Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils. Ce texte nous arrive dans le contexte bien particulier que nous connaissons : il y va bien sûr de la sécurité nationale face à une menace terroriste toujours présente et pressante, alors que les incidents impliquant des drones civils autour de sites sensibles se sont multipliés au cours des derniers mois.
Le développement de la technologie et la démocratisation de cette pratique exigent que les représentants de la nation que nous sommes prennent les dispositions nécessaires pour l’encadrer. À cet égard, je veux saluer ici le travail remarquable de la rapporteure du texte, Marie Le Vern, qui a su faire émerger les équilibres nécessaires pour garantir la sécurité nationale, donner à notre industrie technologique les outils pour se développer et encadrer le mieux possible la pratique du pilotage des drones comme loisir.
Ce texte suscite des attentes. Il comporte des avancées qui, loin d’être anodines, montreront dans les années à venir toute leur utilité. Ce texte suscite aussi des interrogations bien légitimes.
Dans sa rédaction actuelle, cette proposition de loi, que nous destinons à l’usage des drones, s’appliquerait notamment aux avions de modélisme. Comme beaucoup de mes collègues, j’ai été interpellé à ce sujet par des associations d’aéromodélisme. Il en existe dans tous les territoires, notamment dans le département que je représente, la Seine-Maritime.
Loin de constituer un lobby, ces femmes et ces hommes pratiquent un hobby. Ce sont des passionnés, aux histoires diverses, qui se retrouvent autour d’un intérêt commun. Je me souviens de ma jeunesse, bercée par les récits d’Antoine de Saint-Exupéry, ce formidable écrivain et aviateur hors pair qui disait que « l’homme se découvre quand il se mesure avec l’obstacle ». Les aéromodélistes sont de ces gens-là. De la construction des modèles à la pratique du vol, ils repoussent des obstacles, en font leur objectif, la raison même de leur passion.
La Fédération française d’aéromodélisme, qui compte à ce jour 28 000 licenciés, s’inscrit dans la tradition française des fédérations sportives. D’ailleurs, elle fête cette année ses 50 ans. Je souhaite ici saluer ses membres et porter au débat certaines de leurs retenues sur le texte que nous examinons.
Les aéromodélistes sont, à ce jour, soumis à une réglementation très forte. Ils organisent déjà, sous le contrôle de la direction générale de l’aviation civile, la pratique de leur passion. En l’état actuel du droit, ils sont soumis à de nombreuses obligations. L’arrêté du 17 décembre 2015 définit la pratique de l’aéromodélisme comme un loisir et encadre l’usage des aéronefs pilotés. Les limites d’altitude, la détermination par la DGAC de couloirs de pratique dédiés et l’obligation de rester à vue de l’aéromodèle constituent les fondements incontournables de leur pratique. Au-delà de certaines limites d’altitude, les aéromodélistes sont même soumis à des obligations d’information envers la DGAC, et leur pratique doit impérativement être exercée à deux, l’une des personnes devant contrôler l’environnement aérien et la trajectoire de l’aéronef pour éviter tout accident avec des avions.
Dans sa rédaction actuelle, la proposition de loi relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils s’appliquerait aux aéromodélistes. Ils seraient assujettis aux limites de poids s’appliquant aux drones et au-delà desquelles s’imposent de nouvelles obligations, alors que tous m’ont informé que, par nature, les aéronefs utilisés pèsent plus de 800 grammes.
J’ai bien évidemment suivi avec attention l’évolution du présent texte, et notamment le travail de distinction auquel s’est livrée la rapporteure Marie Le Vern. Nous avons collectivement, je pense, des inflexions à intégrer dans ce texte : il s’agit de bien distinguer ce qui relève de notre sécurité nationale, qui est une exigence absolue, et ce qui relève de l’engagement de passionnés pratiquant un sport.
C’est pourquoi je soutiendrai, lors de la discussion des articles, les amendements déposés par notre collègue Jean-Marc Fournel. Il s’agit d’abord d’exonérer de l’obligation de formation les aéromodélistes qui pratiquent leur passion dans le cadre d’une fédération sportive, car leur sport est déjà encadré par un certain nombre de dispositions contraignantes qui les soumettent à des contrôles très rigoureux. Ensuite, je défends l’idée selon laquelle la pratique du vol sans pilote, comme c’est le cas pour l’aéromodélisme, doit s’exercer dans des zones dédiées, agréées par la direction générale de l’aviation civile. Ces propositions ont vocation à enrichir ce texte, à renforcer son objectif d’encadrement et de protection de la pratique du vol de drones, dans le respect des exigences relatives à notre sécurité nationale.
Mes chers collègues, loin des a priori, ce texte porte une ambition que nous devons rappeler, à la croisée d’en enjeu économique, d’une préoccupation sécuritaire et d’une pratique sociale. Il doit concilier le soutien à notre industrie, qui fabrique des drones, avec l’exigence de sécurité qui s’impose à tous. Nous devons soutenir ce texte, tout en conciliant l’ensemble de ces enjeux.