Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, beaucoup sur ces bancs et au sein de l’exécutif déplorent la lenteur du processus législatif. Félicitons-nous donc ici du travail parlementaire qui a permis, sept mois seulement après son dépôt, la discussion aujourd’hui en lecture définitive de la proposition de loi visant à « renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias » – on ne se lasse pas de prononcer ces mots.
Nous avons souvent soulevé les points qui nous ont opposés au Sénat. D’autres ici l’ont fait ou le font : je n’y reviens pas. Ce texte de Bruno Le Roux et Patrick Bloche s’inscrit dans la tradition républicaine de notre pays, à laquelle les radicaux de gauche sont particulièrement attachés. Clemenceau, longtemps directeur du journal L’Aurore, publia, le 13 janvier 1898, le célèbre « J’accuse ! » d’Emile Zola, lequel écrivit par ailleurs : « C’est de la connaissance seule de la vérité que pourra naître un état social meilleur ».
Car la presse, qualifiée de « quatrième pouvoir » dès 1797 par le député et philosophe irlandais Edmund Burke, joue indéniablement un rôle fondamental dans la République. Nous, parlementaires, avons donc l’impérieux devoir de protéger le travail des journalistes, qui doivent pouvoir exercer librement leur métier dans une totale sécurité. Je voudrais ici rendre hommage à ceux qui oeuvrent au sein de cette profession avec un courage exemplaire, parfois au péril de leur vie. Je pense bien sûr à l’équipe de Charlie Hebdo, décimée le 7 janvier 2015, mais aussi au journal Libération et à BFM, qui ont fait l’objet d’agressions de la part d’un homme armé le 18 novembre 2013.
Le texte qui occupe nos débats aujourd’hui va dans le sens de notre histoire. Il prend en considération l’évolution de la presse et englobe l’ensemble des médias. L’introduction de la notion de « conviction personnelle », oui, est salutaire. En outre l’article 1er consacre, pour l’ensemble des journalistes de la presse audiovisuelle, écrite ou en ligne « le droit de refuser toute pression et de refuser de divulguer leurs sources ». L’article 1er permet, de plus, de réaliser un progrès : l’obligation, pour les entreprises ou sociétés éditrices de presse ou audiovisuelles, d’établir une charte déontologique.
Ne boudons pas notre plaisir : la présente proposition de loi comporte de nombreuses avancées notoires. Elle consacre ainsi l’indépendance des journalistes, notamment en matière de protection du secret des sources, protection qui s’étend désormais aux collaborateurs occasionnels. Autre avancée : l’article 11 bis permet de suspendre tout ou partie des aides publiques, directes ou indirectes, dont une entreprise éditrice bénéficie en cas de violation, par celle-ci, du secret des sources ou de la charte de déontologie.
Par ailleurs, le mode de désignation des membres du CSA me paraît juste et les prérogatives de celui-ci justement étendues. L’article 2 dispose ainsi que l’instance « s’assure que les intérêts économiques des actionnaires des éditeurs de services de communication audiovisuelle et de leurs annonceurs ne portent aucune atteinte à ces principes ». En effet, la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias dépendent en grande partie des enjeux économiques qu’ils représentent. L’article 2 établit une frontière étanche entre la ligne éditoriale du média et les préoccupations de ses annonceurs ou de ses actionnaires.
L’article 7 institue, quant à lui, auprès des médias audiovisuels, un comité relatif à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information, qui pourra s’autosaisir ou être consulté pour avis non seulement par la direction de la société et par le médiateur lorsqu’il existe, mais aussi par tout un chacun. Enfin, il était essentiel, dans notre société mondialisée, de protéger l’indépendance de nos médias par rapport aux capitaux étrangers.
Je souhaite saluer le travail de la commission des affaires culturelles et de mes collègues ainsi que la persévérance de Mme la ministre et de M. le rapporteur, que je tiens à remercier. Compte tenu de toutes ces avancées, le groupe RRDP salue un progrès réel en faveur de l’indépendance des médias, de leur liberté et de leur pluralisme, progrès qu’il soutiendra avec enthousiasme, car, comme le soulignait Alexis de Tocqueville, « la presse est, par excellence, l’instrument démocratique de la liberté ».
Le 07/10/2016 à 12:25, laïc a dit :
« la presse est, par excellence, l’instrument démocratique de la liberté ».
C'est une erreur de vouloir réduire la démocratie à la seule presse. Car la démocratie, c'est avant toute chose la voix des citoyens, la pratique du référendum, et souvent les médias cherchent à influencer le vote des électeurs, ils cherchent à faire dire aux électeurs ce qu'ils pensent eux-mêmes, et ils se servent sans vergogne de leurs moyens de diffusion pour cela, pour manipuler la pensée collective. Méfions-nous des médias, de la presse, ils peuvent être fortement anti-démocratiques sous couvert de démocratie.
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