Intervention de Gabriel Serville

Réunion du 27 septembre 2016 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Monsieur le président, ce que j'entends ici ou là depuis que nous examinons le projet de loi m'amène à exprimer ici mes sentiments et ressentiments. Je ne souhaite pas, pour autant, être rabat-joie ni mettre des bâtons dans les roues de ceux qui veulent avancer, car il est tout à notre honneur d'être dans la co-constuction et le fusionnement d'idées.

J'ai envie, comme le disait Félix Éboué, de jouer le jeu, de m'élever au-dessus de certaines contingences en allant à l'essentiel, et en laissant de côté un certain nombre de préjugés. Mais il est vrai que des situations durent, dont nous ne parvenons pas à nous défaire.

Comme bien de nos collègues, j'ai déposé des amendements. Toutefois je m'interroge : n'avons-nous pas commis d'erreur sémantique en parlant d'égalité réelle ? Ne devrions-nous pas plutôt parler d'équité ? Car il me semble que c'est plus de cela que nous avons besoin. Il faut parfois donner un peu plus à ceux qui n'ont pas assez, et un peu moins à ceux qui ont trop.

Or, c'est précisément là que le bât blesse. Nos populations de Guyane ne cessent de se plaindre ; nonobstant tous les efforts réalisés, l'exaspération est exacerbée. Au cours de la présente législature, bien des choses ont été faites, mais les résultats ne sont pas suffisamment visibles pour convaincre nos populations que le travail a été fait par le Gouvernement ainsi que par les parlementaires que nous sommes.

Une réelle difficulté de terrain existe, je m'en suis récemment ouvert à Mme la ministre : pour évoquer l'égalité, il faut avant tout évoquer la sincérité ainsi que d'une meilleure connaissance du terrain. Les exemples sont nombreux où les outre-mer, et particulièrement la Guyane, se sont mis au travail, ont rédigé des projets et procédé à des expérimentations ; mais, à l'heure de la mise en musique de la partition, nous avons toujours buté sur des tonnes d'incompréhension, simplement parce que nous n'avons pas la même appréhension des situations de terrain.

L'exposé des motifs du projet de loi illustre une certaine forme d'analyse ainsi qu'une manière de poser les interrogations et d'établir le diagnostic. Nous ne cessons de le dire : lorsqu'une loi est adoptée au Parlement, elle est fondée sur un certain nombre de vérités ; or, souvent, les vérités de la France hexagonale ne sont pas celles des outre-mer, et en particulier de la Guyane.

Notre collègue Marie-Anne Chapdelaine et sa collègue sénatrice Aline Archimbaud, se sont rendues en Guyane dans le cadre de leur mission sur le suicide chez les jeunes amérindiens et elles ont formulé ensuite un panel de propositions. Lorsque l'on constate aujourd'hui les résultats de leur travail, on se demande comment faire pour que ce type de propositions soit pris en compte par le Gouvernement.

On nous demande encore de nous livrer à un exercice qui est parfois simple, parfois compliqué, consistant à revenir sur des diagnostics et à préconiser des solutions. Je crains fortement – et l'article 40 de la Constitution a été évoqué à plusieurs reprises aujourd'hui – que les propositions ainsi formulées ne puissent pas aller à leur terme. Nous le constatons en Guyane : crise de l'hôpital, crise de la santé, crise dans les écoles, accès à la justice et au logement.

Nous aurions pu imaginer que ce projet de loi sur l'égalité réelle gomme toutes ces disparités. Mais je vous dirai sincèrement, qu'en raison des délais qui nous sont impartis d'ici l'élection de l'année prochaine, je ne suis pas du tout convaincu – non pas de la pertinence du travail que nous accomplissons, car il est de bon sens –, mais de la capacité, notamment du Gouvernement, à pouvoir prendre en considération les propositions que nous serions susceptibles de formuler dans le cadre de l'examen de ce texte.

Mes chers collègues, je suis avec vous, et je vais tâcher d'avancer comme il se doit. Mais je vous donne rendez-vous aux premiers mois de l'année 2017 pour dresser un premier bilan de l'application de la loi. Il nous faudra être très prudents, très perspicaces et très précis dans l'analyse de la situation afin de ne pas nous tromper. Sinon, les désillusions des populations s'exacerberont, et elles ne nous le pardonneront pas.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion