Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, madame, monsieur les rapporteurs pour avis, chers collègues, il y a longtemps que le mot « égalité » ponctue les soubresauts de l’histoire mondiale et particulièrement celle de notre pays. Nous faisons, en la matière, figure de modèle.
Vous avez rappelé en préambule de vos propos, madame la ministre, combien il a fallu que nos prédécesseurs mènent de combats dans cet hémicycle pour conquérir l’égalité. Et pourtant, la voilà associée au qualificatif de « réelle » : c’est dire qu’elle n’a toujours pas, à cette heure, la même signification pour tous et qu’elle ne renvoie pas à une notion claire pour chacun.
C’est parce que le Président de la République, M. François Hollande, s’est rendu dans chacun des territoires d’outre-mer au cours de son mandat qu’il a pu mesurer la grande diversité de nos situations. Il a souhaité que nous puissions réfléchir à ce concept d’« égalité réelle » pour nos territoires et nos concitoyens : qu’il en soit remercié. Je remercie également notre collègue Victorin Lurel d’avoir orchestré si rapidement ce travail. Je vous remercie vous aussi, madame la ministre, de vous être saisie avec autant d’enthousiasme et d’énergie de ce projet de loi.
Ce mot d’« égalité » – fût-elle réelle – ne peut avoir une seule interprétation, tant l’outre-mer français recouvre des réalités différentes. Nos territoires sont tout d’abord différents par leur taille : la Polynésie s’étale par exemple – comme l’a rappelé Maina Sage, députée de Polynésie – sur une superficie équivalente à celle de l’Europe. La Guyane, quant à elle, est grande comme plusieurs fois la France. Wallis-et-Futuna pourrait, elle, être tout entière bordée par le périphérique parisien.
Cependant, sous l’angle maritime, Wallis-et-Futuna recouvre également une zone économique exclusive de 300 000 kilomètres carrés. De ce fait, l’archipel ne se situe plus sur la même échelle : au lieu d’occuper 110 kilomètres carrés, il en occupe plus de 300 000, c’est-à-dire une surface représentant la moitié de celle de la France métropolitaine.
Nos territoires se différencient également par leur éloignement de la métropole, par leur climat ainsi que par leurs richesses. En ce qui concerne mon territoire, l’éloignement, le décalage horaire et la superficie sont des contraintes extrêmement prégnantes – mais qu’ici on mesure mal – et qui rendent difficile de vivre au sein de la République.
Nous sommes en outre différents en ce qui concerne le temps que nous avons passé au sein de la République. Notre territoire est celui qui a adhéré le plus récemment à la République et nous conservons toute notre affection à nos rois. Ils étaient sur les Champs-Élysées le 14 juillet dernier, à l’invitation du Président de la République. La plupart des territoires d’outre-mer peuvent parler de leurs relations avec le pouvoir central en siècles ; pour Wallis-et-Futuna, ce n’est qu’en 1961 que notre statut précise nos rapports avec la République.
Madame la ministre, nous sommes fiers de l’accueil que nous avons réservé à vos prédécesseurs, comme à M. le Président de la République, premier Président depuis 1961 à venir à Futuna, territoire le plus éloigné de la République. L’un des orateurs précédents a expliqué qu’il n’y avait pas de sous-citoyens, pas de différence entre les citoyens. Que ce petit territoire de Futuna, éloigné de 22 000 kilomètres de la métropole, ait attendu plus de cinquante ans pour qu’un Président vienne rendre visite à ses habitants, doit nous faire réfléchir sur cette notion d’égalité réelle. Je ne doute pas que vous ayez aussi à coeur de venir constater sur place ce qu’est notre territoire et combien nos concitoyens savent se montrer accueillants.
L’assemblée territoriale a accompli un travail de réflexion et de proposition pour tendre vers cette égalité réelle. Elle s’est engagée à relever le défi d’un développement durable par le désenclavement territorial, économique et maritime, nécessaire pour nous insérer dans l’économie mondiale et régionale.
Notre situation tient en une réalité : nos îles se vident, les jeunes partent trouver du travail à l’extérieur, nos anciens partent trouver des soins adaptés et de l’affection dans des territoires équipés, auprès de leurs enfants. Entre 2003 et 2013, le solde de population a été négatif de 18 %. Le texte de loi, par l’importance qu’il donne à l’île de Mayotte, s’attache aux problèmes liés à l’explosion démographique. Dans notre cas, c’est bien à l’implosion qu’il faut faire face. Notre objectif est simple : stopper l’hémorragie démographique et nous donner les moyens d’affronter le monde moderne sans perdre notre culture. La stratégie de développement votée par l’assemblée est pour nous une feuille de route. C’est pourquoi, madame la ministre, j’ai souhaité qu’elle puisse être citée dans ce texte, dès son vote définitif, comme référence du plan de convergence pour notre territoire.
Lors de sa venue à Wallis-et-Futuna en début d’année, le Président de la République a défini les urgences. Avec vos services, je suis régulièrement l’application de cette feuille de route. Si des dossiers progressent, d’autres stagnent. Alors que le financement du centre de dialyse de Futuna était sur le point d’aboutir, voici que Bercy nous conteste la possibilité d’obtenir un prêt de l’Agence française de développement. Il faut que nous puissions financer ce centre de dialyse, pour un territoire qui compte le plus grand pourcentage de dialysés du pays.
Madame la ministre, nous aurons très bientôt l’occasion de voir, dans le budget, si les moyens nécessaires promis par le Président de la République sont là. Nous serons vigilants mais il est nécessaire que cette loi nous ouvre des perspectives d’avenir et réponde aux urgences.