Je commencerai par répondre à la question sur les ressources humaines. Une nouvelle fois, je remercie les parlementaires qui ont inscrit, en deux étapes, dans la loi de programmation militaire, que le SIAé n'était pas condamné à la déflation de personnels. Depuis ma nomination en juillet 2011 jusqu'au 31 décembre 2015, ma ligne était la suivante : 4 582 ETPE et pas plus, quelle que soit la charge de travail et l'effectif a même baissé un peu plus, tendance qui s'est inversée puisque nous entamons une légère croissance des effectifs.
Je voudrais parler de deux grands groupes de personnels : l'encadrement et les ouvriers.
La position du ministre de la Défense est claire et le modeste employeur que je suis n'entrera pas dans le débat sur les ouvriers de l'État. En revanche, je sais dire quels sont mes besoins et ce que nous faisons : comme les autres industriels de l'aéronautique – et l'on constate une tension considérable sur le marché de l'aéronautique civil –, j'ai besoin d'ouvriers hautement qualifiés avec une trajectoire de rémunérations qui nous mette à l'abri de l'appel du secteur privé. Aujourd'hui, le SIAé ne recrute des ouvriers de l'État que sur un segment de compétence très étroit, une « lame de couteau » de trois professions : mécanicien d'aéronautique, électromécanicien d'aéronautique et agent d'essais, entre autres pour les essais de réacteurs.
La politique du service est simple : nous recrutons exclusivement des titulaires d'un baccalauréat professionnel aéronautique de préférence issus de l'apprentissage, et à l'issue d'une épreuve pratique. En effet, un chaudronnier aéronautique s'apprécie quand on le met sur un équipement et quand on lui met des outils dans les mains. Nous avons toujours privilégié l'apprentissage, indépendamment des difficultés auxquelles nous pouvons être confrontés. Quand on recrute un jeune qui se destine au baccalauréat professionnel, il est en général en classe de première, mineur, et la réglementation du travail des mineurs est particulièrement contraignante. Simplement, j'ai toujours souhaité qu'un jeune dont nous payons la formation – étant en compte de commerce, nous devons couvrir la totalité des dépenses – ait un poste à l'arrivée au cas où il fait l'affaire, après, bien sûr, avoir passé son baccalauréat et subi les épreuves pratiques. Il prendra éventuellement une année de plus pour être plus qualifié. Nous avons à ce jour 75 apprentis, ce qui n'est possible que parce que, d'une part, le service a été réorienté sur une trajectoire positive et, d'autre part, parce que le ministre a obtenu la levée du blocage sur le recrutement des ouvriers de l'État. Nous allons donc en recruter 160 en 2016 pour une augmentation d'effectifs nette qui n'atteindra même pas cinquante personnes du fait de départs à la retraite – entre 120 et 140 par an. La planification de ces recrutements est un vrai enjeu : le service a besoin de pouvoir anticiper et avec la flexibilité nécessaire.
Vous citiez le cas du C130 sur lequel j'ai eu à me justifier à maintes reprises. Nous prendrons la maintenance de ces avions le 1er juillet 2018. L'ouvrier qui interviendra sur un C130 en août 2018, à Clermont-Ferrand, sera un jeune fraîchement issu de l'apprentissage que j'aurai donc recruté en classe de première en 2016. Je devais pour cela exprimer avant mai 2015, mon besoin auprès de la direction des ressources humaines du ministère pour qu'elle puisse ensuite le traduire en termes de planification budgétaire – trois ans d'anticipation ! Cela a été fait. Je n'ai aucun problème, aujourd'hui, dans les régions, pour trouver des formations d'apprenti : Aérocampus en Aquitaine fonctionne de façon remarquable, de même que les structures similaires en Auvergne ; les élèves du lycée professionnel de Morlaix ont un peu tendance à aller à Nantes chez Airbus mais nous continuerons à les solliciter. Il faut savoir que les 160 jeunes ouvriers recrutés en 2016 l'auront été sur l'ensemble du territoire national car les jeunes sont mobiles à la première embauche. Seulement, il faut à la fois une vision à long terme et maîtriser les leviers de commandes. C'est pourquoi je considère qu'une activité d'industriel est un peu contradictoire avec le principe de l'annualité budgétaire.
Les jeunes que nous recrutons à l'issue de leur apprentissage sont remarquables. Les quatre ou cinq apprentis de Cuers viennent d'obtenir leur baccalauréat professionnel avec mention. J'ai eu le meilleur apprenti de France. J'ai régulièrement, dans les régions, le meilleur apprenti. Et les jeunes viennent chez nous parce que c'est infiniment plus passionnant que le travail de chaîne dans l'aéronautique civile – beaucoup plus cadencé, normé ; or ils voient chez nous des choses qu'ils ne voient pas ailleurs : pour un jeune, intervenir sur un hélicoptère Tigre qui rentre d'Afrique ne revient pas au même qu'intervenir sur des avions de ligne strictement identiques.
Après les années de disette 2011-2015, nous avons repris le recrutement ouvrier. Aujourd'hui, mon premier souci est de recruter des cadres. Les cadres issus des corps de fonctionnaires sont peu nombreux. Un outil a été conçu pour les entités en compte de commerce appelé « les ingénieurs et cadres technico-commerciaux et techniciens », qui permet de recruter des gens dans des secteurs de métiers que n'emploie pas l'administration : je fais tourner des usines, des bureaux d'études… L'idéal serait de pouvoir recruter dans ces différentes catégories mais avec la souplesse qui convient car, malgré tout, malgré les mesures prises par le ministre pour nous donner une certaine liberté, nous devons suivre le rythme des recrutements du ministère.
Pour ce qui est des perspectives, en bon industriel, je commencerai par vous demander quelles perspectives de commandes je peux espérer, quelle est la part que nous aurons dans l'entretien des matériels et je vous dirai ensuite comment je m'organiserai. Si, demain, au cours de la prochaine législature, on décidait de revenir sur les mesures obtenues par Jean-Yves Le Drian, évidemment cela changera la donne.