Intervention de Roch-Olivier Maistre

Réunion du 4 octobre 2016 à 16h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Roch-Olivier Maistre, conseiller maître à la Cour des comptes :

Je vais d'abord répondre à la question portant sur le recours aux professionnels du chiffre. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2017, vous constaterez que la chancellerie a bénéficié d'un arbitrage favorable : elle va disposer d'une dotation qui lui permettra, à partir de 2017, d'expérimenter la délégation du contrôle des comptes des majeurs à des professionnels du chiffre, c'est-à-dire à des commissaires-priseurs judiciaires, des notaires ou des huissiers pour les éléments patrimoniaux, et à des experts-comptables ou des administrateurs judiciaires pour les comptes.

La chancellerie s'est livrée à un exercice de simulation en retenant un scénario de délégation totale des comptes à des professionnels du chiffre, sur la base d'un tarif relativement peu attractif. Elle parvient au montant de 37 millions d'euros, un chiffre très approximatif qui mériterait d'être expertisé. Ce montant peut paraître élevé mais il baisse fortement dès que l'on déplace le curseur des mesures de protection en direction des familles. Les mesures assumées par les familles représentent actuellement quelque 46 % du total. Si ce taux passait de 46 % à 50 %, les finances publiques feraient une économie de plus de 30 millions d'euros. Il y a donc une marge de manoeuvre dans le dispositif, malgré la pression qui pèse sur les moyens, compte tenu de la dynamique.

La Cour des comptes propose une approche par les risques, qui est assez classique : les comptes restent sous le contrôle du juge et du greffier en chef, mais il y aurait un recours aux professionnels du chiffre pour les masses financières les plus importantes et dans les cas où l'on considère qu'il y a un risque en raison de la situation de la personne ou de son environnement.

S'agissant du délégué interministériel, la bonne formule, celle qui fonctionne le mieux en sciences administratives, si je puis dire, c'est quand la fonction est occupée par le directeur d'une administration centrale. La difficulté – vous l'aurez compris lors de ma présentation – est qu'il n'y a actuellement pas de directeur à la chancellerie qui soit particulièrement en charge de cette mission. On pourrait concevoir de faire évoluer la direction de la PJJ pour qu'elle soit à la fois chargée de la protection juridique des mineurs et des majeurs. C'est pourquoi nous avons choisi de préconiser la solution du délégué interministériel auquel serait confiée une mission temporaire de cinq ans au maximum. À lui de définir la bonne structuration de cette politique publique que la Cour des comptes appelle de ses voeux. La problématique est interministérielle, en effet, même si elle a une dominante justice.

En ce qui concerne la situation des départements, je comprends bien la position que vous exprimez en tant que parlementaires. L'échec des MASP – mesures qui altèrent moins les libertés des personnes – est probablement lié aux réticences des départements qui ont d'autres charges importantes, mais il s'explique aussi par la méconnaissance de ce dispositif par les juges eux-mêmes. Comme notre rapport l'explicite et comme le constate le Défenseur des droits, tout le système pousse à la tutelle et à la curatelle : pour le médecin, c'est le moyen le plus protecteur ; pour les familles, c'est le moyen de transférer à d'autres le soin d'assurer le suivi ; pour le juge, c'est une mesure relativement « confortable » et simple. Les mesures alternatives proposées par le législateur n'ont donc pas eu le succès escompté car la connaissance et le calibrage du dispositif n'ont pas été suffisants. Concernant les départements, je mettrais tout de même un bémol : le financement de cette politique publique, qui représente un montant de 780 millions d'euros, est assuré par les majeurs eux-mêmes à hauteur de quelque 150 millions d'euros et par l'État pour le reste.

Quant à l'annexe 5, elle indique le nombre moyen d'affaires suivies par le juge des tutelles dans le département. Au niveau national, la moyenne se situe à 3 500. Cette moyenne cache des disparités absolument phénoménales puisqu'en Lozère un juge des tutelles suit 12 250 affaires. Le chiffre fait froid dans le dos.

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