Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, madame, monsieur les rapporteurs pour avis, chers collègues, nous arrivons à la dernière étape d’un processus qui a mobilisé de nombreuses énergies : celle de nos trois rapporteurs et des commissions qui ont travaillé sur leurs conclusions, celle du Gouvernement qui a défini le cadre de la discussion, et celle des députés qui, par leurs propositions, ont réalisé concrètement la coproduction législative souhaitée par la ministre des outre-mer. La densité des débats préalables, la quantité et la qualité des amendements déposés montrent, madame la ministre, que votre appel a été largement entendu. La contribution des députés à l’élaboration du texte définitif promet d’être substantielle.
Fidèle à sa vocation d’expression institutionnelle des outre-mer dans cette assemblée, notre délégation a tenu sur ce projet de loi une réunion dont il me paraît important de rappeler quelques conclusions.
La première est un constat : après soixante-dix ans de départementalisation, les inégalités, bien d’autres l’ont déjà dit avant moi, demeurent bien réelles entre les outre-mer et la métropole. Certes, depuis quatre ans, d’importants efforts ont été accomplis pour les combattre. Le Président de la République avait, dès son entrée en fonctions, pris la mesure des défis auxquels sont confrontés les outre-mer et s’était engagé à les relever. Les moyens budgétaires dégagés par chaque loi de finances, les plans d’action pour la sécurité, la jeunesse et le logement, la stratégie de santé outre-mer ont décliné, année après année, cette volonté politique. Mais il reste beaucoup d’efforts à faire.
L’ambition qui porte ces efforts a désormais un nom : l’égalité réelle. Pour la délégation aux outre-mer, il s’agit tout autant de l’égalité des chances, de l’égalité des conditions de vie que de l’égalité institutionnelle. Car nous subissons les injustices d’un droit appliqué de manière différenciée au détriment des citoyens ultramarins. Quelle que soit leur couleur politique, les députés d’outre-mer veulent que la loi soit effectivement le support de l’égalité, et non pas le contraire. Je crois que ce projet de loi porte cette ambition et c’est pour cela, madame la ministre, qu’il incarne l’engagement politique le plus fort à l’égard des outre-mer depuis la départementalisation. Certains disent, non sans condescendance, voire mépris : « Les outre-mer en veulent toujours plus. » Non, les outre-mer n’en veulent pas toujours plus : ils veulent l’égalité, objectif qui n’est pas encore atteint au moment où nous discutons. Oui, c’est vrai, nous nous battons toujours, en 2016, pour l’égalité, laquelle découlait en fait de la loi de 1946.
Ici se place le deuxième message de la délégation : l’égalité réelle ne se fera pas à l’économie. C’est en investissant que l’on récolte des fruits. Pour que les plans de convergence aient tout leur sens, il faudra dégager les moyens de leur réalisation.
Le troisième message de la délégation est un rappel de l’exigence de justice sociale. Il n’est pas acceptable que les règles fixant les critères et le taux d’un certain nombre d’aides sociales soient trop souvent défavorables aux outre-mer. Il est inadmissible que les retraités agricoles ne bénéficient pas, en outre-mer, de l’augmentation générale à 75 % du SMIC. Il est inadmissible que les règles de cotisations pour les travailleurs indépendants ne soient pas les mêmes pour les travailleurs métropolitains et ultramarins, à la défaveur bien sûr de ces derniers. Où est l’égalité ?
La réalisation de l’égalité réelle est confrontée – c’est le quatrième constat – aux effets négatifs d’une situation économique et géographique particulière, sans aucune commune mesure avec ce que connaît l’Hexagone.
Pour les surmonter, il conviendrait de mieux appuyer les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises qui portent notre dynamisme, d’ouvrir nos territoires à leur environnement régional et d’assurer une meilleure continuité territoriale. Le Gouvernement a déjà pris quelques mesures en ce sens ; il faut continuer.
Je terminerai par une préoccupation souvent soulevée pendant les travaux de la délégation : la qualité de vie, qui passe par un environnement préservé, une bonne santé des citoyens, un accès à l’eau potable, des stratégies pour faire face au changement climatique, une bonne gestion et un recyclage des déchets, une nourriture de qualité, produite dans des conditions satisfaisantes et vendue à des prix équilibrés, l’accès à un logement décent et la nécessité de voir s’épanouir nos richesses culturelles.
En traitant bon nombre des sujets que je viens d’évoquer, la délégation aux outre-mer me semble avoir rempli la fonction de veille institutionnelle qui lui avait été confiée en 2012. Ainsi s’est trouvée vérifiée la justesse de l’intuition qui a conduit le président Bartolone à suggérer la création de cette instance nouvelle. C’est pourquoi j’ai pris l’initiative à cette occasion d’en proposer la consécration par la loi. Je souhaite que notre assemblée fasse sienne cette proposition désormais incluse dans le texte soumis à son examen.
Je forme le voeu que la délégation, ainsi consolidée, puisse accompagner les territoires ultramarins et la France hexagonale dans la construction de cette égalité réelle que nous appelons collectivement de nos voeux et à laquelle, je l’espère, les gouvernements et les parlementaires consacreront tous leurs efforts. Comme l’a dit un jeune député de La Réunion, trop tôt disparu, dans une langue qui est parlée sur le territoire de la République – le créole –, « nou lé pas plus, nou lé pas moins, respect a nou ! »