Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du 4 octobre 2016 à 16h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission entend M. Jacques Toubon, Défenseur des droits, sur le rapport « La protection juridique des majeurs vulnérables », et M. Roch-Olivier Maistre, conseiller-maître à la Cour des comptes, sur le rapport d'enquête « La tutelle des majeurs : une réforme ambitieuse, une mise en oeuvre défaillante » réalisé par la Cour, en application du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances.

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Je souhaite la bienvenue à nos deux invités, que nous avons jugé bon de convier ensemble, pour évoquer un sujet essentiel à propos duquel les deux institutions qu'ils représentent viennent l'une et l'autre de livrer leurs réflexions.

Ce sujet, la tutelle des majeurs, a été retenu par notre commission, à l'initiative de Gaby Charroux, rapporteur spécial pour les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, pour être traité dans l'un des rapports que nous livre la Cour des comptes sur le fondement du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Cette procédure prévue par la LOLF est très utile en ce qu'elle éclaire chaque année, sur un point particulier, nos travaux sur la loi de finances.

Je profite de l'occasion pour rappeler la teneur des trois autres enquêtes dont la Cour doit nous présenter les conclusions au cours des prochains mois. La première, que j'ai proposée, à laquelle je tiens beaucoup et dont j'espère qu'elle nous sera transmise rapidement, porte sur la prise en considération de la dépense locale et de son efficacité dans la répartition des concours de l'État aux collectivités territoriales et dans les critères de péréquation. En la matière, on a l'impression que plus l'on dépense, plus l'on est aidé par l'État, à une époque où il convient pourtant de maîtriser la dépense publique. La deuxième enquête a pour objet les moyens de services de police technique et scientifique et leur coordination ; la troisième, l'efficacité de la direction générale des finances publiques (DGFiP) dans la collecte des impôts. Ces rapports doivent nous être remis d'ici janvier – plus rapidement en ce qui concerne le premier, dont nous aurons besoin pour la discussion du projet de loi de finances.

Monsieur le Défenseur des droits, nous vous avons reçu il y a près de deux ans, à l'occasion de la présentation, très intéressante et stimulante, d'un autre rapport qui nous avait été remis par la Cour des comptes et qui portait sur votre propre institution. Vous venez aujourd'hui nous présenter votre récent rapport sur la protection juridique des majeurs vulnérables.

La tutelle des majeurs a fait l'objet d'une importante réforme législative en 2007. Naturellement, nous sommes particulièrement sensibles à ses aspects budgétaires, la dépense publique qui lui est consacrée ne cessant d'augmenter. Cela ne signifie pas qu'aux yeux de la commission des finances toute hausse d'une dépense publique rend le système critiquable, loin de là. Mais nous voulons vérifier que cette hausse est justifiée par la qualité et l'efficacité de la politique financée.

Puisque notre réunion se fonde sur le 2° de l'article 58 de la LOLF, je laisserai la parole à M. Maistre d'abord, puis à M. le Défenseur des droits.

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Je remercie très sincèrement M. le Défenseur des droits et M. Maistre, représentant la Cour des comptes, de ces travaux qui offrent une large perspective sur ce sujet très préoccupant. Certaines propositions particulièrement intéressantes pourraient dessiner l'architecture d'une véritable politique en la matière. Nous y reviendrons.

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Roch-Olivier Maistre, conseiller maître à la Cour des comptes

Nous sommes très heureux de répondre à l'invitation de votre commission à produire, dans le cadre du 2° de l'article 58 de la LOLF, un rapport sur la protection juridique des majeurs. Je suis accompagné par l'équipe des rapporteurs qui a conduit l'enquête : Julien Goubault, rapporteur général ; Paul de Puylaroque et Jean-Michel Champomier, corapporteurs ; Didier Selles, contre-rapporteur.

L'exercice tranche quelque peu sur ceux dont vous avez l'habitude au sein de cette commission, car nous traitons ici un sujet de société majeur, lourd d'enjeux, qui ne s'identifie pas à une question de finances publiques au sens strict, même s'il comporte – vous l'avez dit, monsieur le président – un important volet budgétaire et financier.

Je rappellerai d'abord l'objet et le périmètre de cette enquête. Vous nous avez demandé – nous avons rencontré M. le rapporteur spécial à ce propos – de dresser le bilan de la réforme de la protection juridique des majeurs issue de la loi du 5 mars 2007, entrée en vigueur le 1er janvier 2009, et de le faire du point de vue de l'État et de ses administrations : il ne s'agissait donc pas d'une évaluation de politique publique au sens universitaire ou, du moins, canonique du terme. La Cour avait déjà produit un bilan de ce type en 2011, à la demande de la commission des finances du Sénat, mais il était alors difficile, faute de recul, de parvenir à une juste appréciation.

La Cour s'est placée sur un terrain sensiblement différent de celui sur lequel a travaillé le Défenseur des droits. Ce dernier, comme il le rappellera lui-même, s'est en effet prioritairement attaché à examiner le respect par la France des dispositions de la convention internationale du 13 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH). Cela dit, il me paraît très positif que deux productions importantes donnent simultanément un coup de projecteur sur ce lourd sujet.

En ce qui concerne la procédure d'instruction et de conduite de l'enquête, c'est une instruction très approfondie qui a été menée par les rapporteurs, dans le cadre d'une formation interchambres de la Cour qui associait la quatrième chambre, compétente pour le ministère de la justice, la cinquième, pour le ministère des affaires sociales, et la sixième au titre de la sécurité sociale. Cette instruction a porté à la fois sur la chancellerie, sur une vingtaine de tribunaux d'instance que les rapporteurs ont visités sur le terrain, sur les services centraux et déconcentrés du ministère des affaires sociales et sur le principal réseau tutélaire – c'est-à-dire les associations chargées de la tutelle –, à travers un contrôle très important et très précis de l'Union nationale des associations familiales (UNAF) et d'unions départementales des associations familiales (UDAF). Au total, les rapporteurs ont pu examiner plusieurs centaines de dossiers individuels de majeurs protégés, ce qui donne un fondement particulièrement solide au constat de la Cour.

En revanche, compte tenu des délais qui nous étaient impartis et des règles de compétence de la Cour, notre enquête n'a porté ni sur les départements eux-mêmes, ni, naturellement, sur les tuteurs familiaux, ni enfin sur les établissements sociaux et médico-sociaux, qui ne sont entrés dans notre champ de compétence qu'au début de cette année. Néanmoins, sur ces différents objets, nous nous sommes attachés au cours de l'instruction à rassembler des éléments, notamment en dialoguant avec l'Association des départements de France.

Enfin, la Cour, conformément à ses règles et procédures en vigueur, a largement soumis ses observations à contradiction, notamment auprès du Défenseur des droits. Elle a en outre auditionné l'ensemble des acteurs impliqués ; la liste des personnes rencontrées figure dans le rapport.

Quel message délivrons-nous dans ce rapport ? D'abord, je l'ai dit, nous sommes en présence d'un enjeu de société majeur. Ce sont 700 000 personnes qui sont concernées, et ce chiffre ne cesse de croître avec le vieillissement de la population – bien que, les statistiques le montrent, la protection juridique ne concerne pas seulement des personnes âgées. Il y a en moyenne 70 000 mesures nouvelles par an, ce qui donne une idée de la tendance, même s'il faut aussi tenir compte des personnes qui sortent de ce régime. Le coût global du système n'a lui aussi cessé d'augmenter ces dernières années, comme vous l'avez rappelé, monsieur le président ; sur l'exécution 2015, il s'élevait à 780 millions d'euros, dont 637 millions à la charge de l'État.

L'enjeu est d'autant plus essentiel que les personnes en question, vulnérables et privées de leur liberté par les mesures de protection auxquelles elles sont soumises, sont exposées à des risques considérables, ce que notre enquête permet de confirmer. Ces risques concernent la gestion de leurs comptes, de leur patrimoine, ou encore la maltraitance, qu'il est nécessaire d'évoquer.

Pourtant, le sujet ne suscite pas une politique publique structurée, ni incarnée dans les services de l'État – je vais y revenir. D'où le sous-titre du rapport de la Cour : « une réforme ambitieuse, une mise en oeuvre défaillante ».

Notre message s'appuie sur un triple constat.

Le premier, partagé par tous les acteurs que nous avons rencontrés, est que la loi de 2007 a été une loi de progrès – c'est le chapitre Ier de notre rapport. Par ce texte, qui a fait l'objet d'une longue maturation, le législateur a entendu replacer le majeur protégé au centre du régime, en renforçant ses droits et en affirmant trois principes essentiels : le principe de nécessité, le principe de subsidiarité et le principe de proportionnalité des mesures de protection.

Cette réforme très ambitieuse visait à remédier à l'inflation des mesures de protection que l'on observait à l'époque, et ce par plusieurs orientations. D'abord, une logique dite de déjudiciarisation, donnant la priorité aux familles : l'idée était de réserver l'intervention du juge aux seuls cas où celle-ci était vraiment justifiée. Ensuite, un filtrage des demandes de tutelle grâce à l'intervention du parquet et, en parallèle, la suppression de l'auto-saisine du juge des tutelles. Troisièmement, le dispositif de protection était enrichi de nouvelles catégories de mesures, moins attentatoires aux libertés que la curatelle et la tutelle, dont la mesure d'accompagnement social personnalisée (MASP) et la mesure d'accompagnement judiciaire (MAJ). La loi a également reconnu de nouveaux droits aux personnes protégées. Enfin, elle a cherché à mieux organiser et à professionnaliser l'activité de protection, en créant une obligation de formation, un agrément des mandataires et une procédure de contrôle des comptes et des inventaires des personnes placées sous protection.

Aux yeux de la Cour des comptes, ce n'est donc pas un problème d'encadrement législatif qui se pose aujourd'hui, d'autant que la loi a été complétée par d'autres textes, notamment en 2015. Au total, la France dispose désormais d'un cadre juridique très complet, et assez sophistiqué au regard de ce que l'on observe à l'étranger. Le problème est la mise en oeuvre de ces dispositions légales.

C'est le deuxième constat, lui aussi très largement partagé parmi les acteurs du secteur que nous avons rencontrés : la mise en oeuvre de la loi n'a pas été à la hauteur des ambitions que je viens de rappeler. Après dix ans, le bilan est préoccupant, voire alarmant.

D'abord, cette population de 700 000 personnes et son évolution sont très mal connues. Cette méconnaissance, et les défaillances de l'appareil statistique des ministères de la justice et des affaires sociales qu'elle met en lumière, n'ont pas laissé de nous étonner. Il a fallu attendre le contrôle de la Cour à l'initiative de votre commission pour que ces deux ministères lancent enfin une grande enquête sur le sujet. Celle de la chancellerie est en cours ; les résultats n'en seront connus qu'à la toute fin de cette année ou au début de l'année prochaine. On ne peut que regretter cette situation.

Ensuite, l'idée de renforcer les droits des personnes et, surtout, la protection familiale, dont j'ai rappelé qu'elle était l'une des priorités du législateur, ne se traduit pas dans les faits. Je viens de le dire, on dispose de peu de données fiables à ce sujet. Surtout, comme le relève le Défenseur des droits, les 700 000 mesures sont essentiellement des mesures de protection « dures », c'est-à-dire des tutelles ou des curatelles.

Troisièmement, non seulement la révision quinquennale des mesures de protection en vigueur, décidée par le législateur en 2007, a considérablement encombré les juridictions – j'y reviendrai – mais, faite très rapidement et souvent de manière quasi automatique, elle n'a pas permis une véritable remise en cause de ces mesures.

La déjudiciarisation n'a pas eu lieu non plus : le nombre de mesures continue d'augmenter, comme le montre le chiffre de 70 000 mesures nouvelles par an. Aujourd'hui, un seul juge des tutelles – que le code civil charge d'une lourde responsabilité en lui confiant la surveillance de la mesure, au sens plein du terme – gère en moyenne 3 500 mesures : on imagine combien il lui est difficile de contrôler effectivement les suites de la décision prise.

Cinquièmement, le volet social de la loi de 2007 a échoué. Seules 10 000 mesures d'accompagnement social personnalisées ont été mises en oeuvre par les départements, compétents en la matière.

Enfin, l'aspect le plus préoccupant du bilan dressé par la Cour est peut-être la gestion concrète des mesures de protection. Mon propos n'est évidemment pas polémique envers les mandataires, dont la mission est très difficile, comme celle des juges des tutelles. Nous nous sommes efforcés de donner à notre rapport un contenu aussi humain que possible, en décrivant plusieurs situations concrètes auxquelles ces personnes sont confrontées.

Quoi qu'il en soit, les visites des délégués sont très peu nombreuses, la gestion des biens des majeurs protégés reste très problématique et, très souvent, les inventaires des biens, comme il ressort de notre contrôle des UDAF, ne sont tout simplement pas réalisés, ou le sont avec retard, la plupart du temps sans témoin, avec tous les risques que cela comporte pour le devenir desdits biens. Les budgets prévisionnels, obligatoires, et les comptes annuels sont eux aussi souvent établis avec retard, sans véritable normalisation. On pourrait souhaiter qu'un cadre homogène s'applique à tous les dispositifs de protection ; c'est loin d'être le cas. Le contrôle annuel par les greffiers des comptes que doivent produire les mandataires est très insuffisant. À l'embouteillage des juridictions, que vous connaissez bien, s'ajoute un problème de savoir-faire et de compétences. Ce constat vaut également de la gestion du patrimoine, des comptes bancaires, des placements financiers, des cessions de biens immobiliers – souvent réalisées dans des conditions au mieux artisanales. Quant au contrôle des mandataires eux-mêmes, il est très limité lorsqu'il est effectué par les inspecteurs des affaires sociales, et plus encore lorsqu'il dépend des juges.

Notre troisième constat, objet du chapitre III, et lui aussi largement partagé, est peut-être celui qui nous a le plus frappés. Le voici : si le cadre juridique est bien posé, la protection juridique des majeurs n'est pas aujourd'hui une politique publique. Faute de pilotage, elle reste à structurer au niveau national. À titre de comparaison, la protection des mineurs, qui concerne 400 000 personnes, soit environ moitié moins que celle des majeurs, dépend d'une direction à part entière au ministère de la justice – la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) – et bénéficie d'une organisation très structurée. La protection des majeurs, c'est un fonctionnaire à la direction des affaires civiles du ministère de la justice, dont le rôle est essentiellement normatif, et à peine davantage au ministère des affaires sociales. Autrement dit, nous n'avons pas de « M. – ou Mme – protection juridique des majeurs » pour structurer et incarner cette politique.

Cette lacune se traduit aussi par une défaillance de la coordination interministérielle. Les deux ministères se regardent un peu en chiens de faïence ; la chancellerie se considère comme essentiellement chargée de la fonction normative, renvoyant pour le reste aux juridictions, cependant que le ministère des affaires sociales a une conception limitative de son propre champ. Dès lors, ils dialoguent et se coordonnent très peu.

Se fondant sur ces constats, la Cour formule une petite dizaine de recommandations, structurées par trois idées-forces.

La première idée, et sans doute la principale, est la suivante : face à un problème de société appelé à se développer, il faut une approche plus incarnée, susceptible d'impulser une véritable politique publique, sur le modèle de ce que l'on observe au Québec et au Royaume-Uni, mieux pilotée, mieux régulée, mieux coordonnée. Telle est la mission que nous proposons de confier à un délégué interministériel, pour une durée limitée à cinq ans car il ne s'agit pas de créer une structure de plus. Parallèlement, notre pays se doterait d'un observatoire de la protection juridique des majeurs, disposant de bases de données fiables et actualisées, de manière à éclairer cette politique et à l'évaluer efficacement, grâce à des indicateurs de performance au sens de la LOLF.

La deuxième orientation, fidèle au cadre de 2007, vise à concrétiser les objectifs de déjudiciarisation et de priorité à la famille. Nous suggérons de renforcer le soutien aux tuteurs familiaux, aujourd'hui très marginal – le rapport en fournit cependant quelques exemples, notamment dans le Nord. Nous proposons également, pour alléger la charge pesant sur les juridictions, de confier à des professionnels du chiffre, toujours sous le contrôle du juge et à des tarifs plafonnés, l'établissement et le contrôle des inventaires et des comptes des majeurs dont les situations sont les plus complexes ou les plus risquées, afin de garantir l'effectivité du contrôle.

Troisièmement, il convient de renforcer le professionnalisme et le contrôle des acteurs. Le niveau des formations doit être très significativement rehaussé. Nous avons un temps pensé proposer l'instauration d'un diplôme national en bonne et due forme pour les mandataires ; à l'issue de la contradiction, la Cour n'a finalement pas retenu cette idée. Il nous semble en tout cas nécessaire d'enrichir le dispositif de formation. Il faut aussi édicter une charte déontologique commune à l'ensemble des mandataires ; nous avons été surpris qu'un dispositif aussi élémentaire, qui paraît s'imposer vu les risques déjà évoqués, n'existe pas encore. Enfin, le contrôle des mandataires par les directions départementales et régionales de la cohésion sociale devrait être renforcé.

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Jacques Toubon, Défenseur des droits

Notre rapport, établi sur notre propre initiative à partir de notre expérience des réclamations que nous traitons, rejoint pour l'essentiel les observations et les conclusions de la Cour des comptes : ce n'est pas la loi de 2007 qui est principalement en cause – même si je propose quelques innovations –, mais sa mise en oeuvre. Celle-ci est loin d'être effective, en particulier s'agissant de l'orientation vers des mesures sociales et familiales, plus adaptées, plus proportionnées, faisant moins appel à l'imperium de la justice. Cette communauté de vues entre la Cour des comptes et le Défenseur des droits est l'élément essentiel pour le législateur que vous êtes.

Pourquoi nous sommes-nous intéressés à cette question ? Si la protection juridique des majeurs vulnérables bénéficie de l'attention soutenue du Défenseur des droits, c'est au titre de la quasi-totalité de ses missions.

C'est d'abord au titre de la défense des usagers dans leurs relations avec les services publics – je suis accompagné par Bernard Dreyfus, délégué général à la médiation avec les services publics – que nous nous efforçons de veiller à ce que le régime de protection des majeurs vulnérables soit adapté et respectueux des droits et libertés des personnes concernées.

Au titre de la lutte contre les discriminations, ensuite, nous tentons de mettre en lumière les inégalités de traitement qui peuvent affecter les majeurs en raison de leur handicap, de leur état de santé, de leur âge ou, depuis la loi de décembre 2015 sur le vieillissement, de la perte d'autonomie, nouveau critère de discrimination.

Enfin, c'est naturellement notre mission générale que de promouvoir l'égalité et l'accès au droit en contribuant au changement des pratiques – c'est ce que je vais recommander ici – et, le cas échéant, en proposant des réformes législatives ou réglementaires.

De plus, en 2011, le Premier ministre nous a confié le suivi de l'application de la convention de 2006 relative aux droits des personnes handicapées, que la France a ratifiée en 2010. Je réunirai d'ailleurs le comité de suivi dans quelques jours. À la tête du mécanisme de suivi, nous veillons à la conformité de la législation et de son application – des pratiques mises en oeuvre – aux principes énoncés par la convention.

Voici quelles sont nos principales recommandations, concernant d'une part le régime de protection, d'autre part le respect des droits fondamentaux en application de la convention de 2006.

S'agissant des principes, l'article 12 de la convention relative aux droits des personnes handicapées fait obligation aux États de passer d'un système de décision substitutive – du type de la tutelle –, dans lequel la personne est privée de sa capacité juridique, à un système de prise de décision accompagnée, respectueux des droits, de la volonté et des préférences de la personne, y compris le droit de prendre des risques et de commettre éventuellement des erreurs, comme toute personne. Le même article stipule que les mesures doivent être proportionnées et adaptées à la situation de la personne concernée, graduées, limitées dans le temps et périodiquement contrôlées. Enfin, le recours à un mécanisme de décision substitutive ne saurait être qu'exceptionnel, réservé aux cas où la personne est dans l'incapacité totale d'exprimer sa volonté ou ses préférences, et où il n'est pas possible d'instaurer d'autres formes d'accompagnement adaptées pour répondre à ses besoins.

La parenté est grande entre ces principes et ceux de la loi de 2007. Le problème, c'est leur application.

C'est en vertu de ces principes que nous formulons un ensemble de recommandations qui concernent les étapes successives de la procédure de protection.

La première série de recommandations vise à remplacer le système de décision substitutive par un système de décision accompagnée.

Premièrement, nous proposons d'assouplir les conditions du prononcé d'une mesure d'accompagnement judiciaire.

Deuxièmement, nous préconisons de promouvoir la sauvegarde de justice en tant que mesure autonome : elle ne doit pas être prononcée au cours de l'instruction préalable au prononcé d'une mesure de curatelle ou de tutelle.

Troisièmement, il convient d'étendre la mesure d'habilitation familiale aux majeurs ayant besoin d'une assistance temporaire dans la gestion de leur patrimoine.

Enfin, nous inspirant notamment d'une pratique québécoise, nous suggérons que le juge intervienne lors de la mise à exécution du mandat, afin de vérifier le passage du majeur protégé de l'aptitude à l'inaptitude, et ce par voie d'homologation. Nous avons introduit dans la loi un mandat de protection future qui, dans l'esprit comme dans la lettre même, s'inspire du modèle québécois ; mais nous n'en avons pas tiré les conséquences. Nous sommes par ailleurs favorables à ce que ce mandat de protection future soit notarié.

S'agissant ensuite de l'instruction de la mesure de protection, nos recommandations concernent principalement le rôle du médecin, évidemment essentiel à la décision. Elles portent sur les tarifs qu'ils pratiquent, sur sa formation – obligatoire, à tous les niveaux – et sur l'évaluation, dont nous souhaitons qu'elle soit pluridisciplinaire et médico-sociale.

Le troisième type de recommandations concerne le prononcé de la mesure, en particulier l'audition du majeur à protéger. La dérogation au principe de l'audition obligatoire devrait être réservée aux cas où l'audition présente des risques avérés pour sa santé. Actuellement, cette dérogation n'est pas suffisamment limitée.

Nous souhaitons aussi mieux informer les médecins agréés pour les sensibiliser au caractère nécessairement exceptionnel de la dispense d'audition, et les inciter à motiver leur décision et à caractériser les capacités décisionnelles restantes de la personne, plus qu'ils ne le font aujourd'hui.

Enfin, il convient d'insister auprès des futurs magistrats – beaucoup de jeunes magistrats sont juges des tutelles –, au cours de leur formation initiale et continue, sur le fait que l'audition est indispensable. C'est un point essentiel.

Toujours en ce qui concerne le prononcé de la mesure, nous suggérons que l'on s'inspire d'un dispositif qui existe pour les mineurs : la possibilité offerte au juge des tutelles de nommer un administrateur ad hoc pour accompagner la personne à protéger pendant la phase d'instruction de la mesure, lorsqu'il constate que les intérêts de cette personne, dans l'hypothèse où elle ne serait pas en mesure d'exprimer elle-même sa volonté et ses préférences, ne peuvent être correctement défendus par son entourage. Pour éviter de créer une nouvelle fonction et de générer une nouvelle dépense, on pourrait confier cette tâche au mandataire spécial qui peut être désigné par le juge dans le cadre de la mesure de sauvegarde de justice.

Nous recommandons aussi d'auditionner plus systématiquement les proches du majeur concerné, éventuellement lors d'une audition commune.

J'en viens à ce qui concerne l'exécution de la mesure de protection.

Selon nous, il faudrait réfléchir à la création d'une grille tarifaire unique, commune à tous les mandataires, dans le prolongement des dispositions de l'article 419 du code civil. Nous recommandons par ailleurs de faire évoluer l'assiette du calcul de la participation du majeur protégé, afin d'assurer l'équité entre les majeurs contributeurs.

Nous préconisons également la création d'un véritable statut des préposés d'établissement, qui sont souvent dans une plus grande précarité que les majeurs qu'ils doivent protéger. Ce statut serait applicable aux préposés intervenant dans les établissements hospitaliers, mais aussi à ceux qui exercent dans les établissements publics sociaux et médico-sociaux.

Au-delà de ce statut, le Défenseur appelle l'attention des agences régionales de santé (ARS) sur la nécessité de promouvoir davantage le rôle et les missions des préposés auprès des directeurs d'établissement. Rappelons que les préposés constituent le moins onéreux des dispositifs de la protection juridique.

Il conviendrait enfin de sensibiliser les ARS à l'opportunité de créer des services médico-sociaux de protection juridique au sein des établissements hospitaliers. Nous rejoignons ici l'observation de la Cour des comptes sur l'absence de politique publique dans ce domaine, partout où la question se pose. J'en redirai un mot en conclusion.

Nous proposons aussi de modifier l'article 418 du code civil afin qu'en cas de décès de la personne protégée, si aucun héritier ne s'est signalé auprès du mandataire, le juge puisse autoriser celui-ci à poursuivre sa mission jusqu'à deux mois après le décès, afin qu'il puisse effectuer certains actes consécutifs à ce dernier. Actuellement, cette mission prend fin au décès de la personne protégée.

S'agissant du contrôle de l'exécution de la mesure de protection, nous avons le même sentiment que tous ceux qui se sont intéressés à la question. Il faut recentrer les juridictions sur leur rôle effectif : le contrôle de la mise en oeuvre de la mesure et, pour ce qui nous concerne, du respect des droits fondamentaux des majeurs protégés. Nous proposons donc que le contrôle des comptes établis par les mandataires judiciaires, actuellement assuré par les juges, soit confié soit à l'administration fiscale, soit aux directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS). Il s'agit – mais je parle sous le contrôle de la Cour des comptes – de décharger les juges d'une tâche fastidieuse de vérification comptable, effectuée au détriment de leur mission d'examen de la situation des majeurs et de prise de décision.

Quant à la durée de la mesure de protection, nous nous sommes opposés à Mme Taubira lorsqu'elle a souhaité revenir sur la durée quinquennale, car nous étions favorables à cette révision systématique que nous considérions comme un progrès de la loi de 2007. Nous ne méconnaissons pas la charge très importante qu'elle représente, soulignée par M. Roch-Olivier Maistre. Mais ce sont les plus vulnérables, les plus détériorés qui vont pâtir le plus de l'allongement de cinq à dix ans, ceux qui auraient le plus besoin d'un réexamen plus régulier et qui, en ce sens, subissent une forme de double peine. J'ai bien compris que la mesure prenait sens dans le cadre d'une opération de rentabilisation des moyens du ministère de la justice ; ancien garde des sceaux, je sais de quoi il retourne.

Enfin, et puisque nous souhaitons que l'on passe de la substitution à l'assistance, nous proposons que le juge des tutelles, qui décide d'une incapacité et se substitue à l'incapable, s'appelle désormais « juge de la protection des majeurs » : un juge protecteur plutôt que décideur et sanctionnateur.

Deuxième point sur lequel le Défenseur des droits fait un certain nombre de recommandations, et qui est un peu son apanage : le respect des droits fondamentaux des majeurs protégés.

Comme un fait exprès, j'ai reçu ce matin une lettre de la présidente de l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI), au sujet du droit à la nationalité des personnes protégées et, en particulier, de l'application de l'article 18 de la CIDPH. Cet article dispose notamment que les États doivent faire le nécessaire pour que les personnes « ne soient pas privées, en raison de leur handicap, de la capacité d'obtenir, de posséder et d'utiliser des titres attestant leur nationalité ou autres titres d'identité ».

Or, selon l'article 4-4 du décret du 18 mai 2010 relatif à la simplification de la procédure de délivrance et de renouvellement de la carte nationale d'identité (CNI) et du passeport, la demande de CNI faite au nom d'un majeur placé sous tutelle est présentée par son tuteur. Autrement dit, un majeur protégé ne peut pas effectuer seul cette demande ; elle est présentée et signée par son tuteur. L'UNAPEI suggère que l'article 4-4 de ce décret – qui, à mon avis, est effectivement discriminatoire – soit abrogé. Nous serons probablement amenés à saisir les rapporteurs de cette question qui mérite réflexion de la part des élus.

Autre question souvent débattue : celle du droit de vote dont sont privées les personnes sous tutelle, en application de l'article L. 5 du code électoral, ce qui n'est clairement pas conforme à la convention de 2006 sur les personnes handicapées. Nous recommandons d'engager une réflexion sur ce que l'on pourrait appeler l'exercice accompagné du droit de vote. Le droit de vote doit être maintenu et exercé dans des conditions conformes à la capacité ou à l'incapacité relative de la personne concernée.

Nous devons aussi nous pencher sur les articles du code civil concernant le mariage et le divorce qui sont contraires aux stipulations de la convention. Il s'agit des articles 460 et 462 sur le mariage et de l'article 249 sur le divorce. Si nous voulons nous inscrire dans une évolution moderne de la protection juridique des personnes incapables ou à capacité réduite, il conviendrait d'étudier les moyens de permettre à ces personnes de prendre leurs décisions dans ces domaines, en étant assistées.

De même, conformément à la convention, nous recommandons de faire en sorte que les personnes protégées puissent choisir leur lieu de vie et voir leur vie privée respectée. Pour ce faire, nous préconisons un renforcement des contrôles des établissements sociaux et médico-sociaux, ce qui entraîne des conséquences pratiques. Nous en revenons toujours aux constats de M. Roch-Olivier Maistre sur l'absence d'une politique publique multifacettes, dirais-je, dans ce domaine.

Nous avons aussi fait des recommandations sur un sujet fort débattu qui, sans être central, est particulièrement douloureux et peu à notre honneur : la situation des majeurs protégés hébergés en Belgique. Selon les chiffres de l'administration, il s'agit de 4 500 personnes dont 2 000 font l'objet d'une mesure de protection juridique. Nos recommandations portent sur la compétence des juges de tutelles français, sur l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et sur la domiciliation fiscale de ces personnes au domicile de leur tuteur ou de leur curateur.

Tel est le contenu de notre rapport. Pour rassembler les propositions de la Cour des comptes et celles du Défenseur des droits, il est nécessaire que les pouvoirs publics définissent une politique de la protection juridique des majeurs incapables, et une organisation de l'État. À six mois de grandes échéances électorales, je me permets de dire que c'est un enjeu politique. Il ne s'agit pas de se lancer dans de grandes innovations législatives car, pour l'essentiel, l'application de la loi pourrait suffire, avec quelques innovations légales conformes à la CIDPH.

Cette politique publique passe par l'expression et la mise en oeuvre d'une volonté qui a globalement fait défaut depuis 2007. Le moment est peut-être venu de prendre cette question à bras-le-corps. À partir des travaux de la Cour des comptes et du Défenseur des droits, les députés pourraient faire des propositions qui pourraient être prises en considération par tous ceux qui ont l'ambition de devenir les dirigeants des Français.

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Monsieur le Défenseur des droits, vous posez de multiples questions tout en soulignant que le problème vient moins du cadre légal que de sa mise en oeuvre. En vous écoutant, je me disais qu'il se pose de toute évidence un problème de moyens, notamment humains. Peut-être notre rapporteur spécial a-t-il la réponse ?

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Sans avoir de réponse, je pense néanmoins que l'on peut trouver des pistes remarquables dans les rapports qui viennent de nous être présentés par M. Maistre et M. Toubon.

Comme vous venez de le dire, monsieur le président, le dispositif législatif est en place. C'est une loi de progrès dont la mise en oeuvre laisse à désirer, tout comme le suivi et le contrôle des dispositions. C'est un peu comme si nous étions gênés par la perspective de dépenses considérables. Cependant, ces dépenses sont peut-être à réorienter et à réutiliser d'une manière ou d'une autre.

J'en viens à mes trois questions.

En France, le nombre de majeurs protégés est de 700 000 selon la Cour des comptes et de 800 000 selon le Défenseur des droits. Quel que soit le chiffre, sujet à interprétations et contestations, les majeurs protégés vont être de plus en plus nombreux dans les années à venir compte tenu du vieillissement de la population. Les deux rapports font aussi le constat d'une absence de statistiques fiables pour appréhender les mesures.

Qui sont les majeurs protégés ? Ce sont des personnes vulnérables sur le plan des facultés mentales ou physiques mais aussi, bien souvent, sur le plan des ressources. Les riches héritières sont une exception ; de nombreux majeurs vulnérables ne vivent que des minima sociaux. En général, ce sont aussi des gens isolés, dont la sphère familiale est inexistante ou déficiente. Pour ces personnes vulnérables, l'importance du mandataire judiciaire n'est donc plus à démontrer.

La loi de 2007 a entamé un processus de professionnalisation et de contrôle des mandataires judiciaires de protection des majeurs, mais elle n'est clairement pas allée assez loin. Je partage très sincèrement votre volonté d'aller beaucoup plus loin.

Le Défenseur des droits déplore l'insuffisance du niveau de contrôle des mesures, qui est qualifié d'alarmant dans le rapport de la Cour des comptes. Les greffes n'ont ni les moyens ni les compétences pour établir un contrôle annuel des comptes. Vous proposez de le confier à des professionnels du chiffre, commissaires-priseurs ou notaires. Avez-vous évalué le coût d'une telle mesure ? Même si l'humain est au centre de vos rapports, on ne peut éluder l'aspect comptable.

Le constat que vous dressez dépasse le seul champ de la commission des finances et je m'en réjouis.

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Jacques Toubon, Défenseur des droits

La commission des finances ne s'occupe pas que de chiffres !

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Il s'agit ici de repenser globalement l'organisation d'une politique publique et non d'engager des mesures d'économies. Je souhaite que nous puissions transmettre ce rapport à la commission des affaires sociales et à la commission des lois, où nos collègues sauront, je l'espère, approfondir entre eux le dialogue qui semble faire défaut au niveau ministériel ou interministériel. Ce n'est pas une critique. Si ce lourd problème arrive à la commission des finances, c'est que l'on sent une difficulté.

D'ailleurs, vous ne tranchez pas sur le choix d'un ministère. M. Maistre propose de confier à un délégué interministériel la mission de structurer et piloter la politique publique de protection des majeurs. Considérez-vous ce passage par un délégué interministériel comme une étape ? Ne pensez-vous pas qu'une structure similaire à celle de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) – principalement confiée au ministère de la justice – pourrait être mise en place pour la protection des majeurs ?

Avec ma dernière question, je reviens aux finances. Depuis la loi de finances pour 2016, l'État assume la quasi-totalité du financement public du dispositif, se substituant pour partie à la sécurité sociale mais laissant un peu plus d'un million d'euros à la charge des départements. Le financement par l'État atteint quelque 640 à 650 millions d'euros en 2016, un montant imputé sur la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, qui est pilotée par la direction générale de la cohésion sociale et dont je suis le rapporteur spécial depuis trois ans.

L'un des buts de la loi de 2007 était d'endiguer l'inflation de mesures de protection judiciaire, en favorisant un accompagnement social moins attentatoire aux droits des personnes protégées. Nous avons créé les fameuses MASP, qui n'ont pas rencontré le succès escompté – en fait, elles n'ont rencontré aucun succès. Ces MASP sont gérées par les départements. Ne faut-il pas prévoir un soutien financier aux départements pour la mise en oeuvre de ces mesures ?

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Je donne la parole à Marie-Christine Dalloz, qui est aussi conseillère départementale dans le Jura.

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Eh oui, monsieur le président, et c'est aussi à ce titre que ces rapports m'intéressent !

Pour rebondir sur la dernière question de mon collègue, je rappelle que les départements sont vraiment seuls à financer ces mesures d'accompagnement spécifique, ce qui pose d'énormes difficultés. Les disparités de reste à charge dans les départements sont édifiantes. Quand je compare les coûts de prise en charge dans le Jura avec votre annexe sur la répartition géographique des ouvertures de mesures en 2015, monsieur Maistre, je m'interroge. Soit les personnes vulnérables sont concentrées dans certains départements, soit elles sont traitées différemment selon les zones géographiques. Il me semble que la seconde explication est la bonne.

Quant à votre annexe 5 sur la répartition géographique des moyens alloués aux tribunaux d'instance en matière tutélaire, elle m'a fait très peur. Le ratio de charge des juges – nombre d'ordonnances émises et d'affaires traitées rapporté aux postes équivalent temps plein de juges d'instance affectés aux tutelles – est de 3 127 dans le Jura. Quand on sait que le ratio de la Lozère est de 12 250, c'est-à-dire quatre fois plus élevé… Vous devez avoir quelques explications sur ces fameuses disparités territoriales. Vos annexes 4 et 5 m'ont vraiment traumatisée !

Comme vous l'avez fort bien dit tout à l'heure, monsieur Maistre, nous sommes confrontés à une politique publique qui n'est absolument pas aboutie. Étant d'un naturel optimiste, je dirais qu'elle est en devenir : les bases ont été posées mais nous n'avons toujours pas construit la maison ; nous avons de très belles fondations mais pas de murs.

Avec ses préconisations, M. le Défenseur des droits a bien touché la difficulté du doigt : les publics concernés sont très variés. Je ne vais pas revenir sur la Belgique, mais il faut admettre que nous avons en France un problème de place. Les départements sont confrontés à des restrictions budgétaires importantes. Résultat : ils n'ouvrent pas de nouvelles structures puisqu'ils n'ont pas les moyens de les financer. Pour certaines familles, c'est le parcours du combattant pour trouver une solution d'accueil. Dans d'autres cas, les enfants de personnes vieillissantes ne savent plus que faire dans l'attente d'une mesure de protection. Inquiètes de voir s'accumuler les factures de maison de retraite, les familles se tournent vers leur député car elles ne savent pas à qui s'adresser. Le député a beau écrire à l'association concernée dans le département, il n'obtient pas de réponse.

Monsieur le Défenseur des droits, je vous entends parler du droit de vote, du droit à obtenir des papiers et des titres d'identité. Pour ma part, je vois tellement de familles et de personnes majeures vulnérables qui sont à l'abandon que je me dis que nous ne devons pas refaire la même erreur, mais traiter d'abord les urgences avant de passer à ces sujets qui vous semblent essentiels.

Pour terminer, je voudrais vous poser une question : le délégué interministériel est-il vraiment une solution adaptée ? Il faut arbitrer entre deux ministères – affaires sociales et justice – entre lesquels il y aura toujours une tension. Au quotidien, on touche aux affaires sociales mais la décision relève du ministère de la justice. Ne faudrait-il pas une formation « affaires sociales » sein du ministère de la justice pour répondre à ces questions ? Nous en sommes si loin que ma suggestion n'est peut-être pas adaptée.

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Je voulais revenir sur un problème soulevé par le Défenseur des droits, sur lequel j'ai été amené à discuter dans ma circonscription avec un professionnel des pompes funèbres : les conditions de souscription de contrats obsèques pour les majeurs protégés.

Certains juges des tutelles refusent d'accorder la validation de contrats obsèques en invoquant le motif du votum mortis, qui fait référence à l'article L. 132-3 du code des assurances : « Il est défendu à toute personne de contracter une assurance en cas de décès sur la tête d'un mineur âgé de moins de douze ans, d'un majeur en tutelle, d'une personne placée dans un établissement psychiatrique d'hospitalisation. » Cet article vise à éviter que des individus puissent se constituer un patrimoine au détriment de la vie de personnes sous protection. Cependant, la validation d'un contrat obsèques n'a jamais pour finalité l'enrichissement d'un tiers.

Le tuteur – ou le curateur – est déchargé de son mandat au moment du décès, ce qui pose des problèmes très épineux parce qu'il ne peut plus agir pour régler les prestations funéraires. La cour d'appel de Douai a rendu une décision confirmant la possibilité donnée au tuteur de souscrire un contrat obsèques pour la personne protégée. Y a-t-il une réflexion sur le sujet ? Lors de ses travaux, la Cour des comptes a-t-elle rencontré ce type de problème, reçu des témoignages allant dans ce sens ? Monsieur le Défenseur des droits, avez-vous été sollicité pour faire évoluer le code des assurances afin de résoudre ce problème ?

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On me permettra de revenir sur les problèmes des départements frontaliers comme le mien, la Meuse, qui partage une frontière avec la Belgique. J'ai plusieurs cas en tête où l'aspect humain se conjugue à des problèmes financiers, d'autorisations, voire d'AAH.

Dans votre rapport, monsieur le Défenseur des droits, vous évoquez les difficultés d'accès aux droits sociaux. Je pense à un jeune homme, placé dans un établissement, qui va avoir vingt et un ans l'année prochaine. La mère m'appellera peut-être demain pour me dire que son fils est accepté dans l'établissement belge avec lequel une négociation est en cours. La crainte est que le conseil départemental refuse de verser l'AAH. Un tel refus peut constituer une barrière pour des enfants autistes qui, me dit-on, ont absolument besoin de repères et d'une vie simple. Or, il n'y a pas d'établissement dans le nord de la Meuse parce qu'il en existait à quelques kilomètres de là.

Autre difficulté : les prix de journée varient d'un établissement à l'autre, même au sein d'une association, en raison de disparités liées à l'ancienneté, aux amortissements, aux services, etc. Au-delà de la qualité du service rendu, la tentation n'est-elle pas de rapatrier l'adulte protégé dans l'établissement le moins cher ? Le passage à la majorité pose déjà une première question qui n'est pas complètement résolue, même si les associations sont gérées par les parents et si le suivi est donc particulièrement fin et sensible.

Ma troisième et dernière question concerne les bailleurs sociaux. Depuis longtemps, nous travaillons avec les hôpitaux psychiatriques pour que des adultes protégés puissent s'insérer dans le tissu local, d'abord avec l'aide d'infirmières, puis en étant totalement autonomes. Mais ces personnes peuvent connaître à nouveau des poussées de fièvre. Dans le cas d'une schizophrénie aiguë, que peut-on faire ? Un juge a pris une décision ; la tutelle mise en place s'exerce sur les comptes mais pas obligatoirement sur le choix du logement et sur l'accompagnement ; le service social peut se dire que le problème est réglé à partir du moment où la personne a un toit, un environnement. Le bailleur se retrouve alors avec ce que je nommerais pudiquement des incivilités.

À mon échelle, j'ai plusieurs cas de ce type. À qui s'adresser ? Au juge ? En majesté, il ne peut pas permettre que quelqu'un vienne l'interpeller. Un maire, passe encore, mais surtout pas un parlementaire ! On peut aussi rencontrer des difficultés avec l'ARS, avec nos services et même entre collègues. Quand j'interpelle mes collègues, vice-présidents du conseil départemental où je ne siège plus du tout, ils peuvent me dire de m'occuper de ce qui me regarde en tant que parlementaire.

La meilleure solution serait peut-être de nommer un délégué interministériel, comme vous l'avez suggéré. De par leur qualité, les deux rapports soulèvent beaucoup de questions. Il nous faut moins une loi que des pratiques, des protocoles, quelques compétences supplémentaires et une vraie chaîne d'intervenants pour soutenir le travail de qualité qui est fait. Il faut détecter les dérapages qui concernent surtout des personnes âgées possédant un peu de biens.

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Roch-Olivier Maistre, conseiller maître à la Cour des comptes

Je vais d'abord répondre à la question portant sur le recours aux professionnels du chiffre. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2017, vous constaterez que la chancellerie a bénéficié d'un arbitrage favorable : elle va disposer d'une dotation qui lui permettra, à partir de 2017, d'expérimenter la délégation du contrôle des comptes des majeurs à des professionnels du chiffre, c'est-à-dire à des commissaires-priseurs judiciaires, des notaires ou des huissiers pour les éléments patrimoniaux, et à des experts-comptables ou des administrateurs judiciaires pour les comptes.

La chancellerie s'est livrée à un exercice de simulation en retenant un scénario de délégation totale des comptes à des professionnels du chiffre, sur la base d'un tarif relativement peu attractif. Elle parvient au montant de 37 millions d'euros, un chiffre très approximatif qui mériterait d'être expertisé. Ce montant peut paraître élevé mais il baisse fortement dès que l'on déplace le curseur des mesures de protection en direction des familles. Les mesures assumées par les familles représentent actuellement quelque 46 % du total. Si ce taux passait de 46 % à 50 %, les finances publiques feraient une économie de plus de 30 millions d'euros. Il y a donc une marge de manoeuvre dans le dispositif, malgré la pression qui pèse sur les moyens, compte tenu de la dynamique.

La Cour des comptes propose une approche par les risques, qui est assez classique : les comptes restent sous le contrôle du juge et du greffier en chef, mais il y aurait un recours aux professionnels du chiffre pour les masses financières les plus importantes et dans les cas où l'on considère qu'il y a un risque en raison de la situation de la personne ou de son environnement.

S'agissant du délégué interministériel, la bonne formule, celle qui fonctionne le mieux en sciences administratives, si je puis dire, c'est quand la fonction est occupée par le directeur d'une administration centrale. La difficulté – vous l'aurez compris lors de ma présentation – est qu'il n'y a actuellement pas de directeur à la chancellerie qui soit particulièrement en charge de cette mission. On pourrait concevoir de faire évoluer la direction de la PJJ pour qu'elle soit à la fois chargée de la protection juridique des mineurs et des majeurs. C'est pourquoi nous avons choisi de préconiser la solution du délégué interministériel auquel serait confiée une mission temporaire de cinq ans au maximum. À lui de définir la bonne structuration de cette politique publique que la Cour des comptes appelle de ses voeux. La problématique est interministérielle, en effet, même si elle a une dominante justice.

En ce qui concerne la situation des départements, je comprends bien la position que vous exprimez en tant que parlementaires. L'échec des MASP – mesures qui altèrent moins les libertés des personnes – est probablement lié aux réticences des départements qui ont d'autres charges importantes, mais il s'explique aussi par la méconnaissance de ce dispositif par les juges eux-mêmes. Comme notre rapport l'explicite et comme le constate le Défenseur des droits, tout le système pousse à la tutelle et à la curatelle : pour le médecin, c'est le moyen le plus protecteur ; pour les familles, c'est le moyen de transférer à d'autres le soin d'assurer le suivi ; pour le juge, c'est une mesure relativement « confortable » et simple. Les mesures alternatives proposées par le législateur n'ont donc pas eu le succès escompté car la connaissance et le calibrage du dispositif n'ont pas été suffisants. Concernant les départements, je mettrais tout de même un bémol : le financement de cette politique publique, qui représente un montant de 780 millions d'euros, est assuré par les majeurs eux-mêmes à hauteur de quelque 150 millions d'euros et par l'État pour le reste.

Quant à l'annexe 5, elle indique le nombre moyen d'affaires suivies par le juge des tutelles dans le département. Au niveau national, la moyenne se situe à 3 500. Cette moyenne cache des disparités absolument phénoménales puisqu'en Lozère un juge des tutelles suit 12 250 affaires. Le chiffre fait froid dans le dos.

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Jacques Toubon, Défenseur des droits

La première question posée par votre rapporteur spécial sur le nombre de majeurs protégés est importante. Je ne pense pas du tout que les explications qui viennent d'être données concernent seulement 700 000 personnes. En réalité, elles concernent beaucoup plus de gens : ces 700 000 personnes font l'objet de mesures mais combien d'autres sont incapables, ont des facultés altérées plus ou moins gravement et sont prises en charge dans un autre cadre que celui de la protection juridique des majeurs ? Nous en sommes peut-être à 1,5 million ou 2 millions de personnes. En tout cas, il s'agit d'un phénomène social qui représente un enjeu politique, comme je l'indiquais en concluant ma présentation. On ne sait d'ailleurs pas combien il y a de personnes handicapées en France, même si on connaît à peu près le nombre d'allocataires de l'AAH. Selon les catégories retenues, le chiffre peut varier de 1,5 million à 11 millions ! Il faudrait améliorer ces connaissances statistiques pour pouvoir mettre en oeuvre les politiques publiques en question.

Préconiser l'intervention des familles est aussi une manière de s'adapter aux situations. Comme M. Roch-Olivier Maistre vient de le dire, nombre de personnes dont les facultés ne sont pas – ou pas totalement – altérées font l'objet de mesures prévues pour les personnes dont les facultés sont altérées. Dans ce système, ce sont les solutions les plus compliquées, les plus coûteuses et les moins adaptées à certaines situations qui sont retenues.

C'est là, madame Dalloz, que se pose la question de l'intervention du département. Est-ce que social veut dire départemental ? C'est actuellement le cas alors que les départements font l'objet de restrictions budgétaires. Dans ces conditions, on ne peut pas continuer à charger les départements. Il faudrait pourtant éviter de prendre des mesures lourdes, juridiquement complexes et très coûteuses pour l'État, dans des cas où des mesures d'accompagnement social ou familial devraient s'imposer. Nous en revenons à l'insuffisante application de la loi : on finit par créer de l'incapacité là où il n'y en a pas toujours.

Depuis qu'il existe, le Défenseur des droits a reçu quatre réclamations concernant le sujet des obsèques qui vous préoccupe, monsieur Juanico, et elles ont été réglées au cas par cas dans le cadre de nos activités de médiation, en dehors des textes du code des assurances auxquels vous avez fait allusion. Nous avons fait le nécessaire pour que les obsèques soient prises en charge. On peut imaginer qu'il faille prendre des dispositions en la matière, même si les dossiers semblent peu nombreux.

Qui doit assurer le pilotage de cette politique publique de la protection des majeurs ? Intuitivement, je pense que la tâche incombe au ministère de la justice, tout en sachant que les rapports entre la chancellerie et les départements sont en général tout sauf idylliques. Ce dernier constat va plutôt dans le sens de M. Roch-Olivier Maistre. Il s'agit néanmoins d'une question de droit et de droits. Jusqu'à preuve du contraire, et malgré de nombreuses exceptions, la chancellerie est en principe la maison du droit. À cet égard, la petite amélioration budgétaire évoquée par M. Maistre me paraît assez significative. La chancellerie ne pourrait-elle pas disposer d'un service doté d'une vraie compétence – interministérielle par définition – en la matière ? C'est un sujet sur lequel il serait judicieux de réfléchir dans les années à venir.

En réaction à vos constats sur le terrain, monsieur Dumont, je dirais qu'il est clair que tout ceci ne relève pas d'un texte. C'est une question de pratiques qui peuvent être encadrées par des protocoles, pour reprendre votre expression, par des manières de faire, des modes d'emploi. Nous préconisons certaines modifications du code civil, dont j'ai parlé tout au long de mon exposé, mais nous insistons surtout sur la nécessité de mettre en oeuvre deux ou trois mesures qui existent dans la loi de 2007 et que les institutions publiques, en particulier celles de l'État, n'ont pas été capables d'appliquer. L'insuffisante application du texte conduit à une sorte de déport des mesures les plus adaptées, les plus proportionnées, les plus humaines et les moins coûteuses vers celles qui sont les plus compliquées, les plus éloignées, les plus coûteuses, et les plus responsables d'engorgement. C'est dire que nous sommes en train de faire un peu ce qu'en d'autres temps un certain Gribouille avait tenté.

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Il me reste à vous remercier, messieurs, pour cette audition vraiment très intéressante. Si j'ai bien compris, il ne s'agit pas tant de modifier la loi que de prendre quelques mesures de procédure et d'organisation, et de faire en sorte que cette politique soit mieux incarnée.

Information relative à la commission

La commission a reçu en application de l'article 12 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) :

– un projet de décret de transfert de crédits d'un montant de 663 000 euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), du programme 123 Conditions de vie outre-mer de la mission Outre-mer et du programme 141 Enseignement scolaire public du second degré de la mission Enseignement scolaire à destination du programme 334 Livre et industries culturelles de la mission Médias, livre et industries culturelles.

Ce transfert intervient dans le cadre de la rentrée scolaire de septembre 2016, du fait de la réforme simultanée des programmes des neuf niveaux de l'école primaire au collège. Cette réforme nécessite de la part des imprimeurs de manuels scolaires l'impression de volumes importants dans des délais contraints. Traditionnellement, l'acheminement des manuels scolaires outre-mer se fait par voie maritime, à la charge du budget du ministère de la culture. Mais cette année, les contraintes de volume et de délais ont imposé un acheminement par voie aérienne. Le ministère des outre-mer et le ministère de l'éducation nationale ont accepté de participer au financement du surcoût, estimé à un million d'euros au total.

Les annulations se répartissent de la façon suivante :

- Programme 123 : 333 000 euros ;

- Programme 141 : 330 000 euros ;

Les ouvertures se répartissent de la façon suivante :

- Programme 334 : 663 000 euros.

– un projet de décret de virement de crédits d'un montant de 3 593 600 euros en autorisations d'engagement (AE) et crédits de paiement (CP), des programmes 102 Accès et retour à l'emploi et 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi de la mission Travail et emploi à destination du programme 155 Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail de la mission Travail et emploi.

Ce mouvement regroupe plusieurs virements concernant de nouvelles dépenses informatiques : du programme 102, le premier de 1 757 600 euros en AE et CP au titre du système d'informations E-Milo au bénéfice des missions locales, le second de 52 000 euros en AE et CP au titre d'une étude relative à la mise en place du nouveau système d'informations sur l'insertion par l'activité économique et le dernier, du programme 103, de 1 784 000 euros en AE et CP au titre de modifications du système d'informations dit portail de l'alternance permettant notamment d'enregistrer les contrats d'apprentissage et de professionnalisation. 3 593 600 euros sont ainsi ouverts sur le programme 155, programme support du ministère du travail et de l'emploi, pour mettre en oeuvre ces projets.

Membres présents ou excusés

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Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 4 octobre 2016 à 16 heures 15

Présents. - M. Jean-Claude Buisine, M. Gilles Carrez, M. Gaby Charroux, M. Romain Colas, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Louis Dumont, Mme Arlette Grosskost, M. Régis Juanico, Mme Christine Pires Beaune, M. Camille de Rocca Serra, M. Alain Rodet, Mme Claudine Schmid, M. Pascal Terrasse

Excusés. - M. Éric Alauzet, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Jean-Claude Fruteau, M. Joël Giraud, M. Marc Goua, M. David Habib, M. Marc Le Fur, M. Laurent Marcangeli, Mme Valérie Rabault, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier

Assistait également à la réunion. - M. Éric Straumann