Intervention de Philippe Léglise-Costa

Réunion du 21 septembre 2016 à 15h00
Mission d'information sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations

Philippe Léglise-Costa, secrétaire général des affaires européennes :

Je suppose que le ministre vous a parlé du volet politique de l'organisation de la négociation. Pour l'instant – mais, bien entendu, les capitales se coordonnent et tout dépendra de la nature de la négociation –, il a été jugé inopportun de désigner une sorte de « ministre du Brexit » dans les capitales, à la fois parce que ce serait contredire la volonté affirmée que ce sujet ne perturbe pas l'ensemble des travaux de l'Union européenne et parce que les Vingt-sept ne sont pas dans la situation du Royaume-Uni. Mais, cela va sans dire, l'organisation administrative que j'ai décrite ne fonctionnera que s'il y a un pilotage politique. Le président de la République et le Premier ministre y sont attachés et sont convenus d'organiser des réunions régulières à leur niveau avec les Ministres concernés. Au cours de cette période, l'interlocuteur désigné de M. David Davis est, tout naturellement, le ministre des affaires étrangères, voix politique de la France à ce sujet. Si, au fil de la négociation, les enjeux devenaient très politiques et qu'une organisation européenne différente se mettait en place, les capitales s'adapteraient. Pour l'heure, la Commission sera chargée de la négociation pour le compte des Vingt-sept, elle devrait y associer une équipe du Secrétariat général du Conseil, dotée des ressources nécessaires et sera étroitement suivie par les Vingt-sept, sans que cette question déstabilise les instances européennes, le Conseil en particulier.

Sans avoir la même structure administrative que la nôtre, les Allemands procèdent comme nous le faisons, une petite équipe étant chargée au sein du ministère des affaires étrangères de coordonner les administrations et de procéder à une première évaluation des enjeux. Comme il n'y a ni structure centrale pour les affaires européennes ni tradition en ce sens, l'organisation est encore plutôt décentralisée mais, à mesure que la négociation se concentrera sur des enjeux clairement définis, on peut penser qu'il y aura un pilotage plus direct de la Chancelière et un engagement des principaux ministres. Dans les autres États membres, la situation varie. Les petits pays, telles l'Estonie et la Slovénie, se concentrent sur quelques enjeux. D'autres, plus grands, ne sont pas encore très organisés – l'Italie par exemple, ou l'Espagne pour des raisons conjoncturelles. En revanche, l'Irlande, pour laquelle les enjeux du Brexit sont fondamentaux, a réorganisé une partie de son administration des affaires européennes autour de cette question.

Pour ce qui est du risque d'enlisement, des contradictions politiques peuvent en effet apparaître si le Royaume-Uni ne se comporte pas loyalement pendant la période où nous devrons traiter avec lui dans les enceintes du Conseil puisqu'il sera toujours membre de plein droit de l'Union. J'en ai signalé certaines, mais des difficultés peuvent surgir alors même que les Britanniques ne sont pas nécessairement déloyaux. Ainsi du renforcement des instruments de défense commerciale. Cet enjeu, depuis longtemps porté par la France, devient crucial. Le président Juncker, plus conscient de cette nécessité que ses prédécesseurs, a demandé, à juste titre, qu'ils soient renforcés. Que se passera-t-il si le Royaume-Uni parvient à réunir une minorité de blocage ? On ne pourra le taxer de déloyauté puisqu'il s'est toujours dit défavorable à cette évolution – l'Allemagne hésitant et allant désormais dans un sens peut-être plus proche de celui de la France – mais le problème politique serait patent. Un système d'alerte sera donc créé et, dès que le Royaume-Uni aura notifié sa décision de retrait, un rapport de forces s'exercera sur lui.

Le ministre vous a sans doute présenté les engagements pris à Bratislava. Nous avons six mois pour trouver un accord sur la traduction concrète des priorités centrales pour l'Union et pour débloquer certains sujets qui ont fini par empoisonner les relations entre les États, qu'il s'agisse de la question des travailleurs détachés ou de l'accueil des migrants. La question de la zone euro n'a pas été au centre des travaux parce qu'il fallait reconstituer un accord à vingt-sept et parce que l'Allemagne ne souhaite pas actuellement avancer à ce sujet.

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