Je me félicite qu’après l’échec de la CMP, nous ayons rétabli un texte aussi ambitieux que celui issu de nos travaux en première lecture.
Quelles sont les principales mesures ? Je rappelle que nous sommes saisis de deux textes. À l’initiative du groupe majoritaire, et je salue la détermination de Mme Mazetier, nous avons en effet aussi à débattre d’une proposition de loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour la protection des lanceurs d’alerte.
S’agissant du texte de loi ordinaire, notre commission a rétabli le texte de première lecture en raison de divergences de vue très prononcées avec la droite sénatoriale. Nous avons fait le choix de soutenir des mesures fortes susceptibles de modifier les comportements contraires à l’intérêt général alors que le Sénat avait été beaucoup plus conservateur en la matière. Ce constat ne pouvait que conduire à l’échec de la commission mixte paritaire, même si des réunions de travail avaient été engagées avec nos collègues sénateurs – et je tiens à saluer le rapporteur du Sénat, M. Pillet. Il était de notre devoir de constater ces désaccords.
Où en sommes-nous ?
Alors que le projet de loi présenté par le Gouvernement comportait 57 articles, il en compte désormais 156, dont 50 ont été adoptés dans des termes identiques par les deux chambres.
Parmi les 106 articles restant en discussion, des points de convergence ont pu être trouvés sur les principaux sujets financiers et agricoles. MM Colas et Potier y reviendront.
J’insiste à nouveau sur l’importance des mesures proposées en matière agricole. Certaines d’entre elles sont urgentes, et nous serons particulièrement vigilants pour que le Sénat les inscrive au plus vite à son ordre du jour.
Sur d’autres thématiques, un tel accord n’a pas pu être trouvé. Notre commission a alors systématiquement rétabli des rédactions conformes aux ambitions que nous avions défendues en première lecture.
Pour l’article 13, relatif à l’encadrement du lobbying, les députés ont défendu, de manière constante, la constitution d’un répertoire numérique unique des représentants d’intérêts intervenant auprès des pouvoirs publics – à savoir le Gouvernement, l’Assemblée nationale et le Sénat. Le Président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone défend depuis longtemps et avec conviction ce projet, et nous avons travaillé avec toutes les parties concernées pour parvenir à une rédaction qui permette véritablement de contrôler les activités de lobbying. Ces institutions détermineront elles-mêmes les conséquences liées à l’inscription au registre d’un représentant d’intérêt. La majorité sénatoriale préférerait un répertoire dont le Sénat seul conserverait l’entière maîtrise, ce qui nous semble constituer un obstacle à la cohérence d’ensemble recherchée par la réforme. Aucune opacité ne doit subsister.
Nous n’avons pas trouvé d’accord sur les articles relatifs à certains aspects du statut du lanceur d’alerte, sur sa définition même. Il s’agit en particulier de l’aide financière qui leur est accordée, de la suppression des dispositifs sectoriels. Or nous voulons un statut général pour les lanceurs d’alerte. Dans cette perspective, nous avons même amélioré la définition que nous avions tenté d’apporter en première lecture. Nous devons faire preuve d’humilité en la matière : rédiger la définition du lanceur d’alerte est un travail qui a nécessité de nombreux efforts. Mais nous pensons avoir abouti à un texte qui permet – vous l’avez dit, monsieur le ministre – d’embrasser l’ensemble des situations, notamment celle d’Antoine Deltour.
Je veux du reste saluer la mobilisation citoyenne, notamment ces 3 000 citoyens qui ont relayé une pétition pour une protection maximale des lanceurs d’alerte. C’est ce que nous faisons avec ce texte.
Sur l’article 8, nous avons introduit un outil performant de prévention et de lutte contre la corruption, que nous avons baptisé, suivant ma proposition, l’Agence française anticorruption – AFA. Elle remplacera l’actuel Service central de prévention de la corruption – SCPC –, qui était doté en 2012 de 4,75 équivalents temps plein. C’est dire l’ambition de la droite en matière de lutte contre la corruption.
L’Agence française anticorruption devrait être dotée – le ministre s’y est engagé – de 70 agents qui viendront des services les plus performants en matière de lutte contre la corruption.
Nous rétablissons également la commission des sanctions au sein de l’Agence, et nous avons souhaité la doter de toutes les garanties d’indépendance fonctionnelle, s’agissant notamment de la nomination de son directeur ou de sa directrice. Je veux à cet égard saluer Mme Xavière Simeoni, qui a grandement contribué à enrichir notre réflexion sur ces sujets.
En ce qui concerne la moralisation de la vie économique, j’ai défendu, avec le soutien du groupe majoritaire, l’introduction d’un dispositif contraignant d’encadrement des rémunérations des dirigeants des grandes entreprises cotées. Ce dispositif prévoit que l’assemblée générale des actionnaires – propriétaires de l’entreprise, faut-il le rappeler – doit approuver les rémunérations proposées par le conseil d’administration pour que celles-ci puissent être versées. L’assemblée des actionnaires se voit ainsi restituer un pouvoir de décision en la matière. Nous avons en outre souhaité que le vote de l’assemblée générale soit annuel, et qu’il porte sur la rémunération individuelle de chaque dirigeant et sur tous les éléments qui la composent. Par ailleurs, un contrôle ex post des rémunérations variables et exceptionnelles en conditionnerait le versement.
De même, en matière de reporting public, le Sénat a adopté une position très en deçà des ambitions exprimées ici en première lecture. Tenant compte des contraintes constitutionnelles, nous avons abouti, vous l’avez dit, monsieur le ministre, à un texte particulièrement ambitieux.
Un autre point de divergence avec le Sénat nous a semblé insurmontable, à savoir l’intégration des dispositions de la proposition de loi de M. Thani Mohamed Soilihi relative au droit des sociétés, qui nous aurait contraints à intégrer quelque trente pages de cette proposition de loi que l’Assemblée nationale n’a jamais examinée alors même qu’il s’agit d’une réforme substantielle du droit des sociétés.
Pour conclure, monsieur le ministre, je veux saluer la volonté constante du Président de la République François Hollande d’oeuvrer à l’édification d’une République exemplaire, d’une République plus transparente, donc d’une démocratie plus vivante. C’est bien de cela que parle ce texte.
C’est à cela que s’est attelée la majorité depuis 2012. Qu’il me soit également permis de remercier très sincèrement les administrateurs et administratrices de la commission des lois qui m’ont accompagné et conseillé tout au long de l’élaboration de ce beau et grand texte. C’est grâce à vous – et cela ne se sait pas suffisamment – que le Parlement peut véritablement être dans une oeuvre de coconstruction avec le Gouvernement. Sinon, jamais nous ne serions en mesure de lui tenir tête.