Mission d'information sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations

Réunion du 21 septembre 2016 à 15h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à quinze heures cinq.

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Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation. Vous ouvrez le cycle des auditions de la mission d'information que nous avons créée pour nous pencher sur la question des conséquences, pour le pays et pour l'Europe, du référendum britannique sur la sortie de l'Union européenne. À l'occasion de la réunion constitutive, je me suis exprimé sur les raisons qui nous ont conduits à sa création.

L'on voit bien qu'il y a aujourd'hui beaucoup d'interrogations, ne serait-ce que sur le calendrier. J'ai entendu les déclarations de la porte-parole de la première ministre britannique, qui évoque maintenant 2017. Différentes questions vont se poser sur ce délai ; plusieurs décisions devront être prises pour évaluer les conséquences du référendum non seulement au niveau français, mais aussi au niveau européen.

Je propose que vous nous éclairiez sur l'attitude du Royaume-Uni, sur le principe des négociations, sur les intérêts français en jeu et sur l'état de l'unité des Européens. Mes chers collègues, il est convenu que le ministre prenne la parole pendant quinze minutes, avant que vous ne l'interrogiez.

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Harlem Désir, secrétaire d'état auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes

Je vous remercie de cette invitation et je me réjouis que l'Assemblée nationale ait décidé de créer une mission d'information sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations qui vont maintenant s'engager entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.

Cet événement sans précédent, la décision d'un pays de sortir de l'Union européenne, et qui concerne l'une des plus grandes économies et l'un des principaux partenaires de la France dans tous les domaines est d'une portée considérable pour l'Europe et donc forcément pour la France.

La relation franco-britannique est très dense dans tous les domaines. Le Royaume-Uni est notre cinquième partenaire commercial, absorbe 8 % des exportations françaises et constitue notre premier excédent commercial dans le monde – douze milliards d'euros – pour 31 milliards d'euros d'exportations, dont 11 % de nos exportations de services. La France est le deuxième investisseur au Royaume-Uni, avec un stock d'investissements directs étrangers d'environ 100 milliards d'euros, soit 10 % du total investi par la France à l'étranger. 300 000 Français au moins vivent au Royaume-Uni et 200 000 Britanniques vivent en France.

Les coopérations industrielles, aéronautiques et énergétiques, notamment à Hinkley Point, mais aussi les coopérations universitaires et de recherche ou encore la coopération en matière de défense qui repose sur les accords de Lancaster House, sont nombreuses et remarquables.

Ces échanges, ces coopérations ne sont pas tous liés au cadre européen, mais tous ou presque en bénéficient et peuvent être impactés. Il faudra veiller à ce que cet impact ne soit pas négatif.

Pour l'Europe, en même temps qu'un choc historique, puisque désormais la construction européenne n'est plus irréversible, le référendum a agi comme un révélateur. Il est révélateur de la coupure entre les peuples et l'Europe, car beaucoup des fractures sociales, géographiques, générationnelles, des peurs, - de l'immigration, de la mondialisation - qui se sont exprimées lors de ce référendum, pourraient s'exprimer dans tous les États membres. Même si le Royaume-Uni entretient une relation particulière à l'Union européenne, ce qui s'est exprimé à l'occasion de ce référendum aurait pu s'exprimer aussi dans d'autres États membres.

Il est révélateur aussi des divisions entre les États membres sur la nature même du projet européen, sur les valeurs qui le fondent, sur le degré d'intégration ou de solidarité futures, sur les compétences de l'Union européenne.

Ces divisions viennent s'ajouter à celles préexistantes, qui sont liées aux effets de la crise économique, en particulier entre le Nord et le Sud du continent.

C'est donc le projet européen lui-même et son avenir qui sont en jeu, car le choc du Brexit intervient sur un corps déjà lézardé par une multitude de crises, crise des réfugiés, menace terroriste, crise économique, montée des populismes.

L'Europe doit d'autant plus aborder de façon ordonnée, cohérente, claire, le défi que représente la sortie d'un de ses États membres, qu'elle doit apporter des réponses collectives fortes à la crise européenne, et en particulier à l'attente de protection des citoyens, des frontières, de l'économie, et de notre modèle de société, dans un monde et un environnement troublés. C'est le sens de la feuille de route de Bratislava ainsi que du travail qui est engagé sur l'avenir de l'Union européenne et qui va se poursuivre au cours des prochains mois.

La question du retrait britannique doit donc être traitée dans la clarté. Je veux redire que nous regrettons le choix des Britanniques de quitter l'Union mais nous le respectons. C'est un choix libre, souverain, démocratique quel que soit le jugement que l'on porte sur les arguments qui ont été utilisés.

Nous comprenons que les autorités britanniques aient besoin d'un certain temps – vous avez, monsieur le président, évoqué cette question du calendrier – pour se préparer à la négociation de sortie et à celle ou celles qui, parallèlement, portera ou porteront sur les relations futures entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, mais la période d'incertitude est nuisible à l'économie britannique comme à l'économie européenne. Le plus tôt sera donc le mieux.

C'est pourquoi, le Président de la République a tenu, à ce que plusieurs principes soient rappelés par les vingt-sept États membres collectivement dès le lendemain du référendum. Ce qui fut fait à l'occasion du premier conseil européen qui s'en est ensuivi.

Premièrement, il y a une procédure pour quitter l'Union européenne et il n'y en a qu'une, c'est l'article 50 du traité sur l'Union européenne.

Deuxièmement, il ne peut y avoir de négociation hors de cette procédure, donc pas de pré- négociations qui viseraient à obtenir de tel ou tel État membre ou des Vingt-sept des garanties préalables avant l'ouverture de la négociation de retrait dans le cadre de l'article 50. Cela nous entraînerait dans une logique délétère et dans un processus interminable.

Ce point est particulièrement important, puisqu'une fois l'article 50 activé, celui-ci prévoit un délai de deux ans maximum au terme duquel l'État concerné n'est plus membre de l'Union, sauf accord unanime des autres États membres pour proroger le délai de négociation. Une fois l'article 50 activé, le calendrier est donc balisé et l'Union européenne maîtrise de fait la procédure et la négociation.

Troisièmement, pour les relations futures entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, il y aura un lien entre les quatre libertés du marché unique : la libre circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes. L'accès du Royaume-Uni au marché intérieur européen sera donc conditionné à la liberté de circulation des citoyens européens au Royaume-Uni. C'est un point important à rappeler avant même l'ouverture des négociations.

L'accès au marché intérieur comme à certaines politiques communes sera lié au respect d'un certain nombre d'obligations et à une contribution financière.

Il ne s'agit pas de punir mais de préserver les intérêts de l'Union européenne, son intégrité et sa cohésion.

Sur ces bases, une négociation va donc s'engager dès lors que l'article 50 sera activé.

Quand ? Theresa May a affirmé, cet été, à plusieurs reprises, sa détermination à mettre en oeuvre le Brexit, « Brexit is Brexit », ajoutant qu'elle voulait en faire un succès.

Pour autant, la future position de négociation du Royaume-Uni n'est pas établie à ce stade et un débat a vu le jour au sein du gouvernement britannique entre différentes approches notamment entre ceux qui défendent une sortie rapide de l'Union européenne avec une restriction à la liberté de circulation et ceux qui souhaitent conserver la relation la plus étroite possible avec l'Union européenne incluant le maintien de l'accès au marché intérieur.

Vous entendrez notre ambassadeur au Royaume-Uni, qui vous donnera un éclairage, pris depuis Londres, sur l'état d'esprit qui y règne. L'automne sera consacré à Londres à l'élaboration d'une position de négociation consolidée, car l'on voit aujourd'hui des positions différentes du ministre en charge du Brexit, du ministre en charge de la négociation des accords commerciaux et d'autres qui, sans être directement en charge de la question, ont néanmoins, comme l'actuel ministre des affaires étrangères, joué un rôle très direct dans la campagne du référendum. L'automne sera aussi consacré à recruter des personnels qualifiés pour la négociation future et mon homologue britannique m'a confirmé hier à Bruxelles que l'article 50 ne devrait pas être activé avant la fin de l'année, donc au plus tôt au début 2017. Déclencher la procédure avant le milieu de l'année 2017 est en effet tout à fait souhaitable, compte tenu du renouvellement de la Commission européenne et du Parlement européen à la mi-2019.

Jusqu'à la fin des négociations de sortie, le Royaume-Uni reste membre de l'Union européenne, avec la plénitude de ses droits et de ses obligations. Il contribue au budget, doit transposer les directives, appliquer les règlements, respecter les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne.

Il lui appartient néanmoins de faire de ses droits un usage qui respecte un esprit de coopération loyale. Le renoncement à sa présidence au deuxième semestre 2017 était à cet égard une décision importante et, pour tout dire, incontournable.

Quelles sont les étapes prévues une fois la notification de sortie effectuée ? Conformément à l'article 50 du traité sur l'Union européenne et à l'article 218 – paragraphe 3 – du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, mentionné dans l'article 50, la procédure suivra les étapes suivantes :

1°) le Royaume-Uni notifie au Conseil européen, par exemple sous la forme d'une lettre du Premier ministre britannique au président du Conseil européen, son intention de se retirer de l'Union ;

2°) le Conseil européen, à vingt-sept, fixe des orientations de négociations ;

3°) à la lumière des orientations du Conseil européen, la Commission européenne présente au Conseil une recommandation sur l'ouverture de négociations avec le Royaume-Uni concernant les modalités de son retrait de l'Union européenne, « en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l'Union » ;

4°) le Conseil adopte une décision d'autorisation d'ouverture des négociations et désigne le chef de l'équipe de négociation ;

5°) l'accord est négocié dans un délai de deux ans maximum à compter de sa notification ;

6°) le Parlement européen approuve l'accord de retrait, à la majorité simple ;

7°) le Conseil adopte l'accord au nom de l'Union à la majorité qualifiée. Un seul État membre, qui ne serait pas d'accord avec la solution adoptée, ne pourrait en bloquer l'adoption.

Certaines étapes, à savoir la première, la troisième et la sixième, ne laissent aucun doute quant à leurs modalités d'organisation. D'autres en revanche font naître des questions juridiques et pratiques qui ont provoqué des débats entre la Commission et le Conseil au lendemain des résultats du référendum britannique, notamment la question de savoir qui négocie.

Notre lecture, qui est également celle qui prévaut désormais dans les institutions européennes, est que :

- le négociateur ou le chef de l'équipe de négociation de l'Union émane de la Commission européenne ; c'est un membre du collège, ou une personnalité nommée par lui, qui négocie au nom des États membres ;

- l'équipe de négociation pourrait en revanche comprendre des représentants du Conseil européen, du Conseil ou même du Parlement européen ;

- le Conseil européen pourrait demander, dans ses orientations, à être consulté tout au long de la négociation. En tout état de cause, il assure une surveillance et un suivi de la négociation.

L'intérêt de la France et de l'Union est en effet de trouver le bon équilibre entre la nécessité de garantir une position de négociation unique et claire d'une part, et la prise en compte du caractère exceptionnel de cette procédure et de l'importance pour les États membres de pouvoir garantir un plein contrôle d'autre part.

C'est cette analyse du processus de négociation qui a conduit le président de la Commission à nommer, le 27 juillet dernier, Michel Barnier, à la fonction de négociateur en chef responsable du groupe de travail de la Commission chargé de la préparation et de la conduite des négociations avec le Royaume-Uni au titre de l'article 50 du traité sur l'Union européenne, à compter du 1er octobre 2016. Mais, en réalité, il faudra ensuite une décision pour confirmer qu'il est bien le négociateur au nom du Conseil européen.

L'article 50 établit expressément la distinction entre la conclusion de l'accord de retrait et ses modalités d'une part, et celle d'un accord régissant les relations futures, ce qui implique donc deux négociations distinctes, même si l'article dit que l'un est négocié en tenant compte de l'autre. Cela n'empêche pas qu'il s'agisse du même négociateur, mais il y aura deux accords différents :

- l'accord de retrait devrait régir les modalités institutionnelles et administratives du retrait, y compris d'éventuelles dispositions transitoires ;

- l'accord régissant les relations futures pourra prendre des formes diverses, selon l'option qui sera retenue par le Royaume-Uni et l'Union européenne.

L'articulation entre ces deux accords pourrait se faire au moyen d'un régime intermédiaire.

La deuxième question qui se pose est bien sûr celle de la relation future entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Le Royaume-Uni a vocation à devenir un pays tiers vis-à-vis de l'Union européenne. Il n'aura plus de droit de regard sur le fonctionnement de l'Union européenne.

De nouvelles relations de partenariat étroit seront donc établies, et cela est évidemment nécessaire et souhaitable. Mais nous, Européens, devons penser cette relation future en fonction de nos intérêts, notamment dans les domaines les plus sensibles, en matière économique, de commerce, de régulation financière, de coopération policière et judiciaire, de lutte contre le terrorisme, de migrations, de politique étrangère et de défense.

Quels sont les modèles existants de relations entre l'Union européenne et des États tiers qui sont parfois évoqués, à Londres, à Bruxelles ou dans les États membres, pour les envisager ou pour les écarter ?

Le premier, le plus intégré, souvent qualifié de modèle norvégien, implique une adhésion à l'accord sur l'espace économique européen, entré en vigueur en 1994 et qui lie l'Union européenne, les 28 États membres et trois des quatre membres de l'Association européenne de libre-échange (AELE), à savoir la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein, mais non la Suisse, qui a refusé d'y participer.

Il s'agit en fait d'un stade intermédiaire d'intégration économique entre l'Union européenne et l'AELE. Cette formule serait une réponse évidente à certains objectifs du Royaume-Uni, tels que le passeport en matière de services financiers ou la réduction du coût économique lié à la sortie de l'Union, mais elle se caractérise également par certains éléments qui sont en porte-à-faux direct avec les positions des tenants du Leave lors de la campagne.

S'il retenait le modèle norvégien, le Royaume-Uni ne serait pas en mesure de contrôler comme il l'entend les flux de ressortissants de l'Union, devant appliquer l'ensemble des quatre libertés, y compris la liberté de circulation. De même, il serait tenu d'appliquer le droit de la concurrence de l'Union européenne.

L'espace économique européen est un accord juridique dynamique, qui s'enrichit à mesure que l'acquis communautaire s'accroît. Aussi, si le Royaume-Uni devait opter pour ce modèle, le paradoxe serait qu'il se retrouverait à appliquer les mêmes règles qu'avant, et toutes les législations futures de l'Union, sans pour autant peser sur la prise de décision.

Alors qu'un certain nombre de partisans du Leave avaient fait campagne en dénonçant le caractère intrusif de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, l'adhésion à l'espace économique européen aurait pour effet de maintenir la prééminence de celle-ci sur le droit britannique.

Enfin, la participation à l'espace économique européen se traduirait pour le Royaume-Uni par l'obligation de continuer à contribuer de façon importante au financement de l'Union européenne. Ainsi, sur la période de 2008 à 2014, la contribution de la Norvège a représenté 0,16 % de son PIB, contre 0,25 % pour le Royaume-Uni. C'est donc moins pour la Norvège que pour le Royaume-Uni, mais c'est tout de même significatif.

Le deuxième modèle évoqué est le modèle suisse. La Suisse ayant refusé par référendum en 1992 d'adhérer à l'espace économique européen, elle a développé ses relations avec l'Union européenne sur une base bilatérale, avec la signature d'environ 120 accords qui lui permettent de participer aux politiques de l'Union européenne sur une base négociée au cas par cas.

Ce modèle, appliqué au Royaume-Uni, pourrait lui permettre de préserver davantage sa souveraineté, dans la mesure où chaque accord est négocié de manière bilatérale. Toutefois, la participation de la Suisse à certaines politiques, notamment au marché intérieur, implique une adaptation de la législation suisse afin de la rendre compatible avec la législation de l'Union européenne. En pratique, ils transposent, en matière économique, quasiment toute la réglementation européenne. La Suisse est tenue de respecter la liberté de circulation. Elle se trouve ainsi un peu dans la même situation que la Norvège : elle ne participe pas aux décisions, mais doit transposer les réglementations.

Enfin, la Suisse contribue au financement des politiques européennes auxquelles elle participe, par exemple au programme Horizon 2020. Par ailleurs, l'Union cherche à réformer ce modèle de relations très lourd à gérer. Il serait donc peut-être paradoxal de l'étendre au Royaume-Uni.

Le troisième modèle-type, c'est l'accord de libre-échange doublé d'un partenariat stratégique, ce que l'on appelle parfois le modèle canadien ou le modèle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Fondé sur une double association, à la fois politique et commerciale, il repose sur un accord de libre-échange complet et ambitieux. Encore faut-il, pour pouvoir en parler comme d'un modèle existant, que cet accord économique et commercial global, le Comprehensive Economic and Trade Agreement ou CETA, soit ratifié.

C'est un cadre qui correspond à des économies et des pays qui veulent à la fois des échanges commerciaux et économiques importants et des partenariats étroits avec l'Union européenne tout en étant plus éloignés, moins intégrés, que dans les modèles de partenariat continentaux. Un accord de libre-échange est long et complexe à négocier. L'accord avec le Canada a été négocié pendant sept ans. La période transitoire durant laquelle le Royaume-Uni aurait le statut d'État tiers sans que les nouveaux accords soient finalisés pourrait donc être très importante, longue de plusieurs années.

Dans la période transitoire, le Royaume-Uni se retrouverait dans une situation où tous les accords de libre-échange de l'Union cesseront de s'appliquer à lui. Dès lors, ne bénéficiant plus que de la clause de la nation la plus favorisée, le Royaume-Uni devrait négocier tous les accords existants entre l'Union et les autres membres de l'OMC.

Il est vraisemblable que le Royaume-Uni cherche à échapper aux modèles existants de relations entre l'Union européenne et les pays tiers pour obtenir un statut ad hoc, seul à même de résoudre le triangle d'incompatibilités au sein duquel le Royaume-Uni s'est placé, en recherchant à la fois la pleine souveraineté nationale dans l'adoption du droit matériel, l'intégralité du bénéfice économique lié à l'intégration et la sélectivité dans l'application des règles du marché intérieur.

En réalité le Royaume-Uni va sans doute devoir s'engager dans la négociation d'au moins six accords différents : l'accord de retrait de l'Union européenne ; l'accord commercial futur avec l'Union européenne ; un accord intérimaire couvrant la période entre la sortie de l'Union européenne et l'entrée en vigueur des arrangements définitifs ; la ré-adhésion à l'OMC en tant que pays non membre de l'Union européenne ; les nouveaux accords de commerce avec la cinquantaine de pays dans le monde qui ont des accords de commerce bilatéraux avec l'Union européenne, auxquels s'ajouteront sans doute de nouveaux accords avec d'autres pays, en particulier les États-Unis ou la Chine ; un ou des accords de coopération policière, judiciaire, de politique étrangère, avec l'Union européenne.

Pour la partie qui concerne spécifiquement l'Union européenne, nous devrons, dans cette négociation, veiller à l'équilibre entre accès au marché et obligations, et à ce qu'un État tiers n'obtienne pas plus qu'un État membre, ce qui serait le début d'un détricotage dangereux. Il y a un enjeu de cohésion des Européens.

La France se prépare. Dès le résultat du référendum connu, le gouvernement a mis en place le dispositif lui permettant de se préparer aux négociations à venir. Un travail de cartographie de l'ensemble de nos intérêts est mené sous l'égide du secrétariat général des affaires européennes (SGAE). Je sais que vous allez en entendre le secrétaire général dans quelques instants. Il implique des correspondants dans tous les ministères concernés. Il permettra des arbitrages au plus haut niveau le moment venu. Vous aurez toutes les informations nécessaires lors de votre prochaine audition.

Le ministère des affaires étrangères et du développement international a constitué une task-force dédiée regroupant les agents sectoriels les plus directement concernés de la direction de l'Union européenne et de la direction des Affaires juridiques, chargée notamment d'animer un réseau de points de contacts au sein du ministère et d'assurer un contact quotidien avec les ambassades concernées, en particulier Londres et la représentation permanente auprès de l'Union européenne à Bruxelles. Cette task-force, conduite par le directeur de l'Union européenne et placée sous l'autorité du secrétaire général du ministère, assure le suivi quotidien de la situation.

À ce stade, les différents sujets à traiter paraissent pouvoir s'ordonner selon les catégories suivantes : les sujets pour lesquels le retrait doit être a priori organisé de manière directe et irréversible, par exemple les contributions au budget telles qu'elles existent aujourd'hui, même s'il y en aura peut-être d'autres, dans un cadre juridique différent ; les politiques et réglementations pour lesquelles doivent être envisagées les conséquences du retrait – à cet égard, les options envisageables pour le cadre des relations futures peuvent avoir un impact significatif sur la nature de ces conséquences, qu'il s'agisse de commerce, d'agriculture, d'acier, de la participation à certains programmes, tel Horizon 2020, ou de la liberté de circulation ; les décisions qui reviendront aux Vingt-sept en raison du retrait britannique : il peut s'agir des choix à faire concernant le budget européen – comment se répartir la charge nouvelle née de l'absence de la contribution britannique ? – ou le capital de la Banque européenne d'investissement, principal instrument du plan Juncker, mais aussi de la relocalisation des agences européennes actuellement situées sur le territoire britannique, de la révision de certains textes normatifs, tels que l'accord sur la juridiction unifiée des brevets, du traitement des contingents affectés à l'Union européenne dans le cadre des accords commerciaux et des éventuelles compensations demandées. Un certain nombre de partenaires tiers de l'Union européenne ont un accord avec elle passé en fonction d'un marché de cinq cents millions d'habitants qui ne comprendra plus le marché britannique, ce qui peut conduire à des renégociations.

Afin d'organiser les travaux interministériels, plusieurs blocs ont été définis et font l'objet d'une expertise approfondie : les aspects juridiques et budgétaires ; la liberté de circulation des personnes ; la liberté de circulation des marchandises ; les libertés d'établissement et de prestation de services, hors services financiers ; la liberté de circulation des capitaux et des services financiers ; les politiques communes ; la politique commerciale commune ; la coopération policière et judiciaire ; les sanctions au titre de la politique extérieure et de sécurité commune (PESC) et les aspects communautaires de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC).

Le dispositif en place doit permettre de garantir la meilleure information, l'analyse, la réactivité et l'élaboration des positions françaises à chaque étape de la négociation, en tenant compte de l'intérêt général européen et de nos intérêts nationaux ainsi que de nos accords bilatéraux avec le Royaume-Uni, en particulier en matière de sécurité et de défense.

Voilà, monsieur le Président, mesdames et messieurs les députés, les premiers éléments que je souhaitais vous présenter à l'occasion de cette audition. Il y en a évidemment beaucoup d'autres, qui peuvent par exemple concerner, pour la France, des effets d'aubaine, comme la relocalisation des activités financières, mais aussi être des effets négatifs à redouter.

Je me réjouis que l'Assemblée nationale se soit organisée pour suivre de très près ces négociations pour lesquelles elle aura un rôle très important à jouer, car elles auront des conséquences sur le plan législatif, sur le plan budgétaire et sur le plan de nos accords internationaux. Je vous remercie.

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Monsieur le ministre, vous avez donné une vision très utile et très précise de la façon dont les procédures vont être suivies et de ce que la France attend à cet égard. L'on voit bien – et c'est logique – qu'il y aura un mixte, dans l'équipe de négociation, entre représentants de la Commission et représentants du Conseil. L'on ne saurait avoir que la Commission, comme en matière d'accords commerciaux, ni seulement le Conseil, malgré l'importance politique du sujet.

Du côté français, comment opérera-t-on la synthèse ? Qui sera le chef négociateur français dans ce cénacle autour du représentant nommé par la Commission ? Vous nous annoncez que ce dernier sera le chef de négociation : est-ce décidé ou est-ce la vision française des choses ?

Dans ce dispositif et parmi ces six catégories d'accords, il y a en fait trois grands blocs : la négociation dans le cadre de l'article 50, prévoyant une sortie au plus tard deux ans après son activation ; le statut futur, qui prendra plus de temps ; la renégociation de tous les accords commerciaux. Sur ces deux derniers blocs, avez-vous réfléchi au calendrier possible ? Cette négociation va, sous ces différentes formes, s'étaler longtemps.

Même si j'ai confiance dans la capacité d'organisation de notre pays, comment va-t-on éviter, devant la masse des sujets, d'être noyé politiquement et de ne plus réfléchir à l'avenir de l'Union européenne à vingt-sept ?

Pouvez-vous aussi nous en dire un peu plus sur les lignes rouges françaises ? Certes, j'espère que nous continuerons à tenir bon sur le caractère indissociable des quatre libertés, notamment la liberté de circulation. Mais il est évident que le Royaume-Uni essaiera d'avoir le beurre et l'argent du beurre ou, comme l'on dit là-bas, d'avoir le gâteau et de le manger en même temps. Ce sera le point d'achoppement principal.

Quelle sera l'attitude de nos partenaires ? À Bratislava, l'unité affichée au mois de juin s'est maintenue sur les quatre libertés. Mais cela va-t-il durer et quelle sera la position de Berlin ? La semaine prochaine, la commission des affaires étrangères que je préside se réunira à Berlin avec ses homologues polonaise et allemande. Mon homologue allemand a signé le papier du centre de réflexion Bruegel élaboré notamment par Jean Pisani-Ferry. Avant même qu'aucune négociation ne soit engagée, un statut ad hoc y est déjà envisagé pour le Royaume-Uni, avec des dérogations substantielles à la liberté de circulation, mais aussi un droit de regard sur les activités de l'Union européenne. Or nous savons comment ce simple droit de regard finit souvent par être utilisé à des fins de réelle participation. Voilà ce que j'ai dit à mon homologue allemand, avec lequel j'ai d'ailleurs l'habitude de signer des positions communes. N'y a-t-il pas un risque que l'Allemagne dévie de ses positions de départ, en entraînant la Pologne avec elle ?

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Monsieur le ministre, vous avez évoqué la cohérence et la clarté qui ressortaient à Bratislava. Pour ma part, je n'ai pas l'impression que cela ait été un sommet très réussi.

J'espère que l'on ne va pas maintenir aux Britanniques le passeport nécessaire aux services financiers. Quant à la situation à Calais, je voudrais que l'on cesse d'aider le Royaume-Uni à tenir ses frontières et qu'il les assure lui-même.

En somme, tout le calendrier dépend du Royaume-Uni, puisque c'est lui qui choisit quand appliquer l'article 50. J'imagine aussi très bien qu'une fois l'article 50 enclenché, il sache obtenir une prolongation du délai de deux ans fixé par celui-ci. J'en conçois une inquiétude énorme pour les élections au Parlement européen de 2019. Car j'espère que nous n'aurons plus de députés britanniques au cours de la prochaine législature du Parlement européen.

Lorsque le Royaume-Uni est entré dans ce qui était alors les Communautés européennes, il y eut un référendum consultatif, suivi d'un vote de la Chambre des Communes dans le même sens. Moi qui suis à moitié britannique, je suis choqué que la décision de sortir de l'Union européenne puisse être prise sans accord de la Chambre des Communes.

Quant au chèque britannique, que devient-il ? Nous n'allons pas continuer à l'appliquer ? Il devrait tomber de soi, ce me semble.

L'issue de ce référendum devrait avoir pour conséquence le renforcement immédiat de la zone euro. Or nous ne répondons pas assez vite et assez fort à ce défi, faute d'animer suffisamment le couple franco-allemand. Il faut un président de la zone euro, ainsi que des politiques nouvelles dans le domaine industriel et énergétique. Ce serait la meilleure réponse à donner.

Au cours d'un déplacement que nous avons effectué en Grande-Bretagne, nous avons souvent entendu de nos interlocuteurs qu'ils n'avaient pas cru à la création de l'union monétaire, mais qu'ils devaient constater qu'elle existe désormais bel et bien. Les Vingt-sept devraient répondre de la même manière aujourd'hui à l'euroscepticisme britannique.

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« Je m'envole vers un Orient compliqué », avait un jour déclaré le général de Gaulle… Mais ici, monsieur le ministre, il va falloir faire simple !

Vous avez dit vous-même que la consultation britannique était intervenue sur fond d'un édifice lézardé. Oui, l'Europe est à bout de souffle. Nous devons sortir du logiciel fédéraliste au profit d'une coopération accrue entre les États.

Dans la liste des enjeux bilatéraux, je regrette que vous n'ayez pas cité la défense et la lutte contre le terrorisme, même si nous devons avant tout éviter de casser les relations économiques et commerciales bilatérales.

Le Royaume-Uni a quitté l'organisation internationale qu'est l'Union européenne. Or les organisations internationales ont pour destin de croître, de stagner, puis de péricliter. Il va donc falloir faire différemment. La présidente Élisabeth Guigou évoque le risque qui pèse sur les quatre libertés. Mais le Conseil européen de février 2016 les a lui-même remises en cause, en acceptant que soient restreints les droits des Polonais établis au Royaume-Uni à percevoir les allocations familiales, et en annonçant aussi des modifications à la directive sur la sécurité sociale… Le logiciel européen est à bout de souffle : profitons de cette occasion pour nous poser les bonnes questions.

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Devant ce gâchis, une seule parole nous échappe : tout ça pour ça ! Voilà que, pour des raisons internes à un parti politique au Royaume-Uni, l'Europe entière se trouve devant une tâche immense…

J'ai trois séries de questions à poser.

D'abord, comment faut-il envisager l'attitude du Royaume-Uni pendant la période de transition ? Son commissaire a démissionné, mais un autre est arrivé, qui a pris un portefeuille important, celui de la sécurité. Au Parlement européen, les députés britanniques continuent à voter, tandis qu'au Conseil, les Britanniques sont tantôt présents, tantôt non. Tant que le Royaume-Uni reste membre de l'Union européenne, il continue de détenir un droit de veto sur les décisions, par exemple dans le domaine de la défense, évoqué au sommet de Bratislava. Y a-t-il eu des discussions avec les Britanniques pour être sûrs qu'ils ne bloquent rien ?

Ensuite, il n'est certes pas question d'éjecter le Royaume-Uni de toute forme de coopération. Quelles sont les alternatives envisagées, en matière de défense, en matière d'immigration et en matière économique ? Il me semble que les relations bilatérales devront être renforcées pour remplacer ce qui existe dans le cadre de l'Union européenne : le ministère des affaires étrangères réfléchit-il à des accords bilatéraux ?

Enfin, quel est l'avis de nos partenaires européens sur la question ? Certes, des positions claires ont été prises au dernier sommet. Mais certains ont semblé plus faibles sur la question des quatre libertés. Vont-ils tous tenir bon, ne risque-t-on pas d'assister à un affaiblissement de certaines positions ?

Pour ma part, je regrette que le renforcement de l'union économique et monétaire ait été absent du sommet de Bratislava, comme du discours sur l'état de l'Union européenne tenu à Strasbourg par le président de la Commission européenne. Même s'il faut éviter de briser la dynamique des Vingt-sept, il faut prendre des décisions, car là gît la solution.

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Je voudrais rester sur les aspects politiques. À l'issue du sommet de Bratislava, le premier ministre italien a déclaré qu'il aurait dû marquer un tournant, mais que cela n'avait pas été le cas. Ce constat d'une forme d'impuissance est-il pertinent ?

Tandis que le Royaume-Uni ne déclenche toujours pas la procédure de l'article 50, il donne aussi son feu vert à la construction de deux réacteurs EPR par un géant européen de l'électricité, à savoir EDF. Ces décisions contrastées ne témoignent-elles pas, selon vous, d'une volonté de dire et de ne pas faire ?

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Je vous remercie, monsieur le ministre, pour avoir fait la lumière sur une procédure qui apparaît, en vérité, d'une très grande lourdeur.

Où en sont les Britanniques ? Des amis anglais m'ont confié que Theresa May ne fait qu'atermoyer. Les trois ministres en charge de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne n'étant pas d'accord entre eux, ne faudra-t-il pas sans doute trancher ultérieurement entre eux à la Chambre des Communes ? Tout sera-t-il prêt et la procédure de l'article 50 déclenchée d'ici mars ou avril 2017, de façon à éviter que le Royaume-Uni ne doive participer au renouvellement des institutions européennes en 2019 ?

Ne peut-on envisager de fixer, sur le plan politique, une date-butoir pour le déclenchement de l'article 50 ? Les Britanniques ont marqué leur volonté de sortir, mais ils sont maîtres du calendrier, sur lequel les Vingt-sept n'ont pas de prise. Ce ne serait donc pas extravagant de fixer une limite dans le temps, quitte à faire trancher la question par la Cour de justice de l'Union européenne en cas d'opposition britannique. Car le Royaume-Uni a mis les Vingt-sept dans le fossé en les prenant en otage à force de surenchères populistes.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué une continuité pleine et entière des droits et obligations du Royaume-Uni tant qu'il reste membre de l'Union européenne. Le contenu de l'accord passé en février 2016 est-il aussi toujours valable ? J'espère qu'il tombe.

Comment pourrons-nous suivre, au niveau parlementaire européen ou national, la défaisance des liens du Royaume-Uni avec l'Union européenne ? Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'union économique et monétaire contient, en son article 16, des dispositions sur sa défaisance dont nous pourrions nous inspirer. Le diable est dans les détails et il me semble qu'une surveillance parlementaire secteur par secteur serait nécessaire.

Dans le domaine de l'aviation civile, par exemple, la Commission européenne a enfin reçu un mandat pour négocier avec les pays du Golfe sur les pratiques concurrentielles de leurs compagnies à bas coût. Le Royaume-Uni ne pourrait-il aujourd'hui tirer profit de la situation, en signant des accords directs avec les pays du Golfe, sinistrant ainsi ce mandat de négociation communautaire visant à la protection de toutes nos compagnies historiques ?

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Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre rappel aussi précis qu'efficace. Je ne ferai que deux commentaires, avant de poser une question.

La complexité de la situation tient à la nécessité de tenir en parallèle deux agendas, l'un britannique, l'autre à la fois français et européen. Du côté britannique, le déclenchement et la mise en oeuvre de l'article 50, requérant le cas échéant un vote de la Chambre des Communes, s'apparente à une délicate prise en otage. Car l'agenda français et européen impose dans le même temps de reconstruire les politiques existantes.

Cet été, des visites bilatérales ont eu lieu, notamment celle du ministre des affaires étrangères britanniques, M. Boris Johnson, à Paris fin juillet. À ceux qui aspirent à plus de lisibilité, le statement budgétaire du mois de novembre fournira un point d'appui, laissant entrevoir, par les investissements annoncés, sur quel socle est envisagé l'avenir des politiques sectorielles au Royaume-Uni. Ce sera le début d'une orientation.

Quel sera finalement le modèle retenu pour les relations futures entre l'Union européenne et le Royaume-Uni ? Le modèle suisse, reposant sur l'accord fondateur de 1992, mis à mal par le référendum de 2014, permet d'envisager une période intermédiaire dans le cadre des accords de mobilité, qui prévoit la possibilité de moratoires, de trois à cinq ans, je crois. Cette option helvétique d'un régime intermédiaire servira-t-elle de précédent ? Mais vous avez évoqué de préférence le modèle norvégien.

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Mon inquiétude vient de la perception par l'opinion publique de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Certains rêvent de voir la France suivre le même chemin en posant la question de son appartenance à l'Union européenne. Pour beaucoup de Français, la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne est déjà effective… Je regrette que le processus en cours ne soit pas davantage vulgarisé, ni par la presse, ni par des prises de position nationales, ni même par nos eurodéputés, très discrets sur le sujet.

Ayant un pied à la fois en France et en Italie, je m'aperçois que c'est tout le contraire qui se passe dans ce pays : le président du Conseil Matteo Renzi, et même le président de la République, malgré son statut particulier, évoquent la question, tout comme les eurodéputés italiens, comme je m'en aperçois en lisant quotidiennement La Stampa.

En France, une sortie de l'Union européenne est perçue comme ne provoquant aucune catastrophe, ni pour le pays concerné, ni pour l'organisation elle-même. Même le risque lié aux devises est méconnu, malgré l'effondrement de la livre sterling, qui paraît avoir atteint un plancher. Je voudrais qu'il y eût plus de prises de parole et une meilleure prise de conscience. Car il ne faudrait pas que cet enjeu soit biaisé par une méconnaissance complète de la situation. Si vous faites une recherche sur internet au sujet de la chute de la livre sterling, sur les trois derniers mois, vous ne trouverez que trois occurrences, contre 450 pour la presse italienne… Il me semble que le Gouvernement devrait s'exprimer davantage.

Sur le fond, comme l'a dit la présidente Élisabeth Guigou, il faudra éviter d'accorder in fine un statut dérogatoire au Royaume-Uni une fois dehors, après lui en avoir accordé un quand il était au-dedans. Cela décrédibiliserait définitivement l'Union européenne au niveau national.

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Monsieur le ministre, comme notre collègue Gilles Savary, je serais heureux de savoir s'il est envisagé de fixer une date-butoir à l'activation de l'article 50, pour éviter toute possibilité de blocage de la part de la Grande-Bretagne. Je souhaiterais également connaître votre sentiment sur la présence des institutions européennes au Royaume-Uni à l'avenir, s'agissant par exemple du siège de l'agence européenne en charge du médicament. Des négociations ont-elles été entamées pour savoir si les accords Erasmus, qui permettent à de nombreux étudiants d'aller étudier au Royaume-Uni, paraissent ou non susceptibles d'être maintenus ?

N'est-il pas souhaitable d'accélérer la mise en place du gouvernement de la zone euro souhaité par le président de la République et annoncé à Strasbourg ? Quelle est la position du Gouvernement sur cette question ?

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Monsieur le ministre, dans votre propos liminaire, vous avez évoqué des visions différentes du projet européen et la nécessité d'apporter des réponses collectives fortes à la crise européenne. Mais quelle est la vision exprimée par la France ? À Bratislava, nous avons assisté à un sommet défensif. Va-t-on renforcer l'aspect économique de la construction européenne ?

La répartition obligatoire de quotas de migrants n'était pas une bonne chose. Voilà que le président de la République a opéré un virage 180° sur la question, après l'Allemagne et la Commission européenne… En vérité, la France est affaiblie parce qu'elle ne tient pas ses engagements. En outre, le couple franco-allemand est contourné par des actes comme la participation au sommet des partenaires méridionaux.

Qu'en est-il de l'avenir des agences européennes au Royaume-Uni ? Je voudrais qu'une étude soit menée également sur l'implantation des sièges sociaux de grands groupes internationaux. Un groupe de travail devrait être mis en place à Bercy, pour savoir comment en bénéficier davantage par des rapatriements vers le territoire français de ces centres de décision.

Par ailleurs, j'ai été choqué par un événement pour ainsi dire passé sous silence. Dans la dignité, le commissaire anglais Jonathan Hill a démissionné à l'annonce des résultats du référendum. Pour la bonne application des traités, la Commission européenne a exigé que le Royaume-Uni désigne de nouveau un membre du collège : ce fut Sir Julian King, certes connu et apprécié chez nous pour son ambassade à Paris, mais à qui fut tout de même attribué le portefeuille de la sécurité, objectif prioritaire de l'Union européenne si l'on en croit les conclusions du dernier sommet de Bratislava… Comment nos concitoyens peuvent-ils, dans ces conditions, adhérer au projet européen ? La France doit faire entendre sa voix et s'opposer à ce type de décision.

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Je n'aurais rien à ajouter à la deuxième partie de l'intervention de notre collègue Luc Chatel.

La question de la cellule de suivi nous rappelle qu'il faut bien distinguer entre la question des suites directes du référendum britannique et celle, plus institutionnelle, des négociations à entamer. La perspective du Brexit a forcément entraîné un certain nombre d'anticipations liées à l'éventualité de ce qui pourra se passer. Les acteurs économiques n'attendent pas de prise de décision officielle pour envisager des implantations nouvelles ou une relocalisation d'une part de leurs activités. Dans un domaine que je connais bien, celui de l'aviation, les compagnies songent d'ores et déjà à prendre des licences dans d'autres pays. Telles sont les suites concrètes du référendum britannique. De ce point de vue, y a-t-il une cellule de suivi qui permette de compiler ces questions et de faire le point sur notre attractivité ? Car il faudra anticiper et accompagner les décisions des acteurs économiques. En tout état de cause, les suites du référendum britannique ne seront pas seulement de nature institutionnelle.

Par ailleurs, qu'est-ce qui est mis en place pour rassurer les nombreux ressortissants français sur le territoire britannique, à un moment où il est question de remettre en cause la liberté de circulation ? Un fil permanent d'information devrait être assuré, même si leurs inquiétudes peuvent aussi s'exprimer par la voix de leurs représentants élus.

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Je voudrais dire un mot en réaction à notre collègue Luc Chatel. Heureusement que la France est là et que, depuis quelques années, elle tient mieux ses engagements qu'il y a trois ou quatre ans. Elle peut être ainsi le pays le plus ferme, pour refuser notamment d'accorder au Royaume-Uni le bénéfice de l'accord antérieurement accordé à David Cameron. Je m'associe sur ce point aux demandes de notre collègue Jacques Myard.

La meilleure façon de faire pression sur le Royaume-Uni est de faire avancer l'Union européenne. Quels types de moyens de pression avons-nous sur le Royaume-Uni pour qu'il ne diffère pas indéfiniment l'activation de l'article 50 ? Je trouve fâcheux qu'il n'ait pas été question, à Bratislava, du renforcement de la zone euro.

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Le Financial Times faisait état hier des déclarations surprenantes du premier ministre slovaque, M. Robert Fico, qui a annoncé que les conditions de sortie seraient très douloureuses pour le Royaume-Uni et que l'Union européenne saisirait l'occasion de dire ainsi : « Maintenant vous allez voir pourquoi il est important de rester dans l'Union européenne », ajoutant que « même si la Grande-Bretagne est la cinquième économie mondiale, ce sera très douloureux pour le Royaume-Uni ». Cet avis est-il partagé au Conseil européen ? Quel degré d'unité entre les chefs d'État et de gouvernement y ressentez-vous ?

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Harlem Désir, secrétaire d'état auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes

Dans l'Union européenne, l'unité est un combat, où le couple franco-allemand joue d'ailleurs un rôle décisif.

S'agissant de la négociation, il est clair qu'elle se déroulera au niveau européen et qu'il n'y aura donc pas un négociateur par État membre. Pour coordonner la position française, la synthèse qui devra s'opérer en France se fera autour du président de la République et du premier ministre, pour une meilleure préparation des arbitrages. Selon le type du groupe de travail retenu au niveau européen – et nous souhaitons qu'il se mette en place sous l'égide de Michel Barnier, nous verrons s'il y aura un représentant de la France.

Quant au passeport nécessaire pour les services financiers au sein de l'Union européenne, il n'est pas possible que des établissements bancaires qui ont un siège au Royaume-Uni continuent à opérer dans les mêmes conditions, alors qu'ils seront désormais hors de la supervision de l'Union européenne. Malgré les réticences de la Banque centrale européenne, la Cour de justice de l'Union européenne avait jugé qu'il est possible que les compensations en euros aient lieu hors de la zone euro, mais seulement si elles se font dans l'Union européenne. Elles ne seront donc plus possibles à Londres.

Il y aura des lignes rouges, comme la liberté de circulation. Si jamais le Royaume-Uni veut un accès au marché intérieur, il devra la respecter pleinement.

Pour l'accord de février, il est caduc ! Les dispositions en cause, acceptées comme conditions d'un maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne, ne tiennent plus. Elles ne remettaient d'ailleurs pas en cause la liberté de circulation, mais posaient seulement des conditions à l'attribution de certaines prestations sociales.

J'en viens à la position de nos partenaires et aux réactions du premier ministre slovaque. Elles montrent que la ligne de la fermeté est suivie, même par des pays qui pouvaient, par exemple en Europe centrale, sembler plus sensibles aux pressions britanniques. Nous avons été d'emblée les plus clairs et les plus fermes sur le calendrier ; nous partageons aujourd'hui cette position avec l'Allemagne.

Certains m'ont demandé comment forcer les Britanniques à activer l'article 50. Mais la question est plutôt de tenir bon sur le fait qu'une sortie de l'Union européenne ne peut avoir lieu sans activation de l'article 50. Theresa May a déclaré qu'elle a reçu un mandat pour sortir de l'Union européenne. Les Vingt-sept l'ont invité à le faire, en rappelant que la sortie de l'Union européenne passait par l'article 50 et qu'elle était alors inéluctable au plus tard deux ans après. Tant que le Royaume-Uni n'est pas sorti, il reste sous la juridiction de la Cour de justice de l'Union européenne, il doit continuer de transposer les directives et de respecter la liberté de circulation… Il faut donc être clair sur la question de l'article 50 et le refus de toute pré-négociation.

Concernant un vote de la Chambre des Communes sur la notification, même si des députés nationaux en réclament un, le cabinet britannique ne le juge pas nécessaire. Mon homologue me l'a dit encore hier à Bruxelles, en m'assurant que l'activation de l'article 50 ne serait pas soumise à un vote parlementaire. Mais l'accord de retrait le sera naturellement, puisqu'il devra être ratifié par la Chambre des Communes.

Cette négociation ne doit pas cependant pas résumer l'agenda européen et absorber toutes les énergies. L'essentiel, c'est ce que nous allons faire à vingt-sept.

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Harlem Désir, secrétaire d'état auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes

Nous n'avancerons pas si le coeur de l'Union européenne ne progresse pas en matière de cohésion sociale, en accroissant la prospérité et le plein emploi. Aujourd'hui, la protection apportée par l'Union européenne n'est pas suffisante en termes d'emploi, de croissance et d'investissements. En tout état de cause, l'essentiel se joue désormais entre les vingt-sept États membres présents à Bratislava et les dix-neuf États membres de l'union économique et monétaire.

Oui, Monsieur Luc Chatel, nous devons en effet avancer. Mais ne nous plaignons pas que la France soit au coeur de nombreux formats de discussion qui ont eu lieu pour préparer le sommet de Bratislava, tantôt avec l'Allemagne, tantôt avec l'Allemagne et l'Italie, à Berlin puis à Ventotène, tantôt avec les partenaires d'Europe du Sud, à Athènes, où Mariano Rajoy était d'ailleurs également présent : nous avons en effet en commun une vision de l'engagement européen autour de la Méditerranée, mais aussi dans le domaine économique et monétaire. Oui, la France est, dans l'Union européenne, au coeur du dialogue entre Nord et Sud, entre Est et Ouest, entre membres et non membres de la zone euro.

Monsieur Myard, nous voyons aujourd'hui ce que signifie pour un pays la sortie de l'Union européenne. Ceux qui l'ont proposé au Royaume-Uni sont bien en peine de voir comment cela peut se passer. Or des gens proposent en France de faire la même chose, sans avoir d'idée plus claire sur la suite. Notre conviction était qu'il était préférable que le Royaume-Uni soit dans l'Union européenne, mais la construction européenne pourra se poursuivre sans lui, si nous savons répondre à la fois à des défis nouveaux et à des questions anciennes.

Ainsi, l'Europe de la défense peut connaître aujourd'hui de nouvelles avancées, sous l'impulsion de la France. Non, Monsieur Philip Cordery, le Royaume-Uni ne saurait user en ce domaine d'un droit de veto. Car le format de la coopération structurée permanente qui peut y être utilisé ne requiert pas l'unanimité, ni des Vingt-huit, ni des Vingt-sept. Les ministres français et allemand de la défense, Ursula van der Leyen et Jean-Yves Le Drian ont signé à ce sujet un document commun fixant des objectifs précis. Mais d'autres États membres veulent aussi prendre part à ces avancées, notamment pour protéger les frontières communes.

Est-ce vraiment nous qui avons opéré un virage à 180° sur la question ? Nous avons au contraire dit dès le début que la solution passait par une réponse globale à la question migratoire, un contrôle des frontières, un corps européen de garde-côtes et de gardes-frontières, un dispositif semblable à l'electronic system for travel authorization (ESTA) américain pour les entrées et sorties au sein de l'Union européenne, et une coopération accrue avec les pays d'origine et de transit.

Monsieur Cordery, la France a en effet de nombreux accords bilatéraux avec le Royaume-Uni. L'issue du référendum n'aura par exemple pas d'impact sur l'accord du Touquet, relatif à la surveillance de Calais et aux questions migratoires. Négocié par la précédente majorité, il a été révisé au cours du dernier sommet franco-britannique pour prévoir une contribution financière plus importante du Royaume-Uni. Mais nos accords bilatéraux les plus importants sont ceux de Lancaster House, en matière de défense : passés hors du cadre de l'Union européenne, ils seront préservés, quoi qu'il arrive.

S'agissant de la coopération en matière de recherche ou d'aéronautique, par exemple de la participation au programme Horizon 2020, il faudra voir si le Royaume-Uni veut que ses universités et ses centres de recherches continuent d'y participer. Mais des accords bilatéraux complémentaires sont certainement à envisager aussi dans le domaine de la recherche.

En ce qui concerne la réaction de l'Italie, je voudrais rappeler que la situation y est dominée par la crise des réfugiés et par le sentiment que l'Europe centrale ne pratique pas toujours la solidarité ; nous avons en effet observé une absence d'engagements nouveaux à Bratislava. Maintenant que l'accord avec la Turquie est en place et a réduit les passages dans la mer Égée, l'Italie est le principal pays d'accueil dans l'Union européenne, et même dans le monde, en recevant de manière contrôlée chaque année 150 000 personnes. Cela est lié à la situation en Libye et à l'application du droit de la mer que l'Union européenne reconnaît et pratique, notamment en déployant la force navale de l'Union européenne en Méditerranée, dans le cadre de l'opération Sophia.

Monsieur Savary, le cabinet de Theresa May estime qu'il n'a pas à obtenir de vote de la Chambre des Communes pour activer l'article 50. Ses membres paraissent regarder toutes les options qui sont devant eux, sans y avoir encore fait de choix à ce stade. Certains espèrent que, dans l'intervalle, une prise de conscience se produise et qu'un nouveau référendum ou de nouvelles élections législatives permette de revenir sur les résultats du référendum de juin. Mais ce n'est pas l'intention du gouvernement britannique actuel.

Le taux de participation au référendum était en effet très élevé et semble rendre inéluctable une sortie. Il s'agit d'un fait historique qui ne pourra pas être remis en cause par le gouvernement britannique. Peut-être qu'il en ira différemment dans une ou deux générations. Mais, pour l'instant, nous n'en sommes certainement pas là.

Oui, j'approuve la suggestion d'une surveillance parlementaire sur le suivi des négociations, dans les différents secteurs. Monsieur le président Le Roux, vous avez tout à fait raison d'évoquer en particulier le secteur de l'aviation.

S'agissant de la Suisse, les relations entre elle et l'Union européenne sont compliquées depuis le référendum de 2014. La confédération constate aujourd'hui qu'elle doit trouver une formule constitutionnelle interne pour apporter à ce dernier une réponse sans remettre en cause le principe de la liberté de circulation, sous peine de perdre son accès au marché intérieur.

Il faut certes penser aux intérêts français, notamment dans le domaine des services financiers. Des retombées positives sont possibles, car certaines activités pourraient être relocalisées en France. Le 6 juillet 2016, le premier ministre a annoncé des mesures fiscales sur l'impatriation et une baisse de l'impôt sur les sociétés, ainsi que la création d'un point d'entrée unique pour ceux qui voudraient s'installer en France. Il a annoncé que des sections internationales seraient ouvertes autant que nécessaire dans les établissements scolaires. Car nous devons être conscients que, vu les enjeux, il y aura de la compétition.

En ce qui concerne le commissaire britannique, nous sommes dans une situation contradictoire, puisque la démission de Jonathan Hill a seulement conduit à la désignation d'un nouveau commissaire britannique. Au sein du collège de la Commission européenne, tous les commissaires ont toujours eu une responsabilité... Par ailleurs, nous apprécions, pour sa personnalité, le nouveau commissaire Julian King. Évitons seulement qu'en 2019, le Parlement européen et la Commission européenne soient renouvelés en tenant compte du Royaume-Uni, qui veut et qui doit sortir.

Pour nous, l'essentiel reste cependant de faire avancer l'Union européenne à vingt-sept, de même que l'union économique et monétaire.

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Vos propos apportent pleinement sa justification, s'il en était besoin, à la création de notre mission d'information. En effet, l'on comprend bien la nécessité d'associer le Parlement au suivi des négociations et des conséquences du référendum, qui peuvent être aussi bien positives que négatives pour notre pays.

La commission procède à l'audition de M. Philippe Léglise-Costa, secrétaire général des affaires européennes.

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Monsieur le secrétaire général, soyez le bienvenu. Les auditions que nous menons aujourd'hui tendent à faire le point sur la question du Brexit, trois mois après le référendum. Nous venons d'interroger le secrétaire d'État chargé des affaires européennes sur les lignes rouges fixées par la France et sur la position des autres États membres de l'Union. Nous souhaitons maintenant vous entendre traiter des aspects techniques et juridiques de la question.

Comment s'organise l'administration française pour préparer ces négociations ? Une structure spécifique a-t-elle été installée ? Quelles ressources seront mobilisées ? Quels travaux ont été engagés ? Comment les autres États membres ont-ils décidé de s'organiser ? Comment envisagez-vous les modalités et le format de la négociation ? Comment s'articuleront la négociation du retrait et celle des relations futures ? Quels contacts avez-vous avec vos homologues des autres États membres et qu'en retirez-vous ? Au Royaume-Uni, l'ancienne direction EGIS du Cabinet Office, l'équivalent du secrétariat général aux Affaires européennes, a été intégrée au nouveau ministère du Brexit ; comment vos relations s'organisent-elles ?

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Philippe Léglise-Costa, secrétaire général des affaires européennes

Monsieur le Président, Madame la Ministre, Messieurs les députés. Le champ à couvrir étant très vaste, nous avons constitué dès le début du mois de juillet un groupe de travail interministériel qui réunit environ 45 dirigeants d'administrations ou leurs représentants. Ils peuvent se retrouver soit en réunion plénière, comme nous l'avons fait en juillet, soit dans des réunions spécialisées. Pour animer le groupe dans ces formats spécialisés, nous avons désigné des référents par domaine au sein du secrétariat général des affaires européennes (SGAE) – ils sont une quinzaine – et nous recrutons de surcroît une petite équipe qui se consacrera pleinement à la négociation avec le Royaume-Uni. C'est donc une architecture en trois cercles : cette équipe, avec un responsable à sa tête placé auprès du secrétaire général des affaires européennes et chargé d'animer les travaux au sein de l'administration française, les réflexions au sein du SGAE et enfin les correspondants dans chaque administration, qui peuvent eux-mêmes mobiliser des ressources… . En tout, une soixantaine de personnes forment ainsi cette structure interministérielle.

Nous sommes à la première étape de nos travaux : la préparation de la négociation. Nous avons demandé à chaque administration de présenter, pour leur domaine respectif, l'évaluation de l'enjeu tant au regard des intérêts français que de ceux de l'Union à vingt-sept et, c'est possible puisqu'une part d'indétermination demeure, les options envisageables pour la négociation. En nous fondant sur ces évaluations sectorielles, nous pensons élaborer pour le mois d'octobre une première analyse d'ensemble. Elle sera soumise au président de la République et au Gouvernement qui nous donneront leurs orientations. Cela nous permettra d'engager des discussions techniques spécifiques avec nos interlocuteurs dans les capitales des Vingt-sept et avec la Commission européenne afin de faire converger nos analyses sur la manière dont cette négociation inédite se présente.

Dans les autres États membres, les dispositifs sont plus ou moins avancés. Les Allemands ont créé une structure comparable à la nôtre, logée au ministère des affaires étrangères puisqu'il n'y a pas de SGAE en Allemagne. Les pays plus petits se concentrent sur certains intérêts, et chacun a en tête le même calendrier : il faudra, à la fin de l'année, avoir les idées claires sur les orientations politiques, de manière que si le Royaume-Uni notifiait son retrait de l'Union au début de 2017, ce qui est notre hypothèse de travail, le Conseil européen soit prêt à arrêter les orientations qui permettront d'engager la négociation. Dans cet esprit, nous avons commencé à vérifier, avec l'Allemagne et avec la Commission européenne en particulier, que notre méthodologie est la même. La Commission européenne s'organise de manière comparable à la nôtre sachant que, dès lors qu'elle sera directement chargée de conduire la négociation, les ressources mobilisées seront plus importantes: une équipe d'une vingtaine de personnes a été constituée autour de M. Michel Barnier et elle pourra mobiliser l'expertise nécessaire dans l'ensemble des directions générales. Au secrétariat général du Conseil, une équipe plus restreinte a été constituée, dirigée par M. Didier Seeuws que nous connaissons bien car il a été le chef de cabinet de M. Herman Van Rompuy. Elle pourra suivre directement les travaux de la Commission européenne. La situation du Royaume-Uni est beaucoup plus complexe : outre qu'il devra mener pour son compte cette négociation, il lui faudra mener en profondeur sa stratégie administrative et économique dans de nombreux domaines. Les Britanniques sont en train de constituer une administration spécialisée pour le Brexit. Elle sera dirigée par M. Oliver Robbins, haut fonctionnaire proche de Mme Theresa May qui connaît en partie les affaires européennes mais qui est surtout un spécialiste de la sécurité. Il aura une double casquette : il sera responsable de cette administration sous l'autorité du ministre chargé de la sortie de l'Union européenne M. David Davis d'une part, et il est en même temps amené à être sherpa de la Première ministre d'autre part.

L'organigramme de l'équipe britannique est encore lacunaire. On y voit des directions horizontales et trois directions sectorielles. L'une est chargée du marché intérieur et une autre de la justice, de la sécurité et des migrations ; la troisième du commerce. Le gouvernement du Royaume-Uni compte aussi outre M. Boris Johnson, ministre des affaires étrangères dont les ressources administratives chargées des affaires européennes seront pour une grande part transférées à l'administration de M. Davis, un ministre du commerce international en la personne de M. Liam Fox.

Constituer une administration n'est pas chose aisée, si bien que le Royaume-Uni rencontre des difficultés administratives qui s'ajoutent, comme le ministre vous l'a sans doute dit tout à l'heure, à des divisions politiques sur la stratégie à suivre. S'ensuivent une forme de désarroi et une certaine désorganisation, si bien que, du fait de cette relative impréparation, nos contacts avec les Britanniques en sont à un stade très préliminaire. Comme vous le savez, les Etats membres à Bruxelles interdisent toute pré-négociation avant que le Royaume-Uni ait notifié son retrait de l'Union – c'est de bonne pratique, puisqu'il n'y a pas dans cette période de position à vingt-sept à développer, les seuls contacts envisageables devront être destinés à favoriser une préparation britannique qui aboutisse à une stratégie compatible avec les conditions posées par les Vingt-sept dès la fin du mois de juin dernier.

J'en viens à la durée et au format des négociations. Comme le prévoit l'article 50 du Traité, aussitôt que le Royaume-Uni aura notifié son intention de se retirer de l'Union européenne, le Conseil européen à vingt-sept arrêtera des orientations sur les négociations visant à la conclusion d'un accord fixant les modalités de ce retrait. L'exercice étant inédit, on ne sait pas encore précisément quelles seront ces orientations. On peut toutefois imaginer qu'elles définiront les structures et le processus de la négociation, l'équipe qui la mènera – très vraisemblablement dirigée par la Commission européenne mais à laquelle pourront éventuellement être associés des membres du secrétariat général du Conseil – ainsi que les modalités de son suivi. Ce suivi, nécessairement étroit, pourrait impliquer les Représentations permanentes des États membres à Bruxelles chargées d'assurer la circulation des informations entre les négociateurs et les capitales des Vingt-sept ainsi que des correspondants dans ces capitales, probablement les sherpas des chefs d'État et de Gouvernement ou leurs représentants, le Conseil européen étant lui-même amené à être particulièrement engagé.

Les orientations du Conseil européen porteront donc pour partie sur la structure et le pilotage de la négociation. Il arrêtera également les principes qui devront la guider, à la lumière de ce qu'aura proposé le Royaume-Uni, mais qui seront évidemment fondés sur les intérêts des Vingt-sept. Les sujets plus techniques feront l'objet d'une recommandation de la Commission européenne qui, une fois adoptée par le Conseil, formera un mandat détaillé pour engager la négociation avec le Royaume-Uni.

Une fois engagée, la négociation devrait en principe se dérouler en deux ans. Trois hypothèses sont en principe envisageables. La première est que nous parvenons effectivement à conclure dans ce délai un accord avec le Royaume-Uni ; dans ce cas, le retrait se fera aux conditions convenues avec, éventuellement, une période de transition. La deuxième hypothèse est que la négociation n'a pu aboutir en deux ans et qu'un ou plusieurs États membres considèrent qu'elle a assez duré ; dans ce cas, elle peut s'interrompre. C'est un facteur de pression pour conclure en deux ans, et le rapport de forces restera d'autant plus favorable aux Vingt-sept qu'ils resteront unis. La troisième hypothèse, théorique à ce stade, est que la négociation est inaboutie au terme de deux ans, mais que les Vingt-sept considèrent unanimement qu'il vaut la peine de la poursuivre, pour une durée à déterminer.

Notre hypothèse de travail est donc que la négociation s'engagera au début de l'année 2017 pour s'achever début 2019. C'est une durée courte, mais raisonnable et logique étant donné les contradictions que peut provoquer au fil des mois la participation du Royaume-Uni à une Union européenne dont il se prépare dans le même temps à sortir, et elle correspond également aux échéances internes à l'Union. En 2019 se tiendront en effet les élections européennes, le renouvellement des institutions et le parachèvement du futur cadre financier pluriannuel. Il y aurait une sorte de paradoxe à négocier ces sujets et à procéder à des élections européennes à vingt-huit avec le Royaume-Uni.

Vous m'avez interrogé sur l'articulation entre la négociation du retrait et la question des relations futures entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. La négociation qui se déroule dans le cadre de l'article 50 du Traité porte sur les modalités du retrait, non sur les relations futures en tant que telles. C'est logique sur le plan juridique : la méthode et le champ de la négociation sur les modalités du retrait diffèrent de ceux qui vaudront pour la négociation des relations futures avec un État qui sera devenu un pays tiers ; un autre mandat sera donc nécessaire. C'est logique aussi sur le plan politique, car se contraindre à conclure un accord avec le Royaume-Uni sur les relations futures pour qu'il puisse se retirer de l'Union serait se mettre entre ses mains, puisqu'il déciderait lui-même du moment où il serait satisfait de ces relations futures avant de se retirer effectivement. Ce n'est pas envisageable, et le Traité est plutôt bien rédigé de ce point de vue, puisqu'il permet aux Vingt-sept de garder la main, de décider quand le Royaume-Uni se retirera et, donc, de l'amener à proposer des solutions raisonnables pour son propre statut futur. Cela dit, il y a un intérêt à avoir en tête ces relations futures durant la négociation. Si, par exemple, nous savons que l'objectif est de conclure un accord de libre-échange avec le Royaume-Uni, futur pays tiers, nous pouvons décider d'une période de transition qui évitera de devoir reconstituer des droits de douane et de subir les à-coups subséquents.

Pour autant, ce n'est pas une obligation, et l'on ne peut exclure une sortie sèche. C'est d'ailleurs l'une des options discutées à Londres, où se confrontent plusieurs écoles de pensée et où certains responsables qui avaient milité en faveur de la sortie pendant la campagne référendaire considèrent que leur pays y a intérêt. Selon eux, le Royaume-Uni devrait se limiter à être membre de l'Organisation mondiale du commerce, du Conseil de l'Europe et de l'Alliance atlantique et élaborer une stratégie économique fondée sur l'établissement d'une plateforme dérégulée aux portes de l'Union européenne – ce qui nous amènerait à prendre d'autres protections pour les Vingt-sept. Il peut y avoir, pour certains, une logique économique à procéder de la sorte, et si ce n'est pas nécessairement le choix de Mme Theresa May, il ne faut pas exclure que tel soit l'aboutissement de cette négociation.

Une autre logique, moins radicale, consiste à prévoir de futures relations structurées entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, en respectant le principe de l'équilibre entre les droits et les obligations. Dans ce cas, l'accord sur les modalités de retrait devrait prévoir des modalités de transition, ce qui donnerait le temps de négocier les relations futures une fois le Royaume-Uni sorti. L'articulation entre les deux négociations dépend donc pour beaucoup du choix du Royaume-Uni et de l'état d'avancement de la négociation sur les modalités de retrait au terme de deux ans, celle-ci pouvant définir une période de transition vers des relations futures qui seraient donc envisagées mais non encore conclues.

Voilà pour le cadre et la méthode. Sur le fond, le travail interministériel a été réparti en blocs de sujets. Le premier bloc a trait aux questions institutionnelles et administratives, ce qui est au coeur du retrait d'un État membre. Il y aura bien sûr le départ des parlementaires européens et du commissaire britanniques, mais d'autres questions complexes devront être réglées, dont celle du sort des fonctionnaires européens britanniques qui ont des droits et dont il faudra déterminer le statut. Le retrait britannique signifie également la cessation de la contribution du Royaume-Uni au budget européen. Des paiements ont lieu qui correspondent à des engagements pris ; il faut prévoir une période de transition et s'assurer que le Royaume-Uni ne demandera pas des paiements sur son territoire alors qu'il aura mis fin à sa contribution. De même, le Royaume-Uni devrait sortir du capital de la Banque européenne d'investissement (BEI). Dans un autre domaine, une série de contentieux sont en cours devant la Commission européenne, la Cour de justice ou le Tribunal, qui peuvent concerner les droits des personnes établies dans l'Union Européenne à vingt-sept ; il faudra prévoir le bon aboutissement de ces procédures dans les modalités du retrait britannique. Il faudra aussi trancher le cas de l'Agence bancaire européenne et de l'Agence européenne des médicaments, sises au Royaume-Uni, et celui de la section de la division centrale du tribunal de première instance de la juridiction unifiée des brevets, qui devait s'établir à Londres.

Ainsi, en conséquence du premier bloc qui concerne le retrait au sens strict, un deuxième bloc de sujets devra être examiné : les décisions, à prendre à vingt-sept, entraînées par le retrait. La plus concrète est celle du déménagement des agences européennes installées au Royaume-Uni : où migreront-elles ? Traditionnellement, ces discussions sur les sièges ne sont pas simples. De même, le budget européen sera amputé de la contribution britannique nette, qui s'établit, bon an mal an, à 7 milliards d'euros. Réduira-t-on la voilure sur les fonds structurels, la politique agricole commune, les politiques européennes en général, ou bien les autres États membres compenseront-ils ? Y aura-t-il un compromis ? Ces décisions doivent être discutées parallèlement aux modalités de retrait de manière qu'au moment où le Royaume-Uni sortira effectivement, l'Union européenne soit en ordre de marche.

Le troisième bloc a trait à l'ensemble des législations et réglementations, les politiques communes. Sur ces sujets, il est possible d'envisager une transition vers un autre statut, pour le Royaume Uni comme pays tiers aujourd'hui indéterminé, et qui peut être plus ou moins proche du corpus européen selon ce que le Royaume-Uni acceptera comme obligations et ce que les Vingt-sept décideront. Au nombre des grands sujets à traiter, il y a le droit des personnes : ceux des Européens installés au Royaume-Uni – où l'on dénombre environ 300 000 français – et ceux des citoyens britanniques installés sur le territoire des Vingt-sept – ils sont quelque 200 000 en France. Tous ont des droits liés à l'Union européenne pour leur séjour, l'accès aux soins, l'accès au travail, la coordination des régimes de sécurité sociale… Faudra-t-il, ou non, prévoir une phase de transition vers un autre statut ? Si ce statut est celui de pays tiers, les personnes concernées pourraient évidemment perdre une partie de leurs droits.

Autre sujet d'ampleur : le marché intérieur des biens et des services – j'écarte pour l'instant les services financiers, sur lesquels je reviendrai. Il s'agit de questions très complexes qui ne se limitent pas aux échanges et aux droits de douane puisqu'il faudra traiter aussi de la protection des consommateurs, des questions de sécurité, des normes environnementales, de la certification, du droit des sociétés, de la fiscalité, de la TVA, des droits d'accise et d'autres sujets très difficiles, tels que le commerce électronique et la compétence des juridictions. L'enjeu est complexe et lié à l'avenir des échanges entre le Royaume-Uni et l'Union européenne en matière de biens et de services. Dénouer l'écheveau constitué en plus de quarante ans sera redoutablement compliqué et conduira à des choix de lourde portée si l'on devait en venir, ce qui est le plus probable, à des relations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni qui ne soient pas celles du marché intérieur mais définies par un accord spécifique.

Les services financiers seront traités à part, même s'il y a bien sûr une logique d'ensemble à respecter. La question est en effet particulièrement sensible, en raison du poids de la City, de la place des institutions financières britanniques dans le financement de l'économie des Vingt-sept et de l'avantage que confèrerait au Royaume-Uni, en ces matières, un accès au marché intérieur sans être tenu à l'ensemble des contreparties qui s'imposent dans l'Union Européenne et qui sont très importantes, puisqu'il s'agit de l'application au de toutes les régulations européennes et de toutes les garanties de leur application effective– la Cour de justice et la supervision bancaire. On ne peut concevoir que les institutions financières britanniques continuent de disposer d'un « passeport européen » et conservent leur place dominante sur le continent sans devoir se plier à l'ensemble de ces contreparties. Mais, disent les Britanniques aujourd'hui, le principe qui a sous-tendu le référendum est qu'ils n'acceptent pas certaines de ces contreparties. Il faudra donc imaginer un autre régime, qui devra très solidement protéger les intérêts des Vingt-sept. L'analyse du Trésor français est que même le régime de « pays tiers » actuellement octroyé aux États-Unis serait trop léger pour permettre aux places financières de l'Union d'affronter la compétition d'une place aussi puissante, sophistiquée et proche que celle de Londres. Des modalités particulières devront donc être définies pour garantir l'équité entre des places dont l'une est, aujourd'hui, clairement dominante.

Le quatrième bloc de sujets concerne le commerce international, domaine également complexe. L'Union européenne a contracté 53 accords commerciaux. Cela signifie que lorsque le Royaume-Uni sortira de l'Union, les pays avec lesquels nous avons collectivement contracté pourront demander des compensations, le territoire de l'Union et le nombre de consommateurs se réduisant. Il ne serait pas acceptable pour les Vingt-sept de payer pour la sortie du Royaume-Uni ; il faudra donc prévoir dans l'accord de retrait que le Royaume-Uni assumera le règlement de ces compensations. D'autre part, le Royaume-Uni ne pouvant plus exporter sur ces contingents, les pays membres de l'Union européenne bénéficieront de contingents améliorés dans les pays tiers, le Canada par exemple ; mais, dans le même temps, les importations canadiennes se feront sur un territoire plus petit, puisqu'amputé du Royaume-Uni. L'imbrication des sujets explique la constitution d'un bloc spécifique : il faudra analyser ces questions une à une pour négocier dans de bonnes conditions.

À cela s'ajoutent des sujets sectoriels. L'acquis européen se traduit par des coopérations dans un grand nombre de domaines. Il faut les étudier tous, mais certains ont un intérêt direct plus sensible que d'autres. Ainsi de la pêche, car certains ports sont très dépendants de l'accès aux eaux britanniques : en volume global, 20 % de la pêche française en dépend, mais pour certains de nos ports la proportion monte à 70 %. En contrepartie, nous importons des produits de la pêche britannique : un équilibre s'est constitué au fil des ans. Il y aura donc une négociation spécifique qu'il faudra suivre attentivement.

La vigilance s'imposera aussi en matière spatiale. Le Royaume-Uni est l'un des acteurs de ce secteur, acteur avec lequel nous entretenons des coopérations dans de nombreux domaines qui dépendent en partie de l'acquis européen. Il en va de même pour le nucléaire, le transport aérien – avec Airbus et la certification par l'Agence européenne de sécurité aérienne –ou la recherche : le Royaume-Uni, très grand acteur de la recherche européenne, bénéficie en partie des programmes européens. En matière de sécurité enfin, le Royaume-Uni applique certains instruments européens dont le mandat d'arrêt européen – ce qui signifie des centaines d'échanges de personnes appréhendées – et renseigne un certain nombre de fichiers. Des coopérations bilatérales existent en matière de lutte contre le terrorisme, aussi liées à ces instruments européens dont il faudra déterminer l'évolution.

Je conclurai par quelques mots sur la question du comportement du Royaume-Uni pendant les quelque deux ans et demi qui nous séparent de la fin de la négociation. Il est très difficile de maîtriser ce comportement alors que le Royaume-Uni prépare sa sortie. Cela est flagrant aujourd'hui déjà en matière commerciale. Les Britanniques ont commencé à nouer des contacts avec l'Australie. Or, au regard du droit européen, il est illégal d'engager des discussions puisque le commerce est une compétence exclusive de l'Union. Si le Royaume-Uni devait rester un État membre, il serait condamné par la Cour de justice européenne et cesserait probablement d'agir ainsi. Mais il est possible que la perspective d'une condamnation par la Cour, qui interviendrait dans deux ou trois ans, ne dissuade pas son gouvernement. Si le Royaume-Uni persiste, il faudra donc trouver d'autres moyens – pression politique ou contreparties ; l'une des mesures de rétorsion possibles à étudier, serait de l'exclure des enceintes de l'Union où l'on discute des questions commerciales, qui ne seraient plus négociées qu'à vingt-sept. Sans accréditer un procès d'intention systématique à l'encontre du Royaume Uni, l'on observe que dans certaines négociations sur des instruments liés à des services financiers, il commence à favoriser le régime du pays tiers – c'est-à-dire celui qui lui serait appliqué lorsqu'il sera sorti … Nous devons donc vérifier avec vigilance le maintien de ce que l'on appelle en droit européen la coopération loyale et, s'il apparaît que le Royaume-Uni poursuit certaines pratiques, appliquer des mesures de rétorsion et des contreparties. Nous avons commencé d'en discuter avec la Commission européenne et avec l'Allemagne de manière à nous organiser : les Vingt-sept doivent s'accorder unanimement sur le fait qu'il ne peut y avoir d'impunité pour le Royaume-Uni pendant toute la période au cours de laquelle, selon les traités, il conserve l'ensemble des droits et des obligations d'un État membre, s'il commence à en dévier.

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La précision des indications que vous nous avez apportées m'a rassurée, qu'il s'agisse de la liste des sujets et de l'organisation décidée pour les traiter ou de la fermeté qui prévaudra. Cette fermeté a déjà été exprimée au plus haut niveau politique et il est bon qu'elle existe aussi aux niveaux plus techniques. Je n'ai pas de doute sur la capacité du SGAE à maîtriser ces questions complexes. Ce sera un surcroît de travail mais avec vos services nous sommes bien armés, et mieux armés que les pays qui n'ont pas de structures équivalentes, chargées de recenser les enjeux et de préparer les pré-arbitrages interministériels.

En revanche, la réponse que m'a donnée le ministre sur l'aspect politique de la question n'a pas dissipé mes interrogations. À Bruxelles, m'a-t-il dit, il y aura un organe présidé par le représentant de la Commission européenne et, avant chaque Conseil européen, un représentant de chaque État membre et peut-être aussi du Parlement européen. Soit, mais comment cela va-t-il s'organiser précisément pour ce qui nous concerne ? Quel sera le rôle du ministre des affaires étrangères qui, en principe, organise la coordination politique et qui est la voix de la France ? Y aura-t-il à Bruxelles des sherpas personnels des chefs d'État et de gouvernement ? Qu'est-il prévu à ce stade ?

La complexité et la lourdeur de la négociation relative au retrait du Royaume-Uni emportent un risque d'enlisement de tout le reste. Or la législation européenne doit continuer de se faire, d'être décidée, adoptée et appliquée. Comment fera-t-on ? Le Royaume-Uni sera-t-il associé aux discussions ? L'expérience politique montre que la meilleure manière de faire pression sur le Royaume-Uni est, pour ses partenaires, d'avancer selon leur propre calendrier. Quel est notre calendrier pour la zone euro ? Le président de la République et Mme Merkel se sont exprimés plusieurs fois ensemble à ce sujet, il y a un an encore, mais je déplore qu'il n'y ait plus véritablement de prise de parole franco-allemande commune en ce domaine.

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Gardons-nous de sous-estimer la faculté de résilience des britanniques. La France s'apprête à organiser méthodiquement le retrait mais, au Royaume-Uni, l'approche de la common law continue de prévaloir et l'on s'organise pour certaines séquences sans entrer très avant dans le détail. Il ne faut pas faire l'impasse sur un certain déphasage culturel, et se rappeler que tous les États veillent à préserver leurs intérêts.

Avant le référendum, les questions les plus souvent posées dans nos permanences par les membres de la communauté française établie au Royaume-Uni portaient sur les visas de travail et les allocations familiales, mais depuis que le vote en faveur du retrait l'a emporté, l'interrogation principale est devenue : « Dois-je ou non choisir la nationalité britannique ? ». Si la pression sur le consulat de France ne s'est pas trop ressentie à Londres, elle est très forte en Irlande du Nord et en Écosse. Or nos services consulaires étaient en voie de constriction, particulièrement en Écosse. Étant donné le contexte, pourrait-on envisager une réorganisation leur donnant la capacité réelle d'éclairer nos compatriotes expatriés ?

La question de la réciprocité des accords de mobilité a été évoquée dès cet été. Qu'il y ait ou non réciprocité, envisage-t-on des accords intermédiaires à ce sujet ?

Certaines conventions fiscales seront renégociées, mais aussi des accords relatifs à la sécurité sociale et aux retraites. Étant donné l'importance de la communauté française installée au Royaume-Uni, ces questions complexes sont cruciales ; on peut en effet imaginer, dans quelques années, un retour massif de français, qu'il faut anticiper. Comment est-ce appréhendé ? Dans le même ordre d'idées, un accord permettait jusqu'à présent à des Britanniques de se faire soigner à l'hôpital de Calais ; qu'en sera-t-il ?

Enfin, mes interlocuteurs au sein des universités britanniques m'ont indiqué que les universités, autonomes, n'envisagent pas d'augmenter les frais de scolarité pour les étudiants européens. Pour ce qui est au moins de la coopération en matière de recherche, un nuage noir s'éclaircit et l'horizon semble plus dégagé …

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Nous avons la chance, nous avez-vous dit en substance, que l'article 50 du traité soit écrit de telle manière que l'on peut conclure un accord de sortie sans avoir défini les relations futures. Or ce n'est pas exactement ce que dit cet article, dont le début du deuxième alinéa est ainsi rédigé : « L'État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. À la lumière des orientations du Conseil européen, l'Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l'Union. (…) ». Les accords internationaux se lisant au sens littéral et devant être interprétés de bonne foi, cela signifie que, même si les deux négociations ne sont pas directement liées, on verra dans l'accord de sortie vers quoi l'on se dirige pour les relations futures ; je pense que c'est mieux ainsi, même si vous avez raison de dire qu'il faudra un peu accélérer les choses.

Mais pourquoi devrait-on se presser de faire sortir le Royaume-Uni du capital de la BEI ? Ce serait une erreur : mieux vaudrait qu'il y reste et continue d'investir. Il faut seulement trouver un modus vivendi permettant d'associer le Royaume-Uni à cette banque si peu sollicitée en dépit du plan Juncker, cautère sur jambe de bois au regard de l'ampleur des investissements nécessaires en Europe.

Pour ce qui est du statut des personnes, l'Union européenne n'est pas la seule qui garantisse le droit des étrangers : les relations franco-britanniques préexistaient à l'Union et avec elles des accords qui doivent permettre de laisser les Britanniques venir en France et les Français aller au Royaume-Uni. Mais c'est cela la réalité ! Il faut un peu d'humain, ne pas laisser les technocrates tout pervertir, et dire que les Britanniques sont toujours les bienvenus en France, et réciproquement.

À propos des services financiers, vous avez raison : on constate que le Royaume-Uni, bien que n'appartenant pas à la zone euro, a réussi à capter la compensation. L'explication en est, vous l'avez dit, la force technique de la City. Nous devrons nous armer pour récupérer les banques qui reviendront sur le continent. La place de Paris y travaille fortement, et nous devons nous battre.

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Nous avons compris quel pouvait être le niveau d'organisation ou de désorganisation de nos amis britanniques, et comment, à l'inverse, un État qui a une tradition jacobine est capable de mettre sur pied très rapidement une organisation centrale. Mais qu'en est-il plus précisément pour les autres pays et notamment pour nos amis allemands ? Quelles sont vos relations avec eux et comment s'organisent-elles ?

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Philippe Léglise-Costa, secrétaire général des affaires européennes

Je suppose que le ministre vous a parlé du volet politique de l'organisation de la négociation. Pour l'instant – mais, bien entendu, les capitales se coordonnent et tout dépendra de la nature de la négociation –, il a été jugé inopportun de désigner une sorte de « ministre du Brexit » dans les capitales, à la fois parce que ce serait contredire la volonté affirmée que ce sujet ne perturbe pas l'ensemble des travaux de l'Union européenne et parce que les Vingt-sept ne sont pas dans la situation du Royaume-Uni. Mais, cela va sans dire, l'organisation administrative que j'ai décrite ne fonctionnera que s'il y a un pilotage politique. Le président de la République et le Premier ministre y sont attachés et sont convenus d'organiser des réunions régulières à leur niveau avec les Ministres concernés. Au cours de cette période, l'interlocuteur désigné de M. David Davis est, tout naturellement, le ministre des affaires étrangères, voix politique de la France à ce sujet. Si, au fil de la négociation, les enjeux devenaient très politiques et qu'une organisation européenne différente se mettait en place, les capitales s'adapteraient. Pour l'heure, la Commission sera chargée de la négociation pour le compte des Vingt-sept, elle devrait y associer une équipe du Secrétariat général du Conseil, dotée des ressources nécessaires et sera étroitement suivie par les Vingt-sept, sans que cette question déstabilise les instances européennes, le Conseil en particulier.

Sans avoir la même structure administrative que la nôtre, les Allemands procèdent comme nous le faisons, une petite équipe étant chargée au sein du ministère des affaires étrangères de coordonner les administrations et de procéder à une première évaluation des enjeux. Comme il n'y a ni structure centrale pour les affaires européennes ni tradition en ce sens, l'organisation est encore plutôt décentralisée mais, à mesure que la négociation se concentrera sur des enjeux clairement définis, on peut penser qu'il y aura un pilotage plus direct de la Chancelière et un engagement des principaux ministres. Dans les autres États membres, la situation varie. Les petits pays, telles l'Estonie et la Slovénie, se concentrent sur quelques enjeux. D'autres, plus grands, ne sont pas encore très organisés – l'Italie par exemple, ou l'Espagne pour des raisons conjoncturelles. En revanche, l'Irlande, pour laquelle les enjeux du Brexit sont fondamentaux, a réorganisé une partie de son administration des affaires européennes autour de cette question.

Pour ce qui est du risque d'enlisement, des contradictions politiques peuvent en effet apparaître si le Royaume-Uni ne se comporte pas loyalement pendant la période où nous devrons traiter avec lui dans les enceintes du Conseil puisqu'il sera toujours membre de plein droit de l'Union. J'en ai signalé certaines, mais des difficultés peuvent surgir alors même que les Britanniques ne sont pas nécessairement déloyaux. Ainsi du renforcement des instruments de défense commerciale. Cet enjeu, depuis longtemps porté par la France, devient crucial. Le président Juncker, plus conscient de cette nécessité que ses prédécesseurs, a demandé, à juste titre, qu'ils soient renforcés. Que se passera-t-il si le Royaume-Uni parvient à réunir une minorité de blocage ? On ne pourra le taxer de déloyauté puisqu'il s'est toujours dit défavorable à cette évolution – l'Allemagne hésitant et allant désormais dans un sens peut-être plus proche de celui de la France – mais le problème politique serait patent. Un système d'alerte sera donc créé et, dès que le Royaume-Uni aura notifié sa décision de retrait, un rapport de forces s'exercera sur lui.

Le ministre vous a sans doute présenté les engagements pris à Bratislava. Nous avons six mois pour trouver un accord sur la traduction concrète des priorités centrales pour l'Union et pour débloquer certains sujets qui ont fini par empoisonner les relations entre les États, qu'il s'agisse de la question des travailleurs détachés ou de l'accueil des migrants. La question de la zone euro n'a pas été au centre des travaux parce qu'il fallait reconstituer un accord à vingt-sept et parce que l'Allemagne ne souhaite pas actuellement avancer à ce sujet.

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Philippe Léglise-Costa, secrétaire général des affaires européennes

Cela s'explique par des raisons politiques internes, mais cela ne signifie pas que l'Allemagne ne soit pas consciente de la nécessité d'avancer. Elle y viendra, mais elle considère qu'elle aurait des difficultés à le faire aujourd'hui dans des conditions compatibles avec ce que souhaite la France. Les travaux se poursuivent : la Commission européenne prépare un Livre blanc qu'elle présentera au premier trimestre 2017. La discussion à ce sujet n'est donc que suspendue mais elle devra être reprise ultérieurement au niveau politique.

La capacité de résilience des britanniques est en effet impressionnante. Ils sont sous l'effet d'un choc intense qu'ils n'avaient pas anticipé et ils parviennent à faire bella figura, avec le sentiment qu'ils vont s'en sortir, ce qui n'est pas garanti et demandera des choix stratégiques fondamentaux. Une fois leur administration restructurée, ils seront de bons négociateurs, mais l'on ne doit mésestimer ni la désorganisation dans laquelle ils se trouvent ni le fait qu'il y a des écoles de pensée très tranchées sur ce que doit être l'avenir du Royaume-Uni. Pour les uns, il faut un choc de dérégulation accentuant encore ce qui a déjà été fait depuis des années. Pour les autres, il faut tendre à un rééquilibrage, dans la mesure de la culture britannique ; c'était plutôt l'orientation initiale de Mme Theresa May. Ces choix sont étroitement liés à la manière dont est envisagée la relation future avec l'Union européenne. Le choc de dérégulation peut amener le Royaume-Uni à choisir une relation distante – il y aurait intérêt, mais cela nous amènerait à nous protéger de tout ce qui pourrait être inéquitable. En revanche, une forme de continuité avec des rééquilibrages internes, peut amener le Royaume-Uni à rester plus proche de l'Union, mais nous avons nos conditions en termes de respect des droits et des obligations.

Le statut des personnes sera un sujet d'intérêt particulier, singulièrement pour les français établis au Royaume-Uni, mais la pression administrative à laquelle vous avez fait allusion s'exerce aussi en France, où des résidents britanniques souhaitent par exemple obtenir rapidement un titre de séjour pour garantir l'avenir, ou même la nationalité française. La question des ressources consulaires n'est pas directement de la compétence du SGAE, mais l'enjeu est bien connu des administrations compétentes.

Pour ce qui est des relations bilatérales garantissant certains droits, nous pourrons faire ce que nous voulons dès lors que nous nous accordons avec le Royaume-Uni. Comme cela est vrai dans tous les domaines, le risque de cette négociation est de considérer que, des intérêts s'étant constitués en 43 ans, il faut, secteur par secteur, maintenir les relations les plus étroites possibles. On se trouverait en ce cas dans une situation politique paradoxale : qui ne voit qu'il y aurait un avantage à sortir de l'Union européenne si, nonobstant, toutes les coopérations sont maintenues ? Si le Royaume-Uni, devenu un pays tiers, peut continuer à bénéficier de prêts de la BEI, pourquoi les autres États resteraient-ils membres de l'Union quand cette appartenance emporte pour eux des obligations ? Les prêts de la BEI accompagnent des projets régionaux, une convergence liée à la solidarité entre les États membres. Si l'on prolonge toutes les coopérations avec les britanniques en matière de recherche, d'universités, de projets d'infrastructure, la question peut légitimement se poser de savoir pourquoi ce pays, une fois sorti de l'Union, peut bénéficier des avantages induits par ces coopérations sans devoir se plier aux obligations qui s'imposent aux États membres. Un équilibre politique devra être trouvé ; beaucoup d'intérêts sectoriels gagneront à être préservés, mais à condition que cet équilibre soit viable politiquement.

L'article 50 du Traité prévoit que l'on envisage le cadre des relations futures et il en sera ainsi dans tous les cas. Mme Theresa May dit qu'elle prend le temps de préparer la notification pour qu'elle comporte son projet de relations futures avec l'Union européenne. Elle souhaite engager le Royaume-Uni dans la négociation avec l'Union sur la base de ce qu'elle juge être bon pour l'avenir de son pays ; pour leur part, les Vingt-sept escomptant que cette vision sera compatible avec les conditions qui ont été formulées. Une fois connue la teneur de la notification, nous analyserons si le cadre présenté est viable, en fonction de l'équilibre des droits et des obligations proposé. Sur le plan juridique, on ne peut arguer que la négociation ne peut être interrompue au bout de deux ans parce que l'on n'a pas tenu compte du cadre des relations futures. Il en sera tenu compte mais, au terme de ce délai, chaque État membre sera en droit de considérer que la négociation ne peut se poursuivre si elle a peu de chance d'aboutir ou si le Royaume-Uni ne se comporte pas de manière qu'elle aboutisse dans de bonnes conditions. L'idéal serait que l'accord de retrait organise non seulement le retrait, irréversible, sur les plans institutionnel et administratif mais aussi des transitions vers les relations futures ; mais il est possible que le processus soit plus brutal. Quoi qu'il en soit, le Royaume-Uni ne doit pas penser qu'il a un droit de tirage sur la durée de la négociation, qui s'engagerait alors dans des conditions défavorables pour les Vingt-sept.

Je vous trouve bien critique à l'égard du plan Juncker, qui n'a pas été conçu pour satisfaire tous les besoins d'investissement de l'Union européenne mais pour donner un signal d'orientation. Et nous avons obtenu que le Président de la Commission européenne en propose le doublement…

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Philippe Léglise-Costa, secrétaire général des affaires européennes

Ce n'est pas exact : le plan Juncker prévoyait la mobilisation de 315 milliards d'euros d'investissements en trois ans et, un an plus tard, nous en sommes à un peu plus de 100 milliards. La mise en oeuvre de ce plan n'est donc pas impossible mais demande que la mobilisation se poursuive.

Enfin, l'organisation française en matière de services financiers est hors de la compétence du SGAE mais nous participons aux discussions. La place de Paris est à l'oeuvre. Une stratégie durable devra être élaborée car il faudra plusieurs années pour que notre place financière parvienne à se doter de la panoplie diversifiée d'instruments que seule Londres, pour l'instant, propose aux entreprises et aux acteurs économiques. Vous avez raison : il est temps de commencer.

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Monsieur le secrétaire général, je vous remercie pour ces explications.

La séance est levée à dix-sept heures trente-cinq.