Plan bleu, une stratégie a été adoptée à Athènes, il y a six mois. La Commission s'efforce de soutenir cette convention, car une telle intégration nous paraît très importante. Au reste, en tant que riveraine et de l'Atlantique et de la Méditerranée, la France a, me semble-t-il, un rôle particulier à jouer à cet égard. Elle peut être, en effet, un vecteur des bonnes pratiques développées dans le cadre de la convention OSPAR sur l'Océan atlantique et dont la convention de Barcelone pourrait s'inspirer. Mais, bien entendu, elle doit être exemplaire. À cet égard, le programme de mesures qu'elle nous a transmis est intéressant, mais quelques pollutions ont été oubliées et certains secteurs sont passés sous silence. Nous en ferons donc une évaluation plus approfondie.

Pour conclure, je veux saluer le travail de WWF qui, dans le rapport « Medtrends », a réalisé une synthèse remarquable de l'ensemble des données disponibles. Certes, nous pouvons discuter certaines de ses recommandations, mais il donne un état de la situation et il sera intéressant, pour nous, de le confronter à l'état des mers réalisé par l'Agence européenne de l'environnement. En tout état de cause, de nombreux plans et stratégies ont été élaborés ; il importe désormais qu'ils se traduisent par des mesures concrètes. Nous devons ainsi assurer un suivi effectif de l'exécution des protocoles et aider les pays du sud sur la base de notre expérience. Voilà notre obsession ; nous avons une responsabilité particulière à cet égard. On parle beaucoup d'équilibre entre croissance et écologie : il nous faut encore mieux comprendre quelles sont les limites de la croissance afin de donner des outils pratiques à ceux qui se consacrent au développement de certaines activités, de façon à limiter l'impact de celles-ci sur l'environnement et à rendre la croissance parfaitement durable.

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Thierry Lavoux, président du Plan bleu

Le Plan bleu est un des centres d'activités régionales, localisé à Marseille et à Sofia-Antipolis, du Programme d'action méditerranéen (PAM). Il a été créé par la conférence intergouvernementale de Split en 1977 et ses activités s'articulent autour de trois axes : la connaissance systémique de l'état de l'environnement, l'approche prospective – qui a fondé sa réputation, grâce aux scénarios qu'elle a élaborés à la fin des années 1980 sur l'avenir du bassin méditerranéen – et l'établissement de recommandations, fondées sur ses analyses et destinées à éclairer les décideurs sur les choix qu'ils ont à faire, notamment au sud de la Méditerranée, où l'on manque souvent d'expertise. Plus récemment, le Plan bleu a été mandaté pour accompagner les 21 pays riverains de la Méditerranée dans leur approche de développement durable, puisqu'il a été chargé à la fois de rédiger la stratégie méditerranéenne de développement durable, adoptée à la COP19 d'Athènes, et d'en assurer le suivi grâce à un ensemble d'indicateurs.

L'environnement méditerranéen subit des pressions extrêmement importantes, notamment les pollutions telluriques, qui font l'objet d'un protocole, et le trafic maritime. Mais je voudrais souligner l'intérêt que présentent la convention de Barcelone et la phase 2 du Programme d'action méditerranéen, car ils forment un cadre institutionnel très souple. En effet, l'unité de coordination, située à Athènes, ne remplit que des fonctions administratives et ses six centres d'activités régionales fonctionnent à faible coût.

Force est de constater que la fracture nord-sud est en train de s'aggraver ; c'est sur ce point que je souhaiterais centrer mon analyse. Alors qu'au nord et dans les Balkans, le processus d'intégration est plutôt dynamique et va dans le bon sens – avec de nouveaux entrants, notamment la Slovénie, Malte, Chypre et la Croatie –, nous assistons, hélas ! sur la rive sud, à une désintégration due au cataclysme des guerres et à la chute des économies d'un certain nombre de pays.

On observe, par ailleurs – et cela est lié – un faible engagement des pays, dès lors que la convention de Barcelone ne prévoit pas de mécanisme véritablement coercitif : les obligations de faire contenues dans certains protocoles ne sont assorties d'aucune sanction. Cette situation s'explique, certes, par la situation politique actuelle, mais aussi par la question des financements. Entre 1990 et 1995, un programme de financement, le METAP (Mediterranean technical assistance program), doté d'une trentaine de millions de dollars, a permis de faire du capacity building, d'aider un certain nombre de pays du sud à faire émerger leurs projets, avant que la Banque mondiale n'apporte des financements à hauteur d'1,5 milliard de dollars.

Aujourd'hui, non seulement l'application des lois manque d'efficacité, mais il est frappant de constater que les parties à la conférence sont toujours représentées, à Athènes, par les ministères de l'environnement. C'est très bien, mais qu'en est-il des autres ministères ? Si l'on veut faire du développement durable, il faut alerter l'ensemble des secteurs économiques et des ministères chargés du développement ! Aujourd'hui, nous discutons entre nous, nous partageons la plupart des analyses. Mais, même si la stratégie méditerranéenne de développement durable s'efforce de favoriser une vision plus holistique des choses, nous demeurons, hélas ! prisonniers d'une logique purement environnementale.

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François Galgani, chef de projet à l'IFREMER

Plutôt que sur les pollutions chimiques, problème qui est bien connu depuis quelques années, je concentrerai mon propos sur les nouvelles pollutions, notamment celles qui sont dues aux déchets. En effet, 700 tonnes de déchets sont déversées chaque jour dans le bassin méditerranéen, soit 300 000 tonnes par an. Certes, cela peut paraître peu mais, à l'échelle restreinte de la Méditerranée, la densité de cette pollution est parfois considérable. Ainsi, dans certaines zones, notamment dans la Mer Adriatique, on dénombre plusieurs millions de microparticules de plastique par kilomètre carré. Il faut également mentionner, à ce propos, la question du transport frontalier, qui est importante, car les mesures de gestion prises dans un pays peuvent être utiles à d'autres. En effet, la mer transporte ces déchets, qui se retrouvent à la fois sur les plages et sur les fonds marins, de sorte que l'on peut recevoir ceux d'autres pays, en particulier de la rive sud. La Méditerranée détient le record dans ce domaine.

On commence à connaître l'impact de cette pollution. Des populations de tortues, par exemple, sont très affectées puisque jusqu'à 90 % d'entre elles ont des déchets dans l'estomac. Mais ce phénomène, essentiellement environnemental, touche, hélas ! assez peu le grand public, au-delà du symbole qu'il représente. Cette pollution a pourtant également un impact sur la santé, lié au tourisme – car elle peut provoquer des accidents sur les plages – et sur l'économie : la DG environnement a publié un rapport dans lequel elle évalue le coût des déchets marins, au niveau européen, à 263 millions d'euros. Une conférence s'est tenue à Berlin qui a dressé une liste des mesures à prendre, dont certaines sont particulièrement adaptées à la Méditerranée : je pense notamment au recyclage, qui doit être amélioré, et à l'épuration, sur la rive sud.

Il est intéressant de noter que, sur la question des déchets, le plan d'action régional de la convention de Barcelone a, pour une fois, devancé la convention OSPAR, ce qui témoigne de l'importance de la question. Par ailleurs, la DCSMM a considéré les déchets comme un véritable problème environnemental, ce qui a eu de nombreuses conséquences, jusqu'au G7 puisqu'un chapitre de la déclaration est consacré aux déchets marins et que le modèle de surveillance à l'échelle globale sera probablement calqué sur celui de cette directive. Ce qui se passe en Méditerranée est donc important. Des mesures commencent à être prises et l'on est passé à des préoccupations concrètes. Du reste, le secteur économique lui-même est en train de s'emparer du problème : des normes sont fixées et des marchés sont en train de se mettre en place. Les choses vont très vite, avec des enjeux non seulement environnementaux mais aussi économiques.

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Catherine Piante, responsable du programme « Medtrends » du WWF

Le rapport « Medtrends », publié au début de cette année par le WWF, contient une synthèse prospective des différents secteurs de l'économie maritime, essentiellement dans les huit pays européens riverains de la Méditerranée. Ce rapport a été financé par la Commission européenne via sa ligne de financement « Programme Med » et par le ministère de l'environnement français, dans le cadre d'un partenariat avec le Plan bleu.

La Méditerranée est une mer anthropisée depuis longtemps qui se caractérise par le fait que les activités maritimes y sont très intenses dans plusieurs secteurs simultanément, notamment ceux du transport, lequel devrait doubler d'ici à 2030, du tourisme et de l'exploration d'hydrocarbures, qui croît fortement. S'y développent également, dans une moindre mesure, l'éolien marin, l'aquaculture et éventuellement, à plus long terme, l'exploitation minière. Il s'agissait donc de retracer l'ensemble de ces tendances dans une publication unique car, dans le milieu maritime, en Méditerranée comme ailleurs, la vision sectorielle prime souvent sur l'approche intégrée.

Nous nous sommes efforcés de mettre ces données en perspective avec les objectifs d'autres politiques, notamment ceux de la convention sur la diversité biologique, qui vise à protéger 10 % des océans d'ici à 2020. Nous avons ainsi superposé les cartes des grandes zones d'activités et celles des grandes zones où il existe un enjeu de conservation, que ces aires marines soient déjà protégées – notamment près des côtes et en Europe –, ou qu'elles ne le soient pas, comme c'est le cas au large. Je pense, par exemple, au sud de la Sicile : dans cette zone très importante pour la reproduction des stocks halieutiques, qui abrite également une grande concentration de mammifères marins, le trafic maritime et l'activité de pêche sont très intenses et l'exploration pétrolière se développe. Nous avons pu identifier ainsi des zones où le développement économique et les enjeux de conservation entrent en contradiction. Il nous paraît donc nécessaire de compléter au large le réseau des aires marines protégées.

Par ailleurs, nous nous sommes interrogés, en nous fondant sur les programmes de recherches scientifiques de nombreuses universités européennes, sur la cohérence qui existe entre la politique de croissance bleue et l'objectif d'atteindre le bon état écologique du milieu marin en 2020. Le rapport montre ainsi qu'à l'échelle du bassin méditerranéen, cet objectif risque de ne pas être atteint pour sept des onze descripteurs de la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin », si les choses ne changent pas. Certes, des efforts exceptionnels sont consentis, mais force est de constater qu'il existe un antagonisme entre ces différentes tendances.

Quelles recommandations WWF formule-t-il dans son rapport ? Tout d'abord, nous avons essayé de définir les principes d'une économie bleue durable. Ensuite, nous préconisons que l'approche intégrée prenne en compte notamment la traduction des engagements de la COP21, les principes de l'économie circulaire – je pense notamment aux projets d'exploitation minière de la Commission dans les grands fonds : récupère-t-on suffisamment les métaux rares dans les gisements urbains ? – et la sécurité alimentaire. Nous montrons en effet que le secteur qui risque de souffrir le plus est celui de la pêche, car de nombreuses activités économiques auront besoin d'emprises physiques en mer dans les zones de pêche, notamment dans le Golfe du Lion. Il convient donc de s'interroger sur la place de la pêche dans la politique maritime intégrée. Il me semble, du reste, que, dans le cadre du deuxième cycle de la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin », les États devraient être incités à développer la prospective dans le cadre de leurs programmes de mesures.

Enfin, il importe d'évoquer la directive-cadre « Planification de l'espace maritime », qui donnera certainement lieu à de difficiles négociations puisqu'il s'agira de déterminer la localisation des différentes activités. Il s'agit d'un enjeu majeur d'intégration des politiques de la croissance bleue et de protection du milieu marin. L'approche écosystémique devra être définie précisément dans les années qui viennent. Par exemple, il faudra identifier les impacts cumulatifs intersecteur et les cartographier avant d'envisager des mesures de gestion dans les zones concernées.

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Philippe Cury, directeur du Centre de recherche halieutique méditerranéenne et tropicale

J'ai travaillé dans de nombreux écosystèmes, et je dois dire que la Méditerranée est la mer de tous les superlatifs, qu'il s'agisse des migrations, de la démographie ou de la pollution. C'est l'une des mers qui se réchauffent le plus vite et elle détient l'un des records mondiaux en matière de surexploitation des stocks de poissons, puisque 84 % de ses stocks sont concernés. Lorsque l'on évoque les ressources marines, on pense à l'Agenda 2030 et à l'Objectif de développement durable (ODD) 14. On veut, bien entendu, des océans en bonne santé, sains, productifs, propres, mais il ne faut pas oublier que la Mer Méditerranée est un condensé de nombreux ODD : sécurité alimentaire, changement climatique, emploi, pauvreté, équité, etc.

Qu'en est-il de la sécurité alimentaire ? On retire aujourd'hui de la Méditerranée 800 000 tonnes de poissons, contre 1 million de tonnes dans les années 1980-1990 et le nombre des emplois dans le milieu de la pêche a chuté. Mais la surexploitation soulève également le problème de la conservation des espèces qui, contrairement à ce que l'on a longtemps considéré, ne concerne pas que le milieu terrestre. Ainsi, le nombre des requins a diminué de 97 % en Méditerranée : les chercheurs n'ont vu aucun exemplaire d'au moins six espèces de requin depuis dix à trente ans. Par ailleurs, certaines espèces importantes pour les pêches, les sardines et les anchois, se portent très mal en raison du réchauffement climatique, qui a modifié la qualité du plancton. En revanche, et c'est la bonne nouvelle – la seule – concernant la Méditerranée, le stock de thon rouge s'est reconstitué, grâce à une gestion rigoureuse de la ressource.

Quelles améliorations peut-on envisager ? La première chose à faire est de reconsidérer l'agenda 2030 et tous les objectifs de développement durable. Il faut en effet promouvoir des études intégrées et pluridisciplinaires à l'échelle du bassin méditerranéen, car les études sont trop souvent sectorisées. On ne pourra pas avoir une vision synthétique et cohérente du bassin si l'on n'associe pas les pays du nord et du sud de la Méditerranée. En outre, les réseaux scientifiques doivent être constitués à un niveau international, car ils sont trop souvent « méditerranéens », alors que des initiatives prises ailleurs peuvent être intéressantes. De plus, beaucoup d'argent a été consacré aux études sur la Méditerranée, mais les données sont difficilement accessibles, de sorte que la connaissance scientifique est entravée. Les bases de données doivent donc être ouvertes et accessibles.

Il convient également de promouvoir des pêches artisanales gérées localement, de valoriser les produits et de créer des emplois. Pour ce faire, il convient de s'appuyer sur les communautés locales et de réunir l'ensemble des parties prenantes – pêcheurs, industriels, distributeurs, ONG – pour définir une vision commune. Il faut promouvoir l'approche écosystémique des pêches, en réconciliant la conservation et l'exploitation, notamment en privilégiant des méthodes de pêche plus sélectives et plus économes en carburant. Par ailleurs, on parle souvent d'économie circulaire, de biomimétisme : on peut faire du milieu marin beaucoup d'autres choses que la surexploitation de trois espèces pour leurs protéines. En Méditerranée, on pêche traditionnellement de petits poissons. Pourquoi pas, mais il faut en conserver quelques gros dans les écosystèmes, ce qui n'a jamais été vraiment imaginé dans la gestion des pêcheries. Il est donc nécessaire d'élaborer une stratégie de conservation et de constitution de réserves marines.

Enfin, dans le cadre de cette vision intégrée pluridisciplinaire, il convient de développer des scénarios. L'IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques), qui est l'équivalent du GIEC pour la biodiversité, permet d'intégrer toutes les composantes que nous avons évoquées : environnementale, sociale et économique. Cette plateforme existe donc, et elle est prometteuse, même si cela prendra du temps, car elle permet d'intégrer les savoirs acquis et d'atteindre ainsi les objectifs.

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Valérie Lainé, représentante de la Direction générale des affaires maritimes et de la pêche de la Commission européenne

En Méditerranée, 93 % des stocks sont surexploités. Partant de ce diagnostic, nous avons voulu définir une nouvelle stratégie pour renverser la situation. Tout d'abord, le commissaire Vella a fait de la redynamisation de la pêche et du développement de la pêche durable en Méditerranée la priorité de son mandat. Ce secteur d'activité représente 300 000 emplois, 42 000 bateaux et un chiffre d'affaires de 10 milliards d'euros ; il est donc important pour le bassin méditerranéen, aussi bien du côté européen que sur la rive sud et à l'est, ainsi que pour la Mer Noire, dont nous sommes également en charge.

Lors d'un séminaire organisé par le commissaire Vella à Catane, un diagnostic général a été établi avec les scientifiques, les professionnels, les ONG et les États membres. Sur cette base, M. Vella a convoqué une conférence ministérielle qui s'est tenue à Bruxelles en mars et qui a rassemblé l'ensemble des ministres de la pêche du bassin méditerranéen. Pour la première fois, tous ont admis le diagnostic et tous se sont accordés sur la nécessité d'agir de manière urgente au niveau local, européen et international.

En ce qui concerne l'Europe, la réforme de la PCP (Politique commune de la pêche) prévoit des mesures de régionalisation qui permettent aux États membres d'adopter des mesures nationales de gestion des stocks. À l'heure actuelle, 37 plans de gestion ont été adoptés dans la partie européenne du bassin méditerranéen. Par ailleurs, les États membres travaillent avec le MED-AC (Mediterranean advisory council), qui regroupe les professionnels de la pêche et les ONG, pour faire des propositions dans ce domaine. Nous avons déjà reçu certaines d'entre elles, qui nous permettront d'adopter, avant la fin de l'année, des mesures de nature à arrêter le déclin de certaines espèces, notamment les espèces dites « iconiques », c'est-à-dire les plus menacées : le merlu, la crevette rose, le petit pélagique dans l'Adriatique, l'espadon ou le turbot en Mer Noire. Au plan communautaire, nous élaborons des plans de gestion pluriannuels concernant les espèces démersales et le petit pélagique en Adriatique, afin d'avoir une plus grande visibilité au regard de l'objectif de rendement durable des stocks prévu par la PCP.

Au plan international, la CGPM (Commission générale des pêches pour la Méditerranée) a, pour la première fois de son existence, adopté, sur le fondement des avis scientifiques, de véritables mesures, telles que des fermetures spatio-temporelles – dans le canal de Sicile, afin de protéger les juvéniles de merlu, dans le golfe de Gabès, pour protéger la crevette rose, et dans l'Adriatique, pour protéger le petit pélagique – et une limitation du nombre des captures dans la Mer Noire. Ces mesures témoignent d'une prise de conscience de la rive sud et de la rive nord.

Par ailleurs, la CGPM va adopter, au mois de septembre prochain, lors d'une réunion extraordinaire, une nouvelle stratégie de gestion des stocks à quatre ans. Il est ainsi prévu d'améliorer l'évaluation scientifique des stocks dans le cadre d'un forum permanent et de valoriser la petite pêche côtière, très importante non seulement pour la sécurité alimentaire dans le bassin sud mais aussi pour la flotte européenne. Des fonds européens y seront consacrés et des actions seront menées pour favoriser le rôle de la femme, la valorisation des produits de cette pêche ainsi que la modernisation des bateaux.

En outre, ayant constaté l'importance de la pêche illégale en Méditerranée, nous allons adopter un plan régional de lutte contre la pêche illicite qui permettra de réduire de plus de 20 % les captures illicites en Méditerranée, ce qui aura un impact bénéfique sur les stocks. La pêche récréative fera également l'objet d'une discussion ; elle ne doit pas être négligée car, dans certains États membres et certains pays de la rive sud, ceux qui s'y adonnent prélèvent, sous couvert de pêche récréative, des quantités non négligeables de poissons.

Nous souhaitons aboutir, lors d'une réunion qui se tiendra à Malte les 23 et 24 mars 2017, à une grande déclaration engageant l'ensemble des ministres de la pêche du bassin méditerranéen. Il y a donc une grande ambition. Les États membres sont d'accord pour s'engager dans cette stratégie ; les professionnels sont également très actifs et les ONG nous accompagnent dans cette démarche. Nous avons ainsi un momentum pour renverser la situation et éviter le burn-out de la Méditerranée.

J'ajoute que cette nouvelle dynamique, qui implique tous les acteurs de la filière, a un impact sur la question des réfugiés. En effet, les Libanais, les Syriens et les Libyens, qui étaient présents à la table des négociations de la CGPM il y a deux mois, ont exprimé la volonté de développer leur secteur de la pêche pour résoudre en partie ce problème. Ainsi, les Libanais ont commencé à former un certain nombre de réfugiés aux techniques de pêche. C'est une initiative modeste, mais elle prouve que la pêche a un rôle à jouer dans le développement durable des activités maritimes en Méditerranée.

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Selon vous, quel rôle pourrait jouer les parlements nationaux ? On a compris que la question de la gouvernance était essentielle dans la gestion intégrée de la Méditerranée. Quelles sont selon les pistes d'amélioration de la coopération internationale non seulement au sein du bassin méditerranéen, mais aussi avec les pays qui sont plus au sud, dans le contexte de désintégration que vous avez décrit ?

Par ailleurs, on a le sentiment que les professionnels des différents secteurs se posent la question du développement durable, mais qu'ils se la posent séparément, d'où l'importance de l'intégration thématique. Pour l'instant, peu de mesures sont contraignantes. Je souhaiterais donc savoir quels leviers permettraient, selon vous, d'améliorer la prise en compte intégrée de l'impact des différents secteurs d'activité sur l'environnement et d'intégrer dans chaque secteur les contraintes globales ? Il s'agit, là aussi, d'une question de gouvernance, car, vous l'avez dit, le diagnostic, c'est-à-dire le constat d'une dégradation très grave de la biodiversité en Méditerranée, est partagé.

Enfin, la montée des eaux liée au réchauffement climatique risque d'avoir, dans certains pays, des conséquences sur le tourisme, l'urbanisme ou la pêche. Dans mon département, par exemple, la question de la pérennité de certaines stations balnéaires se pose. Je souhaiterais donc savoir si la question du repli littoral est traitée au plan international et si des modèles existent, par exemple.

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Je souhaiterais quant à moi vous demander s'il existe des propositions spécifiques pour développer les études intégrées qui articulent pêche et préservation de la biodiversité, dont vous avez montré qu'elles sont insuffisantes. Des contraintes sont-elles prévues ? Par ailleurs, ne faut-il pas s'inquiéter de l'exploitation des hydrocarbures notamment dans une région où le risque sismique est très élevé ?

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Michel Sponar, Direction générale de l'environnement de la Commission européenne

En ce qui concerne l'intégration, nous avons un outil : la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin », qui comporte onze descripteurs et dont l'un des objectifs est précisément de développer une approche intégrée de l'ensemble des pressions et de leur impact. Ainsi les descripteurs concernant la biodiversité prennent en compte l'exploitation commerciale de la pêche, et le lien est fait avec la politique commune de la pêche.

En ce qui concerne les contraintes, ma collègue Valérie Lainé est très chanceuse car elle dispose d'outils contraignants et directement applicables au niveau des États membres, tandis que nous sommes, quant à nous, davantage obligés de dialoguer avec ces derniers. La directive-cadre leur impose de mettre en place un système de suivi et de monitoring ; nous jugeons de sa qualité et de l'adaptation de leurs programmes de mesures à l'objectif de bon état écologique de l'eau. Mais ce bon état écologique est défini par les États membres eux-mêmes, et nous nous limitons à vérifier que cette définition est conforme aux objectifs de la directive. C'est donc très subtil, comme vous le voyez… La directive est fantastique dans son principe, mais son application pratique dépend beaucoup du dialogue que nous avons avec les États membres. Nous nous efforçons de développer une approche intégrée et de tirer tout le monde vers le haut, mais il est évident que les niveaux de connaissance et d'intégration sont très différents d'un État membre à l'autre. En tout état de cause, si l'un d'entre eux ne nous transmet pas son programme de mesures dans le délai imparti, nous lançons des procédures. De même, s'il s'avère qu'un programme de mesures ne correspond définitivement pas aux objectifs de la directive, nous lancerons des procédures. Mais auparavant, nous privilégions le dialogue afin, encore une fois, de tirer l'ensemble des États membres vers le haut.

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Valérie Lainé, représentante de la Direction générale des affaires maritimes et de la pêche de la Commission européenne

Nous disposons de deux types d'instruments contraignants pour la pêche. Les premiers, qui relèvent de la politique commune de la pêche, nous permettent d'adopter des plans de gestion pluriannuels et de fixer des objectifs de gestion pour atteindre un rendement soutenable des stocks. Nous pouvons ainsi prescrire des limitations de captures et demander aux États membres d'imposer des limitations dans l'utilisation des engins de pêche, des cessations d'activité, des arrêts biologiques… Mais, si cela ne fonctionne pas, nous pouvons être beaucoup plus contraignants. Nous favorisons donc la régionalisation, en incitant les États membres à se mettre d'accord sur la gestion d'une espèce, par exemple. Mais s'ils ne parviennent pas à un accord, la Commission intervient au nom de la sauvegarde des stocks.

Par ailleurs, la politique commune de la pêche prévoit une obligation de débarquement à laquelle seront bientôt soumis tous les stocks. Nous favorisons également, grâce à des aides, la sélectivité des engins de pêche. En outre, nous encourageons les professionnels à partager les bonnes pratiques puisqu'actuellement, de nombreux stocks sont en bon état dans l'Océan Atlantique et la Mer du Nord. Ainsi la pêche bretonne, qui était en faillite il y a quelques années, est à nouveau profitable. Aujourd'hui, dans le nord de la Bretagne, on compte 700 bateaux dont le taux de rendement et de profitabilité est très élevé grâce à la reconstitution des stocks de merlus, de baudroies ou de langoustines. Les pêcheurs méditerranéens commencent à comprendre qu'il est dans leur intérêt d'arrêter la pêche olympique, de gérer la ressource, de planifier et de valoriser les produits.

Je pense que vous pouvez intervenir dans ce domaine, car il est important de mener, au niveau national, des campagnes de sensibilisation. Prenons l'exemple du thon rouge. L'adoption, en 2006, du premier plan de reconstitution a été un drame : il a fallu diminuer le nombre des captures et des bateaux, imposer des fermetures temporaires très strictes… Mais c'est un succès : aujourd'hui, on augmente le niveau du TAC (Total admissible des captures). Cet exemple démontre qu'il est possible de renverser la situation.

La coopération internationale est très importante en Méditerranée. En effet, la moitié des stocks ne sont pas dans les eaux communautaires et sont partagés avec la Tunisie, le Maroc, la Turquie… On ne peut donc les gérer que si l'on conclut des accords avec ces pays. C'est pourquoi nous essayons de renforcer la coopération : le commissaire Valla rencontre les ministres marocain, algérien, tunisien pour élaborer des actions communes, et cela fonctionne ! Nous nous sommes ainsi accordés avec le ministre tunisien sur une fermeture temporaire de deux mois du Golfe de Gabès pour protéger le merlu, et nous allons prochainement discuter avec les autorités marocaines des moyens de gérer les stocks d'espadons et de dorades roses dans la Mer d'Alboran.

Cette coopération portera de plus en plus ses fruits, mais il est très important que, dans le cadre des contacts bilatéraux qu'elle a avec ces pays, la France, qui est un acteur très important en Méditerranée, transmette le message et les convainque de la nécessité de coopérer au niveau de la collecte des données, des contrôles et de la gestion des stocks. On ne réussira pas sans une coopération renforcée entre la rive nord et la rive sud.

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Philippe Cury, directeur du Centre de recherche halieutique méditerranéenne et tropicale

Nous n'apprenons pas suffisamment des solutions adoptées localement, qui sont souvent imaginatives et concrètes. J'ai dirigé, avec des collègues du bassin méditerranéen, une action concertée européenne destinée à relever les préoccupations écosystémiques des différents pays, et nous nous sommes aperçus que des exemples, au nord et au sud, pourraient être davantage mis en avant. J'ajoute qu'il est important d'insister sur la formation. De fait, la pêche d'aujourd'hui n'est plus celle du XXe siècle : c'est un monde très réglementé, qui exige notamment de bonnes connaissances sur le fonctionnement des écosystèmes.

En ce qui concerne les plateformes réunissant connaissance scientifique et politiques publiques, la DCSMM développe une approche par indicateurs, qui permet de se faire une idée de l'état de santé de l'écosystème. Les cartes du WWF sont d'une grande richesse. Leur superposition permet d'extraire une information fantastique que l'on peut utiliser, par exemple, pour localiser l'implantation des réserves marines, en privilégiant les zones riches en biodiversité et peu peuplées. On peut également développer une approche en termes de scénarios, car une fois que l'on a fixé des objectifs, il faut savoir comment les atteindre, ce qui suppose de faire des choix. Dans ce cadre, les plateformes, comme l'IPBES, pourront proposer des outils qui permettront de construire ces scénarios et de répondre aux questions que se posent les décideurs politiques : que se passera-t-il si l'on double le nombre d'éoliennes dans telle zone, par exemple ? Si le changement climatique a pour conséquence de déplacer la ressource, que se passera-t-il pour les pêcheurs de telle zone ? On ne peut répondre à ces questions multiformes qu'en élaborant des scénarios. C'est un travail de longue haleine, mais je ne vois pas comment nous pouvons y échapper pour régler des problèmes aussi importants. C'est une donnée, complémentaire des indicateurs de la DCSMM et des cartographies, qui permet de donner un aspect dynamique aux politiques publiques.

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Thierry Lavoux, président du Plan bleu

Il faut se rappeler que la convention de Barcelone n'est pas seulement un Accord multilatéral sur l'environnement (AME) ; c'est aussi un cadre de concertation étatique. Cela ne fonctionne pas si mal, mais l'on peut se demander si la voix de la France est suffisamment entendue dans le cadre de cette convention. Puisqu'en dehors des biennium il ne se passe pas grand-chose, peut-être la France pourrait-elle prendre des initiatives avec d'autres grands pays de la rive nord, dans le cadre de l'Union européenne, pour promouvoir l'approche écosystémique, notamment. À cet égard, la communauté scientifique de la rive nord doit aider celle de la rive sud. Il est en effet frappant de comparer les budgets de recherche-développement des vingt-et-un pays parties à la convention… Au-delà du multilatéralisme, qu'il faut maintenir et accroître, il serait intéressant de favoriser la coopération décentralisée, qui n'est pas suffisamment développée. Des initiatives existent, entre villes, départements, universités, entreprises, mais la France doit faire un effort pour encourager les investissements privés dans ce domaine.

Enfin, la rive sud est en état de déshérence : la Syrie n'est pas venue à la COP19. La représentation est donc très faible, et elle est exclusivement le fait des ministères de l'environnement. Il ne s'agit pas de les mépriser, mais il faut maintenir à tout prix la visibilité des structures environnementales dans les pays dont la situation économique et politique est extrêmement difficile. Des initiatives doivent donc être prises, réunions ou échanges d'expériences, notamment dans le cadre de la coopération décentralisée, mais pas uniquement. Il faut faire preuve d'imagination et d'innovation politique pour améliorer la gouvernance.

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Catherine Piante, responsable du programme « Medtrends » du WWF

Selon moi, l'intégration thématique a plusieurs dimensions. En ce qui concerne le diagnostic, on n'échappera pas à l'approche cartographique. Dans notre rapport, nous nous sommes, hélas ! limités à une représentation des secteurs, mais il faudrait représenter également les pressions et les impacts pour pouvoir prendre des mesures de gestion spatialisées et concrètes.

Par ailleurs, les différents acteurs sectoriels des milieux marins doivent apprendre à se représenter les enjeux des autres secteurs. Je citerai deux exemples. Le trafic maritime, qui a différents types d'impact – le bruit, le risque de collision –, relève de l'Organisation maritime internationale. Ce secteur étant géré au niveau international, il serait intéressant de mener avec l'OMI une réflexion sur la création de zones maritimes particulièrement vulnérables, qui sont des outils spatialisés de protection du milieu marin. Autre exemple : les ports. Comment anticiper, avec les préfectures maritimes, l'augmentation du trafic – qui est amené à doubler à Fos-sur-Mer, par exemple – et limiter les risques d'accidents liés à l'attente de grands et nombreux navires à l'entrée des ports ?

Quant à l'exploration des hydrocarbures, elle ne relève pas, contrairement au trafic maritime, d'une gouvernance internationale. Ce secteur, connu pour son opacité, relève en effet de la compétence de chaque État. La convention de Barcelone a élaboré un plan d'action dans ce domaine, mais, selon les experts que nous avons consultés, certains projets d'exploration concernent des zones où le risque sismique est important. Il faudrait donc renforcer la gouvernance pour éviter que ce type de projets ne passe à travers les mailles du filet. Puisque Ségolène Royal a annoncé que la France ne soutiendrait plus les explorations pétrolières en Méditerranée, il serait important que le Parlement inscrive cette mesure dans la loi dès que possible, car c'est important pour le bassin méditerranéen et pour l'exemplarité de la France dans le domaine de la transition énergétique.

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François Galgani, chef de projet à l'IFREMER

Peut-être suis-je optimiste, mais il me semble que, dans le domaine de l'environnement, en particulier pour la Méditerranée, nous sommes passés de ce qui n'était qu'un concept il y a quelques dizaines d'années à l'adoption d'une directive européenne qui mobilise l'ensemble des États membres concernés et se décline en conventions des mers régionales. On peut du reste imaginer que, d'ici quelques années, nous aurons des tableaux de bord comprenant une cartographie complète. Les programmes de mesures sont un apport important. Je pense notamment à l'interdiction des sacs plastique, que le programme MED-POL envisage d'étendre à l'ensemble de la Méditerranée. Par ailleurs, le recyclage génère de nombreuses activités économiques. Peut-être faut-il encourager ce type d'actions. Nous avons une bonne base, mais il y a sans doute des décisions à prendre pour structurer ces activités et favoriser leur développement.

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Je vous remercie d'avoir dressé un premier état des lieux, qui nous inquiète à certains égards mais nous donne aussi quelques raisons d'espérer. En tout état de cause, ce sujet illustre la nécessité de développer des approches intégrées, qui ont longtemps fait défaut au niveau européen et qui commencent à émerger.

II. Communication de M. Jean-Louis Roumégas sur les perturbateurs endocriniens

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Nous poursuivons nos travaux avec une communication sur les perturbateurs endocriniens de notre collègue Jean-Louis Roumégas, qui suit très attentivement cette question pour notre commission depuis plusieurs années déjà.

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En effet, notre Commission travaille sur ce sujet depuis 2013, et il était aujourd'hui important, sans reprendre tous les travaux antérieurs, de faire un point d'étape : après le débat autour du renouvellement de l'autorisation du glyphosate, et autour finalement de l'application du principe de précaution, c'est aujourd'hui le cas des perturbateurs endocriniens qui retient l'attention de la Commission européenne et des États membres, et donc la nôtre aussi.

C'est un sujet majeur de santé publique sur lequel, comme vous le savez, le Gouvernement s'est engagé depuis la première conférence environnementale de septembre 2012, et le ministère de l'écologie a pris en compte nos travaux.

Capables d'interférer avec les hormones, les perturbateurs endocriniens sont soupçonnés d'être à l'origine de nombreuses maladies graves et chroniques, qui sont une menace pour les générations futures et pour nos systèmes de protection sociale. Ces substances se trouvent dans une multitude d'objets de consommation courante et des secteurs entiers de l'industrie sont concernés par leur réglementation. Les enjeux économiques sont donc aussi très importants.

Le rapport, déposé par notre commission le 25 février 2014, sur la stratégie européenne en matière de perturbateurs endocriniens fait un point complet sur les enjeux de la régulation environnementale et chimique dans le cas des perturbateurs endocriniens, aussi je n'y reviendrai pas dans cette communication, mais il est important de rappeler l'adoption, en avril 2014, de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, qui a été présentée à la Commission européenne ainsi qu'à l'ensemble des États membres lors du Conseil des ministres de l'environnement du 12 juin 2014. La France joue donc un rôle à la fois pionnier et moteur sur cette question des critères d'identification.

Définir ces derniers est en effet essentiel pour ensuite pouvoir identifier les substances, en restreindre l'usage voire les interdire, et en tous les cas rechercher leur substitution. Sans critères de définition des perturbateurs endocriniens, l'Europe ne possède pas l'outil conceptuel nécessaire pour organiser la révision de sa réglementation.

La Commission européenne s'était vue conférer par, d'une part, le règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques et, d'autre part, par celui relatif aux produits biocides, le pouvoir d'adopter les critères scientifiques permettant d'identifier les substances perturbant les systèmes endocriniens, avec un délai limite dans le deuxième cas, fixé au 13 décembre 2013.

Mais elle a repoussé l'élaboration de ces critères dans l'attente du résultat d'une étude d'impact. Cette attitude, jugée dilatoire, a été contestée tant au niveau parlementaire que par certains États membres : notre Assemblée, bien sûr, avec en 2014 des conclusions sur la stratégie européenne en matière de perturbateurs endocriniens adoptées par notre commission des affaires européennes, et la résolution européenne sur la présence de bisphénol A dans les jouets et de parabènes dans les produits d'hygiène destinés aux jeunes enfants ; le Parlement européen, qui s'est exprimé à deux reprises par le biais d'une résolution, le 14 mars 2013 et le 8 juin dernier. Mais l'action décisive est venue d'un recours en carence intenté le 4 juillet 2014 par la Suède, rejointe par la France, contre la Commission européenne.

Le Tribunal de l'Union européenne a condamné, le 16 décembre dernier, la Commission pour ne pas avoir proposé, dans le délai imparti, une définition au niveau européen des critères d'identification des perturbateurs ; ce dernier a en outre affirmé qu'aucune étude d'impact n'était nécessaire pour ce faire.

Accusant donc un retard de près de deux ans et demi, la Commission européenne a adopté le 15 juin dernier des propositions de critères d'identification des perturbateurs endocriniens, sous la forme d'un « paquet » comprenant une communication donnant un aperçu du contexte scientifique et réglementaire, un rapport d'analyse d'impact et deux projets d'actes réglementaires – l'un au titre de la législation sur les biocides, l'autre en vertu de la législation relative aux produits phytopharmaceutiques.

Ces deux projets ne sont pas encore soumis au Parlement et au Conseil. En effet, la procédure implique une consultation préalable, dans deux enceintes et selon deux procédures différentes : le projet de règlement de la Commission relatif aux produits phytopharmaceutiques doit être soumis pour avis, à la majorité qualifiée, au comité réglementaire compétent, le Conseil et le Parlement européen disposant ensuite de trois mois pour se prononcer, et le projet de règlement délégué relatif aux produits biocides doit être soumis à un groupe d'experts avant son adoption formelle par la Commission, le Conseil et le Parlement européen disposant ensuite de deux mois pour se prononcer. Si le comité permanent compétent pour les produits phytopharmaceutiques se réunit la semaine prochaine, la réunion du comité biocides a en revanche été repoussée au mois de septembre.

Globalement, la Commission européenne propose de conserver une approche fondée sur le danger : les substances chimiques qui perturbent effectivement et dangereusement le système hormonal doivent être interdits. Toutefois, la définition retenue implique un niveau de preuve très élevé, et s'accompagne d'un alignement du régime des dérogations, autour de la notion de risque, ce qui autorise in fine la prise en compte du critère de puissance, demandée par les industriels et contestée par les scientifiques.

Les critères d'identification sont affichés comme étant la reprise de ceux de l'OMS en 2002, mais ils sont plus restrictifs en réalité. Retenir les substances « connues pour [leurs] effets indésirables » revient en effet à ne pas reprendre le sens de la définition de l'OMS qui n'exige pas un effet prouvé pour la santé humaine et à imposer un niveau de preuve très strict.

Les perturbateurs endocriniens présumés ou suspectés sont donc exclus du champ alors que c'était notre préconisation et aussi celle de la stratégie nationale. La conséquence prévisible, c'est que très peu de substances risquent d'être identifiées, d'autant que les protocoles de tests ne sont pas tous standardisés, ce qui fait courir le risque que les résultats de certaines études soient artificiellement écartés.

Par ailleurs, la notion d'« influences jugées pertinentes au niveau de la population » risque d'amoindrir la prise en compte des signaux d'alerte en provenance du monde animal.

Selon les experts, environ vingt-cinq pesticides (sur les 400 évalués par le Centre Commun de Recherche) pourraient être affectés par les nouveaux critères.

Les règlements biocide et phytopharmaceutique prévoient tous les deux aujourd'hui comme règle générale la non-approbation de la substance active dès lors qu'elle est identifiée comme perturbateur endocrinien. Cependant chaque règlement prévoit des dérogations, et celles-ci diffèrent.

Or la Commission aligne les deux règlements d'application autour de la notion d'« exposition négligeable » donc de « risque », ce qui permet de réintroduire la prise en compte du critère de puissance.

En privilégiant ainsi pour les dérogations l'analyse du risque supposé que ces substances pourraient causer, la Commission européenne n'applique plus le principe de précaution (fondé, lui, sur le danger intrinsèque que représentent les substances et une approche protectrice en cas d'incertitude scientifique), ce qui ne peut que susciter les plus sérieuses préoccupations quant au maintien du plus haut degré possible de protection de la santé de nos concitoyens.

Ces propositions ont entraîné une avalanche de critiques tant de la part de l'industrie que des organisations de défense de l'environnement, de la santé publique et des consommateurs.

L'ECPA a déploré l'absence du critère de puissance et le principe d'une réglementation par dérogation, trop imprévisible aux yeux de l'industrie. Les organisations de défense de l'environnement, de la santé publique et des consommateurs déplorent, elles, l'absence d'une approche par catégories, ainsi que de la non-inclusion des perturbateurs potentiels.

Très active sur ce dossier, la société savante des endocrinologues estime que « la Commission européenne a placé la barre si haut qu'il sera ardu de l'atteindre quand bien même il existe les preuves scientifiques de dommages » ce qui est un « échec pour la santé publique ».

Je partage les inquiétudes des représentants des ONG actives sur ce sujet ainsi que la déception de nombreux scientifiques.

Les modes d'action des perturbateurs largement décrits par M. Andreas Kortenkamp, professeur de toxicologie à l'université de Brunel, à Londres, que nous avions auditionné, confirment la dangerosité intrinsèque de ces substances ; revenir à une stratégie « d'évaluation des risques » est un non-sens, préjudiciable à la mise en oeuvre d'une réglementation opérationnelle de protection des populations.

Les propositions de la Commission européenne sont, enfin, moins ambitieuses que celles portées par la France depuis 2012.

À l'issue de la première conférence environnementale de septembre 2012, la France a cherché à définir une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, adoptée en avril 2014. Cette dernière a été présentée à la Commission européenne ainsi qu'à l'ensemble des États membres lors du Conseil des ministres de l'environnement du 12 juin 2014. Lors de la consultation publique menée par la Commission européenne sur la définition des critères scientifiques des perturbateurs endocriniens, la France avait clairement indiqué sa préférence pour la troisième proposition de définition et pour le maintien sans modifications du cadre réglementaire.

C'est donc sur ce socle très solide que les ministres des affaires sociales et de la santé ainsi que de l'environnement, Mmes Marisol Touraine et Ségolène Royal, ont pu s'appuyer pour demander à la Commission européenne de revoir sa copie pour aller plus loin et proposer une version plus protectrice de la santé et de l'environnement, lors, respectivement, du Conseil Santé du 17 juin et du Conseil Environnement du 20 juin 2016.

Elles ont souligné leurs vives préoccupations, les propositions de critères d'identification des perturbateurs endocriniens ne permettant pas, en l'état, d'assurer un niveau suffisant de protection de la santé humaine et de l'environnement en ne prenant pas en compte les perturbateurs endocriniens potentiels, ce qui permettrait pourtant d'anticiper et d'initier des démarches de prévention avant que toutes les confirmations scientifiques soient disponibles.

Alors que la France est en pointe pour ce qui concerne les actions visant à prévenir les risques et limiter l'exposition aux perturbateurs endocriniens, en particulier celle des populations sensibles, femmes enceintes et jeunes enfants, avec dès 2012, l'interdiction du Bisphénol A dans les contenants alimentaires, interdiction d'ailleurs en cours d'extension aux jouets pour enfants dans la loi de modernisation de notre système de santé, ces interdictions pourraient être remises en cause si la proposition de la Commission européenne était adoptée en l'état, pour Mme Marisol Touraine.

Quant à la modification du règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques permettant de réviser les dérogations possibles, elle est contraire à la position que la France exprime depuis plusieurs mois.

Voilà donc les raisons pour lesquelles je vous propose d'adopter ces conclusions.

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Je vous remercie cher collègue pour cette communication qui fait un point d'étape très clair et pour vos propositions de conclusions qui ne le sont pas moins !

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Je partage votre avis, Mme la Présidente, et je regrette, n'étant pas membre de la commission, de ne pas pouvoir les voter également !

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Je mets donc aux voix ces propositions de conclusions.

La commission a adopté à l'unanimité des présents les conclusions suivantes :

« La Commission des Affaires européennes,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 168 et 191 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Vu le règlement (CE) no 11072009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79117CEE et 91414CEE du Conseil,

Vu le règlement (UE) n° 5282012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides,

Vu l'arrêt du Tribunal de l'Union européenne du 16 décembre 2015 dans l'affaire T-52114 (opposant la Suède à la Commission européenne, la Suède étant soutenue par le Parlement européen, le Conseil de l'Union européenne, le Danemark, la Finlande, la France et les Pays-Bas),

Vu le projet de règlement exposant les critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien et modifiant l'annexe II du règlement (CE) nº 11072009,

Vu le projet de règlement délégué de la Commission exposant les critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien, conformément au règlement (UE) nº 5282012,

Vu le rapport intitulé « State of the science of endocrine disrupting chemicals 2012 », publié par l'Organisation mondiale de la santé et le Programme des Nations Unies pour l'environnement,

Vu la résolution du Parlement européen sur la protection de la santé publique contre les perturbateurs endocriniens du 14 mars 2013,

Vu le rapport d'information déposé par la commission des affaires européennes, le 25 février 2014, sur la stratégie européenne en matière de perturbateurs endocriniens (n° 1828),

Vu les conclusions sur la stratégie européenne en matière de perturbateurs endocriniens adoptées par la commission des affaires européennes le 25 février 2014,

Considérant que les perturbateurs endocriniens font peser une menace non seulement pour l'ensemble de la population européenne mais également pour les générations futures, et que le coût humain lié aux pathologies environnementales et la charge financière qu'elles entraînent pour la collectivité appellent une réponse déterminée des pouvoirs publics européens ;

Considérant que le State of the Art Assessment of Endocrine Disrupters, Final Report, dit « rapport Kortenkamp », établit clairement la spécificité des perturbateurs endocriniens par rapport aux autres substances chimiques toxiques et que les perturbateurs endocriniens, contrairement aux autres produits chimiques toxiques, font peser un danger intrinsèque sur la santé des personnes exposées, indépendamment de la dose qu'elles reçoivent ;

Considérant le pouvoir qui avait été dévolu à la Commission européenne, en 2009 et 2012, d'adopter les critères scientifiques permettant d'identifier les substances perturbant les systèmes endocriniens présentes dans les produits phytopharmaceutiques et dans les produits biocides, avec un délai limite fixé au 13 décembre 2013 ;

1. Salue la présentation par la Commission européenne d'une définition des perturbateurs endocriniens, tout en déplorant le retard mis à le faire et en soulignant la réticence manifestée par cette dernière, qui ont conduit au recours à une action en manquement auprès de la Cour de Justice de l'Union ;

2. Regrette qu'elle n'ait pas préféré la voie d'une réglementation transversale prévoyant des mesures de gestion homogènes pour tous les perturbateurs endocriniens, quels que soient les produits dans lesquels ils sont utilisés ;

3. Désapprouve à ce stade la définition retenue, qui n'inclut pas les perturbateurs endocriniens potentiels et porte le risque d'une moindre prise en compte des signaux d'alerte en provenance du monde animal ;

4. Désapprouve également la modification du cadre applicable aux dérogations pour les produits phytopharmaceutiques, et l'introduction de la notion de risque ;

5. Appelle la Commission européenne à réviser sa proposition sur ces deux points, de façon à ce que des mesures de protection pour la santé puissent être prises dès lors qu'un produit présente des risques potentiels, et, à défaut, invite les colégislateurs européens à s'opposer à l'adoption du règlement de la Commission et du règlement délégué exposant les critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien, selon les modalités régissant respectivement la procédure de réglementation avec contrôle et celle relative aux actes délégués ;

6. Réaffirme le socle du principe de précaution, inscrit à l'article 191 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui doit prévaloir dans l'élaboration de la législation de l'Union en matière de santé humaine, animale et végétale. »

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport de la Présidente Danielle Auroi, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

l Textes « actés »

Aucune observation n'ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :

Ø ESPACE LIBERTÉ SÉCURITÉ JUSTICE

- Proposition de décision d'exécution du Conseil arrêtant une recommandation pour remédier aux manquements constatés dans l'évaluation de 2015 de l'application, par les Pays-Bas, de l'acquis de Schengen dans le domaine de la politique de retour (COM(2016) 98 final LIMITE – E 11258).

Ø TRANSPORTS

- Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l'Union européenne, et à l'application provisoire de l'accord entre l'Union européenne et la République des Philippines sur certains aspects des services aériens (COM(2016) 302 final – E 11247).

- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre l'Union européenne et le gouvernement de la République des Philippines sur certains aspects des services aériens (COM(2016) 303 final – E 11248).

l Textes « actés » de manière tacite

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Accords tacites de la Commission, du fait de la nature du texte

En application de la procédure d'approbation tacite, dite procédure 72 heures, adoptée par la Commission les 23 septembre 2008 (textes antidumping), 29 octobre 2008 (virements de crédits), 28 janvier 2009 (certains projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines autres nominations), 16 octobre 2012 (certaines décisions de mobilisation du fonds européen d'ajustement à la mondialisation), et 1er décembre 2015 (mesures de dérogations en matière de TVA, de décisions relatives à la réduction facultative de droits d'accise et de décisions relatives aux contributions nationales pour financer les tranches du Fonds européen de développement), celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :

Ø INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES

- Décision du Conseil portant nomination d'un membre du Comité économique et social européen, proposé par la République portugaise (1028616 – E 11269).

- Conseil de direction du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (CEDEFOP) Nomination de M. Pafsanias PAPAGEORGIOU (EL), membre dans la catégorie des représentants des gouvernements (10323116 – E 11270).

- Projet de décision du Conseil portant nomination d'un membre titulaire et de membres suppléants du comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail pour la Roumanie (1065216 – E 11271).

La séance est levée à 18 h 15