Intervention de Audrey Azoulay

Séance en hémicycle du 6 octobre 2016 à 9h30
Liberté indépendance et pluralisme des médias — Présentation

Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication :

Monsieur le président, monsieur le président et rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mesdames et messieurs les députés, nous voici arrivés au terme du parcours législatif de cette proposition de loi, visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias. Nous reprenons l’examen de ce texte en lecture définitive, après l’échec de la commission mixte paritaire du 14 juin dernier, et après le refus exprimé par le Sénat de délibérer en nouvelle lecture, au moyen de l’adoption d’une question préalable, la semaine dernière.

En commission mixte paritaire, il est vite apparu que les positions exprimées par le Sénat, s’agissant notamment de la protection du secret des sources des journalistes, ne pouvaient s’accorder avec celles de votre assemblée, malgré l’unanimité de bon augure avec laquelle l’Assemblée nationale avait adopté l’amendement du Gouvernement sur ce sujet.

En nouvelle lecture, le Sénat a préféré esquiver le débat au moyen d’une motion de procédure, tant en commission qu’en séance publique. Le rapprochement des points de vue n’aura donc pas été possible au-delà de la première lecture. Je regrette que cette proposition de loi n’ait pas donné lieu au même travail en commun que le projet de loi relatif à la création à l’architecture et au patrimoine.

Pourtant, le travail engagé en première lecture sur ce texte avait été riche et fructueux, avant qu’il ne soit qualifié, très récemment, de « texte de circonstance » par le Sénat. Ce texte a introduit, sur bien des sujets, d’utiles dispositions : l’obligation, pour chaque média, d’adopter une charte et de la transmettre aux journalistes ; l’insertion de protections pour les lanceurs d’alertes – que le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique de mon collègue Michel Sapin vient d’ailleurs de compléter et d’amplifier ; la conditionnalité et la transparence des aides publiques aux entreprises de presse ; le rétablissement de la publicité des cessions de fonds de commerce dans les journaux d’annonces légales ; enfin, la protection du secret des sources des journalistes, que votre assemblée a intégrée à ce texte dès le début de ses travaux.

Aujourd’hui, votre assemblée est donc appelée à se prononcer en dernière lecture. Je tiens à vous remercier, cher Patrick Bloche, vous qui êtes l’auteur de cette proposition de loi, pour votre travail et votre engagement constant.

Dans nos sociétés, la profusion des modes de diffusion de l’information rend celle-ci omniprésente. Garantir sa qualité constitue donc un enjeu majeur. Or cela passe nécessairement par l’indépendance des journalistes face, notamment, aux pressions économiques. La remise en cause de cette indépendance contribuerait à accroître la défiance de certains de nos concitoyens à l’égard des médias. Or il est aujourd’hui nécessaire de consolider et de retisser ce lien de confiance. C’est un enjeu majeur pour notre démocratie. C’est aussi un enjeu pour les entreprises de médias elles-mêmes, car c’est bien la fiabilité et la qualité de l’information qu’elles diffusent, fondées sur l’exercice professionnel du journalisme, qui doivent les distinguer et les légitimer dans ce flot.

Lors des dernières Journées européennes du patrimoine, placées sous le signe de la citoyenneté, le ministère de la culture et de la communication avait fait le choix de proposer à ses visiteurs de redécouvrir les grands textes fondateurs de notre République et, parmi eux, la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. À cette occasion, il fut possible d’entendre cet extrait du grand discours d’Eugène Pelletan, président de la commission sénatoriale sur la liberté de la presse, mis en image en 1981 lorsque la loi fêtait ses cent ans : « Un gouvernement faible fait taire la presse ; un gouvernement fort la laisse parler. C’est la meilleure preuve qu’il puisse donner de sa force et de la sagesse de la nation. » Je crois que ces mots n’ont rien perdu de leur force, ni de leur actualité.

Près d’un siècle et demi après sa promulgation, et même si des adaptations aux nouveaux défis de notre siècle peuvent être nécessaires, la loi de 1881 continue de donner un cadre à notre législation en matière de presse, au moyen d’une riche jurisprudence. C’est pour cela que nous nous opposons aux dispositions adoptées par le Sénat en commission, lors de l’examen du projet de loi « Égalité et citoyenneté », car il est essentiel de ne pas déstabiliser l’ordonnancement et l’équilibre d’ensemble de cette loi fondatrice.

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