Intervention de Jean-Jacques Candelier

Séance en hémicycle du 27 septembre 2016 à 15h00
Sécurité de l'usage des drones civils — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Candelier :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, nous sommes conviés à nous pencher aujourd’hui sur le texte d’une proposition de loi sénatoriale, qui s’inspire du travail conduit l’an passé par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.

Le rapport des services de l’État remis au Parlement, en octobre dernier, faisait clairement apparaître l’inadaptation et le caractère très lacunaire du droit applicable en matière d’usage des drones civils, soulignant également l’insuffisante information des utilisateurs. Il suggérait en conséquence d’adapter et de compléter le corpus juridique existant, en instaurant de nouvelles obligations dans les domaines de l’information, de la formation, de l’immatriculation et de l’identification.

Tel est l’enjeu du texte qui nous est aujourd’hui proposé : fixer un cadre législatif plus clair à l’essor des drones aériens civils en complétant le cadre réglementaire actuel.

Ce texte repose sur quatre piliers. L’article 1er met tout d’abord en place un régime d’enregistrement par voie électronique des drones télépilotés dont la masse est supérieure ou égale à un seuil de 800 grammes. Le rapport que nous avons évoqué préconisait quant à lui un seuil d’un kilogramme. Nous pensons pour notre part que l’obligation d’enregistrement devrait s’appliquer à tous les drones quelle que soit leur masse. L’usage de drones, y compris à des fins récréatives, ne peut être totalement banalisé et la procédure d’enregistrement permettrait, selon nous, de responsabiliser davantage les utilisateurs.

Si nous voulons que la réglementation soit d’application large et donc plus efficace, il est important que le seuil retenu par le pouvoir réglementaire soit assez bas, d’autant que l’enregistrement n’est pas une modalité trop contraignante. Les États-Unis ont mis en place, en ce qui les concerne, une procédure d’enregistrement en ligne des drones d’une masse supérieure à 250 grammes. Ce seuil pourrait faire consensus entre nous.

L’article 2 crée, de son côté, un nouveau chapitre IV dans le code des transports intitulé : « Règles relatives à la circulation des aéronefs opérés sans personne à bord ». Il précise la définition du télépilote dans les différents cas : drone piloté, drone automatique, drone autonome.

S’agissant du lexique utilisé, il convient d’aller plus loin en distinguant les drones, aéronefs au vol automatique programmé, des « modèles réduits radiocommandés » qui sont pilotés en permanence à vue du télépilote tout au long de leur évolution dans l’espace aérien, sans aucune automatisation des trajectoires ou de leur parcours. Les survols de sites sensibles n’ont jamais mis en cause des modèles réduits d’avion : ces incidents n’ont jamais concerné que des drones guidés par des individus malveillants. Il ne faut pas confondre les aéromodélistes responsables, qui ont prouvé depuis soixante ans leur respect des bonnes pratiques aériennes, et les acquéreurs en magasin de machines volantes au pilotage simplifié.

L’article prévoit également l’obligation de formation du télépilote utilisant des drones. Le texte confie au décret le soin de préciser les objectifs et les modalités de la formation ainsi que les modalités de vérification de son assimilation.

Nous ne pouvons bien sûr qu’approuver ces orientations. Nous aimerions toutefois que le Gouvernement nous précise les hypothèses sur lesquelles il travaille.

S’agissant du seuil de 800 grammes, retenu en cohérence avec les dispositions sur l’enregistrement, il nous semble là aussi un peu élevé. La chute d’un engin de 800 grammes représente en effet un risque de blessures important.

Les articles 3 et 4 concernent les obligations d’information et de signalement électronique et lumineux, ainsi que le dispositif de limitation de performances. Ces dispositions vont dans le bon sens.

Vous avez proposé avec justesse, madame la rapporteure, d’étendre au marché de l’occasion l’obligation de fournir une notice d’information rappelant les principes et les règles à respecter pour utiliser ces appareils en conformité avec la législation et la réglementation applicables. Cette disposition bienvenue m’invite cependant à formuler une remarque.

On peut aujourd’hui se procurer des drones n’importe comment, soit sous forme de kits prêts à monter, soit sur le marché de l’occasion. Sans l’existence de contrôles, nous risquons de vider de leur portée les dispositifs de prévention des usages malveillants, comme l’obligation d’enregistrement. Puisqu’il existe des menaces liées aux actes malveillants et que nous constatons que les drones peuvent être des armes par destination, nous pensons, pour notre part, que la vente de ces matériels devrait obéir à des règles plus strictes. Pourquoi ne pas concevoir des plateformes de vente agréées permettant de contrôler l’identité des acheteurs et des vendeurs ? Pourquoi ne pas contrôler aussi l’identité des acquéreurs lors de rachats de drones sur le marché de seconde main ?

En ce qui concerne les moyens de détection, d’identification et de neutralisation, l’Office national d’études et de recherches aérospatiales et l’armée de l’air avaient procédé à des expérimentations montrant que des progrès restaient à réaliser dans ce domaine. Peut-être pourrions-nous connaître aujourd’hui l’état d’avancement du programme de recherche et de protection des zones sensibles conduit par l’Agence nationale de la recherche ? Ces éléments d’informations nous seraient utiles. Nous ne pouvons en effet fermer les yeux sur les difficultés auxquelles se heurtent les forces de police et de gendarmerie, ainsi que l’autorité judiciaire, pour constater les infractions et identifier et sanctionner leurs auteurs.

À travers cette proposition de loi se pose la question des moyens donnés à tous les corps d’État missionnés pour surveiller, voire sanctionner ces nouveaux utilisateurs de l’espace aérien en cas d’infraction. Cette interrogation n’est pas secondaire, tant on a pu constater le fort sentiment d’impuissance de nos services lors du survol de différents sites à risques, notamment de centrales nucléaires, par des drones ou lors du survol de la capitale l’hiver dernier.

Veillons à ne voter une proposition de loi qui ne se donnerait pas les moyens d’être respectée ! Nos forces de police et de gendarmerie ainsi que la douane sont démunies pour procéder à la mise à terre d’un drone suspect. Ces engins peuvent être guidés avec l’intention délibérée de nuire, ou tout du moins de décrédibiliser l’action de l’État.

Pour conclure, nous voudrions souligner que le texte proposé répond de manière satisfaisante à de nombreux enjeux : la meilleure connaissance par les utilisateurs des règles qu’ils doivent respecter, la formation des utilisateurs de loisir, l’immatriculation et l’enregistrement, le signalement électronique et lumineux. Ce sont là des avancées qui nous permettent de nous prononcer en faveur de l’adoption de ce texte.

Beaucoup de chemin reste cependant à parcourir quant aux moyens de détection des infractions, de neutralisation et de sanction. En l’état, le texte ne permettra pas non plus de véritablement mieux prévenir les actes malveillants de nature terroriste ou les atteintes au respect de la vie privée – je pense notamment à la collecte à distance de données personnelles. En la matière, nous estimons qu’il est indispensable de prolonger le travail de concertation avec nos partenaires européens, comme le suggère le rapport du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. Ainsi, nous pourrons mutualiser les bonnes pratiques, les coûts de recherche et de développement, afin de doter le plus rapidement possible les services chargés de la police du ciel, de la sécurité publique ou de la protection des sites sensibles des outils adaptés aux nouvelles menaces.

Nous soutiendrons donc cette proposition de loi.

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