Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Séance en hémicycle du 27 septembre 2016 à 21h35
Dispositif de continuité de fourniture de gaz et d'électricité — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui a été adopté à l’unanimité par la commission des affaires économiques lors de sa séance du 20 juillet dernier. Il avait préalablement été voté conforme au Sénat, en commission des affaires économiques le 6 juillet puis en séance le 13 juillet.

Il est constitué d’un article unique, qui tend à ratifier, sans la modifier, l’ordonnance no 2016-129 du 10 février 2016 portant sur un dispositif de continuité de fourniture succédant à la fin des offres de marché transitoires de gaz et d’électricité. Cette ordonnance, prise en application de l’article 172 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, vise à compléter la transposition de deux directives européennes de 2009 libéralisant les marchés de détail européens du gaz et de l’électricité.

Je précise qu’il ne s’agit pas, bien entendu, de légiférer sur le principe même de la fin des tarifs réglementés de vente pour les consommateurs non résidentiels. Pour rappel, les tarifs réglementés sont des tarifs fixés et régulièrement mis à jour par le ministère chargé de l’énergie, après consultation de la Commission de régulation de l’énergie, la CRE. Ils ne peuvent être proposés que par les fournisseurs historiques, à savoir EDF pour l’électricité, Engie pour le gaz ou les entreprises locales de distribution pour le gaz ou l’électricité. Le dispositif qui nous est soumis aujourd’hui vise uniquement à garantir la continuité de fourniture à un petit nombre de clients risquant une coupure d’alimentation.

Permettez-moi de revenir sur les raisons pour lesquelles cette ordonnance a été prise. Depuis le 1er janvier 2016, les tarifs réglementés de vente, les TRV, n’existent plus que pour les particuliers. Ils ont été progressivement supprimés pour les clients non résidentiels, à la suite de la libéralisation des marchés de détail de l’électricité et du gaz engagée par l’Union européenne. La loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite « loi NOME », a prévu la disparition des TRV sur le marché de l’électricité à compter du 1er janvier 2016 pour les consommateurs ayant souscrit une puissance supérieure à 36 kilovoltampères et dont le site de consommation est situé en métropole continentale. Par ailleurs, la loi relative à la consommation du 17 mars 2014 a prévu la fin progressive des TRV le 31 décembre 2015 pour les clients non résidentiels dont la consommation annuelle excède 30 mégawattheures et pour les immeubles d’habitation consommant plus de 150 mégawattheures par an.

La fin des TRV pour les clients non résidentiels au 1er janvier 2016 concernait un nombre non négligeable de clients : environ 576 000. L’enjeu était donc de taille : il fallait trouver un moyen pour assurer la fourniture aux clients qui n’auraient pas souscrit à une offre de marché avant le 31 décembre 2015.

Le choix a été fait de ne pas provoquer de coupure dans l’approvisionnement de la fourniture de gaz et d’électricité à ces clients. La loi relative à la consommation a donc prévu une période transitoire de six mois, du 1er janvier au 30 juin 2016, pendant laquelle les clients qui n’avaient pas souscrit avant le 31 décembre 2015 un nouveau contrat auprès d’un fournisseur de leur choix étaient réputés avoir tacitement accepté une offre transitoire auprès de leur fournisseur historique. Cette offre était 5 % plus chère que les tarifs réglementés dont bénéficiaient les consommateurs concernés, de manière à les inciter à souscrire à une offre de marché.

Or, je le répète, cette offre a pris fin le 30 juin 2016. À cette date, quelque 30 000 clients n’avaient toujours pas souscrit à une offre de marché. Il s’agissait tant d’entreprises, d’industriels, d’artisans, de commerçants, d’agriculteurs, de professions libérales, de copropriétés, d’associations, que de personnes publiques.

L’ordonnance que ratifie le présent projet de loi tente donc d’inciter ces clients dits « dormants » à souscrire à une offre de marché. Elle organise l’affectation automatique de ces clients, dès le 1er juillet 2016, à des fournisseurs retenus selon une procédure concurrentielle organisée par la CRE.

La procédure d’appel d’offres s’est déroulée en mars et avril 2016 dans le plein respect des dispositions fixées par l’ordonnance. Les fournisseurs ont été sélectionnés en fonction du montant unitaire qu’ils s’engagent à reverser à la collectivité nationale pour chaque mégawattheure vendu. Le montant total de ces restitutions viendra alimenter le budget général mais il n’excédera probablement pas une quinzaine de millions d’euros. Chaque candidat s’est vu attribuer des lots constitués par zone géographique et par type de sites de consommation. Les modalités de constitution des lots visaient à réduire le nombre de lots infructueux.

Le dispositif mis en place en France pour désigner un fournisseur par défaut chargé d’assurer la fourniture aux clients restés « dormants » après la fin des TRV est l’un des plus ouverts d’Europe en termes de nombre de fournisseurs candidats et lauréats. Afin d’assurer une réelle mise en concurrence des fournisseurs de gaz et d’électricité, l’ordonnance plafonne en effet le nombre de sites pouvant être attribués à un même fournisseur.

En électricité, huit fournisseurs ont remporté l’appel d’offres, pour un montant unitaire moyen retenu de 19,50 euros par mégawattheure sur le territoire desservi par Enedis et de 10,60 euros sur celui desservi par les ELD. En gaz, huit fournisseurs également ont remporté l’appel d’offres, pour un montant unitaire moyen retenu de 8,06 euros par mégawattheure sur le territoire desservi par GRDF et 8,10 euros sur celui desservi par les ELD.

Non seulement l’ordonnance que ratifie le projet de loi était nécessaire, mais elle est on ne peut plus équilibrée. Dans ce nouveau dispositif, la protection des consommateurs est triplement assurée. L’ordonnance prévoit, en premier lieu, une communication préalable des conditions contractuelles applicables, puis de leurs modifications éventuelles à l’issue de la première année de contrat. Elle établit également un droit d’opposition qui pourra être exercé avant la prise d’effet du contrat ou en cas d’évolutions contractuelles après un an. Enfin, au cours du contrat, elle permet au consommateur de résilier celui-ci à tout moment, gratuitement et moyennant un préavis de seulement quinze jours.

Extrêmement protectrice envers les consommateurs, l’ordonnance n’en constitue pas moins une véritable incitation à ce que ceux-ci souscrivent à une offre de marché. Elle prévoit en effet une majoration importante du prix du gaz ou de l’électricité pour les clients basculant dans le dispositif qu’elle instaure.

Si l’ordonnance soumise à ratification est nécessaire et équilibrée, je souhaiterais aujourd’hui évoquer, madame la secrétaire d’État, certains problèmes pratiques qui se sont posés suite à l’appel d’offres. Je tiens à préciser que le dispositif de l’ordonnance n’est pas en lui-même responsable de ces difficultés techniques. Pour autant, il ne faut pas les ignorer : elles peuvent et doivent être traitées.

La première difficulté consécutive à l’appel d’offres a été celle rencontrée par les fournisseurs pour joindre leurs clients. Selon les fournisseurs, elle s’explique par la mauvaise qualité des fichiers des clients remportés par l’appel d’offres : absence de données de contact ou mauvaises adresses de facturation. De nombreux fournisseurs ont dû engager des frais importants pour joindre leurs clients remportés par appel d’offres. Les opérateurs historiques n’ont pas forcément commis de négligences dans la constitution des fichiers d’adresses mais il est extrêmement complexe de gérer un fichier d’une telle taille, les adresses de facturation différant souvent des adresses de livraison et les consommateurs ne notifiant pas toujours aux fournisseurs leurs changements d’adresse.

La deuxième difficulté est liée au non-respect, par un certain nombre de fournisseurs, de l’esprit de l’ordonnance. Les fournisseurs ayant réussi à joindre leurs clients pour les informer des nouvelles conditions contractuelles sont tenus de les faire basculer dans le dispositif de l’ordonnance et de les fournir en gaz ou en électricité, même s’ils n’ont pas réussi à obtenir leurs coordonnées bancaires. Certains fournisseurs n’ont pas respecté cette disposition. Les fournisseurs historiques continuent donc à alimenter en offres transitoires ces clients que les concurrents n’ont pas accepté alors même qu’ils en avaient l’obligation. Il serait trop facile de n’accepter a posteriori, dans son périmètre de fourniture, que certains clients des sites remportés par l’appel d’offres.

Une troisième difficulté concerne les entreprises en difficulté financière. Certaines ont souhaité souscrire à une offre de marché dans les délais impartis, avant le 30 juin 2016, mais ont fait face au refus des fournisseurs de gaz ou d’électricité, ces derniers les considérant comme peu solvables. Elles ont donc été forcées de basculer dans le dispositif de l’ordonnance au 1er juillet dernier, c’est-à-dire de payer beaucoup plus cher leur fourniture de gaz ou d’électricité, ce qui ne peut évidemment que renforcer leurs difficultés financières. Des réflexions doivent également être engagées sur ce point.

Il s’agit de résoudre ces difficultés en vue de l’appel d’offres du 4 novembre prochain, qui concernera environ 5 500 sites, répartis en trois types de clients : les clients des lots déclarés infructueux en raison de l’absence d’offre présentée ; les clients des lots attribués pour lesquels les fournisseurs lauréats ne peuvent pas déposer de demande de changement de fournisseur auprès du gestionnaire de réseau, faute d’avoir pu joindre leurs clients pour les informer des nouvelles conditions contractuelles qui leur sont applicables ; et éventuellement, si une décision est prise en ce sens, les clients que certains fournisseurs n’ont pas souhaité faire basculer dans leur périmètre de fourniture, faute d’avoir pu, après les avoir contactés, obtenir leurs coordonnées bancaires.

D’après les données que la CRE m’a fournies la semaine dernière, il reste 3 179 sites relevant de l’offre transitoire sur le territoire d’Enedis, 1 800 sur le territoire de GRDF et 650 sur ceux des entreprises locales de distribution.

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