Intervention de Valérie Lainé

Réunion du 5 juillet 2016 à 16h15
Commission des affaires européennes

Valérie Lainé, représentante de la Direction générale des affaires maritimes et de la pêche de la Commission européenne :

En Méditerranée, 93 % des stocks sont surexploités. Partant de ce diagnostic, nous avons voulu définir une nouvelle stratégie pour renverser la situation. Tout d'abord, le commissaire Vella a fait de la redynamisation de la pêche et du développement de la pêche durable en Méditerranée la priorité de son mandat. Ce secteur d'activité représente 300 000 emplois, 42 000 bateaux et un chiffre d'affaires de 10 milliards d'euros ; il est donc important pour le bassin méditerranéen, aussi bien du côté européen que sur la rive sud et à l'est, ainsi que pour la Mer Noire, dont nous sommes également en charge.

Lors d'un séminaire organisé par le commissaire Vella à Catane, un diagnostic général a été établi avec les scientifiques, les professionnels, les ONG et les États membres. Sur cette base, M. Vella a convoqué une conférence ministérielle qui s'est tenue à Bruxelles en mars et qui a rassemblé l'ensemble des ministres de la pêche du bassin méditerranéen. Pour la première fois, tous ont admis le diagnostic et tous se sont accordés sur la nécessité d'agir de manière urgente au niveau local, européen et international.

En ce qui concerne l'Europe, la réforme de la PCP (Politique commune de la pêche) prévoit des mesures de régionalisation qui permettent aux États membres d'adopter des mesures nationales de gestion des stocks. À l'heure actuelle, 37 plans de gestion ont été adoptés dans la partie européenne du bassin méditerranéen. Par ailleurs, les États membres travaillent avec le MED-AC (Mediterranean advisory council), qui regroupe les professionnels de la pêche et les ONG, pour faire des propositions dans ce domaine. Nous avons déjà reçu certaines d'entre elles, qui nous permettront d'adopter, avant la fin de l'année, des mesures de nature à arrêter le déclin de certaines espèces, notamment les espèces dites « iconiques », c'est-à-dire les plus menacées : le merlu, la crevette rose, le petit pélagique dans l'Adriatique, l'espadon ou le turbot en Mer Noire. Au plan communautaire, nous élaborons des plans de gestion pluriannuels concernant les espèces démersales et le petit pélagique en Adriatique, afin d'avoir une plus grande visibilité au regard de l'objectif de rendement durable des stocks prévu par la PCP.

Au plan international, la CGPM (Commission générale des pêches pour la Méditerranée) a, pour la première fois de son existence, adopté, sur le fondement des avis scientifiques, de véritables mesures, telles que des fermetures spatio-temporelles – dans le canal de Sicile, afin de protéger les juvéniles de merlu, dans le golfe de Gabès, pour protéger la crevette rose, et dans l'Adriatique, pour protéger le petit pélagique – et une limitation du nombre des captures dans la Mer Noire. Ces mesures témoignent d'une prise de conscience de la rive sud et de la rive nord.

Par ailleurs, la CGPM va adopter, au mois de septembre prochain, lors d'une réunion extraordinaire, une nouvelle stratégie de gestion des stocks à quatre ans. Il est ainsi prévu d'améliorer l'évaluation scientifique des stocks dans le cadre d'un forum permanent et de valoriser la petite pêche côtière, très importante non seulement pour la sécurité alimentaire dans le bassin sud mais aussi pour la flotte européenne. Des fonds européens y seront consacrés et des actions seront menées pour favoriser le rôle de la femme, la valorisation des produits de cette pêche ainsi que la modernisation des bateaux.

En outre, ayant constaté l'importance de la pêche illégale en Méditerranée, nous allons adopter un plan régional de lutte contre la pêche illicite qui permettra de réduire de plus de 20 % les captures illicites en Méditerranée, ce qui aura un impact bénéfique sur les stocks. La pêche récréative fera également l'objet d'une discussion ; elle ne doit pas être négligée car, dans certains États membres et certains pays de la rive sud, ceux qui s'y adonnent prélèvent, sous couvert de pêche récréative, des quantités non négligeables de poissons.

Nous souhaitons aboutir, lors d'une réunion qui se tiendra à Malte les 23 et 24 mars 2017, à une grande déclaration engageant l'ensemble des ministres de la pêche du bassin méditerranéen. Il y a donc une grande ambition. Les États membres sont d'accord pour s'engager dans cette stratégie ; les professionnels sont également très actifs et les ONG nous accompagnent dans cette démarche. Nous avons ainsi un momentum pour renverser la situation et éviter le burn-out de la Méditerranée.

J'ajoute que cette nouvelle dynamique, qui implique tous les acteurs de la filière, a un impact sur la question des réfugiés. En effet, les Libanais, les Syriens et les Libyens, qui étaient présents à la table des négociations de la CGPM il y a deux mois, ont exprimé la volonté de développer leur secteur de la pêche pour résoudre en partie ce problème. Ainsi, les Libanais ont commencé à former un certain nombre de réfugiés aux techniques de pêche. C'est une initiative modeste, mais elle prouve que la pêche a un rôle à jouer dans le développement durable des activités maritimes en Méditerranée.

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