L'épuisement professionnel est une pathologie qui se trouve sur le devant de la scène. Un certain nombre de problématiques anatomo-physiologiques pourraient expliquer une réponse différente des femmes et des hommes à l'épuisement professionnel. Mais cette pathologie mériterait d'être regardée d'assez près. En effet, la prévalence de l'épuisement professionnel chez les femmes n'est certainement pas tant liée à des spécificités physiques ou biologiques, qu'à un certain nombre de facteurs qui me viennent spontanément à l'idée, comme la pénibilité du travail des femmes, qui est sous-évaluée.
De nombreux travaux, notamment aux États-Unis et au Canada, montrent que le travail des femmes étant réputé moins pénible, elles sont moins aidées par certaines technologies pour l'effectuer. Paradoxalement, parce que leur travail est considéré comme moins pénible, il devient en réalité plus pénible à vivre. Ensuite, si l'on se penche sur une autre question à la mode, l'articulation des temps de vie, on se rend compte que l'épuisement professionnel est peut-être d'autant plus important chez une femme que sa vie professionnelle se double d'une autre vie dans laquelle il lui faut être aussi performante, à savoir sa vie professionnelle et familiale.
Il y a là un bel exemple de conjonction des problématiques de sexe et de genre en santé, qui met l'accent sur le processus d'« invisibilisation ». Car le fait de rendre invisibles les problèmes de santé spécifiques des femmes, la pénibilité spécifique du travail des femmes, conduit à un cercle vicieux qui accroît les situations d'inégalité.
Il est donc vraiment important, et je plaide pour cela, de requalifier, de redonner sa valeur scientifique au concept de genre. En tant qu'historienne, je suis intéressée par les contextes. Or dans un contexte récent, ce concept de genre a été disqualifié par des usages médiatiques et idéologiques très défavorables. Or je crois que se passer d'un tel concept constitue un vrai déficit en termes de réflexion scientifique.