Madame la présidente, madame la rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mesdames et messieurs les députés, comme vous le savez, nous assistons en France et dans le monde à l’essor de l’usage à la fois professionnel et de loisir des drones civils.
Le développement de la filière professionnelle, notamment, a été très dynamique : à la fin de 2012, elle ne comptait que 50 opérateurs ; à la fin de 2015, plus de 2 300 opérateurs de drones sont déclarés dans notre pays, lesquels exploitent plus de 4 200 drones et représentent plus de 5 000 emplois.
L’usage des drones de loisir est également en plein essor puisque plusieurs centaines de milliers de drones ont été vendus en France pour la seule année 2015. Les lancements récents de nouveaux modèles par les grands noms du secteur laissent entrevoir une nouvelle année de ventes record en 2016.
Je l’ai souvent dit : le développement rapide de la filière française est le fruit d’une longue tradition aéronautique, d’un tissu de PME particulièrement dynamiques et d’utilisateurs visionnaires qui ont bénéficié d’une réglementation équilibrée et innovante.
Cette filière est à la croisée des chemins – entre aéronautique et numérique, entre innovations technologiques et innovations pour les usages, entre PME et grands groupes – et elle nous demande de nous adapter en permanence à ces nouvelles technologies et pratiques dont la plupart nous sont certainement encore inconnues.
Depuis 2012, de nombreuses utilisations professionnelles des drones civils se sont ainsi développées dans différents domaines, permettant l’émergence de multiples activités dont certaines, d’ailleurs, étaient difficilement imaginables avant l’essor des drones.
L’année dernière, j’ai pu constater moi-même les perspectives offertes par les drones tant du côté des donneurs d’ordre – c’était au mois de septembre 2015, sur le site du « triangle LGV de Coubert » – que du côté des constructeurs et opérateurs lors de ma rencontre avec plusieurs d’entre eux à Pau, au mois de mars 2016.
Le cadre stable offert par la réglementation française – deux arrêtés de décembre 2015 modifiant des textes de 2012 sans en changer les principes – permet une grande variété d’usages des drones.
Les activités les plus connues sont les prises de vue pour les médias, le cinéma et la publicité mais les drones sont aussi utilisés pour de nombreuses autres activités professionnelles comme les inspections de bâtiments et d’infrastructures, la supervision des cultures, le suivi de chantiers, le ravitaillement des navires en mer, les missions de surveillance et de sécurité civile – le recours aux drones dans les opérations de secours, en particulier, tend à se généraliser. Après la surveillance des feux de forêts, nous avons pu découvrir cet été dans les Landes l’expérience menée par les maîtres-nageurs sauveteurs afin de lutter contre les risques de noyade – nous reviendrons certainement sur cette question. Le drone, ainsi, se révèle être un moyen à la fois efficace et économiquement compétitif au service de la sécurité de nos concitoyens et de l’environnement.
Si ces développements prometteurs nous ont conduits à définir un cadre d’usages dès 2012, l’avenir de cette filière nécessite néanmoins de prendre également en compte les nouveaux enjeux liés à la sécurité et à la sûreté qu’elle suscite. Les préoccupations de sûreté sont notamment consécutives aux signalements de survols illicites de zones sensibles. Ces derniers mois, les signalements de drones par des pilotes de ligne ont fait naître des inquiétudes quant à la sécurité du trafic aérien. Indépendamment des questions de réglementation, l’État doit bien entendu se doter des moyens de détecter et de faire cesser des survols indésirables. Des essais ont déjà eu lieu et des travaux de recherche financés par le Gouvernement sont en cours – ils portent d’ailleurs leurs fruits puisque des solutions techniquement viables ont pu être mises en évidence.
Cela me permet également de répondre à certaines interrogations qui avaient été soulevées lors de l’examen de ce texte au Sénat et qui portent sur le cas particulier de la protection du secteur nucléaire : l’analyse des capacités actuelles des drones civils menée en 2014 ne faisait pas apparaître de menace qui ne serait pas prise en compte par la directive nationale de sécurité actuellement en vigueur mais les progrès technologiques étant très rapides, il est nécessaire d’anticiper les menaces futures que pourraient présenter les drones. Des réflexions ont donc été conduites sous l’égide du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. Elles ont porté sur plusieurs axes : les moyens techniques de détection, d’identification et de neutralisation ; l’articulation avec les missions de protection de l’espace aérien mises en oeuvre par l’armée de l’air ; la chaîne opérationnelle de commandement allant de la détection à la neutralisation en passant par la levée de doute. Les services de l’État travaillent ainsi actuellement à la préservation d’une chaîne opérationnelle robuste allant de la détection à la neutralisation qui soit également adaptée aux drones.
Parallèlement, nous sommes aussi en contact très étroit avec nos voisins européens les plus impliqués sur le sujet afin de partager ensemble les pistes prometteuses en matière de lutte contre les drones malveillants.
Il est également nécessaire que des règles adaptées accompagnent l’essor de cette industrie nouvelle. Elles doivent répondre à l’objectif délicat de concilier la sécurité, la sûreté, la protection de la vie privée et le soutien au développement d’une filière émergente, source de réelles opportunités de croissance économique et de création d’emplois, sans remettre en cause les pratiques historiques des aéromodélistes en club.
L’ensemble du Gouvernement est très soucieux de maintenir cet équilibre, car c’est la condition pour que le secteur français du drone civil reste, comme c’est le cas aujourd’hui, le plus dynamique d’Europe, aussi bien en matière de construction que d’exploitation. Des campagnes de communication continueront par ailleurs d’être menées pour sensibiliser les utilisateurs de loisirs aux « dix principes essentiels » de l’usage d’un drone de loisir.
Le Conseil pour les drones civils, installé en 2015, rassemble par ailleurs, aux côtés des services de l’État, les acteurs de la filière. Il permet, sur la base d’objectifs partagés, de progresser dans la recherche des voies réglementaires, technologiques et économiques susceptibles de contribuer à cet équilibre. Le cadre réglementaire national de 2012, déjà évoqué, a doté la France d’une réglementation spécifique pour les usages professionnels des drones civils. La mise en place de ce cadre juridique novateur, qui a permis d’accompagner et de promouvoir l’émergence de ces activités, a été saluée par la profession et par nos voisins européens.
Ce choix ambitieux nous confère une véritable avance par rapport à d’autres grands pays industriels – et il est essentiel de la conserver. Cette réglementation se voulait délibérément évolutive. Elle a, de fait, été améliorée à la fin de l’année 2015, en tenant compte du retour d’expérience des premières années, et elle est désormais mieux adaptée aux usages professionnels actuels. La France participe également activement aux réflexions sur la mise en place de règles partagées relatives aux drones civils au niveau européen et international, dans le cadre des travaux de la Commission européenne et de l’Agence européenne de la sécurité aérienne, ainsi que de l’Organisation de l’aviation civile internationale.
Le rapport du Gouvernement au Parlement intitulé « L’essor des drones aériens en France : enjeux et réponses possibles de l’État », remis en octobre 2015, avait mis en évidence la nécessité d’adopter des règles de nature législative et formulé certaines propositions. C’est sur la base de ces propositions qu’ont réfléchi les deux auteurs de la proposition de loi dont vous débattez aujourd’hui. Celle-ci pose les principes d’un nouvel encadrement de l’activité drone. Leur immatriculation et leur enregistrement assureront une meilleure traçabilité des appareils, tandis que des dispositifs de signalement permettront d’améliorer la sécurité des tiers dans les espaces aériens.
La définition de la fonction de télépilote consolidera par ailleurs la création d’un statut des télépilotes, en cohérence avec les travaux en cours au sein de la filière, qui ont conduit à la signature d’un avenant à la convention collective nationale des personnels au sol du transport aérien, pour l’élargir à ces nouveaux métiers. Ce texte inclut aussi de nouvelles dispositions relatives à l’obligation de formation pour la pratique des activités de loisir. Il ouvre également la voie à l’élaboration d’un titre de télépilote, notamment pour les activités professionnelles les plus complexes, comme celles opérées hors vue du télépilote.
En outre, le texte prévoit, pour certains drones, une obligation d’emport d’un dispositif de limitation des performances, que votre commission a souhaité renommer « limitation de capacités ». Ce dispositif, qui vise notamment à assurer la sécurité des vols habités, est en cohérence avec les réflexions en cours au niveau européen, notamment au sein de l’Agence européenne de la sécurité aérienne. Le texte qui vous est présenté permettra la prise en compte des progrès de la technologie lorsqu’ils seront devenus opérationnels.
Enfin, cette proposition sécurise le régime juridique de sanctions pour les contrevenants. Ce point est indispensable. En effet, la réponse pénale est absolument essentielle à la cohérence du dispositif juridique. Elle est complémentaire des actions d’information et de pédagogie. Il importe en effet de promouvoir les règles d’usage des drones en toute sécurité et d’en informer le grand public : les notices, que ce texte rendra obligatoires, y contribueront, en complément des actuelles actions menées par l’État.
Les travaux en commission du développement durable ont précisé que cette obligation s’appliquerait également à la vente de drones d’occasion. Ces travaux ont également permis de clarifier deux points tout à fait essentiels. Premièrement, une période transitoire a été prévue pour l’applicabilité de l’obligation d’emport des dispositifs de signalement électronique et lumineux et de limitation de capacités. Ceci permettra notamment de ne pas pénaliser les utilisateurs professionnels de drones qui auraient acheté leur outil avant que ces dispositifs ne soient disponibles, en prévoyant un délai de mise en conformité. Le deuxième point est relatif à l’applicabilité du texte dans les territoires et collectivités d’outre-mer.
Cette proposition repose sur un équilibre entre les principes, qui relèvent de la loi, et leur mise en oeuvre technique, qui procédera de l’adoption de dispositions réglementaires. S’agissant des seuils de masse, en dessous des plafonds prévus maintenant par la loi, ils seront choisis de sorte que la contrainte qui pèsera sur les industriels et les utilisateurs soit correctement proportionnée aux objectifs de sûreté et de sécurité. Le Gouvernement avait soutenu devant le Sénat une démarche renvoyant la détermination de tous les seuils aux décrets. Nous estimions en effet que cela permettait une adaptation rapide aux évolutions de ces aéronefs sans pilote. Votre commission a souhaité introduire un seuil plafond à 800 grammes. Le Gouvernement est prêt à accepter cette démarche qui, par le choix d’un seuil plafond, maintient la possibilité d’adaptation rapide et souple.
La proposition de loi qui est vous est soumise aujourd’hui apporte une réponse législative aux préoccupations de sécurité publique émergentes liées au développement des activités drone. Je tiens à remercier Mme la députée Marie Le Vern, rapporteure du texte, d’avoir permis, en concertation avec les professionnels, les fédérations et les administrations concernées, d’apporter des améliorations au dispositif qui vous est proposé. Cette proposition de loi permet à la France de continuer à montrer la voie dans un secteur d’activité où elle compte de nombreuses réussites économiques. Son objectif majeur est clair : conjuguer les exigences de la sécurité et l’essor économique de la filière drone.