Intervention de Philippe Léglise-Costa

Réunion du 21 septembre 2016 à 15h00
Mission d'information sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations

Philippe Léglise-Costa, secrétaire général des affaires européennes :

Cela s'explique par des raisons politiques internes, mais cela ne signifie pas que l'Allemagne ne soit pas consciente de la nécessité d'avancer. Elle y viendra, mais elle considère qu'elle aurait des difficultés à le faire aujourd'hui dans des conditions compatibles avec ce que souhaite la France. Les travaux se poursuivent : la Commission européenne prépare un Livre blanc qu'elle présentera au premier trimestre 2017. La discussion à ce sujet n'est donc que suspendue mais elle devra être reprise ultérieurement au niveau politique.

La capacité de résilience des britanniques est en effet impressionnante. Ils sont sous l'effet d'un choc intense qu'ils n'avaient pas anticipé et ils parviennent à faire bella figura, avec le sentiment qu'ils vont s'en sortir, ce qui n'est pas garanti et demandera des choix stratégiques fondamentaux. Une fois leur administration restructurée, ils seront de bons négociateurs, mais l'on ne doit mésestimer ni la désorganisation dans laquelle ils se trouvent ni le fait qu'il y a des écoles de pensée très tranchées sur ce que doit être l'avenir du Royaume-Uni. Pour les uns, il faut un choc de dérégulation accentuant encore ce qui a déjà été fait depuis des années. Pour les autres, il faut tendre à un rééquilibrage, dans la mesure de la culture britannique ; c'était plutôt l'orientation initiale de Mme Theresa May. Ces choix sont étroitement liés à la manière dont est envisagée la relation future avec l'Union européenne. Le choc de dérégulation peut amener le Royaume-Uni à choisir une relation distante – il y aurait intérêt, mais cela nous amènerait à nous protéger de tout ce qui pourrait être inéquitable. En revanche, une forme de continuité avec des rééquilibrages internes, peut amener le Royaume-Uni à rester plus proche de l'Union, mais nous avons nos conditions en termes de respect des droits et des obligations.

Le statut des personnes sera un sujet d'intérêt particulier, singulièrement pour les français établis au Royaume-Uni, mais la pression administrative à laquelle vous avez fait allusion s'exerce aussi en France, où des résidents britanniques souhaitent par exemple obtenir rapidement un titre de séjour pour garantir l'avenir, ou même la nationalité française. La question des ressources consulaires n'est pas directement de la compétence du SGAE, mais l'enjeu est bien connu des administrations compétentes.

Pour ce qui est des relations bilatérales garantissant certains droits, nous pourrons faire ce que nous voulons dès lors que nous nous accordons avec le Royaume-Uni. Comme cela est vrai dans tous les domaines, le risque de cette négociation est de considérer que, des intérêts s'étant constitués en 43 ans, il faut, secteur par secteur, maintenir les relations les plus étroites possibles. On se trouverait en ce cas dans une situation politique paradoxale : qui ne voit qu'il y aurait un avantage à sortir de l'Union européenne si, nonobstant, toutes les coopérations sont maintenues ? Si le Royaume-Uni, devenu un pays tiers, peut continuer à bénéficier de prêts de la BEI, pourquoi les autres États resteraient-ils membres de l'Union quand cette appartenance emporte pour eux des obligations ? Les prêts de la BEI accompagnent des projets régionaux, une convergence liée à la solidarité entre les États membres. Si l'on prolonge toutes les coopérations avec les britanniques en matière de recherche, d'universités, de projets d'infrastructure, la question peut légitimement se poser de savoir pourquoi ce pays, une fois sorti de l'Union, peut bénéficier des avantages induits par ces coopérations sans devoir se plier aux obligations qui s'imposent aux États membres. Un équilibre politique devra être trouvé ; beaucoup d'intérêts sectoriels gagneront à être préservés, mais à condition que cet équilibre soit viable politiquement.

L'article 50 du Traité prévoit que l'on envisage le cadre des relations futures et il en sera ainsi dans tous les cas. Mme Theresa May dit qu'elle prend le temps de préparer la notification pour qu'elle comporte son projet de relations futures avec l'Union européenne. Elle souhaite engager le Royaume-Uni dans la négociation avec l'Union sur la base de ce qu'elle juge être bon pour l'avenir de son pays ; pour leur part, les Vingt-sept escomptant que cette vision sera compatible avec les conditions qui ont été formulées. Une fois connue la teneur de la notification, nous analyserons si le cadre présenté est viable, en fonction de l'équilibre des droits et des obligations proposé. Sur le plan juridique, on ne peut arguer que la négociation ne peut être interrompue au bout de deux ans parce que l'on n'a pas tenu compte du cadre des relations futures. Il en sera tenu compte mais, au terme de ce délai, chaque État membre sera en droit de considérer que la négociation ne peut se poursuivre si elle a peu de chance d'aboutir ou si le Royaume-Uni ne se comporte pas de manière qu'elle aboutisse dans de bonnes conditions. L'idéal serait que l'accord de retrait organise non seulement le retrait, irréversible, sur les plans institutionnel et administratif mais aussi des transitions vers les relations futures ; mais il est possible que le processus soit plus brutal. Quoi qu'il en soit, le Royaume-Uni ne doit pas penser qu'il a un droit de tirage sur la durée de la négociation, qui s'engagerait alors dans des conditions défavorables pour les Vingt-sept.

Je vous trouve bien critique à l'égard du plan Juncker, qui n'a pas été conçu pour satisfaire tous les besoins d'investissement de l'Union européenne mais pour donner un signal d'orientation. Et nous avons obtenu que le Président de la Commission européenne en propose le doublement…

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