Intervention de Catherine Vidal

Réunion du 12 juillet 2016 à 17h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Catherine Vidal, neurobiologiste, coresponsable du groupe de réflexion « Genre et recherches en santé » de l'INSERM :

Vous avez soulevé deux aspects : le recours aux soins, et la douleur.

Les études épidémiologiques et sociologiques montrent que les femmes vont consulter plus facilement que les hommes. Le recours aux soins est plus important chez elles.

La douleur dont vous parliez a été interprétée différemment au cours des siècles. À une certaine période, on a dit que les femmes étaient forcément plus résistantes à la douleur parce qu'elles enfantaient, et qu'il fallait bien qu'elles aient des mécanismes adaptatifs pour supporter cette épreuve. Mais on a tenu un autre discours, qui est que la femme, un peu plus chétive, peu volontaire, est forcément douillette, et qu'elle a une résistance psychologique moins forte à la douleur. Ce double discours est très intéressant, parce qu'il touche à la question des représentations : comment, à une époque donnée, on mettra en avant tel ou tel trait spécifique des femmes, qui dépend en l'occurrence du contexte social et culturel.

De nombreux travaux ont été menés sur la physiologie de la douleur, sur les mécanismes fondamentaux, neurobiologiques. Récemment, a été publiée une étude, que l'on appelle une méta-analyse, qui rassemble l'ensemble des travaux menés sur le sujet. En fait, il n'y a pas de consensus quant au rôle des hormones féminines dans la modulation de la douleur : certains vont dans ce sens, d'autres n'y vont pas, et d'autres encore se contredisent. C'est compliqué dans la mesure où il y a une dimension totalement psychique dans la façon dont on va vivre la douleur, et cette dimension propre à l'humain va évidemment être influencée par le contexte.

On a fait des études expérimentales intéressantes, en mesurant les seuils de douleur. Je citerai certaines études faites chez les hommes. Lorsque, dans un contexte de laboratoire, on fait des tests sur les seuils de douleur, si l'expérimentateur est un homme, le seuil de douleur sera relativement bas. Mais s'il s'agit d'une expérimentatrice, le seuil de douleur sera plus haut. De façon inconsciente, l'homme aura envie de montrer à la femme qu'il résiste bien à la douleur. Et cette variation du seuil de douleur existe aussi en fonction de l'aspect attractif de l'expérimentatrice : plus elle est attractive sexuellement, plus le seuil de douleur augmente.

Ce sont des sujets extrêmement pertinents, parce que cela montre à quel point, à nouveau, on en revient à cette question d'articulation entre le sexe et le genre, et qu'on ne peut en aucun cas séparer les deux paramètres.

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