Intervention de Sylvie Bermann

Réunion du 29 septembre 2016 à 10h00
Mission d'information sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations

Sylvie Bermann, ambassadeur de France au Royaume-Uni :

Les Britanniques vont mettre l'accent sur la coopération bilatérale et la poursuivre, mais ce qu'ils veulent, c'est l'accès aux réseaux, qui leur sera beaucoup plus difficile après le Brexit. Pour ce qui est du financement, ils envisagent non pas de contribuer directement au budget de l'Union européenne, ou en tout cas pas de manière visible, mais de payer au cas par cas. Autrement dit, s'ils veulent garder des avantages dans le domaine de la coopération universitaire, de la coopération scientifique, mais aussi les avantages liés au dispositif Erasmus, ils paieront, mais ils ne voudront pas donner l'impression qu'il s'agit, je le répète, d'argent versé au budget européen.

De même, ils seraient prêts à payer en matière de défense, que ce soit en nature ou en argent.

On m'a demandé de dessiner un portrait de Theresa May. Je l'ai beaucoup vue parce qu'elle rencontrait Bernard Cazeneuve tous les deux ou trois mois et ils s'entendaient d'ailleurs très bien. Elle est quelqu'un de très sérieux et, comme on dit au Royaume-Uni, control freak : elle ne laisse rien sans réponse. J'ai mentionné le cas de la centrale de Hinkley Point. Elle a posé de très nombreuses questions aux experts avant de prendre sa décision. À chaque fois que les experts lui apportaient des dossiers – de très nombreuses réunions ont été organisées au 10 Downing Street –, elle posait de nouvelles questions. C'est pourquoi l'élaboration d'une position sur le Brexit risque de prendre un peu de temps.

Il est intéressant de noter qu'elle a nommé Boris Johnson ministre des affaires étrangères. Beaucoup ont vu cette décision comme une mise en oeuvre du principe selon lequel « you break it, you own it » : vous l'avez cassé, eh bien, maintenant cela vous appartient et vous devez le réparer.

On m'a par ailleurs demandé ce qui allait peser dans les semaines et les mois à venir. Ce sera évidemment l'intérêt du pays. La Confederation of British Industry (CBI), équivalent chez nous du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), les hommes d'affaires, les financiers mettent tous en garde contre les conséquences du Brexit et, surtout, contre la fin du passeport européen et de l'accès au marché unique, ce qui pèsera d'autant plus que la situation économique connaîtra une dégradation. Il n'est pas impossible qu'à l'avenir ceux qui, dans l'Angleterre profonde, ont voté pour le Brexit constatent une aggravation de leur situation parce que ce seront les premiers à perdre leur emploi. Et quand on évoque la City comme une élite de banquiers et de gens qui s'enrichissent, c'est oublier les centaines de milliers d'emplois, près de deux millions au total, qui en dépendent dans l'ensemble du pays et à tous les niveaux.

Le nouveau chancelier de l'échiquier, Philip Hammond, ancien ministre des affaires étrangères, est un ancien eurosceptique devenu, pendant la campagne, partisan du maintien du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne après en avoir constaté les avantages en matière de politique étrangère (par exemple à l'égard de la Russie ou de l'Iran). Nous disposerons de premiers éléments sur la situation économique au moment de l'Autumn Statement, au mois de novembre. Quoi qu'il en soit, Philip Hammond comptera beaucoup dans la décision.

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