Intervention de Ericka Bareigts

Séance en hémicycle du 4 octobre 2016 à 15h00
Égalité réelle outre-mer — Discussion générale

Ericka Bareigts, ministre des outre-mer :

Sans prendre trop de temps, je voudrais revenir sur quelques éléments qui me semblent importants pour la suite des débats.

Tout d’abord, monsieur le rapporteur Lurel, je vous remercie pour vos remarques et encouragements. Conscients de l’urgence, nous avons en effet engagé une démarche volontariste et décidé d’adopter un rythme rapide nous permettant d’être dès aujourd’hui au rendez-vous législatif. Il n’est jamais trop tard pour agir en faveur des populations qui attendent des réponses sur des sujets aussi importants que ceux évoqués par tous les orateurs.

Ultramarine, je connais tant l’histoire de ces sujets que leur réalité quotidienne. Je suis très fière, et je voulais le redire ici, de faire partie d’un gouvernement qui mène aujourd’hui ce combat, en n’oubliant aucune de ses dimensions.

Nous avons effectué des avancées, et je souhaite saluer le Premier ministre et le Président de la République pour leur soutien, mais je tiens aussi à ce que le travail de co-construction que nous avons engagé au cours de cette première étape se poursuive dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Monsieur le rapporteur pour avis Letchimy, vous avez parlé d’« émancipation économique », idée qui me semble fondatrice. Nous parlons beaucoup de parachever l’égalité sociale, parce qu’il ne peut y avoir de développement économique sans égalité sociale – en tout cas sans les moyens donnés à chacun de réaliser son propre destin –, mais l’émancipation économique est une idée nouvelle, dynamique, que j’assume et que je défends. Si vous le permettez, je la partagerai donc avec vous.

Madame Orphé, toutes les questions touchant au développement humain sont très importantes à mes yeux – je pense à l’alcoolisme, au statut des femmes ou encore à l’accès aux soins, évoqués aussi à l’instant par Philippe Gomes. Les travaux que vous avez menés, en tant que rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, ont grandement contribué à enrichir le texte, nous y reviendrons au fil des débats. Nous reprendrons notamment votre amendement sur le rapatriement des corps ; je sais que ce sujet, très important pour nos populations, vous tient à coeur.

Monsieur le président Fruteau, vous l’avez dit, avec la sagesse qui vous caractérise : le travail que nous accomplissons est aussi important – peut-être pas davantage, mais aussi important – que celui réalisé au moment de la départementalisation, et je suis la première à dire qu’il ne pourra pas se faire à l’économie. Nous nous sommes tous battus, moi comprise, pour obtenir les premiers moyens importants en vue d’ouvrir cette perspective d’égalité réelle. Nous allons continuer à nous battre, cela va de soi, parce que nous sommes des combattants de l’égalité, mais un pas important a d’ores et déjà été franchi.

Madame Bello, très exactement soixante-dix ans après la loi de 1946, nous entrons dans une nouvelle dynamique. C’est, vous l’avez dit, la fin de l’assimilation. Le changement de mentalité est grand : on change de lunettes, de perspective, d’approche. Comme tout grand changement, celui-ci sera libérateur, mais il faudra savoir l’accompagner et l’expliquer.

Monsieur Aboubacar, vous avez raison, toutes ces démarches pragmatiques existaient déjà un peu en amont de la loi, avec le plan Mayotte 2025 ou le Pacte d’avenir pour la Guyane. Cela signifie que les choses étaient mûres, et tant mieux, car cela nous permettra d’accélérer la cadence pour construire cette égalité réelle.

Monsieur Gibbes, vous prenez une posture, je le vois et je l’entends, mais, honnêtement, je ne vous comprends pas. Vous nous dites qu’il existe des inégalités, des injustices, des difficultés. Nous vous répondons en agissant – je trouve cela plutôt positif – et en agissant dans la co-construction, en respectant le fonctionnement de nos institutions tout en opérant des distinctions entre les territoires, parce qu’il n’y a pas de vérité unique, parce qu’il y aura des outils distincts, des stratégies distinctes. S’agissant de la méthode, il est absolument nécessaire, dès le départ, d’engranger des connaissances et de dessiner des convergences sur chacun des territoires.

Cela vaut aussi pour l’économie : nous ne définirons pas un outil économique unique, parce que nous voulons rester dans l’esprit de stratégies différentes pour chaque territoire. Choisir un outil unique ne serait pas très ambitieux. Cette loi doit être plus ambitieuse que la LODEOM, je le dis. Prenons le temps d’élaborer ces outils. Cela nous permettra de mieux les construire, en étant mieux éclairés grâce au recueil des chiffres dont nous ne disposons pas toujours, en prenant du recul, en gagnant en solidité grâce à l’analyse soigneuse des différentes situations. Comme l’a dit Huguette Bello, il nous faut de bonnes fondations, sans quoi notre entreprise n’ira pas bien loin.

Madame Sage, l’État doit en effet travailler aux côtés des collectivités, en prenant en compte leur handicap structurel. Et les critères de distance et d’insularité – je pense à la situation particulière de votre territoire – doivent évidemment être pris en compte. Je tiens également à vous dire que, pour moi, il n’y a pas d’opposition entre le progrès économique et le progrès social : nous devons les construire ensemble.

Monsieur Claireaux, j’ai bien entendu votre appel à la co-construction. Je vous assure que telle sera notre démarche, dans cet hémicycle, tout au long des débats.

M. Nilor n’est plus là mais je tiens à lui répondre. Je veux lui rappeler que je suis engagée en politique depuis maintenant trente ans, que j’ai assumé des responsabilités politiques locales et aujourd’hui nationales. Je suis ultramarine et jamais je n’ai construit froidement une stratégie électoraliste. J’ai beaucoup trop de respect pour mes frères et pour mes soeurs, et pour la mission que j’assume avec responsabilité au sein de ce gouvernement.

Monsieur Polutélé, je me joins à vous pour remercier le Président de la République de s’être rendu sur vos terres, à Wallis-et-Futuna, et d’avoir rendu les arbitrages importants dont vous avez parlé. Je suis moi aussi très préoccupée par la décroissance démographique que connaissent les territoires de Wallis-et-Futuna. Nous construisons ensemble des stratégies de développement – je pense au câblage avec les îles Fidji, pour construire une dynamique économique nouvelle et retenir les populations. Il s’agit bien, là aussi, d’une stratégie locale s’apparentant à un plan de convergence.

Monsieur Robert, vous voulez mettre fin à la sclérose de l’habilitation législative et réglementaire. J’avais essayé de le faire en tant que députée. Vous voulez, à La Réunion, réparer l’erreur originelle, cette vision politique qui a eu pour effet, il y a quelques années, de nous figer dans un état du droit nous empêchant d’utiliser l’outil mis à la disposition d’autres territoires. Il nous reste toujours l’expérimentation, en attendant qu’une réforme constitutionnelle ne vienne changer les choses.

S’agissant des tarifs aériens et des connectivités – car c’est bien sous cet angle beaucoup plus large qu’il faut aborder le sujet –, je suis persuadée que nous devons avant tout travailler sur la transparence. J’entends me pencher sur ce sujet avec méthode, mais aussi avec célérité, en priorité, car nos concitoyens attendent des décisions très concrètes.

Madame Louis-Carabin, je suis vraiment ravie que nous ayons pu, vos collègues et moi-même, vous convaincre que nous allions réaliser, avec cette loi, l’engagement no 29 du candidat François Hollande sur l’égalité réelle : sur ce sujet qui vous tient à coeur, nous aurons avancé, les débats le montreront.

J’en profite pour remercier George Pau-Langevin, avec qui j’ai travaillé à l’élaboration de cette loi.

Monsieur Gomes, cette loi est un point de départ ; dans quelque temps, nous nous retrouverons peut-être pour parachever ce travail, c’est aussi notre responsabilité à tous les deux. Les mots ont leur sens, vous avez raison, et nous ferons en sorte que certains d’entre eux soient modifiés au cours de l’examen de ce texte. Et nous reviendrons sur de nombreux sujets importants et difficiles ; peut-être les avancées, sur certains points, ne vous sembleront-elles pas suffisantes au regard de vos attentes, mais il m’importe que nous puissions ouvrir des perspectives sérieuses sur ces sujets, notamment sur l’énergie.

Monsieur Said, vous avez souligné que ce texte se penche sur l’ensemble des sujets sociaux dont nous avons parlé ensemble, notamment lors de mon déplacement à Mayotte : la santé, la lutte contre l’économie informelle, la formation, la lutte contre les exclusions. Vous avez également insisté sur la nécessité de donner au plan de convergence une cohérence territoriale. C’est la raison pour laquelle je souhaite que le débat préalable soit le plus large possible.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, les quelques remarques que je souhaitais formuler en réponse à vos interventions.

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