Intervention de Jean-Claude Piris

Réunion du 29 septembre 2016 à 10h00
Mission d'information sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations

Jean-Claude Piris, ancien directeur général du service juridique du Conseil de l'Union européenne :

L'Union européenne est une communauté de droit : nous sommes tenus par les traités. L'accord prévu par l'article 50 ne va aucunement modifier les traités. Il est d'ailleurs impossible de modifier les traités sur la base de l'article 50. Quant aux clés budgétaires, elles ne figurent pas dans le traité : c'est de la législation secondaire, négociée et prise par les institutions.

Il est exact que le traité devra être modifié, mais d'une manière extrêmement légère. Tel est le cas de l'article 52 du traité sur l'Union européenne, qui dispose que les traités s'appliquent au Royaume-Uni. Mais, si on ne le fait pas à temps, ce ne sera pas bien grave, car le Royaume-Uni aura entre-temps abrogé l'European Communities Act de 1972 et n'appliquera plus le droit européen. Il faudra aussi modifier l'article 355 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui cite un certain nombre de territoires d'outre-mer, ainsi que quelques protocoles. On le fera sur la base de l'article 48 du traité sur l'Union européenne, comme il convient. On ne convoquera probablement pas de convention, et le processus sera très rapide, car cela consistera seulement à supprimer les quelques dispositions que j'ai citées.

Quant aux autres textes fixant la composition et le siège des différentes institutions ou organes – par exemple le protocole sur le statut de la Cour de justice, les statuts de la Banque centrale européenne (BCE) ou ceux de la Banque européenne d'investissement (BEI) –, ils sont modifiables, le plus souvent par une décision du Conseil à l'unanimité, sans qu'il soit besoin de toucher aux traités. On avait pris cette précaution.

Enfin, d'après une étude que j'ai lue, le Brexit ne devrait guère prêter à conséquence en ce qui concerne le budget de l'Union.

Je suis tout à fait d'accord avec votre second point, monsieur Myard : à l'évidence, le Royaume-Uni ne va changer ni sa position géographique, ni l'histoire, ni les relations économiques très étroites qu'il entretient avec les autres pays européens.

Je suis d'accord avec Mme Guigou sur le fait que nous devons être très fermes sur certains principes. À mon avis, on ne bougera pas d'un millimètre sur la libre circulation des personnes, car c'est une question non seulement économique, avec la libre circulation de la main-d'oeuvre, mais aussi politique. Il en va de la dignité des pays de l'est de l'Europe. Rappelons que 800 000 à 1 million de Polonais vivent au Royaume-Uni. D'ailleurs, c'est le Royaume-Uni lui-même qui a décidé d'ouvrir immédiatement son marché du travail aux ressortissants des États qui ont adhéré à l'Union en 2004, alors que la France et l'Allemagne ont appliqué, comme cela était possible, des restrictions à leur circulation pendant quelques années – sept ans, s'agissant de l'Allemagne. De même, le Royaume-Uni était le principal partisan de l'adhésion de la Turquie à l'Union, et cela a été utilisé ensuite comme un argument en faveur du leave.

Nous ne pouvons pas bouger de la logique du marché intérieur. Des personnes sans doute très bien intentionnées, en France et en Allemagne, ont proposé de créer deux cercles, en permettant aux États du deuxième cercle, à savoir le Royaume-Uni et, plus tard, des pays tels que l'Ukraine ou la Turquie, de participer à l'élaboration des décisions pour le marché intérieur de l'Union. Ces idées sont inapplicables en pratique et juridiquement, et elles sont inacceptables politiquement, d'ailleurs pour les deux Parties. Elles mettraient l'Union européenne en danger. Il faut faire très attention à ces idées et être extrêmement ferme sur ce point.

Cela dit, nous sommes naturellement ouverts à l'égard du Royaume-Uni. S'il demande à adhérer à l'EEE, je ne vois pas comment nous pourrions nous y opposer, même si le processus serait très long. D'une part, il faudrait que l'accord soit ratifié par l'Union européenne et par trente et un États, à savoir les vingt-sept États membres de l'Union, la Norvège, l'Islande, le Liechtenstein et la Suisse (pour l'AELE). D'autre part, ainsi que je l'ai indiqué, l'Union n'est guère satisfaite des règles de fonctionnement de l'EEE et a tendance à être désormais plus sévère. Mais si le Royaume-Uni accepte le système du marché intérieur, c'est encore mieux ! Les Vingt-sept étaient favorables à ce qu'il reste dans l'Union. Il va donc de soi que nous voulons garder des relations commerciales étroites avec lui. D'ailleurs, l'Allemagne exporte beaucoup, elle aussi, vers le Royaume-Uni.

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