Intervention de Harlem Désir

Réunion du 21 septembre 2016 à 15h00
Mission d'information sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations

Harlem Désir, secrétaire d'état auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes :

Je vous remercie de cette invitation et je me réjouis que l'Assemblée nationale ait décidé de créer une mission d'information sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations qui vont maintenant s'engager entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.

Cet événement sans précédent, la décision d'un pays de sortir de l'Union européenne, et qui concerne l'une des plus grandes économies et l'un des principaux partenaires de la France dans tous les domaines est d'une portée considérable pour l'Europe et donc forcément pour la France.

La relation franco-britannique est très dense dans tous les domaines. Le Royaume-Uni est notre cinquième partenaire commercial, absorbe 8 % des exportations françaises et constitue notre premier excédent commercial dans le monde – douze milliards d'euros – pour 31 milliards d'euros d'exportations, dont 11 % de nos exportations de services. La France est le deuxième investisseur au Royaume-Uni, avec un stock d'investissements directs étrangers d'environ 100 milliards d'euros, soit 10 % du total investi par la France à l'étranger. 300 000 Français au moins vivent au Royaume-Uni et 200 000 Britanniques vivent en France.

Les coopérations industrielles, aéronautiques et énergétiques, notamment à Hinkley Point, mais aussi les coopérations universitaires et de recherche ou encore la coopération en matière de défense qui repose sur les accords de Lancaster House, sont nombreuses et remarquables.

Ces échanges, ces coopérations ne sont pas tous liés au cadre européen, mais tous ou presque en bénéficient et peuvent être impactés. Il faudra veiller à ce que cet impact ne soit pas négatif.

Pour l'Europe, en même temps qu'un choc historique, puisque désormais la construction européenne n'est plus irréversible, le référendum a agi comme un révélateur. Il est révélateur de la coupure entre les peuples et l'Europe, car beaucoup des fractures sociales, géographiques, générationnelles, des peurs, - de l'immigration, de la mondialisation - qui se sont exprimées lors de ce référendum, pourraient s'exprimer dans tous les États membres. Même si le Royaume-Uni entretient une relation particulière à l'Union européenne, ce qui s'est exprimé à l'occasion de ce référendum aurait pu s'exprimer aussi dans d'autres États membres.

Il est révélateur aussi des divisions entre les États membres sur la nature même du projet européen, sur les valeurs qui le fondent, sur le degré d'intégration ou de solidarité futures, sur les compétences de l'Union européenne.

Ces divisions viennent s'ajouter à celles préexistantes, qui sont liées aux effets de la crise économique, en particulier entre le Nord et le Sud du continent.

C'est donc le projet européen lui-même et son avenir qui sont en jeu, car le choc du Brexit intervient sur un corps déjà lézardé par une multitude de crises, crise des réfugiés, menace terroriste, crise économique, montée des populismes.

L'Europe doit d'autant plus aborder de façon ordonnée, cohérente, claire, le défi que représente la sortie d'un de ses États membres, qu'elle doit apporter des réponses collectives fortes à la crise européenne, et en particulier à l'attente de protection des citoyens, des frontières, de l'économie, et de notre modèle de société, dans un monde et un environnement troublés. C'est le sens de la feuille de route de Bratislava ainsi que du travail qui est engagé sur l'avenir de l'Union européenne et qui va se poursuivre au cours des prochains mois.

La question du retrait britannique doit donc être traitée dans la clarté. Je veux redire que nous regrettons le choix des Britanniques de quitter l'Union mais nous le respectons. C'est un choix libre, souverain, démocratique quel que soit le jugement que l'on porte sur les arguments qui ont été utilisés.

Nous comprenons que les autorités britanniques aient besoin d'un certain temps – vous avez, monsieur le président, évoqué cette question du calendrier – pour se préparer à la négociation de sortie et à celle ou celles qui, parallèlement, portera ou porteront sur les relations futures entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, mais la période d'incertitude est nuisible à l'économie britannique comme à l'économie européenne. Le plus tôt sera donc le mieux.

C'est pourquoi, le Président de la République a tenu, à ce que plusieurs principes soient rappelés par les vingt-sept États membres collectivement dès le lendemain du référendum. Ce qui fut fait à l'occasion du premier conseil européen qui s'en est ensuivi.

Premièrement, il y a une procédure pour quitter l'Union européenne et il n'y en a qu'une, c'est l'article 50 du traité sur l'Union européenne.

Deuxièmement, il ne peut y avoir de négociation hors de cette procédure, donc pas de pré- négociations qui viseraient à obtenir de tel ou tel État membre ou des Vingt-sept des garanties préalables avant l'ouverture de la négociation de retrait dans le cadre de l'article 50. Cela nous entraînerait dans une logique délétère et dans un processus interminable.

Ce point est particulièrement important, puisqu'une fois l'article 50 activé, celui-ci prévoit un délai de deux ans maximum au terme duquel l'État concerné n'est plus membre de l'Union, sauf accord unanime des autres États membres pour proroger le délai de négociation. Une fois l'article 50 activé, le calendrier est donc balisé et l'Union européenne maîtrise de fait la procédure et la négociation.

Troisièmement, pour les relations futures entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, il y aura un lien entre les quatre libertés du marché unique : la libre circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes. L'accès du Royaume-Uni au marché intérieur européen sera donc conditionné à la liberté de circulation des citoyens européens au Royaume-Uni. C'est un point important à rappeler avant même l'ouverture des négociations.

L'accès au marché intérieur comme à certaines politiques communes sera lié au respect d'un certain nombre d'obligations et à une contribution financière.

Il ne s'agit pas de punir mais de préserver les intérêts de l'Union européenne, son intégrité et sa cohésion.

Sur ces bases, une négociation va donc s'engager dès lors que l'article 50 sera activé.

Quand ? Theresa May a affirmé, cet été, à plusieurs reprises, sa détermination à mettre en oeuvre le Brexit, « Brexit is Brexit », ajoutant qu'elle voulait en faire un succès.

Pour autant, la future position de négociation du Royaume-Uni n'est pas établie à ce stade et un débat a vu le jour au sein du gouvernement britannique entre différentes approches notamment entre ceux qui défendent une sortie rapide de l'Union européenne avec une restriction à la liberté de circulation et ceux qui souhaitent conserver la relation la plus étroite possible avec l'Union européenne incluant le maintien de l'accès au marché intérieur.

Vous entendrez notre ambassadeur au Royaume-Uni, qui vous donnera un éclairage, pris depuis Londres, sur l'état d'esprit qui y règne. L'automne sera consacré à Londres à l'élaboration d'une position de négociation consolidée, car l'on voit aujourd'hui des positions différentes du ministre en charge du Brexit, du ministre en charge de la négociation des accords commerciaux et d'autres qui, sans être directement en charge de la question, ont néanmoins, comme l'actuel ministre des affaires étrangères, joué un rôle très direct dans la campagne du référendum. L'automne sera aussi consacré à recruter des personnels qualifiés pour la négociation future et mon homologue britannique m'a confirmé hier à Bruxelles que l'article 50 ne devrait pas être activé avant la fin de l'année, donc au plus tôt au début 2017. Déclencher la procédure avant le milieu de l'année 2017 est en effet tout à fait souhaitable, compte tenu du renouvellement de la Commission européenne et du Parlement européen à la mi-2019.

Jusqu'à la fin des négociations de sortie, le Royaume-Uni reste membre de l'Union européenne, avec la plénitude de ses droits et de ses obligations. Il contribue au budget, doit transposer les directives, appliquer les règlements, respecter les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne.

Il lui appartient néanmoins de faire de ses droits un usage qui respecte un esprit de coopération loyale. Le renoncement à sa présidence au deuxième semestre 2017 était à cet égard une décision importante et, pour tout dire, incontournable.

Quelles sont les étapes prévues une fois la notification de sortie effectuée ? Conformément à l'article 50 du traité sur l'Union européenne et à l'article 218 – paragraphe 3 – du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, mentionné dans l'article 50, la procédure suivra les étapes suivantes :

1°) le Royaume-Uni notifie au Conseil européen, par exemple sous la forme d'une lettre du Premier ministre britannique au président du Conseil européen, son intention de se retirer de l'Union ;

2°) le Conseil européen, à vingt-sept, fixe des orientations de négociations ;

3°) à la lumière des orientations du Conseil européen, la Commission européenne présente au Conseil une recommandation sur l'ouverture de négociations avec le Royaume-Uni concernant les modalités de son retrait de l'Union européenne, « en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l'Union » ;

4°) le Conseil adopte une décision d'autorisation d'ouverture des négociations et désigne le chef de l'équipe de négociation ;

5°) l'accord est négocié dans un délai de deux ans maximum à compter de sa notification ;

6°) le Parlement européen approuve l'accord de retrait, à la majorité simple ;

7°) le Conseil adopte l'accord au nom de l'Union à la majorité qualifiée. Un seul État membre, qui ne serait pas d'accord avec la solution adoptée, ne pourrait en bloquer l'adoption.

Certaines étapes, à savoir la première, la troisième et la sixième, ne laissent aucun doute quant à leurs modalités d'organisation. D'autres en revanche font naître des questions juridiques et pratiques qui ont provoqué des débats entre la Commission et le Conseil au lendemain des résultats du référendum britannique, notamment la question de savoir qui négocie.

Notre lecture, qui est également celle qui prévaut désormais dans les institutions européennes, est que :

- le négociateur ou le chef de l'équipe de négociation de l'Union émane de la Commission européenne ; c'est un membre du collège, ou une personnalité nommée par lui, qui négocie au nom des États membres ;

- l'équipe de négociation pourrait en revanche comprendre des représentants du Conseil européen, du Conseil ou même du Parlement européen ;

- le Conseil européen pourrait demander, dans ses orientations, à être consulté tout au long de la négociation. En tout état de cause, il assure une surveillance et un suivi de la négociation.

L'intérêt de la France et de l'Union est en effet de trouver le bon équilibre entre la nécessité de garantir une position de négociation unique et claire d'une part, et la prise en compte du caractère exceptionnel de cette procédure et de l'importance pour les États membres de pouvoir garantir un plein contrôle d'autre part.

C'est cette analyse du processus de négociation qui a conduit le président de la Commission à nommer, le 27 juillet dernier, Michel Barnier, à la fonction de négociateur en chef responsable du groupe de travail de la Commission chargé de la préparation et de la conduite des négociations avec le Royaume-Uni au titre de l'article 50 du traité sur l'Union européenne, à compter du 1er octobre 2016. Mais, en réalité, il faudra ensuite une décision pour confirmer qu'il est bien le négociateur au nom du Conseil européen.

L'article 50 établit expressément la distinction entre la conclusion de l'accord de retrait et ses modalités d'une part, et celle d'un accord régissant les relations futures, ce qui implique donc deux négociations distinctes, même si l'article dit que l'un est négocié en tenant compte de l'autre. Cela n'empêche pas qu'il s'agisse du même négociateur, mais il y aura deux accords différents :

- l'accord de retrait devrait régir les modalités institutionnelles et administratives du retrait, y compris d'éventuelles dispositions transitoires ;

- l'accord régissant les relations futures pourra prendre des formes diverses, selon l'option qui sera retenue par le Royaume-Uni et l'Union européenne.

L'articulation entre ces deux accords pourrait se faire au moyen d'un régime intermédiaire.

La deuxième question qui se pose est bien sûr celle de la relation future entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Le Royaume-Uni a vocation à devenir un pays tiers vis-à-vis de l'Union européenne. Il n'aura plus de droit de regard sur le fonctionnement de l'Union européenne.

De nouvelles relations de partenariat étroit seront donc établies, et cela est évidemment nécessaire et souhaitable. Mais nous, Européens, devons penser cette relation future en fonction de nos intérêts, notamment dans les domaines les plus sensibles, en matière économique, de commerce, de régulation financière, de coopération policière et judiciaire, de lutte contre le terrorisme, de migrations, de politique étrangère et de défense.

Quels sont les modèles existants de relations entre l'Union européenne et des États tiers qui sont parfois évoqués, à Londres, à Bruxelles ou dans les États membres, pour les envisager ou pour les écarter ?

Le premier, le plus intégré, souvent qualifié de modèle norvégien, implique une adhésion à l'accord sur l'espace économique européen, entré en vigueur en 1994 et qui lie l'Union européenne, les 28 États membres et trois des quatre membres de l'Association européenne de libre-échange (AELE), à savoir la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein, mais non la Suisse, qui a refusé d'y participer.

Il s'agit en fait d'un stade intermédiaire d'intégration économique entre l'Union européenne et l'AELE. Cette formule serait une réponse évidente à certains objectifs du Royaume-Uni, tels que le passeport en matière de services financiers ou la réduction du coût économique lié à la sortie de l'Union, mais elle se caractérise également par certains éléments qui sont en porte-à-faux direct avec les positions des tenants du Leave lors de la campagne.

S'il retenait le modèle norvégien, le Royaume-Uni ne serait pas en mesure de contrôler comme il l'entend les flux de ressortissants de l'Union, devant appliquer l'ensemble des quatre libertés, y compris la liberté de circulation. De même, il serait tenu d'appliquer le droit de la concurrence de l'Union européenne.

L'espace économique européen est un accord juridique dynamique, qui s'enrichit à mesure que l'acquis communautaire s'accroît. Aussi, si le Royaume-Uni devait opter pour ce modèle, le paradoxe serait qu'il se retrouverait à appliquer les mêmes règles qu'avant, et toutes les législations futures de l'Union, sans pour autant peser sur la prise de décision.

Alors qu'un certain nombre de partisans du Leave avaient fait campagne en dénonçant le caractère intrusif de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, l'adhésion à l'espace économique européen aurait pour effet de maintenir la prééminence de celle-ci sur le droit britannique.

Enfin, la participation à l'espace économique européen se traduirait pour le Royaume-Uni par l'obligation de continuer à contribuer de façon importante au financement de l'Union européenne. Ainsi, sur la période de 2008 à 2014, la contribution de la Norvège a représenté 0,16 % de son PIB, contre 0,25 % pour le Royaume-Uni. C'est donc moins pour la Norvège que pour le Royaume-Uni, mais c'est tout de même significatif.

Le deuxième modèle évoqué est le modèle suisse. La Suisse ayant refusé par référendum en 1992 d'adhérer à l'espace économique européen, elle a développé ses relations avec l'Union européenne sur une base bilatérale, avec la signature d'environ 120 accords qui lui permettent de participer aux politiques de l'Union européenne sur une base négociée au cas par cas.

Ce modèle, appliqué au Royaume-Uni, pourrait lui permettre de préserver davantage sa souveraineté, dans la mesure où chaque accord est négocié de manière bilatérale. Toutefois, la participation de la Suisse à certaines politiques, notamment au marché intérieur, implique une adaptation de la législation suisse afin de la rendre compatible avec la législation de l'Union européenne. En pratique, ils transposent, en matière économique, quasiment toute la réglementation européenne. La Suisse est tenue de respecter la liberté de circulation. Elle se trouve ainsi un peu dans la même situation que la Norvège : elle ne participe pas aux décisions, mais doit transposer les réglementations.

Enfin, la Suisse contribue au financement des politiques européennes auxquelles elle participe, par exemple au programme Horizon 2020. Par ailleurs, l'Union cherche à réformer ce modèle de relations très lourd à gérer. Il serait donc peut-être paradoxal de l'étendre au Royaume-Uni.

Le troisième modèle-type, c'est l'accord de libre-échange doublé d'un partenariat stratégique, ce que l'on appelle parfois le modèle canadien ou le modèle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Fondé sur une double association, à la fois politique et commerciale, il repose sur un accord de libre-échange complet et ambitieux. Encore faut-il, pour pouvoir en parler comme d'un modèle existant, que cet accord économique et commercial global, le Comprehensive Economic and Trade Agreement ou CETA, soit ratifié.

C'est un cadre qui correspond à des économies et des pays qui veulent à la fois des échanges commerciaux et économiques importants et des partenariats étroits avec l'Union européenne tout en étant plus éloignés, moins intégrés, que dans les modèles de partenariat continentaux. Un accord de libre-échange est long et complexe à négocier. L'accord avec le Canada a été négocié pendant sept ans. La période transitoire durant laquelle le Royaume-Uni aurait le statut d'État tiers sans que les nouveaux accords soient finalisés pourrait donc être très importante, longue de plusieurs années.

Dans la période transitoire, le Royaume-Uni se retrouverait dans une situation où tous les accords de libre-échange de l'Union cesseront de s'appliquer à lui. Dès lors, ne bénéficiant plus que de la clause de la nation la plus favorisée, le Royaume-Uni devrait négocier tous les accords existants entre l'Union et les autres membres de l'OMC.

Il est vraisemblable que le Royaume-Uni cherche à échapper aux modèles existants de relations entre l'Union européenne et les pays tiers pour obtenir un statut ad hoc, seul à même de résoudre le triangle d'incompatibilités au sein duquel le Royaume-Uni s'est placé, en recherchant à la fois la pleine souveraineté nationale dans l'adoption du droit matériel, l'intégralité du bénéfice économique lié à l'intégration et la sélectivité dans l'application des règles du marché intérieur.

En réalité le Royaume-Uni va sans doute devoir s'engager dans la négociation d'au moins six accords différents : l'accord de retrait de l'Union européenne ; l'accord commercial futur avec l'Union européenne ; un accord intérimaire couvrant la période entre la sortie de l'Union européenne et l'entrée en vigueur des arrangements définitifs ; la ré-adhésion à l'OMC en tant que pays non membre de l'Union européenne ; les nouveaux accords de commerce avec la cinquantaine de pays dans le monde qui ont des accords de commerce bilatéraux avec l'Union européenne, auxquels s'ajouteront sans doute de nouveaux accords avec d'autres pays, en particulier les États-Unis ou la Chine ; un ou des accords de coopération policière, judiciaire, de politique étrangère, avec l'Union européenne.

Pour la partie qui concerne spécifiquement l'Union européenne, nous devrons, dans cette négociation, veiller à l'équilibre entre accès au marché et obligations, et à ce qu'un État tiers n'obtienne pas plus qu'un État membre, ce qui serait le début d'un détricotage dangereux. Il y a un enjeu de cohésion des Européens.

La France se prépare. Dès le résultat du référendum connu, le gouvernement a mis en place le dispositif lui permettant de se préparer aux négociations à venir. Un travail de cartographie de l'ensemble de nos intérêts est mené sous l'égide du secrétariat général des affaires européennes (SGAE). Je sais que vous allez en entendre le secrétaire général dans quelques instants. Il implique des correspondants dans tous les ministères concernés. Il permettra des arbitrages au plus haut niveau le moment venu. Vous aurez toutes les informations nécessaires lors de votre prochaine audition.

Le ministère des affaires étrangères et du développement international a constitué une task-force dédiée regroupant les agents sectoriels les plus directement concernés de la direction de l'Union européenne et de la direction des Affaires juridiques, chargée notamment d'animer un réseau de points de contacts au sein du ministère et d'assurer un contact quotidien avec les ambassades concernées, en particulier Londres et la représentation permanente auprès de l'Union européenne à Bruxelles. Cette task-force, conduite par le directeur de l'Union européenne et placée sous l'autorité du secrétaire général du ministère, assure le suivi quotidien de la situation.

À ce stade, les différents sujets à traiter paraissent pouvoir s'ordonner selon les catégories suivantes : les sujets pour lesquels le retrait doit être a priori organisé de manière directe et irréversible, par exemple les contributions au budget telles qu'elles existent aujourd'hui, même s'il y en aura peut-être d'autres, dans un cadre juridique différent ; les politiques et réglementations pour lesquelles doivent être envisagées les conséquences du retrait – à cet égard, les options envisageables pour le cadre des relations futures peuvent avoir un impact significatif sur la nature de ces conséquences, qu'il s'agisse de commerce, d'agriculture, d'acier, de la participation à certains programmes, tel Horizon 2020, ou de la liberté de circulation ; les décisions qui reviendront aux Vingt-sept en raison du retrait britannique : il peut s'agir des choix à faire concernant le budget européen – comment se répartir la charge nouvelle née de l'absence de la contribution britannique ? – ou le capital de la Banque européenne d'investissement, principal instrument du plan Juncker, mais aussi de la relocalisation des agences européennes actuellement situées sur le territoire britannique, de la révision de certains textes normatifs, tels que l'accord sur la juridiction unifiée des brevets, du traitement des contingents affectés à l'Union européenne dans le cadre des accords commerciaux et des éventuelles compensations demandées. Un certain nombre de partenaires tiers de l'Union européenne ont un accord avec elle passé en fonction d'un marché de cinq cents millions d'habitants qui ne comprendra plus le marché britannique, ce qui peut conduire à des renégociations.

Afin d'organiser les travaux interministériels, plusieurs blocs ont été définis et font l'objet d'une expertise approfondie : les aspects juridiques et budgétaires ; la liberté de circulation des personnes ; la liberté de circulation des marchandises ; les libertés d'établissement et de prestation de services, hors services financiers ; la liberté de circulation des capitaux et des services financiers ; les politiques communes ; la politique commerciale commune ; la coopération policière et judiciaire ; les sanctions au titre de la politique extérieure et de sécurité commune (PESC) et les aspects communautaires de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC).

Le dispositif en place doit permettre de garantir la meilleure information, l'analyse, la réactivité et l'élaboration des positions françaises à chaque étape de la négociation, en tenant compte de l'intérêt général européen et de nos intérêts nationaux ainsi que de nos accords bilatéraux avec le Royaume-Uni, en particulier en matière de sécurité et de défense.

Voilà, monsieur le Président, mesdames et messieurs les députés, les premiers éléments que je souhaitais vous présenter à l'occasion de cette audition. Il y en a évidemment beaucoup d'autres, qui peuvent par exemple concerner, pour la France, des effets d'aubaine, comme la relocalisation des activités financières, mais aussi être des effets négatifs à redouter.

Je me réjouis que l'Assemblée nationale se soit organisée pour suivre de très près ces négociations pour lesquelles elle aura un rôle très important à jouer, car elles auront des conséquences sur le plan législatif, sur le plan budgétaire et sur le plan de nos accords internationaux. Je vous remercie.

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