Intervention de Catherine Coutelle

Réunion du 20 juillet 2016 à 16h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle, présidente :

Cette dernière réunion de la session a pour objet l'examen de deux rapports d'information, établis à la suite de colloques organisés par la Délégation à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes.

Le premier rapport d'information que nous examinons, consacré à la place des femmes en politique, comprend les actes du colloque que nous avons organisé sur ce sujet le 9 mars 2016, au cours duquel sont intervenus Mme Roselyne Bachelot, ancienne ministre, et trois collègues : M. Sébastien Denaja, membre du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), Mme Nicole Ameline, ancienne ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, membre du Comité des Nations unies pour l'élimination des discriminations à l'égard des femmes (CEDEFCEDAW), et Mme Véronique Massonneau, députée écologiste.

Le rapport contient également le compte rendu de l'audition de Mme Régine Saint-Criq, fondatrice de l'association Parité, et de Mme Réjane Sénac, chercheuse au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF) et présidente de la commission « Parité » du HCEfh.

L'égalité entre les femmes et les hommes en politique demeure toujours un combat, mais nous constatons des progrès : il y a eu des avancées législatives très favorables en la matière, conformément au principe de parité inscrit dans la Constitution – « La loi favorise l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives ». Chaque fois que nous avons pu, nous avons appliqué ce principe aux différentes élections : départementales, régionales, européennes. Par ailleurs, les prochaines élections législatives auront lieu en juin 2017, et des dispositions ont été introduites par la loi du 4 août 2014 en vue de promouvoir la parité.

C'est aux élections départementales que le plus grand pas a été franchi : le nombre de femmes élues dans les conseils départementaux est passé de 13 à 50 %. On m'a dit, aujourd'hui encore, combien cela avait changé non seulement la composition desdits conseils, mais aussi l'atmosphère en leur sein. La loi peut donc permettre de forcer le pas, d'accélérer les choses : si nous en étions restés au rythme « naturel » des élections, nous aurions probablement mis une centaine d'années pour arriver à ce résultat.

Malgré ces avancées, nous avons encore des progrès à accomplir, notamment dans deux domaines.

Premièrement, il reste un dernier bastion : le Parlement, avec 26 % de femmes à l'Assemblée nationale et 25 % de femmes au Sénat. Même s'il y a eu des progrès, notre pays pourrait faire mieux par rapport à d'autres pays, sachant que les deux modes de scrutin législatifs ne permettent guère d'atteindre rapidement la parité.

En ce qui concerne le Sénat, dans les départements où l'élection se fait au scrutin proportionnel, les listes doivent être paritaires, avec une alternance entre les hommes et les femmes. Cependant, nous avons assisté à des stratégies de contournement, avec la présentation de plusieurs listes de la même tendance dans certains départements. Dans ce cas, seules les têtes de listes, généralement des hommes, sont élues, ces sénateurs se rattachant ensuite au même groupe politique.

Pour ce qui est de l'Assemblée nationale, le scrutin étant uninominal à deux tours, chaque candidat doit l'emporter dans la circonscription où il se présente. Par la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, nous avons fortement renforcé le dispositif de pénalités financières existant : la retenue pour non-respect de la parité sur le financement accordé aux partis politiques – ce montant étant calculé au prorata du nombre de voix obtenues au premier tour des législatives et du nombre de candidats élus –doublera en 2017. Précisons que nous ne pouvons pas accéder à la demande exprimée notamment par des associations, de supprimer totalement le financement aux partis qui ne respectent pas la parité entre les candidates et les candidats, pour des motifs de constitutionnalité.

En tout cas, ce doublement de la pénalité financière pourrait faire mal aux partis politiques qui ne feraient pas d'effort supplémentaire. Rappelons néanmoins que les candidates ne sont pas assurées d'être élues, d'autant que les partis, quelle que soit leur couleur, demandent rarement aux hommes élus dans des circonscriptions considérées comme faciles à gagner, de laisser leur place à une femme et ont tendance à présenter des femmes dans les circonscriptions considérées comme difficiles à gagner, où il faut s'opposer au député sortant. Or on entend parfois des réflexions telles que « les femmes ne nous font pas gagner les élections » ou « on ne trouve pas de candidates ». Dans la mesure où on0 leur demande de franchir un obstacle plus difficile, ce n'est évidemment pas très attractif.

Deuxièmement, il reste des progrès à faire en matière de parité « qualitative » et d'accès des femmes aux postes de responsabilité. La plupart des maires étant des hommes, les assemblées des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et, plus encore, leurs exécutifs restent essentiellement masculins. D'autre part, les délégations ou les postes d'adjoint que l'on propose aux femmes élues ou vers lesquelles elles s'orientent elles-mêmes concernent beaucoup plus souvent des domaines considérés comme plus « féminins » tels que les affaires scolaires, les affaires sociales, la petite enfance ou le handicap, plutôt que des secteurs tels que les finances, les transports ou la voirie, pourtant tout aussi passionnants et intéressants pour nos concitoyens.

D'une manière générale, le vivier de femmes qui souhaitent se présenter aux élections existe : on trouve des femmes lorsqu'on en cherche.

S'agissant des solutions, il est souhaitable et sans doute nécessaire que l'on propose aux femmes une formation, d'abord pour les rassurer – elles ont parfois besoin de l'être –, ensuite pour faciliter leur prise de parole en public – prendre la parole en public n'est pas naturel lorsqu'on n'en a pas eu l'occasion ou qu'on n'a pas reçu de formation en ce sens –, enfin pour leur donner une connaissance des rouages. Les femmes ont souvent tendance à se sous-estimer et, partant, à hésiter à prendre des responsabilités lorsqu'elles ne sont pas armées. Il faut donc leur donner les outils qui leur permettront de ne pas se laisser faire dans une assemblée.

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