Après avoir entendu l'intervention d'Alain Chrétien, je dois dire que notre collègue me semble présenter d'inquiétants symptômes de schizophrénie.
L'audition du président Richert intervient au moment où une discussion est en cours entre l'État et l'Association des régions de France afin de tirer les conséquences des réformes engagées. Pour ma part, je souhaite évoquer trois points, à commencer par la contribution du secteur public local au redressement des finances publiques – en l'occurrence, la contribution des régions. Alors qu'il est fait état d'une baisse des dotations de l'État, je constate que les recettes des régions ont augmenté de 2 % en 2015 – étant précisé, il est vrai, que leurs dépenses ont augmenté dans le même temps de 3,3 %. D'aucuns, comme le président Carrez, soutiennent qu'il conviendrait de redresser les finances publiques au moyen d'une contribution de 20 milliards d'euros du secteur public local – alors que, je le rappelle, il est prévu une baisse des dotations de l'État de 11 milliards d'euros. Dans mon département, certaines personnes ont manifesté lundi pour protester contre le fait que l'État étrangle les départements, mais il faudra bien trouver quelque part les 20 milliards d'euros censés contribuer au redressement des finances publiques ! Par ailleurs, quand j'entends le président Richert affirmer que l'on peut difficilement réduire la masse salariale des régions, je me demande bien comment parvenir, dans ces conditions, à supprimer 300 000 postes dans les collectivités locales.
Le deuxième point qui me préoccupe est celui de l'exercice des nouvelles compétences en matière économique. Comme cela a été dit, nous ne sommes pas en présence d'un vrai transfert de compétences, mais d'une suppression de la clause générale de compétence, que les différentes majorités qui se sont succédé ont justifiée par la nécessité de clarifier les politiques publiques en réduisant les empilements de compétences. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs reconnu récemment, dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), que la suppression de la clause générale de compétence était parfaitement constitutionnelle et compatible avec la libre administration des collectivités locales dans le cadre de la loi.
Je crois savoir que l'on a identifié à hauteur de 1,5 milliard d'euros les actions réalisées par les départements en matière de développement économique, et que l'État et l'ARF sont tombés d'accord sur un montant approximatif de 600 millions d'euros correspondant, au sein du budget des départements, à ce que ceux-ci consacraient au développement économique. L'idée selon laquelle on va trouver des ressources à hauteur de 600 millions d'euros afin de permettre aux régions d'exercer leurs compétences en matière économique me semble faire l'impasse sur la nécessité de réorienter et de rationaliser l'action économique au sein des régions et départements en évitant, autant que faire se peut, les empilements. Fixer aujourd'hui la barre à 600 millions d'euros me paraît assez souple et, en tout état de cause, je considère que la suppression de la clause générale de compétence ne doit pas se traduire par des transferts de compétences, puisqu'elle a justement pour objet de rationaliser le fonctionnement de l'action publique.
Le troisième point que je veux évoquer a trait aux ressources, une question épineuse s'il en est. Je ne vais pas refaire ici l'historique des raisons pour lesquelles les régions n'ont plus de pouvoir fiscal, mais, à mon sens, la principale de ces raisons trouve son origine dans la réforme de la taxe professionnelle – une réforme qui, je m'empresse de le rappeler, n'a pas été mise en oeuvre par l'actuelle majorité. Certains affirment que l'État n'a qu'à transférer aux régions des ressources évolutives, sur lesquelles elles n'auront jamais à se justifier vis-à-vis de leurs contribuables. Pour ma part, je ne pense pas qu'une telle solution soit raisonnable, car je ne conçois pas de liberté sans responsabilités. Contentons-nous plutôt de trouver 600 millions d'euros pour les régions, puisque c'est la solution qui semble devoir être retenue – une solution très favorable aux régions, que rien n'obligera à reprendre les actions précédemment menées par les départements en matière économique.
En résumé, désendetter le pays, diminuer la dépense publique, baisser les prélèvements obligatoires tout en faisant davantage en matière d'action économique au sein des collectivités territoriales, est une démarche ardue, pour ne pas dire davantage, ce dont chacun de nous doit impérativement prendre conscience.