Intervention de Jean-Claude Piris

Réunion du 29 septembre 2016 à 10h00
Mission d'information sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations

Jean-Claude Piris, ancien directeur général du service juridique du Conseil de l'Union européenne :

Oui, car c'est un tout qu'il n'est pas possible de diviser, même si certains y ont parfois pensé.

Il est probable que l'accord mixte avec le Royaume-Uni autorisera en outre ce pays à participer à un certain nombre de programmes, actions, politiques et agences de l'Union européenne. S'agissant des politiques, on peut penser notamment à la lutte contre le changement climatique et à la lutte contre le terrorisme, avec une participation à Europol. En ce qui concerne les actions, on peut penser aux sanctions politiques, tant contre des individus, notamment des terroristes, que contre des pays tiers tels que la Russie, ou encore aux opérations civiles ou militaires menées par l'Union dans différents pays. Pour ce qui est des programmes, on peut penser aux programmes de recherche scientifique ou d'échanges d'étudiants, notamment à Erasmus. Quant aux agences européennes, qui sont à peu près comparables aux agences fédérales américaines, il y en a désormais une trentaine, dont deux ont d'ailleurs leur siège à Londres et devront déménager – l'Agence européenne du médicament et l'Autorité bancaire européenne. Sur le fond, le Royaume-Uni pourrait être intéressé à participer à certaines de ces agences. L'Union européenne a, elle aussi, intérêt à ce que le Royaume-Uni participe à certaines de ces politiques, actions, programmes et agences, notamment à la lutte contre le terrorisme. En tout état de cause, cette participation, qui sera assortie le cas échéant d'une contribution au budget correspondant, se fera sans participation à la prise de décision, comme c'est le cas actuellement pour certains pays tiers, par exemple la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein.

J'entends dire que le Royaume-Uni devrait continuer à participer aux politiques étrangère et de défense. Toutefois, cela soulèverait des difficultés, car ces politiques sont discutées d'abord au Comité politique et de sécurité (COPS) – qui comprend des représentants permanents des États membres et se réunit souvent trois fois par semaine –, puis au Conseil des affaires étrangères et lors des réunions des ministres de la défense et, enfin, très souvent, au Conseil européen. Or les Britanniques ne seront représentés dans aucune de ces institutions.

Le choix entre hard et soft Brexit relève, bien entendu, des Britanniques. Pour ce qui est de l'Union européenne, le chancelier de l'Échiquier, M. Philip Hammond, a déclaré qu'elle devait faire preuve de « morale » et être « gentille » avec le Royaume-Uni, mais telle n'est pas la question. D'abord, les relations entre États ne sont pas les relations entre individus : ce sont davantage les intérêts que les sentiments qui jouent. Surtout, il y a une logique du marché intérieur : un même acte est pris par les institutions européennes – proposé par la Commission, puis adopté par le Conseil et par le Parlement européen –, est appliqué par tous les États membres et fait l'objet d'une même interprétation par la Cour de justice de l'Union européenne ; il y a un mécanisme de surveillance et des sanctions financières éventuelles. Or on voit mal comment les Britanniques, qui ne seront membres d'aucune des institutions que je viens de citer, pourraient adhérer à cette logique, à moins qu'ils n'acceptent le modèle de l'Espace économique européen (EEE) tel qu'il a été offert il y a vingt-quatre ans.

À cet égard, je fais une parenthèse : si l'on devait renégocier aujourd'hui l'accord sur l'EEE, je suis certain qu'il serait beaucoup moins généreux. En effet, dans le cadre des négociations en cours avec la Suisse, Monaco, Andorre et Saint-Marin, l'Union européenne est beaucoup plus exigeante qu'elle ne l'a été lors des discussions sur l'EEE. J'en veux pour preuve les directives de négociation avec la Suisse, adoptées par le Conseil en mai 2014 sur proposition de la Commission, qui sont théoriquement secrètes, mais qui ont fuité dans la presse helvétique. Dans le cadre de l'EEE, lorsque la Norvège, l'Islande ou le Liechtenstein tardent à appliquer les lois de l'Union sur le marché intérieur – il y a eu des retards sur des centaines de textes, y compris sur des textes importants, jusqu'à cinq ou six ans –, il n'y a pas véritablement de sanctions, les compétences en la matière étant exercées par une autorité de surveillance et une cour de justice propres à l'EEE, qui comprennent des membres norvégiens, islandais et liechtensteinois. En revanche, dans les directives de négociations avec la Suisse – certes, ces négociations ne sont pas finies –, l'Union européenne demande que les sanctions soient automatiques et que la Commission et la Cour de justice de l'Union, avec leurs vingt-sept ou vingt-huit membres, soient seules compétentes.

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