Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la délégation aux outre-mer, monsieur le rapporteur, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer. Notre mission, à nous, députés de la nation, ultramarins et hexagonaux, est d’enrichir ce texte du mieux qu’il nous est possible, afin d’atteindre ce but tant attendu, je pense que nous en sommes tous conscients.
La diversité de nos outre-mer est reconnue dans le projet puisque ses titres IER et II définissent le cadre, la stratégie et les instruments pour y parvenir : des plans de convergence contractés entre l’État et les collectivités, à raison d’un plan par territoire, et donc l’assurance que nous aurons les moyens, demain, de prendre en compte les spécificités de chacun de ces territoires dans les politiques publiques qui seront menées.
En consacrant la possibilité de recourir aux habilitations, expérimentations et adaptations dans le cadre de ces plans de convergence, il est donné aux collectivités d’outre-mer la possibilité légale de participer à la construction active de leur avenir.
Le débat sur les moyens que l’État consentira à donner à cette construction devra quant à lui déboucher sur la possibilité matérielle d’atteindre cet objectif. En aucun cas, l’égalité réelle ne pourra être atteinte si le cadre posé aujourd’hui n’est pas nourri d’une volonté assumée de l’État d’y participer activement, tant sur le plan technique que sur le plan financier.
J’ai pour ma part l’espoir de voir notamment l’instrument de l’adaptation déverrouiller nos scléroses, lever des obstacles jusqu’à présent impossibles à éviter, afin, par exemple, de servir la production locale. Adapter les dispositions législatives et réglementaires à nos spécificités et à la réalité géographique et démographique de nos territoires, c’est la condition d’un nouveau souffle économique, j’en suis convaincu.
Beaucoup de définitions ont été données à l’égalité réelle. Elle passe par l’achèvement nécessaire de l’égalité des droits : je pense aux bénéficiaires de très faibles retraites, du fait des retards pris dans l’égalité sociale ; je pense aux agriculteurs, dont les pensions sont anormalement faibles en outre-mer. Mais l’égalité réelle passe dorénavant surtout par l’égalité des chances, car il n’est pas de plus grande inégalité aujourd’hui entre l’Hexagone et les outre-mer que dans l’accès aux opportunités, qu’elles soient économiques, culturelles, qu’elles concernent le mouvement vers l’extérieur, l’accès au numérique et bien d’autres domaines. Les outre-mer ne demandent pas de vivre du transfert de ressources, ils demandent les moyens d’exister, les moyens de provoquer leur propre chance.
À ce titre, notre mission est notamment d’agrandir le cadre des futurs plans de convergence. Je remercie d’ailleurs mes collègues, qui, sur ma proposition, ont bien voulu intégrer à la liste des orientations fondamentales de ces plans de convergence la lutte contre l’illettrisme et la question de la mobilité.
En effet, il n’est pas acceptable de laisser proliférer, sur le territoire national, l’illettrisme, dont la réalité des proportions est bien supérieure en outre-mer qu’en métropole. L’égalité passe par ce combat, qui rend les hommes libres et autonomes.
La question de la mobilité est elle aussi essentielle. L’ouverture du ciel à davantage de concurrence afin de faire baisser structurellement les prix et de réduire l’effet d’aubaine créé par les aides financières à la continuité territoriale doit être traitée dans ces futurs plans de convergence.
Sur le même sujet, je me réjouis de l’adoption en commission des lois de l’article 12 quinquies, qui prévoit la remise au Parlement par le Gouvernement d’un rapport sur le processus de formation des prix des billets d’avion entre les outre-mer et la France hexagonale. Le travail initié par la DGCCRF – la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – devrait pouvoir révéler ces éléments rapidement puisque le ministre de l’économie en poste en février dernier, lorsque je l’avais interpellé sur ce sujet dans l’hémicycle, avait promis une enquête de ses services.
S’agissant des dispositions d’ordre social, chez un grand nombre d’entre nous, les idées ont évidemment foisonné en commission, mais elles se sont heurtées à l’article 40 de la Constitution. J’avais pour ma part proposé l’indexation du montant de l’allocation de solidarité aux personnes âgées sur le niveau des prix des biens de première nécessité constaté par les observatoires des marges et des prix territorialement compétents. Je regrette qu’il n’ait pas été possible d’intégrer cette disposition en faveur d’une population disposant de très faibles revenus. J’espère que nous pourrons au moins en étudier la possibilité grâce à un amendement demandant un rapport sur le sujet, que je défendrai.
Le temps des plans de convergence n’est pas le temps des gens. J’espère donc sincèrement que nous pourrons encore enrichir le texte dans cet hémicycle, afin d’envoyer à nos concitoyens ultramarins des messages concrets et d’éviter les déceptions après les nombreux espoirs suscités dans l’amélioration de leur quotidien.
« La démocratie, c’est l’égalité des droits, mais la République, c’est l’égalité des chances. » Je reprends ici les mots d’un ancien Président de la République, Jacques Chirac, et je nous invite à suivre cette inspiration afin de donner à nos outre-mer, dans quelque mer ou océan, sous quelque latitude et aussi éloignés soient-ils de la mère patrie, toutes les chances d’atteindre cette égalité.