Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie et des finances, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, chers collègues, comme cela a été évoqué dans les interventions précédentes, la notion de transparence est au coeur du projet de loi que nous examinons à nouveau aujourd’hui.
La transparence doit s’appliquer en particulier dans les filières agricoles et alimentaires. En effet, le modèle de notre économie agricole, qui se trouve en première ligne des dérégulations économiques mondiales, est menacé ; or nous y tenons beaucoup.
Le Gouvernement apporte, avec ce projet de loi, de nouvelles réponses au monde agricole afin d’accroître la transparence au sein de ses filières et de rééquilibrer des relations commerciales en vue d’enrayer la spirale descendante des prix.
En tant que présidente de la commission d’examen des pratiques commerciales, la CEPC, je vous assure, monsieur le ministre, que cette dernière continue à recevoir de nombreuses demandes d’avis relatives à des relations commerciales toujours aussi déséquilibrées.
La situation que connaissent de nombreux producteurs – le prix qui leur est payé ne couvrant plus leurs coûts de production – ne peut être durable car elle met à mal nos capacités productives et menace la dynamique de nos territoires agricoles.
Depuis de long mois, de nombreuses mesures – d’urgence, mais aussi structurelles – ont été prises par le Gouvernement pour sortir de cette situation. Dernièrement, le ministre de l’agriculture est par exemple parvenu à convaincre les instances européennes de l’intérêt d’agir en faveur d’une stabilisation de la production laitière.
Des mesures de régulation ont ainsi été très récemment mises en place : les éleveurs ont été financièrement incités à réduire leurs volumes laitiers. Ce plan de réduction a été un succès puisque 12 823 demandes d’indemnisation ont été comptabilisées, ce qui correspond, pour les trois prochains mois, à 180 000 tonnes de lait non produit.
Au niveau européen, la baisse de la production de lait est estimée à un peu plus de 1,071 million de tonnes, ce qui traduit, me semble-t-il, une prise de conscience collective comme la pertinence d’un dispositif que la France appelait de ses voeux depuis des mois.
Par ailleurs, je me réjouis que certaines mesures tendant à une meilleure répartition des marges – dont certaines sont directement issues du rapport d’information sur l’avenir des filières d’élevage que j’ai co-écrit avec Thierry Benoit – aient été sauvegardées après le passage du projet de loi au Sénat puis en commission mixte paritaire.
Ainsi, le texte aujourd’hui soumis à notre vote prévoit que les contrats agricoles prennent désormais en compte certains indicateurs relatifs aux coûts de production de l’agriculteur mais aussi d’autres, relatifs au prix de vente des produits finaux. Les transformateurs seront, dès lors, tenus de rémunérer les agriculteurs à un juste prix.
En effet, certains industriels mondialement connus commercialisent des produits à forte valeur ajoutée – et pas seulement de la poudre de lait : celle-ci doit, dans ces conditions, se traduire dans le prix auquel ils achètent le lait aux producteurs.
Le renforcement du pouvoir de négociation des producteurs face aux industriels me parait également essentiel : il passe par l’amélioration des contrats. Dans le contexte actuel de sortie des quotas laitiers européens, il était essentiel que la revente des contrats laitiers soit interdite. Je me réjouis donc que cette disposition ait été maintenue dans le texte.
Concernant l’équilibre des négociations, le renforcement des prérogatives de l’Observatoire de la formation des prix et des marges me satisfait, notamment car elle permet à son président, en cas de non-dépôt des comptes annuels des industriels et des distributeurs du secteur, de saisir le tribunal de commerce.
Je maintiens, cependant, ma position : à l’article 31 bis, le nom du négociateur doit, afin de responsabiliser les parties et d’éviter les pressions inacceptables lors des négociations annuelles, être mentionné sur la convention unique.
Nous avons, à plusieurs reprises, légiféré et aggravé les sanctions comme les amendes : rien n’y fait, les négociations se passent toujours aussi mal. Mentionner le nom du négociateur revient donc à agir concrètement sur ce qui va se passer dans les boxes de négociation. Chacun à son échelon doit être responsable de ses actes ; c’est, encore et toujours, une question de transparence,
En vue d’atteindre le même objectif – redonner aux producteurs le pouvoir de négocier des prix justes –, il est fondamental que le rôle des organisations de producteurs soit renforcé et qu’elles soient habilitées à signer des contrats-cadre avec les acheteurs comprenant des engagements sur les volumes comme sur leur répartition entre les différents membres de l’organisation de producteurs.
Afin que nos filières soient solides et équilibrées, nous avons besoin de reconstruire des démarches interprofessionnelles : chacun doit prendre ses responsabilités.
Enfin, à l’article 31 ter, comme je le propose par voie d’amendement, il me semble cohérent que les coûts de création des produits de marques de distributeurs – les MDD – soient à la charge des distributeurs eux-mêmes et ne puissent être imposés aux producteurs.
Dans un contexte où les relations commerciales sont tendues et souvent conflictuelles, la transparence est notre meilleur outil. Elle permet en effet de négocier de manière plus équilibrée et d’obtenir des prix justes pour toutes les parties.