Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici donc arrivés à l’heure de l’adoption définitive de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias. Légiférer pour l’indépendance et le pluralisme des médias, donc pour le droit à l’information de nos compatriotes, voilà une ambition à laquelle nous souscrivons pleinement.
La liberté de la presse est un des fondements de la vie démocratique de notre pays. Il s’agit de la défendre en toute occasion, et la loi en est le moyen essentiel, aux côtés de la mobilisation citoyenne. Je le disais en commission : en écoutant jeudi dernier, avec d’autres collègues, lors de l’inauguration de l’imprimerie de Dammartin, les belles et fortes paroles de son directeur, Michel Catalano, ou du Président de la République, je pensais à notre responsabilité de législateur pour garantir cette liberté. En effet, à chaque fois que cette dernière s’est trouvée menacée ou entravée, c’est notre République et ses valeurs fondatrices qui ont été attaquées.
Cette liberté de la presse ne peut exister sans le travail libre des journalistes. Or la liberté des journalistes est malmenée de par le monde. En commission, un intervenant de l’opposition nous a expliqué qu’en la matière, il n’y avait pas de problème chez nous. Pourtant, ne sommes-nous pas concernés directement quand, au sein même de l’Union européenne, dont notre pays est membre, ou à la porte de celle-ci, on continue de censurer et d’emprisonner des journalistes parce qu’ils font tout simplement leur métier ?
Depuis la loi de 1881 sur la liberté de la presse, l’Assemblée nationale a écrit bien des pages pour la conforter et l’élargir. Au cours de cette législature ont ainsi été adoptées la loi relative à l’indépendance de l’audiovisuel public et la loi portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse, même si les réserves que nous avions formulées sur certains articles se sont aujourd’hui, hélas, avérées justifiées – je pense à l’avenir de l’AFP.
Avec l’adoption de la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui, des avancées importantes pour l’indépendance des médias vont être actées. Je m’en réjouis. J’ai du mal à comprendre l’attitude de nos collègues, au Sénat ou ici même, qui rejettent ce texte et s’opposent ainsi à une avancée des libertés. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : l’indépendance des médias, des rédactions, la protection des sources des journalistes sont partie prenante de nos libertés fondamentales. En adoptant cette proposition de loi, nous y contribuons fortement en reconnaissant aux journalistes et aux rédactions leur liberté de conviction professionnelle.
Cette proposition de loi prévoit également que, dans les médias qui n’en sont pas encore dotés, les éditeurs et les journalistes doivent adopter, après négociation, des chartes définissant les règles de déontologie sur lesquelles ils s’engagent vis-à-vis de leur public. Des syndicats s’interrogent cependant quant au risque d’une déontologie à géométrie variable pour la profession.
Dans cette proposition de loi, nous prenons en compte la fragilité économique du secteur et les conditions de travail difficiles des salariés. On ne peut que s’en féliciter ! Mais dans un pays comme le nôtre, attaché à l’exception culturelle et au fait que les oeuvres de l’esprit ne peuvent être des marchandises comme les autres, nous ne sommes pas encore arrivés au bout des dispositions à prendre pour agir efficacement contre l’hyperconcentration des médias. Il ne s’agit pas de brider les investissements nécessaires à la vie et au développement de la presse et des médias, mais de garantir que ces investissements ne nuisent pas à l’existence d’un véritable pluralisme éditorial, d’un contenu informatif et émancipateur. Notre amendement traitant de cette question a été repoussé, mais permettez-moi d’insister : la réflexion de notre assemblée dans ce domaine ne doit pas s’arrêter. L’actualité nous offre trop d’exemples de regroupements ne permettant pas de donner un nouveau souffle à des médias en difficultés, mais se soldant au contraire par une uniformisation des contenus.
Enfin, je voudrais aussi insister sur la question de la protection du secret des sources des journalistes. Nous nous sommes réjouis qu’en 2013, un projet de loi sur ce sujet, amendé par la commission des affaires culturelles, soit susceptible d’être inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Cette inscription n’arrivant pas, une proposition de loi transpartisane a été déposée en juillet dernier pour rappeler l’urgence de cette question, répondant ainsi à la volonté exprimée par l’intersyndicale des journalistes.
La protection des sources a enfin trouvé toute sa place dans la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui : c’est un acte d’une très grande portée. Le 18 juillet, en effet, notre assemblée a adopté un amendement du Gouvernement prévoyant d’harmoniser le droit en fixant à sept ans le seuil d’emprisonnement servant à mesurer la gravité des délits dont la prévention ou la répression peut justifier que le secret des sources soit levé. Vous nous aviez indiqué, madame la ministre, que cela permettrait de « mieux prévenir ou réprimer les atteintes aux intérêts de la nation ». Permettez-moi de préciser que cette notion d’atteinte aux intérêts de la nation, initialement présente dans le projet gouvernemental de 2013, avait justement été supprimée par la commission des affaires culturelles : la proposition de loi adoptée en première lecture n’avait pas repris cette notion diversement interprétable.
Mais au-delà de cette remarque, nous mesurons l’avancée que nous avons permise, même si notre commission a dû faire preuve d’une grande détermination pour arriver à ce résultat. Je veux ici souligner le rôle majeur joué par son président pour parvenir à l’adoption de ce beau texte aujourd’hui.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, après avoir exprimé ces quelques remarques, c’est avec satisfaction et fierté que les députés du Front de gauche voteront cette proposition de loi, qui permet à notre pays de franchir un nouveau pas pour l’indépendance et le pluralisme des médias et la liberté des journalistes.