Intervention de Muriel Salle

Réunion du 12 juillet 2016 à 17h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Muriel Salle, historienne, membre de la mission égalité femmes-hommes de l'université Lyon 1, vice-présidente de l'ARGEF et membre du groupe Genre, égalité-et mixité de l'ESPE de Lyon :

Je peux signaler à votre attention les travaux d'une collègue sociologue sur les difficultés d'insertion professionnelle des femmes chirurgiens – et pas chirurgiennes parce qu'elles ne veulent pas être appelées ainsi. Il y aurait beaucoup à dire sur la diversité des professions de santé et des spécialités médicales. Certaines spécialités médicales sont largement féminisées depuis longtemps – comme la gynécologie, pédiatrie etc. – mais d'autres restent des bastions masculins.

Il n'en demeure pas moins, comme je l'ai dit tout à l'heure, qu'aujourd'hui une majorité d'étudiants sont des étudiantes, pour des raisons qui sont les mêmes que partout ailleurs, notamment que les filles réussissent mieux que les garçons dans le secondaire et dans le supérieur.

Pour ma part, je ne suis pas convaincue que les professionnels de santé hommes et femmes prennent différemment en charge leurs patients, sinon pour des raisons qui tiennent à la personnalité des uns et des autres. Je ne suis pas convaincue qu'il y ait une différence d'empathie considérable entre un homme et une femme, et certainement pas pour des raisons anatomo-physiologiques – éventuellement pour des raisons de socialisation. En revanche, je pense qu'il faudra être attentif à ce que produira la féminisation de la profession médicale en termes de reconnaissance sociale. En effet, de nombreux modèles sociologiques montrent qu'une profession qui se féminise se dévalorise.

Ce n'est évidemment pas parce que les femmes valent moins que les hommes. C'est parce que, quand les femmes arrivent dans une profession, on tend à dire qu'elles y sont parce qu'elles ont des qualités pour l'exercer. Par exemple, les femmes sont naturellement infirmières domestiques. Comme elles soignent naturellement leurs petits, elles sont naturellement portées à être nounous, infirmières, puis médecins voire neurochirurgiens.

C'est toujours sous l'angle de la nature qu'on va expliquer l'arrivée des femmes dans certaines professions. Et quand on analyse une profession en termes de qualités et pas en termes de compétences, on la dévalorise. En effet, on ne rémunère pas une qualité parce qu'elle est innée, à la différence d'une compétence qu'il faut acquérir.

Ce que l'on appelle le care serait donc un trait spécifiquement féminin. Ce n'est pas du tout ce que disent les philosophes du care aux États-Unis, mais c'est la lecture qui en est souvent faite. Ces travaux, mal interprétés, peuvent donc conduire à une dévalorisation des professions de santé qui serait préjudiciable pour notre système de soins.

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