Intervention de Philippe Léglise-Costa

Réunion du 21 septembre 2016 à 15h00
Mission d'information sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations

Philippe Léglise-Costa, secrétaire général des affaires européennes :

Monsieur le Président, Madame la Ministre, Messieurs les députés. Le champ à couvrir étant très vaste, nous avons constitué dès le début du mois de juillet un groupe de travail interministériel qui réunit environ 45 dirigeants d'administrations ou leurs représentants. Ils peuvent se retrouver soit en réunion plénière, comme nous l'avons fait en juillet, soit dans des réunions spécialisées. Pour animer le groupe dans ces formats spécialisés, nous avons désigné des référents par domaine au sein du secrétariat général des affaires européennes (SGAE) – ils sont une quinzaine – et nous recrutons de surcroît une petite équipe qui se consacrera pleinement à la négociation avec le Royaume-Uni. C'est donc une architecture en trois cercles : cette équipe, avec un responsable à sa tête placé auprès du secrétaire général des affaires européennes et chargé d'animer les travaux au sein de l'administration française, les réflexions au sein du SGAE et enfin les correspondants dans chaque administration, qui peuvent eux-mêmes mobiliser des ressources… . En tout, une soixantaine de personnes forment ainsi cette structure interministérielle.

Nous sommes à la première étape de nos travaux : la préparation de la négociation. Nous avons demandé à chaque administration de présenter, pour leur domaine respectif, l'évaluation de l'enjeu tant au regard des intérêts français que de ceux de l'Union à vingt-sept et, c'est possible puisqu'une part d'indétermination demeure, les options envisageables pour la négociation. En nous fondant sur ces évaluations sectorielles, nous pensons élaborer pour le mois d'octobre une première analyse d'ensemble. Elle sera soumise au président de la République et au Gouvernement qui nous donneront leurs orientations. Cela nous permettra d'engager des discussions techniques spécifiques avec nos interlocuteurs dans les capitales des Vingt-sept et avec la Commission européenne afin de faire converger nos analyses sur la manière dont cette négociation inédite se présente.

Dans les autres États membres, les dispositifs sont plus ou moins avancés. Les Allemands ont créé une structure comparable à la nôtre, logée au ministère des affaires étrangères puisqu'il n'y a pas de SGAE en Allemagne. Les pays plus petits se concentrent sur certains intérêts, et chacun a en tête le même calendrier : il faudra, à la fin de l'année, avoir les idées claires sur les orientations politiques, de manière que si le Royaume-Uni notifiait son retrait de l'Union au début de 2017, ce qui est notre hypothèse de travail, le Conseil européen soit prêt à arrêter les orientations qui permettront d'engager la négociation. Dans cet esprit, nous avons commencé à vérifier, avec l'Allemagne et avec la Commission européenne en particulier, que notre méthodologie est la même. La Commission européenne s'organise de manière comparable à la nôtre sachant que, dès lors qu'elle sera directement chargée de conduire la négociation, les ressources mobilisées seront plus importantes: une équipe d'une vingtaine de personnes a été constituée autour de M. Michel Barnier et elle pourra mobiliser l'expertise nécessaire dans l'ensemble des directions générales. Au secrétariat général du Conseil, une équipe plus restreinte a été constituée, dirigée par M. Didier Seeuws que nous connaissons bien car il a été le chef de cabinet de M. Herman Van Rompuy. Elle pourra suivre directement les travaux de la Commission européenne. La situation du Royaume-Uni est beaucoup plus complexe : outre qu'il devra mener pour son compte cette négociation, il lui faudra mener en profondeur sa stratégie administrative et économique dans de nombreux domaines. Les Britanniques sont en train de constituer une administration spécialisée pour le Brexit. Elle sera dirigée par M. Oliver Robbins, haut fonctionnaire proche de Mme Theresa May qui connaît en partie les affaires européennes mais qui est surtout un spécialiste de la sécurité. Il aura une double casquette : il sera responsable de cette administration sous l'autorité du ministre chargé de la sortie de l'Union européenne M. David Davis d'une part, et il est en même temps amené à être sherpa de la Première ministre d'autre part.

L'organigramme de l'équipe britannique est encore lacunaire. On y voit des directions horizontales et trois directions sectorielles. L'une est chargée du marché intérieur et une autre de la justice, de la sécurité et des migrations ; la troisième du commerce. Le gouvernement du Royaume-Uni compte aussi outre M. Boris Johnson, ministre des affaires étrangères dont les ressources administratives chargées des affaires européennes seront pour une grande part transférées à l'administration de M. Davis, un ministre du commerce international en la personne de M. Liam Fox.

Constituer une administration n'est pas chose aisée, si bien que le Royaume-Uni rencontre des difficultés administratives qui s'ajoutent, comme le ministre vous l'a sans doute dit tout à l'heure, à des divisions politiques sur la stratégie à suivre. S'ensuivent une forme de désarroi et une certaine désorganisation, si bien que, du fait de cette relative impréparation, nos contacts avec les Britanniques en sont à un stade très préliminaire. Comme vous le savez, les Etats membres à Bruxelles interdisent toute pré-négociation avant que le Royaume-Uni ait notifié son retrait de l'Union – c'est de bonne pratique, puisqu'il n'y a pas dans cette période de position à vingt-sept à développer, les seuls contacts envisageables devront être destinés à favoriser une préparation britannique qui aboutisse à une stratégie compatible avec les conditions posées par les Vingt-sept dès la fin du mois de juin dernier.

J'en viens à la durée et au format des négociations. Comme le prévoit l'article 50 du Traité, aussitôt que le Royaume-Uni aura notifié son intention de se retirer de l'Union européenne, le Conseil européen à vingt-sept arrêtera des orientations sur les négociations visant à la conclusion d'un accord fixant les modalités de ce retrait. L'exercice étant inédit, on ne sait pas encore précisément quelles seront ces orientations. On peut toutefois imaginer qu'elles définiront les structures et le processus de la négociation, l'équipe qui la mènera – très vraisemblablement dirigée par la Commission européenne mais à laquelle pourront éventuellement être associés des membres du secrétariat général du Conseil – ainsi que les modalités de son suivi. Ce suivi, nécessairement étroit, pourrait impliquer les Représentations permanentes des États membres à Bruxelles chargées d'assurer la circulation des informations entre les négociateurs et les capitales des Vingt-sept ainsi que des correspondants dans ces capitales, probablement les sherpas des chefs d'État et de Gouvernement ou leurs représentants, le Conseil européen étant lui-même amené à être particulièrement engagé.

Les orientations du Conseil européen porteront donc pour partie sur la structure et le pilotage de la négociation. Il arrêtera également les principes qui devront la guider, à la lumière de ce qu'aura proposé le Royaume-Uni, mais qui seront évidemment fondés sur les intérêts des Vingt-sept. Les sujets plus techniques feront l'objet d'une recommandation de la Commission européenne qui, une fois adoptée par le Conseil, formera un mandat détaillé pour engager la négociation avec le Royaume-Uni.

Une fois engagée, la négociation devrait en principe se dérouler en deux ans. Trois hypothèses sont en principe envisageables. La première est que nous parvenons effectivement à conclure dans ce délai un accord avec le Royaume-Uni ; dans ce cas, le retrait se fera aux conditions convenues avec, éventuellement, une période de transition. La deuxième hypothèse est que la négociation n'a pu aboutir en deux ans et qu'un ou plusieurs États membres considèrent qu'elle a assez duré ; dans ce cas, elle peut s'interrompre. C'est un facteur de pression pour conclure en deux ans, et le rapport de forces restera d'autant plus favorable aux Vingt-sept qu'ils resteront unis. La troisième hypothèse, théorique à ce stade, est que la négociation est inaboutie au terme de deux ans, mais que les Vingt-sept considèrent unanimement qu'il vaut la peine de la poursuivre, pour une durée à déterminer.

Notre hypothèse de travail est donc que la négociation s'engagera au début de l'année 2017 pour s'achever début 2019. C'est une durée courte, mais raisonnable et logique étant donné les contradictions que peut provoquer au fil des mois la participation du Royaume-Uni à une Union européenne dont il se prépare dans le même temps à sortir, et elle correspond également aux échéances internes à l'Union. En 2019 se tiendront en effet les élections européennes, le renouvellement des institutions et le parachèvement du futur cadre financier pluriannuel. Il y aurait une sorte de paradoxe à négocier ces sujets et à procéder à des élections européennes à vingt-huit avec le Royaume-Uni.

Vous m'avez interrogé sur l'articulation entre la négociation du retrait et la question des relations futures entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. La négociation qui se déroule dans le cadre de l'article 50 du Traité porte sur les modalités du retrait, non sur les relations futures en tant que telles. C'est logique sur le plan juridique : la méthode et le champ de la négociation sur les modalités du retrait diffèrent de ceux qui vaudront pour la négociation des relations futures avec un État qui sera devenu un pays tiers ; un autre mandat sera donc nécessaire. C'est logique aussi sur le plan politique, car se contraindre à conclure un accord avec le Royaume-Uni sur les relations futures pour qu'il puisse se retirer de l'Union serait se mettre entre ses mains, puisqu'il déciderait lui-même du moment où il serait satisfait de ces relations futures avant de se retirer effectivement. Ce n'est pas envisageable, et le Traité est plutôt bien rédigé de ce point de vue, puisqu'il permet aux Vingt-sept de garder la main, de décider quand le Royaume-Uni se retirera et, donc, de l'amener à proposer des solutions raisonnables pour son propre statut futur. Cela dit, il y a un intérêt à avoir en tête ces relations futures durant la négociation. Si, par exemple, nous savons que l'objectif est de conclure un accord de libre-échange avec le Royaume-Uni, futur pays tiers, nous pouvons décider d'une période de transition qui évitera de devoir reconstituer des droits de douane et de subir les à-coups subséquents.

Pour autant, ce n'est pas une obligation, et l'on ne peut exclure une sortie sèche. C'est d'ailleurs l'une des options discutées à Londres, où se confrontent plusieurs écoles de pensée et où certains responsables qui avaient milité en faveur de la sortie pendant la campagne référendaire considèrent que leur pays y a intérêt. Selon eux, le Royaume-Uni devrait se limiter à être membre de l'Organisation mondiale du commerce, du Conseil de l'Europe et de l'Alliance atlantique et élaborer une stratégie économique fondée sur l'établissement d'une plateforme dérégulée aux portes de l'Union européenne – ce qui nous amènerait à prendre d'autres protections pour les Vingt-sept. Il peut y avoir, pour certains, une logique économique à procéder de la sorte, et si ce n'est pas nécessairement le choix de Mme Theresa May, il ne faut pas exclure que tel soit l'aboutissement de cette négociation.

Une autre logique, moins radicale, consiste à prévoir de futures relations structurées entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, en respectant le principe de l'équilibre entre les droits et les obligations. Dans ce cas, l'accord sur les modalités de retrait devrait prévoir des modalités de transition, ce qui donnerait le temps de négocier les relations futures une fois le Royaume-Uni sorti. L'articulation entre les deux négociations dépend donc pour beaucoup du choix du Royaume-Uni et de l'état d'avancement de la négociation sur les modalités de retrait au terme de deux ans, celle-ci pouvant définir une période de transition vers des relations futures qui seraient donc envisagées mais non encore conclues.

Voilà pour le cadre et la méthode. Sur le fond, le travail interministériel a été réparti en blocs de sujets. Le premier bloc a trait aux questions institutionnelles et administratives, ce qui est au coeur du retrait d'un État membre. Il y aura bien sûr le départ des parlementaires européens et du commissaire britanniques, mais d'autres questions complexes devront être réglées, dont celle du sort des fonctionnaires européens britanniques qui ont des droits et dont il faudra déterminer le statut. Le retrait britannique signifie également la cessation de la contribution du Royaume-Uni au budget européen. Des paiements ont lieu qui correspondent à des engagements pris ; il faut prévoir une période de transition et s'assurer que le Royaume-Uni ne demandera pas des paiements sur son territoire alors qu'il aura mis fin à sa contribution. De même, le Royaume-Uni devrait sortir du capital de la Banque européenne d'investissement (BEI). Dans un autre domaine, une série de contentieux sont en cours devant la Commission européenne, la Cour de justice ou le Tribunal, qui peuvent concerner les droits des personnes établies dans l'Union Européenne à vingt-sept ; il faudra prévoir le bon aboutissement de ces procédures dans les modalités du retrait britannique. Il faudra aussi trancher le cas de l'Agence bancaire européenne et de l'Agence européenne des médicaments, sises au Royaume-Uni, et celui de la section de la division centrale du tribunal de première instance de la juridiction unifiée des brevets, qui devait s'établir à Londres.

Ainsi, en conséquence du premier bloc qui concerne le retrait au sens strict, un deuxième bloc de sujets devra être examiné : les décisions, à prendre à vingt-sept, entraînées par le retrait. La plus concrète est celle du déménagement des agences européennes installées au Royaume-Uni : où migreront-elles ? Traditionnellement, ces discussions sur les sièges ne sont pas simples. De même, le budget européen sera amputé de la contribution britannique nette, qui s'établit, bon an mal an, à 7 milliards d'euros. Réduira-t-on la voilure sur les fonds structurels, la politique agricole commune, les politiques européennes en général, ou bien les autres États membres compenseront-ils ? Y aura-t-il un compromis ? Ces décisions doivent être discutées parallèlement aux modalités de retrait de manière qu'au moment où le Royaume-Uni sortira effectivement, l'Union européenne soit en ordre de marche.

Le troisième bloc a trait à l'ensemble des législations et réglementations, les politiques communes. Sur ces sujets, il est possible d'envisager une transition vers un autre statut, pour le Royaume Uni comme pays tiers aujourd'hui indéterminé, et qui peut être plus ou moins proche du corpus européen selon ce que le Royaume-Uni acceptera comme obligations et ce que les Vingt-sept décideront. Au nombre des grands sujets à traiter, il y a le droit des personnes : ceux des Européens installés au Royaume-Uni – où l'on dénombre environ 300 000 français – et ceux des citoyens britanniques installés sur le territoire des Vingt-sept – ils sont quelque 200 000 en France. Tous ont des droits liés à l'Union européenne pour leur séjour, l'accès aux soins, l'accès au travail, la coordination des régimes de sécurité sociale… Faudra-t-il, ou non, prévoir une phase de transition vers un autre statut ? Si ce statut est celui de pays tiers, les personnes concernées pourraient évidemment perdre une partie de leurs droits.

Autre sujet d'ampleur : le marché intérieur des biens et des services – j'écarte pour l'instant les services financiers, sur lesquels je reviendrai. Il s'agit de questions très complexes qui ne se limitent pas aux échanges et aux droits de douane puisqu'il faudra traiter aussi de la protection des consommateurs, des questions de sécurité, des normes environnementales, de la certification, du droit des sociétés, de la fiscalité, de la TVA, des droits d'accise et d'autres sujets très difficiles, tels que le commerce électronique et la compétence des juridictions. L'enjeu est complexe et lié à l'avenir des échanges entre le Royaume-Uni et l'Union européenne en matière de biens et de services. Dénouer l'écheveau constitué en plus de quarante ans sera redoutablement compliqué et conduira à des choix de lourde portée si l'on devait en venir, ce qui est le plus probable, à des relations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni qui ne soient pas celles du marché intérieur mais définies par un accord spécifique.

Les services financiers seront traités à part, même s'il y a bien sûr une logique d'ensemble à respecter. La question est en effet particulièrement sensible, en raison du poids de la City, de la place des institutions financières britanniques dans le financement de l'économie des Vingt-sept et de l'avantage que confèrerait au Royaume-Uni, en ces matières, un accès au marché intérieur sans être tenu à l'ensemble des contreparties qui s'imposent dans l'Union Européenne et qui sont très importantes, puisqu'il s'agit de l'application au de toutes les régulations européennes et de toutes les garanties de leur application effective– la Cour de justice et la supervision bancaire. On ne peut concevoir que les institutions financières britanniques continuent de disposer d'un « passeport européen » et conservent leur place dominante sur le continent sans devoir se plier à l'ensemble de ces contreparties. Mais, disent les Britanniques aujourd'hui, le principe qui a sous-tendu le référendum est qu'ils n'acceptent pas certaines de ces contreparties. Il faudra donc imaginer un autre régime, qui devra très solidement protéger les intérêts des Vingt-sept. L'analyse du Trésor français est que même le régime de « pays tiers » actuellement octroyé aux États-Unis serait trop léger pour permettre aux places financières de l'Union d'affronter la compétition d'une place aussi puissante, sophistiquée et proche que celle de Londres. Des modalités particulières devront donc être définies pour garantir l'équité entre des places dont l'une est, aujourd'hui, clairement dominante.

Le quatrième bloc de sujets concerne le commerce international, domaine également complexe. L'Union européenne a contracté 53 accords commerciaux. Cela signifie que lorsque le Royaume-Uni sortira de l'Union, les pays avec lesquels nous avons collectivement contracté pourront demander des compensations, le territoire de l'Union et le nombre de consommateurs se réduisant. Il ne serait pas acceptable pour les Vingt-sept de payer pour la sortie du Royaume-Uni ; il faudra donc prévoir dans l'accord de retrait que le Royaume-Uni assumera le règlement de ces compensations. D'autre part, le Royaume-Uni ne pouvant plus exporter sur ces contingents, les pays membres de l'Union européenne bénéficieront de contingents améliorés dans les pays tiers, le Canada par exemple ; mais, dans le même temps, les importations canadiennes se feront sur un territoire plus petit, puisqu'amputé du Royaume-Uni. L'imbrication des sujets explique la constitution d'un bloc spécifique : il faudra analyser ces questions une à une pour négocier dans de bonnes conditions.

À cela s'ajoutent des sujets sectoriels. L'acquis européen se traduit par des coopérations dans un grand nombre de domaines. Il faut les étudier tous, mais certains ont un intérêt direct plus sensible que d'autres. Ainsi de la pêche, car certains ports sont très dépendants de l'accès aux eaux britanniques : en volume global, 20 % de la pêche française en dépend, mais pour certains de nos ports la proportion monte à 70 %. En contrepartie, nous importons des produits de la pêche britannique : un équilibre s'est constitué au fil des ans. Il y aura donc une négociation spécifique qu'il faudra suivre attentivement.

La vigilance s'imposera aussi en matière spatiale. Le Royaume-Uni est l'un des acteurs de ce secteur, acteur avec lequel nous entretenons des coopérations dans de nombreux domaines qui dépendent en partie de l'acquis européen. Il en va de même pour le nucléaire, le transport aérien – avec Airbus et la certification par l'Agence européenne de sécurité aérienne –ou la recherche : le Royaume-Uni, très grand acteur de la recherche européenne, bénéficie en partie des programmes européens. En matière de sécurité enfin, le Royaume-Uni applique certains instruments européens dont le mandat d'arrêt européen – ce qui signifie des centaines d'échanges de personnes appréhendées – et renseigne un certain nombre de fichiers. Des coopérations bilatérales existent en matière de lutte contre le terrorisme, aussi liées à ces instruments européens dont il faudra déterminer l'évolution.

Je conclurai par quelques mots sur la question du comportement du Royaume-Uni pendant les quelque deux ans et demi qui nous séparent de la fin de la négociation. Il est très difficile de maîtriser ce comportement alors que le Royaume-Uni prépare sa sortie. Cela est flagrant aujourd'hui déjà en matière commerciale. Les Britanniques ont commencé à nouer des contacts avec l'Australie. Or, au regard du droit européen, il est illégal d'engager des discussions puisque le commerce est une compétence exclusive de l'Union. Si le Royaume-Uni devait rester un État membre, il serait condamné par la Cour de justice européenne et cesserait probablement d'agir ainsi. Mais il est possible que la perspective d'une condamnation par la Cour, qui interviendrait dans deux ou trois ans, ne dissuade pas son gouvernement. Si le Royaume-Uni persiste, il faudra donc trouver d'autres moyens – pression politique ou contreparties ; l'une des mesures de rétorsion possibles à étudier, serait de l'exclure des enceintes de l'Union où l'on discute des questions commerciales, qui ne seraient plus négociées qu'à vingt-sept. Sans accréditer un procès d'intention systématique à l'encontre du Royaume Uni, l'on observe que dans certaines négociations sur des instruments liés à des services financiers, il commence à favoriser le régime du pays tiers – c'est-à-dire celui qui lui serait appliqué lorsqu'il sera sorti … Nous devons donc vérifier avec vigilance le maintien de ce que l'on appelle en droit européen la coopération loyale et, s'il apparaît que le Royaume-Uni poursuit certaines pratiques, appliquer des mesures de rétorsion et des contreparties. Nous avons commencé d'en discuter avec la Commission européenne et avec l'Allemagne de manière à nous organiser : les Vingt-sept doivent s'accorder unanimement sur le fait qu'il ne peut y avoir d'impunité pour le Royaume-Uni pendant toute la période au cours de laquelle, selon les traités, il conserve l'ensemble des droits et des obligations d'un État membre, s'il commence à en dévier.

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