Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, en l’espace de deux ans, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale a recensé plusieurs dizaines de survols par des drones de sites sensibles, tels que des centrales nucléaires ou des aéroports – vous l’avez rappelé il y a quelques instants, monsieur le secrétaire d’État. De tels survols, même s’ils résultent le plus souvent d’une méconnaissance de la réglementation, ne sont pas anodins. Le simple survol d’un aéroport peut perturber voire interrompre le trafic aérien. Cela fut le cas pendant une heure, le 11 juin dernier, à l’aéroport de Dubaï, le troisième plus important au monde en termes de fréquentation, et cela pourrait évidemment arriver chez nous. Le 19 février dernier, un drone est passé à cinq mètres seulement d’un Airbus A320 en phase d’atterrissage à l’aéroport Charles de Gaulle. Le risque d’accident est réel, avec potentiellement des conséquences humaines et, dans le meilleur des cas, des pertes économiques loin d’être négligeables.
Une telle situation est-elle acceptable ? Bien sûr que non ! Outre ces risques, il existe un véritable danger de voir des drones civils employés à des fins malveillantes. Tout d’abord, les drones constituent des dispositifs d’enregistrement très mobiles pouvant porter atteinte à la vie privée. Le code pénal est clair sur la protection de la vie privée et il faut sensibiliser les utilisateurs de drones au droit en vigueur, qui les concerne aussi.
Ensuite, les drones sont des petites merveilles technologiques, qui peuvent, à l’heure actuelle, transporter 20 à 30 % de leur poids, ce qui est loin d’être négligeable. Je vous laisse imaginer l’inventivité dont pourraient faire preuve les terroristes qui menacent la France, avec de tels engins. Il est donc indispensable de pouvoir identifier puis neutraliser rapidement un drone qui ne respecterait pas la réglementation, afin d’écarter au maximum le risque d’une attaque par ce type d’engin.
Au regard de ces dangers, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est plus que bienvenue, car le renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils est bel et bien une impérieuse nécessité.
Toutefois, s’il est vrai que l’intervention du législateur est nécessaire, elle doit être adaptée aux enjeux économiques du marché des drones et des services associés. Ce secteur s’est considérablement développé en France au cours des dernières années dans le cadre d’initiatives privées couronnées de succès. Aujourd’hui, si les drones professionnels sont majoritairement utilisés dans le secteur audiovisuel, ils peuvent également servir à réaliser des inspections techniques de bâtiments et d’ouvrages d’art ou à détecter des situations de stress hydrique et de manque d’engrais dans l’agriculture. Certains envisagent déjà de leur confier des missions de sécurité aérienne et de sécurité civile. En clair, il s’agit d’un secteur d’avenir aux potentialités importantes pour notre pays.
Faut-il rappeler que le deuxième constructeur au monde de drones civils est français et qu’il vend des drones partout dans le monde ? Il s’agit là d’une réussite dont nous devons être fiers ! Jusqu’à présent, la réglementation adoptée dans notre pays a été pionnière, tout en sachant tenir compte des intérêts de nos constructeurs. Elle comporte toutefois des zones d’ombre et des insuffisances qui constituent de grandes vulnérabilités.
Fort heureusement, la présente proposition de loi vient les combler. Veillons à ce qu’elle le fasse tout en maintenant un juste équilibre entre l’encadrement de l’usage des drones et une certaine flexibilité afin de ne pas freiner le développement de cette filière. Le texte, tel qu’il a été amendé en commission, conserve l’approche souple que lui avait donnée le Sénat : il nous paraît donc adéquat. Il fait entrer dans le droit le télépilote et prévoit un dispositif d’enregistrement électronique spécifique aux drones. De plus, les renvois prévus au pouvoir réglementaire permettront la concomitance entre l’encadrement de l’usage des drones civils et les évolutions technologiques, en concertation avec les professionnels concernés.
L’examen en commission et les amendements de Mme la rapporteure ont permis d’enrichir le texte de certaines dispositions qui nous paraissent bienvenues, telles que l’obligation de doter les drones d’une masse supérieure à 800 grammes d’un dispositif de signalement sonore en cas de chute, afin d’alerter les personnes se trouvant à proximité. Même si la masse de 800 grammes est un seuil minimal, lequel pourrait être abaissé par le pouvoir réglementaire, nous aurions souhaité connaître les intentions du Gouvernement à ce sujet. En effet, 800 grammes, cela peut paraître léger : toutefois, en cas de chute de plusieurs mètres, les conséquences sur une personne qui viendrait à être percutée pourraient être tragiques.
De même, le texte prévoit l’installation de dispositifs de signalement lumineux et électronique sur les drones d’une masse supérieure à 800 grammes. Des voix se sont élevées pour remplacer le dispositif électronique par un dispositif numérique, lequel serait moins contraignant pour les constructeurs. Si nous ne sommes pas défavorables à la mesure prévue pour le moment à l’article 4, nous souhaiterions savoir, là aussi, si le Gouvernement s’est mis d’accord avec les constructeurs afin d’abaisser, progressivement, ce seuil.
En outre, il serait souhaitable que notre législation puisse aiguiller la réglementation européenne à venir, afin que les acteurs français du drone ne soient pas confrontés à des règles divergentes sur le marché européen. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous faire part de l’état d’avancement des travaux de l’Union européenne, si vous le connaissez, ou nous transmettre les informations ultérieurement ?
Il nous semble par ailleurs utile de rappeler qu’il ne faut pas uniquement se contenter d’édicter des règles. Il revient aux autorités et aux fabricants de drones de faire preuve de pédagogie auprès des usagers et de mener des campagnes de sensibilisation ou de communication en ce sens. Ainsi la campagne, engagée sur YouTube par le ministère de l’environnement et intitulée « Usage d’un drone de loisir : les dix commandements », va dans le bon sens. Elle doit cependant être intensifiée pour toucher tous les utilisateurs actuels et futurs de drones dans notre pays. Il y aurait aujourd’hui près de 200 000 drones dits de loisir en circulation dans notre pays : or la vidéo diffusée par le ministère n’a, à ce jour, enregistré que 18 500 vues.
La mise en place d’une procédure d’enregistrement en ligne, prévue à l’article 1er, devrait être aussi l’occasion d’étendre l’information des utilisateurs des drones sur la réglementation autour des usages des drones.
Enfin, nous considérons que cette proposition de loi ne représente qu’un premier volet, indispensable certes, mais insuffisant, en vue de garantir la sécurité de nos concitoyens. L’encadrement juridique des drones ne saurait être effectif que s’il est complété par le déploiement de moyens permettant leur détection, leur identification et leur neutralisation, en particulier sur les sites sensibles et à risques.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en dépit de ces quelques interrogations, le groupe UDI votera bien entendu cette proposition de loi.