Il s'est en effet rendu dans différents pays pour essayer de négocier des accords, et ces pays ont répondu qu'il fallait attendre de savoir quelles seraient les relations du Royaume-Uni avec l'Union européenne. L'Australie, membre du Commonwealth, pays ami, qui s'était prononcé pour le maintien du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne, a ainsi été approchée, mais il faut savoir que les échanges commerciaux entre les deux États représentent moins de 1 % de la totalité des échanges britanniques. La déclaration qui a été faite à ce sujet relève par conséquent plus de l'affichage que de la réalité. Nombreux sont ceux qui affirment que le ministre en question risque même de ne pas rester au Gouvernement quand il se rendra compte qu'il ne peut rien négocier.
J'en viens à nos quelque 300 000 compatriotes vivant au Royaume-Uni. Ils ne sont pas les plus inquiets. Je pense qu'il y aura une négociation sur les droits acquis aussi bien pour les Britanniques en Europe que pour les étrangers au Royaume-Uni. Pour l'heure, le climat n'est, il est vrai, pas très sympathique et beaucoup qui se sentaient Londoniens avant le 24 juin se sentent aujourd'hui étrangers à Londres.
Les prochaines élections européennes ont également été évoquées. Theresa May les prend certes en considération mais le butoir des Britanniques est plutôt l'échéance électorale de 2020, étant entendu qu'on peut imaginer une formule transitoire en 2019. Les Britanniques sont en effet bien conscients de l'aberration que constituerait le fait d'élire des députés européens après avoir voté le Brexit ; reste que Mme May lancera les négociations quand elle s'estimera prête et que, comme elle l'a déclaré au Président de la République, elles s'engageront d'autant mieux que les deux parties seront prêtes.
Pour ce qui est du statut, bien sûr que les Britanniques veulent le beurre et l'argent du beurre. Il faut tenir compte de ce que 48 % des votants ont souhaité rester au sein de l'Union européenne et que les parlementaires sont plus largement pro-européens encore ; or David Cameron a précisé au Président de la République, à Thiepval, le jour des commémorations de la bataille de la Somme, que le Royaume-Uni souhaitait rester au plus près de l'Union européenne. Les Britanniques vont donc chercher des solutions en sachant que leur principal problème est l'immigration.
Sur qui vont-ils compter ? Eh bien, d'abord sur les divisions entre les Vingt-Sept. De ce point de vue, ils ont noté le fait que Matteo Renzi, à l'issue du sommet de Bratislava, a fait part de son désaccord. Les Britanniques compteront sur les Scandinaves et sur une Allemagne – celle, en tout cas, de Mme Merkel – qu'ils perçoivent plus compréhensive que ne l'est la France. Selon eux, les Français ont une attitude punitive, au point que, au début des vacances, les Britanniques nous ont attribué la responsabilité des files d'attente de plusieurs heures pour embarquer dans leur ferry, alors qu'elle incombait en partie à la police britannique. L'idée que nous chercherions à leur faire payer le Brexit est bien ancrée. Il convient donc pour nous de rester en phase avec les Allemands.
Pour ce qui est de la situation à Calais, quoi qu'il arrive, nous sommes considérés comme coupables, soit parce que nous serions incapables d'assurer la sécurité et le contrôle des frontières, soit parce que nous traiterions les réfugiés de manière inhumaine. C'est ce que j'ai perçu à chaque fois que j'ai été interrogée à la télévision sur le sujet : l'idée est que nous ne sommes pas capables de gérer la situation, et cela bien avant que nous n'ayons pris conscience du problème en France. Quand je suis arrivée en poste, on montrait déjà les camions pris d'assaut. Il existe néanmoins, sur le sujet, une grande différence entre la presse et l'opinion publique, d'un côté, et le gouvernement, de l'autre. Celui-ci est conscient du risque d'une demande de transfert de la frontière à Douvres. Aussi le Royaume-Uni nous aide-t-il en matière financière et de sécurité avec la construction de barrières, de murs. Sur la question particulière des mineurs isolés, Theresa May et la nouvelle ministre de l'intérieur, Amber Rudd, ont fait une réponse ouverte. Bernard Cazeneuve doit se rendre prochainement à Londres pour recueillir les propositions d'un groupe de travail franco-britannique. Dans le même temps, compte tenu de l'importance du problème migratoire, les Britanniques ne veulent pas créer d'appel d'air et ont accueilli ces mineurs non accompagnés au compte-gouttes. En outre, il n'est pas question pour nos voisins d'une révision des accords du Touquet, même s'ils sont bien conscients que, du côté français, le sujet va compter à l'occasion des prochaines élections.
Vous m'avez par ailleurs demandé si le Royaume-Uni avait entériné le fait qu'il ne pourrait bénéficier de ce qu'avait négocié David Cameron tout en procédant au Brexit. En fait rien n'est décidé. Les Britanniques sont d'excellents négociateurs et vont tâcher d'obtenir le maximum.
Jacques Myard est revenu sur les fonds dédiés à la recherche. Les Brexiters ont promis que l'agriculture, la recherche, la santé, de même que les entités dévolues récupéreraient les fonds aujourd'hui consacrés au budget européen. Or il y aura des priorités. En fait, ce que craignent le plus les Britanniques n'est pas un manque à gagner mais la perte de la coopération scientifique…