Intervention de Sébastien Pietrasanta

Réunion du 5 octobre 2016 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Pietrasanta :

La lutte contre le terrorisme nécessite unité – comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur –, sérieux et sang-froid. Nous devons refuser l'outrance et les caricatures. Le débat sur ce sujet est légitime, et je salue le groupe Les Républicains pour le dépôt de cette proposition de loi qui aura au moins le mérite de prolonger cette réflexion.

Ce texte, néanmoins, n'apporte guère de propositions nouvelles. Toutes les mesures qu'il contient ont déjà été débattues à l'occasion de précédents projets de loi. Il ressemble à une compilation de vieux disques rayés qui, sur le plan juridique, ne tournent plus vraiment.

Le groupe Socialiste, écologiste et républicain est opposé à cette proposition de loi. J'aurai l'occasion de l'expliquer sur le fond lors de l'examen des articles, dans le seul souci de l'efficacité et de la défense de notre État de droit qui, vous le savez, n'est pas qu'une simple argutie juridique. Je me contenterai donc en guise de propos liminaire de dire ceci : il ne s'agit pas de sectarisme de notre part, comme en atteste le fait que nous avons déjà – récemment encore, lors du débat sur la prolongation de l'état d'urgence en juillet – adopté de très nombreux amendements provenant de l'opposition.

Certaines des dispositions figurant dans votre proposition de loi sont déjà satisfaites, tandis que les autres sont juridiquement incertaines et inefficaces, voire contre-productives. Certaines sont même contraires à la Convention européenne des droits de l'homme ainsi qu'à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le procureur de la République de Paris vous l'a d'ailleurs expressément rappelé lors de son audition, monsieur le rapporteur. Vous faites également abstraction de l'avis du 17 décembre 2015 dans lequel le Conseil d'État a analysé certaines de vos propositions et jugé qu'elles n'étaient pas juridiquement valables.

Deux écueils sont à éviter dans la lutte contre le terrorisme : prétendre que tout a été fait, céder à une fuite en avant. Dans le rapport de la commission d'enquête sur les attentats de 2015, M. Fenech et moi-même avons considéré que, depuis 2012, nous avons fait énormément. Nous avons légiféré de manière importante, renforcé nos effectifs, donné des moyens supplémentaires à nos services de renseignement. J'estime cependant que nous pouvons aller plus loin encore, notamment grâce aux quarante propositions que j'ai formulées. Aller plus loin ne signifie pas céder à une fuite en avant. Or c'est précisément ce que semble être votre proposition de loi, comme une manière pour vous de montrer que vous occupez le terrain – mais ce ne sont parfois que gesticulations.

Nous combattons un fanatisme meurtrier et nous gagnerons, je n'ai aucun doute à cet égard, mais ce ne sera pas grâce à des propositions telles que celles dont nous débattons ce matin, qui ne fait pas même l'unanimité dans votre propre famille politique.

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