Intervention de Stéphane Claireaux

Séance en hémicycle du 4 octobre 2016 à 15h00
Égalité réelle outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Claireaux :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, madame, monsieur les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour l’examen du projet de loi relatif à l’égalité réelle en outre-mer. Ce texte, qui concrétise et confirme l’engagement fort du président François Hollande pour nos territoires, est évidemment très attendu en outre-mer.

Comme M. le rapporteur Victorin Lurel, dont je tiens à saluer ici le travail, l’a souligné dans son rapport rendu en mars dernier au Président de la République, le concept d’« égalité réelle » consiste à combler les inégalités de condition, de situation et de position entre les outre-mer et l’Hexagone. Nous entendons ainsi réduire les inégalités économiques et sociales importantes qui subsistent entre les territoires ultramarins et la métropole et, ce faisant, faire nôtre la devise de la République française, qui proclame la liberté et l’égalité des citoyens, les distinctions sociales ne pouvant être fondées que sur l’utilité commune.

Toutefois, les députés ultramarins avertis que nous sommes le savent bien – en particulier mes collègues Ary Chalus pour la Guadeloupe et Thierry Robert pour La Réunion –, nos territoires sont tous spécifiques ; ils ont une histoire, des statuts et des problématiques propres, qui imposent une adaptation de la notion d’« égalité réelle » à chacune des collectivités qui les composent.

Comme l’a souligné notre collègue rapporteur Victorin Lurel lors des débats en commission, l’égalité réelle transcende les statuts et les régimes législatifs ; et, comme l’a réaffirmé tout à l’heure Mme la ministre Ericka Bareigts, l’égalité ne se décrète pas, elle se bâtit. Or, si certaines problématiques se retrouvent dans la majorité des outre-mer, telles que l’éloignement par rapport à l’Hexagone et la capitale, l’insularité – voire parfois la « double insularité », comme pour Miquelon, Marie-Galante en Guadeloupe ou la Polynésie –, la vie chère – notamment pour les produits de première nécessité –, la gestion des frontières, un environnement économique difficile corrélé à un taux de chômage important, je suis en revanche bien placé pour dire que chaque territoire ultramarin a ses propres revendications et sa propre acception de l’égalité réelle.

Ainsi, à Saint-Pierre-et-Miquelon, contrairement à une grande partie de nos concitoyens ultramarins, nous évoluons dans un environnement économique riche et développé lié à la proximité immédiate du Canada et des États-Unis. Comme j’ai pu le dire au cours des auditions menées en 2015 par Victorin Lurel, à Saint-Pierre-et-Miquelon, les questions d’éducation, de sécurité, d’immigration, de taux de mortalité et même de chômage ne sont pas aussi prégnantes qu’ailleurs en outre-mer ; mais cela ne signifie pas pour autant que le plus petit territoire ultramarin – avec 242 kilomètres carrés –, le moins peuplé – 6 200 habitants – et le moins éloigné de la métropole – 4 300 kilomètres – ne connaît pas de difficultés. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai déposé, dans le cadre de ce projet de loi, un certain nombre d’amendements à caractère social et économique, mais également en matière de santé ou d’égalité des chances.

Je souhaite, à titre d’exemple, insister sur deux problématiques importantes pour mon territoire. Bien que Saint-Pierre-et-Miquelon soit, je l’ai dit, le territoire ultramarin le plus proche de la métropole, il ne bénéficie d’aucune ligne aérienne directe vers Paris. Nous sommes donc contraints de transiter par le Canada voisin. Or, à partir de cet automne, l’accès à Saint-Pierre-et-Miquelon se trouvera conditionné par l’obligation d’obtenir au préalable un visa ou une autorisation de voyage électronique délivrée par le Canada. Aussi, en l’absence de desserte aérienne directe entre Saint-Pierre-et-Miquelon et la métropole, nous serions les seuls citoyens français à dépendre de l’autorisation d’un pays tiers pour circuler entre deux points du territoire national, ce qui est, à mon sens, inacceptable. Aussi, je me félicite que la commission des lois ait pris en compte cette difficulté en adoptant l’article 3 bis portant définition de la continuité territoriale, celle-ci devant être assurée indépendamment de l’obtention d’une autorisation préalable émanant d’un pays tiers.

De même, je salue l’insertion dans le texte, à l’instigation de mon collègue Thierry Robert, de la fixation des orientations fondamentales en matière d’accès à la mobilité dans les plans de convergence.

En revanche, et ce sera mon deuxième point, je regrette que d’autres problématiques, non moins handicapantes, n’aient pu trouver leur place dans ce projet de loi. Je pense en particulier aux nombreux acteurs économiques et sociaux qui souffrent de l’inadaptation des normes et règles françaises et européennes imposées sur les biens et produits commercialisables et utilisables dans l’archipel, ce qui entraîne des surcoûts ou des situations ubuesques, alors que la grande majorité de notre approvisionnement se fait naturellement auprès du Canada voisin.

Comme vous le voyez, mes chers collègues, les difficultés sont aussi diverses que les territoires ultramarins eux-mêmes, et si les attentes sont grandes chez nos concitoyens, toutes ne trouveront évidemment pas réponse dans ce projet de loi. Nous souhaitons cependant profiter de l’occasion qu’il nous donne pour trouver un maximum de solutions, avec le rapporteur et le Gouvernement, afin de répondre aux besoins de tous nos compatriotes français ultramarins.

Pour conclure, je veux remercier Mme la ministre des outre-mer, Ericka Bareigts, pour son écoute et le soutien de son cabinet, qui s’est véritablement investi pour trouver des réponses à certains de mes amendements, s’agissant notamment de l’extension des aides au logement à Saint-Pierre-et-Miquelon. Plus généralement, nous tenons à saluer l’esprit de co-construction qui a prévalu lors de nos discussions, comme en témoigne l’ajout d’une centaine d’articles lors de l’examen en commission des lois, et nous espérons bien poursuivre cet enrichissement dans l’hémicycle durant les jours à venir.

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