La réunion débute à 10 heures.
Présidence de M. Dominique Raimbourg, président.
La Commission examine la proposition de loi renforçant la lutte contre le terrorisme (n° 3997) (M. Éric Ciotti, rapporteur).
Nous commençons nos travaux par l'examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre le terrorisme, qui est inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale par le groupe Les républicains.
« La France est en guerre », déclarait le Président de la République devant le Congrès réuni à Versailles le 16 novembre 2015. Nous partageons naturellement ce constat, mais nous en concluons aussi que toutes les dispositions devant permettre de nous adapter à ce climat de guerre n'ont pas été adoptées. La situation inédite que connaît notre pays nous impose de changer de cadre et d'adopter des mesures exceptionnelles. Force est de constater que les dispositions déjà adoptées sont certes nécessaires, mais qu'elles demeurent très largement insuffisantes.
La présente proposition de loi vise à pallier résolument ces lacunes et à appliquer un dispositif global de lutte et de prévention contre le terrorisme. À ce titre, et contrairement à ce que l'on a pu entendre dans les médias, notre droit nous offre des outils juridiques pour faire face à cet état de guerre ; encore faut-il avoir la volonté d'adopter ces dispositions. Dans son célèbre arrêt Dames Dol et Laurent de 1919, le Conseil d'État a donné une définition très claire des circonstances exceptionnelles, hélas réunies aujourd'hui : « les limites des pouvoirs de police dont l'autorité publique dispose pour le maintien de l'ordre et de la sécurité […] ne sauraient être les mêmes dans les temps de paix et pendant la période de guerre où les intérêts de la défense nationale donnent au principe de l'ordre public une extension plus grande et exigent pour la sécurité publique des mesures plus rigoureuses ».
Sur des sujets aussi essentiels, qui impliquent et conditionnent la sécurité des Français, il nous faut naturellement dépasser les clivages politiques traditionnels. C'est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains a systématiquement soutenu les textes législatifs soumis ces dernières années à notre Assemblée en la matière. Lors de l'examen de chacun de ces textes, la majorité présidentielle a pourtant repoussé la plupart de nos propositions, alors même qu'elles n'étaient destinées qu'à mieux prévenir et réprimer le terrorisme sur un plan administratif et judiciaire. J'observe qu'après avoir rejeté certaines de ces propositions, le Gouvernement et la majorité les ont plusieurs fois acceptées ultérieurement selon une stratégie de petits pas que nous jugeons préjudiciable à l'efficacité de notre mécanisme de lutte contre le terrorisme. L'action conduite s'est en effet souvent résumée à réagir aux événements, non à les anticiper. Comment, dès lors, ne pas s'interroger sur le temps perdu et sur les rendez-vous manqués dans la construction d'une véritable législation efficace et pragmatique contre le terrorisme, à la hauteur des dangers auxquels notre pays est aujourd'hui durablement confronté ?
La présente proposition de loi contient donc un dispositif ambitieux, global et pérenne visant à mieux appréhender et réprimer le phénomène djihadiste dans son ensemble. Elle s'articule parfaitement avec le texte que Mme Kosciusko-Morizet défendra dans quelques instants.
L'article 1er instaure un contrôle administratif des individus qui représentent une menace grave pour la sécurité et pour l'ordre public mais à l'encontre desquels il est impossible d'ouvrir une enquête judiciaire faute d'éléments suffisants. Dans ce cas précis, le ministre de l'intérieur pourrait prendre trois types de mesures : l'assignation à résidence, le placement sous surveillance électronique mobile, si possible géolocalisée, et le placement en centre de rétention spécialisé – c'est ce dernier dispositif qui fera sans doute le plus débat.
L'article 2 autorise la création d'un fichier de personnes radicalisées constituant une menace pour la sécurité publique ou la sécurité de l'État. Lors de son audition, le procureur de la République de Paris a exprimé son intérêt pour ce fichier nouveau au contenu resserré, qui centraliserait les fichiers existants et fournirait une base pertinente justifiant les mesures administratives prévues à l'article 1er.
L'article 3 instaure des peines minimales d'interdiction du territoire français pour les personnes de nationalité étrangère qui ne peuvent justifier d'un séjour régulier en France depuis au moins dix ans et qui auraient été déclarées coupables de crimes ou de délits punis d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans.
L'article 4 prévoit explicitement que l'expulsion peut être prononcée à l'encontre d'un étranger faisant l'objet d'une fiche « S » ou inscrit au fichier créé par l'article 2.
L'article 5 étend les possibilités d'expulsion aux étrangers coupables de tout délit ou crime passible d'au moins cinq ans d'emprisonnement.
Enfin, la lutte contre le terrorisme ne saurait être complète si aucune réponse n'est apportée à la question essentielle et très préoccupante des criminels terroristes qui continuent de présenter une dangerosité particulière après avoir purgé leur peine. Lors des auditions auxquelles nous avons procédé, le procureur de la République de Paris, M. François Molins, et Mme Camille Hennetier, vice-procureure, responsable du pôle antiterroriste, nous ont indiqué en toute clarté que, selon eux, le principal danger tenait actuellement à la situation explosive qui règne dans les prisons ; le garde des Sceaux, quant à lui, a plusieurs fois cité le chiffre de 1 400 détenus radicalisés – ils seraient même deux à trois mille selon les syndicats de l'administration pénitentiaire. Les tensions sont particulièrement inquiétantes dans certains établissements, où des actions concertées de prise de contrôle auraient été envisagées. La menace est donc grave.
Dans ce contexte, il faut aborder la situation de ceux qui sont appelés à sortir de détention et prendre des mesures claires de surveillance afin d'éviter que les intéressés – parfois radicalisés en prison – ne passent de nouveau à l'acte. Un constat similaire avait été dressé il y a près de dix ans sur un autre sujet également grave, celui des délinquants et criminels sexuels. En 2008 et 2010, le législateur avait adopté deux mesures de sûreté, l'une de rétention et l'autre de surveillance, applicables aux personnes présentant une dangerosité particulière caractérisée par une probabilité très élevée de récidive en raison d'un trouble grave de la personnalité. Nous voulons instaurer un dispositif similaire en matière de terrorisme, fondé sur deux notions juridiques distinctes : celle de la peine qui punit et celle de la sûreté qui protège la société.
C'est dans cet esprit que l'article 6 vise à étendre à certains terroristes ces deux mesures de sûreté, qui seraient strictement encadrées et soumises à la décision d'une juridiction susceptible de recours. Je précise que cette disposition est parfaitement conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et au cadre juridique établi par le Conseil d'État dans son avis du 17 décembre 2015. Cette rétention de sûreté contribuera à mieux protéger nos concitoyens contre les criminels terroristes dangereux. « On ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif », rappelait le procureur Molins. « Lorsqu'on tombe sur des individus imprégnés par cette idéologie mortifère », poursuivait-il, « les maintenir enfermés n'est peut-être pas la mission la plus noble, mais elle a au moins l'impérieuse vertu de protéger la société. » C'est cet objectif qui nous guide.
L'article 7 incrimine le fait d'avoir séjourné intentionnellement à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes afin d'entrer en relation avec l'un ou plusieurs d'entre eux, en l'absence de motif légitime. Nous reprenons là une mesure proposée par la commission des lois du Sénat. Je proposerai des amendements visant à améliorer ce dispositif à la suite des auditions auxquelles nous avons procédé, pour préciser notamment l'échelle des sanctions en alignant les peines encourues pour ce nouveau délit sur celles applicables au délit d'association de malfaiteur en relation avec une entreprise terroriste, soit dix ans d'emprisonnement.
L'article 8 exclut les personnes condamnées pour terrorisme du bénéfice des réductions de peine supplémentaires. La loi du 21 juillet 2016 relative à l'état d'urgence avait supprimé les crédits de réduction « automatiques » ; conformément aux positions que nous avons exprimées tout au long de nos débats sur le terrorisme, nous souhaitons y ajouter les réductions supplémentaires. Les syndicats de l'administration pénitentiaire, que nous avons entendus, ont insisté sur la présence de détenus terroristes et prosélytes qui font peser des menaces très graves sur le maintien du bon ordre des établissements pénitentiaires. D'autre part, le nombre total d'objets prohibés saisis en prison – téléphones, armes, explosifs, argent – n'a cessé d'augmenter, passant de 13 852 en 2007 à 56 149 en 2014.
Dans ce contexte, l'article 9 assouplit les modalités selon lesquelles il est possible, depuis juin 2016, de procéder à des fouilles indépendantes de la personnalité des détenus. C'est là aussi une mesure très importante pour mieux sécuriser nos établissements pénitentiaires.
En réponse à la radicalisation islamiste croissante que l'on observe dans les prisons françaises, la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) a créé des unités de prévention de la radicalisation dans les établissements de Fleury-Mérogis, de Fresnes, de Lille-Annoeullin et d'Osny. Leur mise en place a fait débat, mais, selon moi, leur utilité est avérée. Il apparaît toutefois que leur régime actuel ne permet pas d'atteindre les objectifs qui leur sont assignés. C'est pourquoi l'article 10 vise à étendre le champ de ces unités et à en préciser le fonctionnement afin, notamment, de renforcer l'isolement, aujourd'hui virtuel, des personnes qui y sont placées.
L'article 11 confère une valeur législative à l'interdiction, de nature réglementaire, des téléphones portables en prison, pour favoriser un renforcement de l'isolement électronique des détenus, comme l'a défendu notre collègue M. Philippe Goujon.
L'article 12 a trait à une question sur laquelle le groupe Les Républicains revient sans cesse : la légitime défense des forces de l'ordre. Il vise à rapprocher les conditions d'usage des armes dans la police et dans la gendarmerie.
Je présenterai plusieurs autres amendements visant à étendre l'accès aux fichiers à certains services de renseignements qui – chose incompréhensible – ne peuvent pas y recourir aujourd'hui, ou encore à informer les collectivités locales de la situation de personnes parties sur des théâtres de guerre afin que celles-ci ne puissent plus bénéficier de prestations sociales en France.
En somme, cette proposition de loi globale, responsable et exhaustive respecte nos principes fondamentaux tout en tenant compte de la situation exceptionnelle dans laquelle nous nous trouvons. Elle vise à démontrer que le cadre actuel n'est plus pertinent pour lutter face au terrorisme, compte tenu de l'ampleur et de la gravité de la menace qui pèse sur notre pays et dont attestent les attentats qui, depuis janvier 2015, nous ont frappés au coeur en faisant 240 victimes.
La lutte contre le terrorisme nécessite unité – comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur –, sérieux et sang-froid. Nous devons refuser l'outrance et les caricatures. Le débat sur ce sujet est légitime, et je salue le groupe Les Républicains pour le dépôt de cette proposition de loi qui aura au moins le mérite de prolonger cette réflexion.
Ce texte, néanmoins, n'apporte guère de propositions nouvelles. Toutes les mesures qu'il contient ont déjà été débattues à l'occasion de précédents projets de loi. Il ressemble à une compilation de vieux disques rayés qui, sur le plan juridique, ne tournent plus vraiment.
Le groupe Socialiste, écologiste et républicain est opposé à cette proposition de loi. J'aurai l'occasion de l'expliquer sur le fond lors de l'examen des articles, dans le seul souci de l'efficacité et de la défense de notre État de droit qui, vous le savez, n'est pas qu'une simple argutie juridique. Je me contenterai donc en guise de propos liminaire de dire ceci : il ne s'agit pas de sectarisme de notre part, comme en atteste le fait que nous avons déjà – récemment encore, lors du débat sur la prolongation de l'état d'urgence en juillet – adopté de très nombreux amendements provenant de l'opposition.
Certaines des dispositions figurant dans votre proposition de loi sont déjà satisfaites, tandis que les autres sont juridiquement incertaines et inefficaces, voire contre-productives. Certaines sont même contraires à la Convention européenne des droits de l'homme ainsi qu'à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le procureur de la République de Paris vous l'a d'ailleurs expressément rappelé lors de son audition, monsieur le rapporteur. Vous faites également abstraction de l'avis du 17 décembre 2015 dans lequel le Conseil d'État a analysé certaines de vos propositions et jugé qu'elles n'étaient pas juridiquement valables.
Deux écueils sont à éviter dans la lutte contre le terrorisme : prétendre que tout a été fait, céder à une fuite en avant. Dans le rapport de la commission d'enquête sur les attentats de 2015, M. Fenech et moi-même avons considéré que, depuis 2012, nous avons fait énormément. Nous avons légiféré de manière importante, renforcé nos effectifs, donné des moyens supplémentaires à nos services de renseignement. J'estime cependant que nous pouvons aller plus loin encore, notamment grâce aux quarante propositions que j'ai formulées. Aller plus loin ne signifie pas céder à une fuite en avant. Or c'est précisément ce que semble être votre proposition de loi, comme une manière pour vous de montrer que vous occupez le terrain – mais ce ne sont parfois que gesticulations.
Nous combattons un fanatisme meurtrier et nous gagnerons, je n'ai aucun doute à cet égard, mais ce ne sera pas grâce à des propositions telles que celles dont nous débattons ce matin, qui ne fait pas même l'unanimité dans votre propre famille politique.
Nous attendions depuis longtemps une proposition de loi qui améliore notre dispositif de lutte contre le terrorisme. L'occasion nous est ici présentée, et nous pourrions faire preuve d'unité – comme nous l'avons fait en votant en faveur de tous les textes du Gouvernement en la matière, par esprit de responsabilité davantage que par conviction, tant ces propositions étaient insuffisantes sur bien des points.
Il ne s'agit pas par cette proposition de loi – dont je félicite les auteurs – de prolonger un débat intellectuel sur le terrorisme, mais de renforcer notre dispositif répressif et pénal. Les spécialistes le disent : la France est la première cible de Daech et la principale filière alimentant le djihad irako-syrien. Il faut aujourd'hui changer la nature des moyens consacrés à la lutte contre le terrorisme.
Comme l'a justement analysé M. Alain Bauer, cette forme de terrorisme se caractérise par une logique à deux vitesses : une dimension internationale prenant la forme d'attentats commis dans divers pays, l'autre spécifiquement française, les crimes étant perpétrés par des opérateurs francophones, voire français, installés depuis longtemps sur notre sol. À ce terrorisme pluriel, il convient d'apporter des réponses multiples pour affronter les délinquants fanatisés et les « lumpenterroristes » présentant des troubles psychiatriques.
Nous devons donc impérativement adapter notre réponse pénale. Il est vrai que nous avons examiné près d'une dizaine de lois antiterroristes depuis 2012. Ne prétendez pas qu'il n'est pas nécessaire d'envisager des mesures nouvelles, chers collègues, puisque vous nous avez vous-mêmes présenté de nombreuses lois sécuritaires et antiterroristes, ce qui signifie bien que vous n'aviez pas envisagé d'emblée toutes les situations. Chaque fois, je le répète, nous avons voté en faveur de ces textes, par esprit de responsabilité et d'unité, tout en regrettant que nos propositions soient rejetées avec mépris ou adoptées avec un temps de retard à l'occasion d'une loi ultérieure, alors qu'il faut avoir un temps d'avance : plutôt que de réagir à l'attentat précédent, mieux vaut anticiper l'attentat suivant. Le temps considérable qui a été perdu ne se rattrapera pas ; prémunissons-nous au moins pour l'avenir.
C'est l'objet de la présente proposition de loi, dont l'article 1er apporte une réponse indispensable concernant les individus susceptibles de passer à l'acte. Prétendre comme vous l'avez fait, monsieur Pietrasanta, que cette mesure est inconstitutionnelle serait faire fi de l'adaptation de la jurisprudence du Conseil constitutionnel au changement de circonstances qui s'est produit dans le cadre de son contrôle de constitutionnalité. C'est ainsi qu'il a jugée constitutionnelle la rétention de sûreté pour les criminels dangereux, l'hospitalisation d'office – et je n'oublie pas l'arrêt historique Dames Dol et Laurent du Conseil d'État. Notre rapporteur proposera des amendements à cet article 1er afin de mieux articuler les procédures administratives et judiciaires et de préciser l'assignation à résidence.
D'autre part, l'expulsion des étrangers faisant l'objet d'une fiche S ou auteurs de délits et de crimes passibles d'une peine de cinq ans d'emprisonnement, comme nous l'avions déjà prôné dans une proposition de loi défendue avec M. Ciotti dès la précédente législature, est une mesure de bon sens ; un amendement permettra en outre d'interdire l'accès de ces personnes au territoire national.
De même, il est légitime de prévoir – comme c'est le cas aux articles 6 à 8 – le durcissement du traitement des terroristes, actuellement très insuffisant, et d'aller plus loin que la seule suppression de l'automaticité des mesures de réduction de peine, qu'a obtenue l'opposition lors de la troisième prorogation de l'état d'urgence – un texte que nos amendements ont permis de rendre utile.
Quant à l'univers carcéral, chacun sait qu'il est le terreau du terrorisme et que tout doit être fait pour isoler réellement – j'insiste sur cet adverbe – les détenus radicalisés afin d'éviter les phénomènes de contagion. MM. Larrivé, Ciotti et moi-même nous sommes rendus, récemment, à la prison d'Osny suite à l'agression de deux surveillants par un djihadiste pourtant placé dans une unité de déradicalisation et faisant prétendument l'objet d'une surveillance particulière : nous avons constaté que cet individu avait pu entretenir en toute impunité des complicités et des contacts avec Daech et avec ses codétenus grâce à des moyens de communication électronique clandestins, entre autres. C'est pourquoi nous vous exhortons à adopter les préconisations que je vous proposais déjà l'année dernière dans une proposition de loi que vous avez rejetée – M. Pietrasanta était l'orateur de la majorité à cette occasion –, qui visait à renforcer les moyens du renseignement pénitentiaire, domaine dans lequel des avancées très importantes ont heureusement été réalisées depuis, et surtout à garantir l'isolement électronique des détenus, même si, là encore, le dispositif a été amélioré. De même, il est indispensable de faciliter les fouilles de détenus condamnés pour des faits de terrorisme ainsi que des individus prosélytes, et de les appuyer sur une base légale permettant d'isoler les détenus radicalisés prosélytes.
Enfin, il faut établir dans la loi, et non plus dans une simple circulaire, le principe de l'interdiction des téléphones portables et des terminaux de connexion à internet en détention. Aujourd'hui, en effet, tous les détenus possèdent ces matériels.
J'espère que cette proposition de loi pourra aller jusqu'à son terme, car il serait particulièrement malvenu que la majorité interdise la discussion et censure en quelque sorte l'opposition de sorte que nous ne puissions pas débattre en séance publique de chacun des articles et des amendements proposés.
Je tiens d'emblée à dire que les propositions de MM. Ciotti et Larrivé, que nous avons beaucoup entendus, sont souvent excellentes. Ils font la preuve qu'une droite libérée des ornières du « médiatiquement correct » pourrait faire le plus grand bien à notre pays.
S'agissant du texte, je regrette quelques lacunes. La première concerne une nouvelle fois la laïcité : l'histoire politique montre que la loi de 1905 ne fut pas une partie de plaisir, loin de là ; je ne rappelle ni les inventaires, ni les autres exactions commises. Il serait bon que quelques idéologues se souviennent que, il y a un siècle, la République assassinait des croyants catholiques devant le parvis de l'église Saint-Roch. En France, faire de la laïcité une idéologie, c'est toujours réveiller des violences qui ont profondément divisé notre peuple.
C'est aussi refuser de nommer l'ennemi – et non pas l'adversaire. Aujourd'hui, l'ennemi est l'islamisme politique sous toutes ses formes : l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), les arcanes venus d'Algérie ou du Qatar, l'islam totalitaire de M. Erdoğan ; rien de tout cela ne doit pouvoir poser un pied dans notre pays, parce qu'en réalité, notre ennemi n'est pas le terrorisme, mais l'islamisme politique qui l'enfante. Nous ne parviendrons à rien tant que nous ne l'aurons pas vaincu ici et maintenant.
Je rejoins en partie M. Pietrasanta : la lutte contre le terrorisme ne doit donner lieu ni à des surenchères, ni à une fuite en avant, ni à un concours Lépine comme on l'entend parfois. Cependant, il ne faut pas non plus céder à l'immobilisme ; nous devons continuer de renforcer nos dispositifs de sécurité.
À cet égard, Monsieur le président, vous nous avez désignés, M. Pietrasanta et moi-même, pour assurer le suivi des quarante préconisations issues de la commission d'enquête relative aux moyens mis en oeuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme. Je peux d'ores et déjà vous annoncer que nous avons adressé une demande à chacun des ministres concernés pour savoir ce qu'il en est de nos propositions, dont certaines sont déjà en application tandis que d'autres – je pense à la réorganisation de nos services de renseignement – méritent d'être prises en compte davantage.
J'en viens à la proposition de loi. Elle vise pour l'essentiel à considérer la notion d'état dangereux, déjà inscrite dans nos lois, notamment celle sur la rétention de sûreté adoptée en 2008 – j'en étais le rapporteur, et je me souviens parfaitement des débats très animés qui avaient opposé la majorité et l'opposition d'alors. La rétention de sûreté a fini par être adoptée, puis validée par le Conseil constitutionnel, comme l'a rappelé M. Ciotti – à cette réserve près qu'elle ne s'appliquerait qu'à l'avenir, étant entendu qu'il s'agit en effet d'une mesure qui porte atteinte à la liberté fondamentale d'aller et de venir. Quoi qu'il en soit, la notion d'état dangereux figure dans notre droit, comme elle figure dans le droit néerlandais, canadien, allemand. Elle a trait à la dangerosité criminologique, et non à la dangerosité psychiatrique, laquelle peut également donner lieu à des mesures de placement et d'internement d'office qui portent atteinte à la liberté d'aller et de venir. La dangerosité criminologique concerne les individus capables de récidiver ou de passer à l'acte. La rétention de sûreté après la peine – ou post-sentencielle – vise précisément à éviter la récidive.
La mesure proposée dans le présent texte est totalement novatrice et je comprends qu'elle puisse faire débat, puisqu'il s'agit là encore d'une atteinte importante aux libertés fondamentales. J'ai souhaité observer de près le seul dispositif de ce type qui existe dans le monde : je me suis donc rendu en Israël pour assister à des audiences de rétention administrative et constater comment les choses se passent dans le centre pénitentiaire d'Ofer, en Cisjordanie. Certes, le contexte géopolitique israélien n'a rien à avoir avec le nôtre, puisque nous ne sommes pas dans une juridiction militaire, mais civile. Je retiens néanmoins la prise en compte de la notion d'état dangereux : que devons-nous faire face à des individus qui, en réalité, sont très peu nombreux ? Il ne s'agit en effet pas de priver de libertés tous les individus faisant l'objet d'une fiche S, mais simplement ceux – quelques dizaines tout au plus – qui sont susceptibles de passer à l'acte à un moment ou à un autre et au sujet desquels nos services de renseignement détiennent une source fiable, mais dont l'intention criminelle ne peut pas être judiciarisée faute d'éléments. Nous sommes là au stade des actes préparatoires, et non à celui du commencement d'exécution, qui permettrait de saisir un juge. Que devons-nous faire ?
Nous proposons l'intervention d'une autorité administrative encadrée, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, dans un temps extrêmement limité, avec toutes les garanties procédurales – notamment l'intervention de l'avocat – et avec accès aux sources d'information du juge chargé de statuer sur la validité de la mesure de rétention administrative qui serait prise par le ministre de l'intérieur – lequel est déjà habilité par les textes que vous avez présentés, et que nous avons votés, à prendre des mesures attentatoires aux libertés, l'assignation à résidence par exemple, étant entendu que les contrôles juridictionnels prévus par la loi s'appliquent.
Encore une fois, cette mesure ne concernerait que quelques personnes, sur lesquelles nous disposerions d'éléments précis concernant la possibilité d'un passage à l'acte, plutôt que de mobiliser en permanence les fonctionnaires des services de renseignement affectés à leur surveillance. Un placement en centre de rétention assorti d'un examen approfondi de l'état de dangerosité par une équipe pluridisciplinaire, comme cela se fait pour la rétention de sûreté, permettrait dans un temps restreint – et la procédure contradictoire étant garantie – d'empêcher un éventuel passage à l'acte. Tel est le débat que nous devons avoir, sans considérer qu'il s'agit d'outrance. Il s'agit simplement de reconnaître l'état dangereux dans notre droit et de prévoir sa prise en compte par l'administration sous le contrôle du juge des libertés et de la détention.
Voilà l'essentiel de cette proposition de loi. Les Français apprécieront : je ne doute pas que ce texte sera, hélas, rejeté par notre commission, puisque nous n'y disposons pas de la majorité, mais un véritable débat aura lieu le 13 octobre en séance publique et – je le dis sans esprit partisan – le sujet fera partie du débat de la campagne électorale. Étant donné le niveau de la menace, nous ne pouvons pas nous permettre de rester les bras ballants face à des individus susceptibles de commettre un attentat tel que celui de Nice.
La proposition de loi de M. Ciotti est à mon sens inutile, démagogique et dangereuse. Ce texte est inapplicable – son auteur le sait. Cette proposition de circonstance est destinée à alimenter le débat de la primaire du groupe Les Républicains la semaine prochaine. C'est aussi et surtout une provocation politique et juridique, à commencer par l'article 1er, dont les auteurs n'ont pas tardé à s'apercevoir qu'il était incohérent : pour tenter d'y remédier, ils ont, aujourd'hui, déposé un amendement, lequel est lui-même inconstitutionnel et inconventionnel, puisqu'il prévoit, hors état d'urgence, une assignation à résidence et une mesure de rétention que la jurisprudence analyse comme des mesures privatives de liberté. Quinze jours sans le contrôle d'un juge et avec un seul recours devant le Conseil d'État : excusez du peu ! Ce type de mesure n'est même pas souhaité par les personnes que vous avez auditionnées.
Vous reniez l'État de droit et, pour cela, il est vrai que votre imagination est sans limites. Adieu, présomption d'innocence ! Adieu, liberté de circulation ! Adieu, indépendance de la justice ! Adieu, séparation des pouvoirs ! La Constitution du 4 octobre 1958, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas des paillassons, mais bien un socle de valeurs. Le Patriot Act et Guantanamo n'ont rien changé aux États-Unis – au contraire – et la fin ne peut jamais justifier tous les moyens, contrairement à ce que vous prétendez. Comme l'a récemment rappelé le Président de la République, c'est bien l'État de droit qui est en jeu. Nous ne pouvons accepter que celui-ci soit ainsi foulé aux pieds.
Depuis le début du quinquennat, notre assemblée a adopté cinq textes de lutte contre le terrorisme : je ne suis pas sûr que l'on puisse parler de modération législative. Ce serait plutôt une prolifération. Certes, des évaluations ont eu lieu, mais elles ont parfois été défaillantes et n'ont pas eu de conséquences déterminantes sur le comportement législatif de l'Assemblée. Je rappelle par exemple que, le 13 janvier dernier, Jean-Jacques Urvoas – devenu depuis ministre de la justice – avait présenté une évaluation de la mise en place de l'état d'urgence, qui concluait que ce régime n'était efficace qu'une dizaine, voire une quinzaine de jours. Or nous sommes toujours en état d'urgence. Les textes prolifèrent donc, sans que leur efficacité soit réellement étudiée.
Nous examinons ce matin une proposition de loi du groupe Les Républicains. Au-delà du phénomène de compilation, je constate que les propositions régulières de l'opposition en matière de lutte contre le terrorisme visent à la fois à alimenter une forme de populisme pénal et à préparer la primaire de la droite et du centre. Mais elles sont aussi l'esquisse de ce que pourrait être un projet pénal, si l'opposition venait à remporter les élections. Depuis une vingtaine d'années, en effet, nous avons entrepris de basculer d'un droit pénal qui punit la commission de faits à un droit pénal prédictif, avec les dangers que cela implique. Si, dans notre assemblée où de trop rares voix s'élèvent contre cette tendance, l'opposition à ce mouvement de privation de libertés et de contournement du juge judiciaire est très minoritaire, elle existe bel et bien, tant dans la société civile que dans les instances internationales, très inquiètes de la dérive française.
J'espère qu'il se trouvera une majorité dans cette commission pour s'opposer aux propositions de l'opposition. Sans esprit polémique, j'ai pourtant l'impression que, depuis plusieurs mois, la majorité a parfois cédé très facilement aux propositions pour le moins contradictoires ou répressives de M. Ciotti. Je rappellerai la proposition qui avait été faite, lors du débat sur la première prorogation de l'état d'urgence, d'un état d'urgence élargi et prorogé à six mois : le Gouvernement s'y était opposé. Or nous sommes toujours en état d'urgence.
La meilleure façon de s'opposer aux propositions démagogiques de l'opposition est de camper fermement sur une ligne de crête. Je ne suis pas sûr que la privation et la restriction de nos libertés garantissent notre sécurité. Je crois même que les Français sont conscients que ce n'est pas le cas.
Cette proposition de loi est certes intéressante, mais il s'agit d'un texte de circonstance qui se verra sans doute opposer une motion de procédure. Il y a donc peu de chances que nous en discutions au fond.
C'est pourquoi je souhaiterais d'ores et déjà attirer votre attention sur la question spécifique des pouvoirs du procureur de la République en matière de terrorisme, lorsque ce magistrat fait appel d'une décision du juge des libertés et de la détention (JLD) remettant en liberté un individu. À plusieurs reprises dans le Calvados, bien que le procureur de la République ait fait appel, des individus ont profité du fait que la décision du JLD était immédiatement applicable pour disparaître dans la nature. Ne serait-il pas bon de songer à donner un caractère suspensif à l'appel du procureur de la République en la matière – ce dernier étant quand même le défenseur de la société ? Cela me semble important, car, encore une fois, dans nombre de cas, l'individu disparaît – conscient du danger qu'il court de voir la cour d'appel réformer la décision du JLD.
Certes, il ne faut pas que cela soit contraire au principe global de remise en liberté. Aussi faudrait-il, je crois, enserrer cette mesure dans un délai très bref, en contraignant la cour d'appel à statuer dans les quarante-huit ou les soixante-douze heures après l'appel ainsi formé par le procureur de la République, et prévoir l'impossibilité de remettre en liberté, pendant ce délai, l'individu en question. Un rapprochement de l'ensemble des députés de la majorité et de l'opposition serait-il possible en faveur d'une mesure qui me paraît à la fois respecter les libertés, et empêcher, comme cela vient de se passer, l'utilisation abusive de la remise en liberté, malgré l'appel du procureur de la République ?
Si le groupe Les Républicains a choisi d'inscrire à l'ordre du jour réservé de la semaine prochaine et la proposition de loi d'Éric Ciotti, et celle de Nathalie Kosciusko-Morizet, c'est parce que nous pensons qu'il est absolument nécessaire de continuer à faire ce que nous faisons depuis 2012 : être force de propositions techniques et solides sur le sujet – ô combien important – de la lutte contre le terrorisme islamiste qui frappe la France depuis plusieurs années. Nous le faisons dans un esprit de responsabilité, non pour alimenter je ne sais quel débat polémique, mais parce que nous pensons en conscience qu'il est de notre responsabilité – comme parti de Gouvernement et comme premier parti d'opposition – d'être une force de proposition. Nous l'avons fait depuis 2012, parfois avec un certain succès, lorsque nous avons réussi à convaincre la majorité d'adopter certaines mesures de bon sens.
Il y a quelques années, la majorité socialiste refusait qu'on introduise dans le code pénal un délit de consultation habituelle des sites faisant l'apologie du terrorisme : après en avoir rejeté l'idée à plusieurs reprises, elle l'a finalement adoptée il y a quelques mois. De même, elle a refusé plusieurs fois de suspendre toute mesure d'aménagement automatique de peines pour les détenus terroristes : après avoir d'abord rejeté nos amendements et propositions de loi, elle les a finalement acceptés en juillet, lors des débats sur la loi prolongeant l'état d'urgence. De même, entre 2012 et 2014, elle a totalement refusé – notamment par la voix de la garde des Sceaux d'alors, Mme Taubira, – la perspective de créer un service de renseignement pénitentiaire pour finir par s'y rallier en adoptant un amendement du groupe Les Républicains – identique d'ailleurs à un amendement présenté il y a quelques mois par M. Tourret.
Nous ne comprendrions pas que, aujourd'hui, la majorité rejette d'office notre proposition de loi, par une motion de procédure. Je le dis avec une certaine solennité : nous souhaitons qu'il y ait, tant en commission des Lois que dans l'hémicycle, en présence du ministre de l'intérieur ou du garde des sceaux, un vrai débat de fond sur chacun des articles des propositions de loi d'Éric Ciotti et de Nathalie Kosciusko-Morizet.
Sur le fond, je m'associe aux propos d'Éric Ciotti et voudrais concentrer mon intervention sur l'article 1er, sans doute le plus novateur de ce texte, qui introduit un mécanisme de rétention. Je veux dire avec fermeté qu'il ne s'agit aucunement pour nous de déroger à l'État de droit. Nous sommes tous ici des républicains, attachés au bloc de constitutionnalité et à la hiérarchie des normes. Nous tenons à respecter le cadre général de cet État de droit. Mais l'État de droit n'est pas l'état de faiblesse ni le renoncement à toute évolution juridique d'adaptation du droit au fait. Si l'État de droit est faible, il n'est plus l'État, il n'y a plus de droit. C'est la loi de la jungle djihadiste qui l'emportera.
Une fois que l'on a dit cela – considération de principe –, entrons dans le détail du texte. Nous n'entendons pas, contrairement à ce qu'on lit parfois, écarter le juge pénal de la matière antiterroriste. Cela n'aurait aucun sens. Il va de soi que les individus les plus dangereux – ceux dont le dossier est judiciarisé, ceux qui ont commis des actes délictuels, voire criminels, dans le champ du code pénal – doivent faire l'objet d'une procédure judiciaire pour les mettre hors d'état de nuire, c'est-à-dire, concrètement, les mettre sous écrous, puis les condamner. Il faut les écarter le plus durablement possible de la société. Le volet pénal doit donc être renforcé et il nous faut sans doute progresser vers des formes de perpétuité réelle et la suspension de mesures de réduction de peine. Il est évidemment toute une matière pénale que nous tenons non seulement à préserver, mais à consolider. Il est une zone grise à l'intérieur de laquelle des individus dont le dossier n'est pas judiciarisé à ce stade doivent faire l'objet d'une mesure de police administrative renforcée, une mesure de rétention.
Je rappelle que des mesures de police administrative analogues existent déjà dans le droit positif actuel, notamment en matière d'hospitalisation sous contrainte à la demande de tiers, certaines personnes étant retenues dans un cadre fermé pour une durée déterminée, sous le contrôle de l'autorité juridictionnelle, en matière d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, avec le placement en centre de rétention administrative sous le double contrôle du juge administratif et du juge des libertés et de la détention, ou sous l'empire de l'état d'urgence, avec l'assignation à résidence dont quatre-vingt-neuf individus font aujourd'hui l'objet.
Avec l'article 1er, le ministre de l'intérieur aurait la faculté – non pas l'obligation – de prononcer à l'égard d'un public identifié comme susceptible, par son comportement, de constituer une menace grave pour la sécurité et l'ordre public, une décision d'assignation à résidence ou de placement en centre de rétention sous le contrôle de l'autorité juridictionnelle – un régime procédural devant naturellement préciser certains délais.
Reste à prévoir une articulation entre ce régime de rétention et un régime judiciaire. S'il apparaît que le dossier de ces personnes placées pour une durée limitée en centre de rétention est suffisamment dense pour être judiciarisé, il va de soi qu'elles devraient être transférées du centre de rétention vers un régime judiciaire. Un excellent amendement du rapporteur prévoit cette articulation nécessaire.
Je suis choqué que l'on puisse prétendre que nous ferions fi des valeurs fondamentales de la République. Aujourd'hui même, en France, des centaines de personnes se trouvent en centre de rétention, uniquement parce qu'elles n'ont pas le papier qui convient, et alors même qu'elles n'ont commis aucune infraction pénale. Par égard pour les Français qui se sentent en danger, il faudrait que l'on puisse considérer comme une menace ceux qui – par leurs actions, la consultation de sites, les menaces verbales ou écrites qu'ils ont proférées – ont montré qu'ils étaient prêts à commettre des actes terroristes. Je ne vois pas de quel droit nous pourrions considérer qu'il n'y a pas d'analogie à faire entre ces deux cas. C'est une réaction de bon sens et l'opposition est tout à fait dans son rôle en proposant un texte de loi de cette nature.
Je regrette que, chaque fois qu'il est question de lutte contre le terrorisme, l'opposition soit caricaturée et brocardée par la majorité. On nous dit –nous l'avons entendu aujourd'hui même, que, avec nos propositions, nous serions en dehors de l'État de droit. C'est au contraire parce que nous nous situons dans l'État de droit que nous déposons cette proposition de loi : nous souhaitons en passer par la loi et non pas par des mesures sortant de son champ ! Cette accusation fallacieuse est devenue la ritournelle de la majorité pour masquer son trouble et son incapacité à trouver les solutions nécessaires à la lutte contre le terrorisme.
Le deuxième argument qui nous est opposé est que nous faisons ces propositions dans la perspective de la primaire de la droite et du centre. Remontez un peu dans le temps et vous verrez que nous les avons déjà formulées bien avant le début de la primaire. Encore une fois, cet argument est totalement fallacieux.
Le Président de la République, le Gouvernement et certains membres de la majorité font des appels quasi permanents à l'unité nationale : elle ne doit pas être à deux vitesses, n'être invoquée que lorsqu'il s'agit de demander à l'opposition de voter les textes proposés par la majorité, et ne plus exister quand les propositions viennent des rangs de l'opposition. Ce mode de fonctionnement, assez récurrent et pathétique, consiste, pour la majorité, à refuser a priori toute proposition de l'opposition en matière de lutte contre le terrorisme. Puis survient un attentat qui endeuille la France et, du jour au lendemain, les mesures qui étaient impossibles deviennent souhaitables. Guillaume Larrivé a dressé la liste des propositions qui étaient impossibles à mettre en oeuvre, puis qui, comme par magie, ont été adoptées au lendemain d'actes terroristes. Je regrette ce mode de fonctionnement qui consiste à caricaturer l'opposition et à en appeler aux grands principes pour finir par comprendre, à la suite d'un drame national, que les préventions d'hier ne sont plus de mise. Je vous invite à dépasser la politique politicienne afin que nous examinions ensemble, de façon constructive, les propositions de l'opposition. Et surtout, de grâce, évitez ces motions de procédure qui empêcheraient d'avoir un débat de fond dans l'hémicycle.
La Commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.
CHAPITRE Ier
Dispositions relatives au suivi et au contrôle des individus radicalisés constituant une menace à la sûreté de l'État
Article 1er : Contrôle des individus constituant une menace grave pour la sécurité et l'ordre public
La Commission est saisie des amendements identiques CL3 de M. Sergio Coronado et CL16 de M. Sébastien Pietrasanta.
Les auteurs de la proposition de loi souhaitent que nous autorisions le pouvoir exécutif, en dehors de l'état d'urgence, à accomplir certains actes gravement attentatoires aux libertés individuelles, sans aucun contrôle du pouvoir judiciaire.
En effet, l'article 1er vise à transcrire, en dehors de l'état d'urgence, l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence qui dispose que « le ministre de l'intérieur peut prononcer l'assignation à résidence, dans le lieu qu'il fixe, de toute personne résidant dans la zone fixée par le décret mentionné à l'article 2 et à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics dans les circonscriptions territoriales mentionnées au même article 2 ».
L'adoption de l'article 1er priverait l'autorité judiciaire de son rôle de garante des libertés individuelles, parachevant ainsi un vaste mouvement de contournement de l'autorité judiciaire, pourtant garante des libertés individuelles, selon les dispositions de la Constitution.
En indiquant par ailleurs que seul le Conseil d'État sera compétent pour connaître de la légalité de cette décision, les auteurs de la proposition de loi manifestent leur souhait de contourner l'autorité judiciaire et de transférer au juge administratif le contrôle de ces garanties. Or le Conseil d'État fait une lecture extrêmement restrictive de l'article 66 de la Constitution et le contrôle de celui-ci s'effectuerait a posteriori et de manière non systématique, au gré d'éventuelles saisines.
Enfin, cet article est contraire à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Pour toutes ces raisons, j'appelle mes collègues de la majorité à voter la suppression de cet article.
Monsieur le rapporteur, vous le savez bien, cet article n'est pas constitutionnel. Vous le savez d'autant plus que, lors de son audition, le procureur de la République de Paris vous l'a rappelé expressément. En effet, le Conseil constitutionnel considère que la rétention administrative est une mesure privative de liberté et que, au-delà de cinq jours, elle ne peut être autorisée que par le juge judiciaire. La loi de 1955 dispose également qu'en aucun cas l'assignation à résidence ne pourra avoir pour effet la création de camps où seraient détenues les personnes. Le Conseil d'État, dans son avis du 17 décembre 2015, a indiqué qu'il n'était pas possible d'autoriser par la loi, en dehors de toute procédure pénale, la rétention, dans des centres prévus à cet effet, de personnes radicalisées présentant des indices de dangerosité et connues comme telles par les services de police, sans pour autant avoir déjà fait l'objet d'une condamnation pour des faits de terrorisme. Cet article 1er est également contraire à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Dans son avis du 17 décembre 2015, le Conseil d'État a rappelé que le placement sous surveillance électronique n'était envisageable que sous réserve que la dangerosité de l'intéressé soit établie sur la base de critères précisément définis et d'éléments suffisamment consistants, d'une procédure d'autorisation et de contrôle permettant de vérifier la réalité de la dangerosité et des risques encourus, de l'accord de l'intéressé, et à défaut d'autre moyen légal de prévenir la menace liée à la présence d'un individu dans certaines zones. À l'évidence, la conception englobante de la menace grave pour la sécurité nationale retenue par la proposition de loi ne répond pas à de tels critères.
En ce qui concerne l'assignation à résidence, dans le même avis du 17 décembre 2015, le Conseil d'État a précisé que, lorsque les contraintes imposées à l'intéressé excèdent par leur rigueur une restriction de la liberté de circulation, au point de le confiner en pratique en un lieu déterminé, fût-il son domicile, l'assignation à résidence est assimilable à une privation de liberté. Hors période d'état d'urgence, une assignation à résidence « préventive » contraignante, impliquant un confinement durable en un lieu déterminé, serait assimilable à une détention et est impossible en dehors de toute condamnation ou de tout contrôle judiciaire lié à une procédure pénale. Cette assignation à résidence porterait en effet atteinte à la liberté individuelle, au sens de l'article 66 de la Constitution, des personnes concernées.
Enfin, au-delà des arguments juridiques qui, je le sais, ne sont pas les vôtres, je reprendrai à mon compte les propos du procureur de la République de Paris qui se posait la question de l'efficacité de votre proposition : à quoi sert une assignation pour deux fois soixante-quinze jours ? Que fait-on le cent cinquante et unième jour ?
Par ailleurs, et cela a été dit devant notre commission d'enquête, il y a une hostilité de nos services à prévenir des individus qu'ils sont surveillés et qu'ils seront placés dans des centres de rétention. Cela pourrait mettre fin à certaines enquêtes.
Enfin, regrouper en un même lieu des personnes considérées comme dangereuses reviendrait à faire vivre en réseau des individus qui se parleront et s'organiseront avant de sortir de ces centres, ce qui augmenterait leur dangerosité.
Il est vrai que, avec l'article 1er, nous voulons changer le cadre et l'ampleur de la lutte contre le terrorisme en recourant à un nouvel outil de police administrative qui serait une mesure de précaution. Ce dispositif repose sur trois piliers : l'assignation à résidence – qui ne devrait pas être de nature à vous choquer puisque vous l'avez approuvée dans le cadre de l'état d'urgence –, le placement sous surveillance électronique et – ce que vous semblez contester de façon prioritaire – le placement dans des centres de rétention fermés.
Nous voulons sortir de la caricature qui a souvent accompagné ce débat. Il ne s'agit pas, comme vous le répétez, de placer en rétention tous ceux qui sont inscrits au fichier des personnes recherchées dans la catégorie S – ils sont plus de 11 000 à 12 000. Ce que nous disons, c'est qu'il convient de compléter notre dispositif juridique en permettant à l'autorité administrative – en l'occurrence, le ministre de l'intérieur –, dans une situation de gravité particulière et d'urgence absolue, de prendre une mesure de précaution concernant quelques dizaines, voire quelques centaines d'individus dont la dangerosité est connue, notamment par les services de renseignement, sans permettre toutefois la judiciarisation de la procédure.
C'est un dispositif de précaution que, au mois de juin, quelques jours avant l'attentat de Nice, Christian Jacob, Guillaume Larrivé et moi-même avons présenté au Premier ministre, accompagné du garde des Sceaux et du ministre de l'intérieur. Je suis convaincu que nous en viendrons un jour ou l'autre à appliquer ce dispositif. Guillaume Larrivé a rappelé tout à l'heure les oppositions que vous aviez formulées depuis 2012 à beaucoup de nos amendements relatifs à la consultation de sites faisant l'apologie du terrorisme, au renseignement pénitentiaire, au délit d'entrave au blocage des sites, aux modalités d'aménagement des peines, à la perpétuité réelle, aux fouilles de véhicules et aux contrôles d'identité ordonnés par le préfet sous l'état d'urgence. Chaque fois, vous y êtes venus après des événements tragiques. Il s'agit aujourd'hui d'anticiper les choses grâce à une mesure de précaution.
Vous nous dites que cette mesure est inconstitutionnelle : saisissons donc le Conseil constitutionnel ! Quelle arrogance juridique que de prétendre d'emblée que ce dispositif n'est pas conforme à la Constitution ! J'ai rappelé la théorie des circonstances exceptionnelles qui est un principe fondamental du droit dégagé dans l'arrêt Dames Dol et Laurent. L'anecdote sous-tendant cette décision a rejoint l'histoire : le préfet du Var ayant interdit l'exercice du plus vieux métier du monde dans le port de Toulon, deux dames concernées par cette interdiction s'y étaient opposées jusque devant le Conseil d'État. Le juge administratif a alors affirmé que l'on pouvait adapter le droit en situation de guerre. Aujourd'hui, cet état de guerre est difficilement appréciable sur le plan juridique : il n'y a pas eu de déclaration, nous sommes dans un conflit asymétrique, ce n'est pas un État que nous avons face à nous, mais le Président de la République et le Premier ministre répètent en permanence que nous sommes en état de guerre. S'il y a état de guerre, qui peut nier que nous soyons dans des circonstances exceptionnelles ? À circonstances exceptionnelles, mesure de précaution exceptionnelle. Quant à l'amendement CL46 que j'ai déposé, il prévoit l'intervention du juge judiciaire en amont – avec une information du procureur de la République de Paris – et en aval – avec la saisine du juge des libertés et de la détention au bout de quinze jours, et l'abrogation des mesures administratives dès lors que des poursuites judiciaires sont engagées.
Comme l'a dit Guillaume Larrivé, qui peut nier qu'il y ait des dispositifs analogues ? Aujourd'hui, 70 000 personnes font l'objet chaque année d'une hospitalisation sous contrainte. Dans ce cadre, le JLD peut intervenir au bout de douze jours.
Il existe également un dispositif de rétention administrative pour les étrangers.
On peut discuter du délai à partir duquel intervient le JLD. Nous l'avons fixé à quinze jours : il pourrait être réduit. Mais le principe doit être posé. Cette réalité juridique s'applique déjà dans le cadre de dispositifs analogues. Pourquoi, d'emblée, vous opposer à ce dispositif de façon idéologique ?
Georges Fenech rappelait que cette mesure existe dans un pays confronté au quotidien au terrorisme – 2 000 attentats en Israël – et qu'il a fait la preuve de son utilité. Face à l'ampleur de la menace, il faudra que vous fassiez preuve un jour d'une plus grande lucidité. Je ne pense pas que ce soit vous qui adopterez ce dispositif. Mais nous considérons, nous, que ce dernier est conforme au droit. Je rappellerai aussi que la loi du 3 juin 2016, qui réforme la procédure pénale, qu'a présentée le garde de Sceaux et que vous avez adoptée, prévoit la possibilité d'assigner à résidence les personnes qui reviennent de théâtres d'opérations de groupements terroristes – pendant trois mois sans l'intervention du JLD. Je ne comprends donc pas pourquoi ce qui existe en droit – qu'il s'agisse de l'hospitalisation sous contrainte, de la rétention des étrangers ou de l'assignation à résidence des personnes retournant de théâtres d'opérations de groupements terroristes – serait conforme à la Constitution tandis que ce que nous proposons serait une aberration juridique. Sur le plan pratique, comment pouvez-vous justifier que l'on n'intervienne pas au préalable contre des personnes dont on connaît l'extrême dangerosité et qui sont quelquefois sur le point de passer à l'acte ? Il faut intervenir en amont, prévenir la menace et l'anticiper – et non pas agir après. C'est ce qui motive aujourd'hui cet article essentiel et qui me conduit à émettre un avis défavorable à ces amendements de suppression.
La Commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article 1er est supprimé.
L'amendement CL46 du rapporteur n'a plus d'objet.
Article 2 : Création, à titre expérimental, d'un fichier des personnes radicalisées constituant une menace à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État
La Commission examine les amendements identiques CL4 de M. Sergio Coronado et CL17 de M. Sébastien Pietrasanta.
La proposition de loi ne précise pas les catégories de données à caractère personnel enregistrées ; elle est également trop floue sur l'identité des personnes autorisées à accéder à ces données. Tout est renvoyé à un décret en Conseil d'État ; celui-ci sera consulté, mais l'exécutif ne sera pas tenu de suivre son avis.
Le législateur n'interviendrait donc nullement sur le contenu et les critères d'inscription à ce fichier, alors même qu'on se trouverait hors de l'état d'urgence.
Le fichier prévu par cet article n'apporterait en réalité aucune plus-value ; bien au contraire, tel qu'il est prévu, il serait contre-productif en informant les personnes fichées qu'elles font l'objet d'une surveillance.
La seule inscription à ce fichier pourrait, en outre, permettre de prendre des mesures de police administrative. Une telle disposition dérogerait à l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978, qui interdit qu'une décision produisant des effets juridiques à l'égard d'une personne puisse être prise sur le seul fondement d'un traitement automatisé de données destinées à définir le profil de l'intéressé ou à évaluer certains aspects de sa personnalité.
Avis défavorable. Ce fichier serait très utile. Vous auriez pu, monsieur Pietrasanta, citer à nouveau le procureur de la République de Paris et souligner qu'il y était favorable. Aujourd'hui, il existe différents fichiers, très disparates. Le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), créé récemment, rassemble des profils très divers : cela va de jeunes qui ont contesté la minute de silence après les attentats de janvier 2015 à des personnes qui ont procédé à des décapitations sur les théâtres de guerre.
Nous proposons un fichier recentré sur les personnes pouvant présenter une menace grave pour la sécurité et l'ordre publics. On procéderait à l'inscription sur la base d'éléments objectifs. À partir de cette inscription, on pourrait en effet prendre des mesures de police administrative évoquées à l'article 1er : notre dispositif est cohérent. Les auditions que nous avons menées, comme les contacts que nous pouvons avoir avec les services de police ou de renseignement, nous ont confirmé que cet instrument était assez unanimement considéré comme utile.
La Commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article 2 est supprimé.
CHAPITRE II
Dispositions applicables aux étrangers menaçant l'ordre public ou coupables de délits et crimes passibles de cinq ans de prison
Article 3 (art. L. 131–30 du code pénal) : Peine complémentaire d'interdiction du territoire français à l'encontre des étrangers déclarés coupable d'un crime ou d'un délit puni d'une peine d'au moins cinq ans d'emprisonnement
La Commission examine les amendements identiques CL6 de M. Sergio Coronado et CL18 de M. Sébastien Pietrasanta.
L'égalité devant la loi pénale constitue l'un des principes fondamentaux de la République. Étrangers et Français doivent encourir strictement les mêmes peines.
L'article 422-4 du code pénal, introduit par la loi du 21 juillet 2016, rend déjà automatique la peine complémentaire d'interdiction de territoire français pour les personnes étrangères condamnées pour terrorisme, sauf décision spécialement motivée. L'extension de cette peine aux infractions de droit commun ne se justifie pas ; elle peut déjà être prononcée chaque fois qu'elle est justifiée, dans les limites prévues par la loi, et il n'est pas utile de fixer des durées minimales d'interdiction de territoire.
Il faut également rappeler que près de 2 000 interdictions de territoire sont prononcées chaque année par les tribunaux, dont près de 500 à titre définitif.
Avis défavorable. Cet article propose une mesure de bon sens. Nous parlons d'étrangers qui viennent sur le territoire national et ne respectent pas les lois de la République : lorsqu'ils sont lourdement condamnés – pour un crime ou un délit passible au minimum de cinq ans d'emprisonnement –, il est logique qu'ils ne puissent plus résider sur notre sol.
Nous discutons ici d'individus dangereux, fichés comme tels. Si nous ne faisons rien, que se passera-t-il le jour où des plaintes seront déposées contre le ministre de l'intérieur pour mise en danger de la vie d'autrui ? Il n'y a pas encore de jurisprudence à ce sujet, mais vous devriez y réfléchir : tôt ou tard, cela arrivera, et le ministre de l'intérieur devra répondre devant une juridiction pénale.
La Commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article 3 est supprimé.
Article 4 (art. L. 521–1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Expulsion des étrangers faisant l'objet d'une fiche « S » ou inscrits au fichier des personnes radicalisées constituant une menace à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État
La Commission se saisit des amendements identiques CL19 de M. Sébastien Pietrasanta et CL28 de M. Sergio Coronado.
L'expulsion immédiate d'un étranger est déjà possible, dès lors qu'il constitue une menace grave pour l'ordre public. Le Gouvernement n'a d'ailleurs pas hésité à y recourir : depuis 2012, près de 90 expulsions d'étrangers radicalisés ont été réalisées, dont 16 depuis le début de l'année 2016.
L'actuel article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) dispose que, sous certaines réserves, « l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ». La loi du 7 mars 2016 a en outre restreint les exceptions à cette règle. Les dispositions actuelles sont donc suffisantes.
L'adoption de cet article est en effet inutile : toutes les dispositions nécessaires existent déjà dans le droit actuel.
Il s'agit au contraire d'une mesure de bon sens, d'un principe élémentaire de précaution. Nous connaissons la dangerosité de certains individus, inscrits au fichier des personnes recherchées dans la catégorie « S ». Nous proposons également la création d'un fichier destiné à recenser les personnes les plus dangereuses. Comment concevoir que des individus de nationalité étrangère demeurent sur le territoire national alors qu'ils présentent une menace très grave, qu'ils s'apprêtent peut-être à commettre un attentat ? J'avoue ne pas comprendre votre refus d'une telle mesure : dès lors que le ministre de l'intérieur a connaissance de la dangerosité de ces personnes, peut-il rester immobile, impuissant, inactif ? Notre législation doit évoluer. On peut expulser aujourd'hui, mais nous souhaitons que cette expulsion soit systématique.
S'agissant de l'hospitalisation sous contrainte que nous évoquions tout à l'heure, le JLD intervient en effet, comme Mme Mazetier l'a rappelé, au bout de huit jours.
La Commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article 4 est supprimé.
Article 5 (art. L. 521–1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Extension des possibilités d'expulsion au cas des étrangers coupables de tout délit ou crime passible d'au moins cinq ans d'emprisonnement
La Commission se saisit des amendements identiques CL8 de M. Sergio Coronado et CL20 de M. Sébastien Pietrasanta.
Sébastien Pietrasanta l'a rappelé, il est aujourd'hui possible d'expulser un étranger qui représente une menace grave à l'ordre public, et nous ne sommes pas opposés à ces expulsions. Ce que vous dites est faux, monsieur le rapporteur : vos propositions n'apportent rien au droit existant. Les mensonges et les tirades démagogiques ne peuvent être laissés sans réponse.
Quant à l'expulsion administrative, objet de cet article, elle doit demeurer une mesure exceptionnelle, réservée aux atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, ne pouvant frapper un étranger ayant en France des attaches personnelles ou familiales ; elle doit être prononcée après un avis conforme de la commission d'expulsion, et les recours doivent être suspensifs.
Cette mesure existe depuis longtemps dans notre droit et a pu servir dans des cas très variés. Vous savez tous que Daniel Cohn-Bendit a fait l'objet d'une telle décision. Je ne suis pourtant pas sûr qu'il représentait, en 1968, un trouble grave à l'ordre public.
Contre l'avis défavorable du rapporteur, la Commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article 5 est supprimé.
Après l'article 5
La Commission examine l'amendement CL45 du rapporteur.
L'amendement prévoit que les services de l'État informent systématiquement le président du conseil départemental – qui verse notamment le revenu de solidarité active (RSA) – de tout départ vers la zone irako-syrienne. À la tête du département des Alpes-Maritimes, j'ai été confronté à des cas où cette information, connue des autorités administratives, ne nous était pas parvenue. Nous ne pouvions donc pas suspendre, ou interrompre, le versement du RSA à ces personnes qui ne respectaient pourtant pas l'obligation de ne pas quitter le territoire national pendant plus de trois mois.
La Commission rejette l'amendement.
Elle se saisit ensuite de l'amendement CL43 du rapporteur.
Cet amendement vise à permettre aux policiers municipaux de procéder à des contrôles d'identité.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL44 du rapporteur.
Cet amendement permet au préfet d'autoriser la fouille des bagages et la visite des véhicules, hors état d'urgence. Il pérennise ainsi une possibilité ouverte par la loi du 21 juillet 2016.
La Commission rejette l'amendement.
Elle se saisit alors de l'amendement CL40 du rapporteur.
Dans le même esprit, cet amendement vise à autoriser les perquisitions administratives même hors état d'urgence.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL42 du rapporteur.
Cet amendement permet, sur le modèle du passport ban instauré au Royaume-Uni, d'interdire l'entrée sur le territoire à des personnes qui se seraient rendues sur des théâtres d'opérations de groupements terroristes et dont on peut penser qu'elles pourraient porter atteinte à la sécurité publique.
La Commission rejette l'amendement.
Elle se saisit ensuite de l'amendement CL41 rectifié du rapporteur.
Cet amendement vise à permettre aux services spécialisés de renseignement d'accéder à des fichiers d'autres administrations – ainsi, aujourd'hui, ces services n'ont pas accès aux données des caisses d'allocations familiales. On en reste pantois.
La Commission rejette l'amendement.
CHAPITRE III
Article 6 (art. 362, 706-25-15 à 706-25-24 [nouveaux], 723-37-1 [nouveau] et 723-38 du code de procédure pénale) : Rétention et surveillance de sûreté pour les personnes condamnées à un crime terroriste
La Commission examine les amendements identiques CL21 de M. Sébastien Pietrasanta et CL29 de M. Sergio Coronado.
Aujourd'hui, la rétention de sûreté revêt un caractère exceptionnel et ne peut être prononcée par la juridiction régionale de la rétention de sûreté qu'après le placement de la personne concernée, pendant six semaines au moins, dans un service spécialisé chargé d'évaluer sa dangerosité de façon pluridisciplinaire. Deux expertises médicales sont en outre nécessaires. Le Conseil constitutionnel n'avait d'ailleurs validé ce dispositif que sous la double condition de sa subsidiarité et de l'évaluation médicale de la dangerosité.
La rétention de sûreté est prononcée pour une durée d'un an, renouvelable tant que la dangerosité perdure. Sa nature juridique demeure incertaine : aux yeux du Conseil constitutionnel, ce n'est pas une peine ; la Cour européenne des droits de l'homme est d'un avis contraire.
Vous proposez de rendre la rétention et la surveillance de sûreté applicables aux personnes condamnées pour un crime terroriste, même en l'absence de circonstance aggravante de droit commun. Dans son avis du 17 décembre 2015, le Conseil d'État s'était déclaré favorable à la mise en place d'un système reposant sur une autre logique : celle de la déradicalisation.
La rétention de sûreté porte atteinte aux libertés fondamentales ; pour l'appliquer, il est indispensable de respecter les principes de proportionnalité et de nécessité. Elle doit notamment être limitée aux crimes, être prononcée par la cour d'assises et sa nécessité doit être évaluée en fin de peine.
Son extension à tous les actes terroristes punis d'une peine supérieure ou égale à quinze ans de réclusion criminelle n'est pas envisageable. L'article reprend en effet, sans l'adapter, le dispositif de la rétention de sûreté, créé dans une autre logique : celle du soin.
Le législateur est déjà allé très loin en empêchant la libération des personnes condamnées à perpétuité pour des crimes terroristes : nous avons ainsi prévu une sorte de perpétuité réelle. Concrètement, l'espoir d'une libération ne pourra naître qu'après trente ans de détention, et il pourra être tué dans l'oeuf si l'on estime que la levée du caractère incompressible de la période de sûreté, préalable indispensable à toute possibilité d'aménagement de peine, est susceptible de causer un trouble grave à l'ordre public. En outre, l'avis des victimes sera recueilli, ainsi que celui d'une commission composée de cinq magistrats de la Cour de cassation.
Nous sommes très loin des traditions françaises en matière de droit pénal. Comme le dit Denis Salas, « il n'y a pas de différence entre une détention en attendant l'exécution et une détention en attendant la mort » : nous sommes ici aux frontières du droit pénal.
Il s'agit là d'une question absolument essentielle. Il faut éviter que des personnes dont on connaît l'extrême dangerosité ne recommencent leurs crimes en sortant de prison. Nous connaissons les failles du système actuel : tous les travaux menés sur le terrorisme islamiste ont mis en lumière la dangerosité de certaines personnes, et leur incapacité à sortir du djihadisme et de la radicalisation. Comment imaginer que des individus qui rejettent nos institutions et les valeurs de la République, et dont nous savons qu'ils resteront des menaces, puissent être remis en liberté ?
Il faut protéger notre société. Nous ne considérons pas ce dispositif comme contraire aux libertés fondamentales, bien au contraire : il est la garantie de la protection des libertés fondamentales de chaque citoyen à ne pas être menacé par ceux dont l'État connaît la dangerosité.
Les outils mis en place aujourd'hui – suivi socio-judiciaire, notamment – ont montré leur inutilité. Quant aux centres de déradicalisation, le Premier ministre en parle beaucoup, mais ils ne fonctionnent toujours pas : depuis 2012, rien de concret n'a été fait. Un centre est annoncé, mais combien de personnes y seront placées ? Qu'y fera-t-on ? Au bout de quatre ans, le bilan est pour le moins mitigé.
Enfin, le tribunal de l'application des peines conserve toujours la possibilité de prononcer, après une durée de réclusion de trente ans, un aménagement de peine.
Je ne comprends pas votre logique. Et je suis prêt à parier que vous nous rejoindrez pour prendre ces mesures si, par malheur, des tragédies nous frappent à nouveau.
La Commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article 6 est supprimé.
L'amendement CL32 du rapporteur n'a plus d'objet.
Article 7 (art. 421-2-7 [nouveau] et 421-5 du code pénal) : Délit de séjour intentionnel sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes
La Commission examine l'amendement CL22 de M. Sébastien Pietrasanta.
Cette disposition, déjà proposée à plusieurs reprises, a toujours été rejetée par le Parlement. Le procureur de la République de Paris a été très clair lors de son audition : le délit d'association de malfaiteurs à caractère terroriste (AMT) permet l'incrimination de tous ceux qui reviennent de Syrie ou d'Irak.
L'Espagne, qui a adopté une mesure similaire en 2014, rencontre de nombreuses difficultés pour l'appliquer, en raison des recours de la défense.
En outre, abandonner l'AMT ne permettrait pas l'utilisation de techniques spéciales de renseignement, comme l'a rappelé le procureur de la République de Paris.
Il s'agit donc là d'une fausse bonne idée.
Ce dispositif a été débattu au Sénat. Nous conservons la conviction qu'il est pertinent et qu'il offrirait un outil supplémentaire. Pour autant, nous avons pris note des remarques du procureur de la République, et c'est pour cela que j'ai déposé un amendement, CL34, qui aligne les peines encourues pour ce nouveau délit sur celles prévues pour l'infraction d'association de malfaiteurs en vue de commettre un acte de terrorisme. Il faut en effet éviter qu'une incrimination ne chasse l'autre.
Mais ce délit permettrait d'incriminer des gens pour le seul fait d'être sur place, sauf motivations professionnelles particulières. En 2012, beaucoup de gens prétendaient partir pour des raisons humanitaires – il y a chez eux beaucoup de dissimulation. Avec ce dispositif, une action pénale pourrait être déclenchée contre ces personnes.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 7 est supprimé.
Les amendements CL33 du rapporteur, CL2 de M. Georges Fenech et CL34 du rapporteur n'ont plus d'objet.
Je voudrais faire part ici de ma frustration : mon amendement CL2 est tombé sans être débattu, alors qu'il résulte d'un travail très important mené avec des magistrats et des avocats. Il est cosigné par plus de soixante-dix députés, y compris par une candidate à l'élection présidentielle.
Il visait à incriminer toute intention de se rendre sur une zone de combat djihadiste, afin d'intervenir le plus en amont possible et d'éviter ainsi que le projet terroriste ne se réalise.
Certains des individus qui adhèrent à l'idéologie criminelle de Daech, lorsqu'ils ne peuvent se rendre en Syrie, essayent de commettre des attentats sur le territoire national. Ainsi, Sid Ahmed Ghlam voulait s'attaquer à une église de Villejuif parce qu'il n'avait pu se rendre en Syrie ; Adel Kermiche, de la même façon, ne pouvant sortir de France, a décidé de passer à l'acte sur le territoire national.
Ce texte présente toutes les garanties nécessaires à un État de droit, et je regrette qu'il soit passé à la trappe sans même avoir été évoqué.
Vous aurez la possibilité de présenter à nouveau votre amendement en séance. Je comprends fort bien votre frustration, que nous connaissons tous quand nos amendements sont balayés par des arguments qui ne nous semblent pas convaincants. Je vous exprime donc toute ma compassion, mais nous ne faisons que suivre le règlement de l'Assemblée.
Après l'article 7
La Commission se saisit de l'amendement CL35 du rapporteur.
Il s'agit là encore de traiter d'un sujet dont nous avons souvent débattu – j'avais notamment défendu un amendement sur ce thème qui avait été rejeté d'une seule voix dans l'hémicycle, et qui avait reçu des soutiens sur tous les bancs. L'amendement vise à sanctionner les opérateurs de téléphonie mobile ou d'internet qui refusent de coopérer à une enquête judiciaire, notamment pour déchiffrer des données cryptées – le cryptage empêche en effet aujourd'hui l'avancée de nombreuses enquêtes.
L'amendement aggrave donc les amendes encourues par la personne morale qui refuse de communiquer à l'autorité judiciaire des données protégées par un moyen de cryptologie qu'elle a construit ou fourni, ainsi que par la personne morale qui s'abstient de répondre dans les meilleurs délais à une réquisition du procureur de la République ou du juge d'instruction aux fins de remise de tout document intéressant l'enquête ou l'information judiciaire. Il permet également d'interdire la commercialisation de produits ou de services de l'entreprise qui refuse de coopérer avec la justice : cette peine serait extrêmement dissuasive. Nous signifierions ainsi à ces opérateurs qu'ils ne sont pas, contrairement à ce que leur puissance financière leur fait parfois croire, supérieurs à nos lois.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission se saisit de l'amendement CL36 du rapporteur.
J'avoue ne pas comprendre pourquoi la majorité s'oppose au renforcement des sanctions contre les entreprises qui refusent de coopérer avec la justice.
Nous avons déjà eu le débat, mais il n'est pas clos. Votre refus est-il simplement dû au fait que cette mesure est proposée par l'opposition ? Vous semblez considérer comme normal que des multinationales refusent de coopérer avec la justice. Dont acte.
L'amendement CL36 renforce les sanctions encourues lorsque l'entreprise ne retire pas avec la célérité nécessaire un contenu faisant l'apologie du terrorisme sur internet. C'est un problème majeur ! L'idéologie terroriste se propage sur les réseaux, et les opérateurs doivent être plus responsables. Pour cela, il faut accroître les sanctions qu'ils encourent.
La Commission rejette l'amendement.
CHAPITRE IV
Dispositions relatives aux droits et obligations des personnes détenues
Avant l'article 8
La Commission examine l'amendement CL14 de M. Guillaume Larrivé.
Contre l'avis favorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Article 8 (art. 721-1-1 du code de procédure pénale) : Suppression des crédits de réduction de peine supplémentaire pour les personnes condamnées pour terrorisme
Contre l'avis défavorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement CL23 de M. Sébastien Pietrasanta.
En conséquence, l'article 8 est supprimé.
Les amendements CL37 du rapporteur, CL12 et CL13 de M. Guillaume Larrivé n'ont plus d'objet.
Après l'article 8
La Commission examine l'amendement CL11 de M. Guillaume Larrivé.
Cet amendement répond à une demande fortement exprimée par les personnels de l'administration pénitentiaire, à tous les niveaux hiérarchiques. Il est nécessaire que, sur décision du chef d'établissement, les personnels puissent procéder à des palpations de sécurité avant l'accès au parloir. Il ne s'agit naturellement pas d'une fouille au corps, mais de vérifications tout à fait similaires aux contrôles que nous connaissons à l'entrée d'un stade de football. Il est anormal que ces palpations n'existent pas à l'entrée d'un établissement pénitentiaire : elles pourraient éviter l'introduction de téléphones portables, mais aussi de drogue.
Contre l'avis favorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Article 9 (art. 57 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire) : Assouplissement des modalités de fouilles des détenus terroristes ou prosélytes
Contre l'avis du rapporteur, la Commission adopte l'amendement CL 24 de M. Sébastien Pietrasanta.
En conséquence, l'article 9 est supprimé.
L'amendement CL15 de M. Sébastien Huyghe n'a plus d'objet.
Article 10 (art. 726-2 du code de procédure pénale) : Renforcement du régime de détention des détenus radicalisés ou prosélytes
Contre l'avis du rapporteur, la Commission adopte l'amendement CL 25 de M. Sébastien Pietrasanta.
En conséquence, l'article 10 est supprimé.
Article 11 (art. 39 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire) : Interdiction en prison des équipements permettant de passer des communications électroniques
La Commission examine l'amendement CL26 de M. Sébastien Pietrasanta.
M. Pietrasanta indique, dans l'exposé sommaire de son amendement, que l'utilité pratique des mesures prévues à l'article 11 n'est pas évidente. Il me semble que cet argument est un peu faible pour s'opposer à un article aussi important, ayant pour objet de pérenniser l'interdiction des téléphones portables et des équipements électroniques dans les prisons. Je vous invite donc, mes chers collègues, à ne pas voter cet amendement de suppression.
Avis très défavorable. Comme vient de le dire Philippe Goujon, il est aujourd'hui indispensable de renforcer les mesures d'isolement électronique des détenus, et je ne comprends pas que certains souhaitent s'y opposer.
L'isolement électronique est déjà prévu par la loi, il ne reste à faire que le plus difficile, en appliquant ce dispositif !
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 11 est supprimé.
CHAPITRE V
Dispositions relatives à la légitime défense des policiers
Article 12 (art. L. 315–3 du code de la sécurité intérieure) : Doctrine d'emploi de l'usage de la force armée par les fonctionnaires de la police nationale
Contre l'avis du rapporteur, la Commission adopte l'amendement CL 27 de M. Sébastien Pietrasanta.
En conséquence, l'article 12 est supprimé.
La Commission ayant procédé à la suppression de l'ensemble de ses articles, la présente proposition de loi est rejetée. C'est donc le texte de la proposition de loi initiale qui viendra en débat en séance publique le 13 octobre prochain à neuf heures trente.
La Commission examine la proposition de loi pénalisant la prédication subversive (n° 4016) (Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteure).
La proposition de loi pénalisant la prédication subversive peut être vue comme complémentaire de celle que nous venons d'examiner, relative à la lutte contre le terrorisme, dans la mesure où il s'agit de permettre aux autorités administratives et judiciaires d'intervenir plus largement en amont et en aval – étant précisé que le sort des deux textes n'est, bien sûr, pas nécessairement lié. (Sourires.)
Nous sommes partis d'un constat simple. Si la lutte contre le terrorisme a fait l'objet de nombreuses réponses sécuritaires, celle contre les origines du phénomène, à savoir les idéologies salafistes radicales telles que le wahhabisme, le takfirisme – ou le djihadisme, qui en découle –, n'a pas été véritablement engagée pour le moment, du moins n'a-t-elle pas pris de forme législative – je ne parle pas, évidemment, du travail remarquable mené par certaines associations.
Pourtant, le terrorisme, qui a donné lieu à un certain nombre de travaux législatifs, prospère sur le terrain de la radicalité politico-religieuse. Cette radicalité est prêchée, enseignée, diffusée par des prédicateurs qui défendent, parfois au grand jour, le plus souvent de manière dissimulée, la supériorité des lois religieuses sur les principes constitutionnels et fondamentaux de la République – en prônant, par exemple, une ségrégation identitaire et communautaire contraire aux valeurs de la République. Ils créent des salles de prière et des associations, ils dirigent des lieux de culte, prodiguent des enseignements, sont responsables du contenu éditorial d'ouvrages et de sites internet : c'est cet ensemble d'activités que recouvre le terme de « prédication ».
Leur discours est de nature à déclencher une radicalisation identitaire, qui prédispose certains à la lutte contre les droits constitutionnels et d'autres, moins nombreux, à l'action violente et terroriste. Dans tous les cas, l'objectif poursuivi consiste à faire disparaître l'État de droit derrière la religion, à nier la France, et à s'imposer par la résistance à nos fondements constitutionnels, notamment les plus précieux que sont la liberté, l'égalité et la fraternité.
Face au renforcement actuel du volet répressif du terrorisme, en particulier des dispositions relatives à la lutte contre l'incitation à la commission d'actes terroristes, les prédicateurs lissent leur discours. Les représentants du ministère de l'intérieur que j'ai auditionnés m'ont confirmé être moins souvent confrontés à des expressions très radicales d'appel au terrorisme ou à la haine. Depuis l'attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo, ils prennent soin de ne plus appeler ouvertement à la commission d'actes terroristes et, dans les mosquées salafistes, on voit même circuler des tracts condamnant Daesh et les actions violentes. De ce fait, la menace est devenue sournoise sans être moins réelle – car la prédication radicale, elle, continue, et les outils juridiques pour lutter contre la diffusion de cette idéologie sont parcellaires et inadaptés – d'autant plus que les choses se font de manière dissimulée.
La loi du 29 juillet 1881, qui définit les délits de presse, et l'article 35 de la loi de 1905, qui prévoit une incrimination spécifique dans le cas où le ministre d'un culte incite directement à résister à l'exécution des lois ou aux actes légaux de l'autorité publique, ne sont pas vraiment adaptés aux moyens de communication modernes. Les auditions que j'ai conduites auprès de responsables publics et associatifs ont attesté que le droit positif n'offrait pas tous les outils nécessaires pour répondre à la problématique de la diffusion des idéologies politico-religieuses.
En fait, en amont de l'appel caractérisé à la haine et au terrorisme, il existe une zone grise, que vise précisément cette proposition de loi. Ainsi, le droit positif permet-il d'inquiéter l'auteur de propos invitant à ne pas fréquenter les mécréants ? Non. Le droit positif permet-il d'inquiéter l'auteur de propos d'où il ressort que la femme est de moitié inférieure à l'homme ? Non. Le droit positif permet-il d'inquiéter celui qui affirme que les enfants qui écoutent de la musique risquent d'être transformés en cochons ? Non. De ce fait, les autorités publiques sont obligées de se livrer à des contorsions juridiques pour recourir à des expédients tels que le droit de l'urbanisme ou la réglementation relative à la sécurité des établissements recevant du public (ERP) pour fermer les mosquées salafistes. C'est bien la preuve qu'il nous manque un outil, que la proposition de loi qui vous est présentée a vocation à constituer.
Aux articles 1er et 2 est créé le nouveau délit de prédication subversive, puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Il est proposé de punir non seulement l'auteur de propos de prédication subversive, mais également celui qui les suit régulièrement, que ce soit en se rendant à la mosquée ou en consultant des sites internet, sur le modèle de ce qui a été fait il y a quelques mois. Les conséquences de ces dispositions sur certaines mesures de police administrative existantes sont également prévues.
L'article 3 vise à donner aux autorités administratives la possibilité de fermer un lieu de culte en cas de prédication subversive, ainsi que de dissoudre les associations responsables d'un tel lieu. Cela nous permettra d'éviter d'avoir à recourir aux expédients que j'ai évoqués tout à l'heure.
Il est proposé à l'article 4 d'étendre aux sites de prédication subversive la possibilité pour le juge des référés d'ordonner leur fermeture, alors que cette possibilité n'est aujourd'hui prévue que pour les sites provoquant à la commission d'actes terroristes ou d'infractions telles que la discrimination, la haine, la contestation de crimes contre l'humanité – mais pas à des actes relevant de cette zone grise qui prépare la radicalisation politico-religieuse.
Le sujet est suffisamment grave pour mériter que nous dépassions les clivages politiques traditionnels : je souhaite aborder la discussion générale dans un esprit constructif. J'ai entendu certaines critiques portant sur la formulation donnée à cette proposition de loi : c'est pourquoi j'ai déposé des amendements afin d'en préciser la rédaction, sans porter atteinte à son objectif.
Il s'agit, avec l'amendement CL18 à l'article 2, de préciser le délit de prédication subversive en visant des paroles ou des écrits publics et réitérés, se revendiquant de principes religieux et susceptibles de troubler l'ordre public ou provoquant à des comportements manifestement incompatibles avec les trois principes constitutionnels que sont la sauvegarde de la dignité de la personne humaine, la liberté et l'égalité. Cette définition permet de viser directement, d'une part, l'incitation à des comportements qui méconnaissent les exigences minimales de la vie en société et conduisent à des phénomènes d'exclusion manifestement incompatibles avec nos principes constitutionnels, d'autre part, des propos et des écrits susceptibles de troubler l'ordre public. Le quantum de la peine initialement prévu est maintenu, puisqu'il correspond au délit d'incitation à la commission d'actes terroristes et à leur apologie.
Le même amendement prévoit de substituer au délit de complicité, qui posait manifestement un problème d'ordre juridique, un délit de consultation et de participation à des prédications subversives, ainsi qu'un délit de consultation de sites se faisant le relais de la prédication subversive – des infractions forgées sur le modèle de celles constituées par la consultation de sites pédopornographiques et de sites terroristes –, punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
Telles sont, mes chers collègues, les propositions que je voulais vous soumettre.
À l'abri du tumulte et des excès du débat public qui s'expriment, parfois de manière insoutenable, dans l'hémicycle ou devant les caméras, la tradition veut que notre commission aborde l'ordre du jour qui lui est soumis dans un esprit d'écoute, de respect et de rigueur intellectuelle.
Je veux donc en premier lieu vous assurer ici, madame la rapporteure, que c'est commandé par ces trois exigences, qui font la force et la qualité de nos travaux, que le groupe Socialiste, écologiste et républicain a souhaité considérer le contenu de la proposition de loi dont vous êtes l'auteure, avec quelques-uns de vos collègues du groupe Les Républicains – un texte qui s'inscrit peut-être dans la continuité du précédent, mais a au moins le mérite de ne pas se résumer au recyclage de sujets que nous avons déjà abordé à de multiples reprises, et sur lequel l'Assemblée a eu l'occasion de se prononcer.
S'il est dans cette enceinte des différences d'approche et d'appréciation qui ne nous permettront jamais de nous accorder sur certains sujets, il est aussi des points d'analyse sur lesquels il nous est possible de converger et qui nous incitent à oeuvrer à la recherche d'utiles consensus, en particulier lorsque nous sommes appelés à légiférer sur la protection de nos compatriotes et des intérêts supérieurs de notre nation.
Je souhaite donc commencer ici par les éléments de votre texte qui sont de nature à nous rassembler. Nous partageons d'abord le diagnostic que vous dressez au sujet du rôle tristement significatif des prêcheurs de haine, en matière d'endoctrinement au service d'une idéologie qui érige les pires abjections en méthode et incite au passage à l'acte.
L'exposé des motifs du texte que nous examinons rappelle, à juste titre, que « le terrorisme prospère souvent sur un terreau de radicalité politico-religieuse ». Personne ne songerait sérieusement ici à nier la pertinence de cette analyse, même si les causes multiples du passage au terrorisme ne peuvent être réduites à ce seul aspect.
Nous adhérons également tous, de manière unanime, me semble-t-il, à l'objectif consistant à mieux lutter contre toutes les formes de discours qui portent les germes d'une atteinte grave à l'ordre public, dans le respect – auquel je vous sais très attachée – des libertés fondamentales.
Nous sommes tous animés par le même souci d'oeuvrer au renforcement de la sécurité des Françaises et des Français dans un climat qui les inquiète à juste titre, et dans la douleur encore vive d'une nation attaquée à plusieurs reprises en son coeur, au cours des mois écoulés.
Enfin, alors que nous souhaitons tous disposer de l'ensemble des clés permettant d'éradiquer totalement et immédiatement la menace terroriste pesant sur notre pays, nous sommes aussi tous conscients – même s'il arrive à certains de prétendre le contraire lorsqu'un micro se tend – qu'il n'existe aucune solution miracle de nature à prémunir intégralement notre société de la folie des hommes.
Le Gouvernement et la majorité ont pleinement pris la mesure de cette réalité, qui nous a d'ailleurs conduits à agir très tôt en conséquence. J'en veux pour preuve les lois du 20 décembre 2012 et du 13 novembre 2014, qui ont notamment créé le délit d'entreprise terroriste individuelle, instauré l'interdiction administrative de sortie de territoire, et la possibilité de blocage des sites faisant l'apologie du terrorisme. Nous avons aussi voté la loi du 24 juillet 2015, qui donne des moyens accrus à nos services de renseignement, dans un cadre juridique tout à la fois bien défini et mieux contrôlé. Je ne détaille pas, enfin, puisque nous les avons encore en mémoire, les deux textes dont j'ai récemment eu l'honneur d'être le rapporteur, à savoir la loi du 3 juin 2016 renforçant les moyens de lutter contre le crime organisé, le terrorisme et son financement, à laquelle nous avons ajouté – notamment à l'initiative de l'opposition et du Sénat – les dispositions de droit commun adoptées lors de la nouvelle loi de prorogation de l'état d'urgence du 21 juillet dernier.
Vous nous proposez, madame la rapporteure, d'ajouter un élément à une législation déjà bien fournie, en créant dans le code pénal une nouvelle infraction sanctionnant la prédication subversive. Face à ce que vous concevez comme un enrichissement du droit, une seule question mérite d'être posée : existe-t-il véritablement dans notre législation des angles morts ou des insuffisances, qui empêcheraient les forces de l'ordre et la justice de stopper les velléités destructrices de ces artisans de la radicalisation que sont les prédicateurs subversifs ?
La rigueur intellectuelle et juridique qui nous est chère commande d'admettre que les dérives que vous proposez de réprimer au moyen de ce texte sont d'ores et déjà envisagées par plusieurs qualifications pénales. Je pense en particulier à la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, qui sanctionne la provocation à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes, à raison de leur origine, de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion. Il s'agit également de la loi du 13 novembre 2014, que nous avons votée de manière quasi unanime et qui a transféré – pour le rendre plus opérationnel dans le contexte auquel nous sommes confrontés – le délit de provocation à la commission d'actes terroristes et leur apologie, inscrit dans la loi de 1881, vers le code pénal.
Je souhaite aussi évoquer – il en est fait mention en page 5 de votre rapport – l'article 35 de la loi du 9 décembre 1905, dont je tiens à faire lecture : « Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s'exerce le culte, contient une provocation directe à résister à l'exécution des lois ou aux actes légaux de l'autorité publique, ou s'il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui s'en sera rendu coupable sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans. »
Ces trois lois offrent, en l'état, les outils suffisants pour sanctionner les discours de haine tenus dans un lieu de culte, dès lors que ceux-ci sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public. Encore faut-il que le ministère public les emploie, me direz-vous. À ce propos, quelques statistiques ne sont pas inutiles pour mesurer les évolutions récentes. En 2014, le nombre de poursuites intentées au titre de l'apologie du terrorisme a été de six. Cela peut sembler insignifiant, mais si l'on veut bien considérer que cette infraction a été intégrée dans le code pénal par la loi promulguée le 13 novembre de cette même année, cela démontre au moins que l'appareil judiciaire s'est immédiatement saisi de cette nouvelle possibilité. En 2015, le nombre de poursuites s'est élevé à 385 et, pour le seul premier trimestre 2016, il y en a eu 219.
Notre arsenal légal, tel qu'il a évolué durant plus d'un siècle, est donc fourni, tout en demeurant garant de certains principes fondamentaux, consacrés plus tard par notre Constitution. C'est là, malheureusement, l'une des failles de votre proposition de loi, qui pose une réelle difficulté au regard de l'exigence de précision de la loi pénale et du respect de la liberté d'expression et de conscience.
La définition que donne votre texte de la notion de « prédication subversive » est en effet très large et imprécise. Certainement trop pour caractériser, dans le respect des principes constitutionnels et conventionnels, une incrimination pénale – au-delà, en tout cas, de l'objectif que vous visez légitimement. En définitive, tout ce qui est imprécis affaiblit le droit existant, en particulier lorsque celui-ci a le mérite d'être précis. Vous en avez d'ailleurs pris conscience, puisque vous proposez un amendement significatif à votre propre texte, le CL18, dont l'écriture ne me paraît cependant pas satisfaisante – sans que je vous en fasse le reproche, car j'avoue que nous avons nous-mêmes cherché en vain une rédaction alternative.
De la même manière, le principe de répression des manifestations ou des discours prônant la supériorité des lois religieuses sur les lois de la République, comme l'énonce la version initiale de votre texte, est tellement extensif qu'il constitue une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression, que nous estimons contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation et à nos engagements internationaux. Puisque vous avez cité tout à l'heure des exemples frappants pour l'opinion, qu'il me soit permis d'en donner à mon tour. Des diatribes prononcées en certains lieux le dimanche contre l'interruption volontaire de grossesse pourraient tomber sous le coup des dispositions que vous proposez. À titre personnel, je pourrais m'en satisfaire, mais je ne pense pas que la liberté d'opinion y trouve son compte.
Certains ont exprimé leur absence d'embarras à s'affranchir de la loi fondamentale. Peu importent la gravité de l'entorse et les dommages collatéraux : pourquoi s'encombrer de l'héritage de plus de 200 ans de construction démocratique, quand on peut donner à l'opinion l'illusion que l'on règle un problème auquel elle tient ? Le problème, c'est qu'en agissant ainsi on ne règle rien du tout – mais je sais, madame la rapporteure, que vous n'êtes pas de ceux qui tombent dans ce piège.
Nous estimons pour notre part que le législateur commettrait une grave erreur en bradant de la sorte les valeurs qui fondent notre capacité à vivre ensemble, notamment parce que cela ne ferait que répondre à l'ambition de nos agresseurs. Ils veulent nous diviser, réduire le champ de nos libertés. Ne leur offrons pas cette victoire-là.
Renforcer l'efficacité de nos dispositifs légaux, dans le respect des droits et des libertés individuelles, est au contraire un acte de résistance. C'est pourquoi, malgré toute l'attention que nous portons à cette proposition de loi, nous ne pouvons adopter, en l'état, un texte très contestable sur le plan constitutionnel, et dont l'objectif est, de toute façon, déjà satisfait par le droit existant, dont je ne doute pas que chacun, dans les circonstances que nous vivons, aura à coeur d'amplifier son application avec toute la rigueur requise.
N'ayant pas, à ce jour – et ce n'est pas faute d'y avoir oeuvré – trouvé de rédaction alternative qui puisse améliorer, de manière utile et satisfaisante du point de vue des principes, un droit offrant déjà tous les outils nécessaires, je me verrai donc contraint, au nom du groupe Socialiste, écologiste et républicain, de proposer à la Commission des amendements de suppression des articles de cette proposition de loi.
Je me félicite que nous examinions aujourd'hui cette proposition de loi à laquelle je m'associe pleinement. Nous avons souvent eu l'occasion de dire que combattre le terrorisme sans s'intéresser aux origines du mal est inefficace. En la matière, nous avons beaucoup à apprendre d'Israël : les responsables de son dispositif antiterroriste, que j'ai eu l'occasion de rencontrer, placent au coeur de leur action la lutte contre la radicalisation, notamment via les réseaux sociaux, et m'ont dit estimer que la France n'était pas dotée de mesures suffisantes en la matière.
Les prédicateurs salafistes font en effet d'internet un lieu privilégié pour recruter des jeunes vulnérables, en manque de repères. Ils agissent également au sein de lieux de culte radicalisés, qui sont trop nombreux à rester ouverts alors même que nous avons pris, dans le cadre de l'état d'urgence, des mesures visant à faciliter la fermeture des lieux de culte appelant à la haine.
Notre République laïque, profondément attachée aux libertés et aux droits de l'homme, ne peut accepter que se développe sur son sol une idéologie politico-religieuse prônant la haine et menaçant les intérêts fondamentaux de la Nation. Adopter cette proposition de loi nous permettra, à mon sens, d'être mieux armés juridiquement pour lutter contre un phénomène qui prend un peu plus d'ampleur chaque jour.
Incriminer la prédication subversive et définir juridiquement cette notion aux contours encore flous, donner une compétence élargie aux représentants de l'État sur l'ensemble du territoire pour fermer les lieux de culte radicalisés et permettre au juge des référés de prononcer rapidement la fermeture des sites internet illégaux, sont des mesures rendues absolument nécessaires par la situation gravissime dans laquelle se trouve notre pays et doit nous rassembler, au-delà des divisions partisanes.
Je veux apporter des éléments de réflexion sur un texte difficile et qui me paraît assez dangereux, en ce qu'il identifie mal la cause du terrorisme dans notre pays et place sur le même plan l'ensemble des religions dans leur rapport au terrorisme, ce dont Mme Kosciusko-Morizet a elle-même dû convenir au cours des auditions auxquelles elle a procédé.
Sur le plan sémantique, le choix des termes « prédication subversive » est extrêmement problématique. Chaque fois que nous employons les termes « autorité », « ordre naturel » ou « loi naturelle », une noria de détenteurs de la nouvelle doxa nous rappelle à l'ordre. Il serait donc étonnant que les responsables politiques se réveillent soudainement en criant à la subversion ! C'est d'ailleurs, selon moi, le relativisme ambiant qui a conduit la France à un état de faiblesse qui en fait le terrain le plus favorable à l'expansion de l'islamisme en Europe, et à une grande fragilité face aux assauts terroristes.
Ce processus est perceptible dans le texte, et nous n'oserions même plus affirmer que ce sont les prédications islamistes qui posent problème, alors qu'il est essentiel de faire ce constat. Il est très dangereux d'en appeler à l'article 35 de la loi de 1905 sur la provocation directe à résister à l'exécution des lois ou aux actes de l'autorité publique. Comment accepter que la loi mette sur le même plan, d'une part, de sains défenseurs d'une verticalité supérieure aux affrontements partisans et, d'autre part, les salafistes ? À ce propos, l'adjonction des conversations électroniques en ligne suscite beaucoup de doutes. Si nous sommes d'accord pour investir de plus de libertés les enquêteurs qui nous protègent, nous savons que, en France, la protection de la nation n'est pas assez séparée de son instrumentalisation.
Il faut, mes chers collègues, que vous regardiez en face les trahisons et les abus des gouvernements successifs qui ont désinvesti les responsables politiques de la légitimité nécessaire pour affronter le terrorisme. Je félicite les auteurs de ce texte pour l'article 3, relatif à la fermeture des lieux de culte, en m'abstenant charitablement de rappeler les propos du groupe socialiste quand j'avais demandé un moratoire sur la construction des mosquées.
Je salue votre volonté de légiférer, madame Kosciusko-Morizet, mais je vous implore de dire les faits tels qu'ils sont et d'arrêter de noyer les Français dans un flot de termes dont ils se moquent régulièrement. Les amendements que je présenterai dans quelques instants illustreront les propos que je viens de tenir.
Si nous tenons beaucoup à la proposition de loi présentée par Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, c'est qu'elle se préoccupe des origines de la violence terroriste, qu'elle aborde en se tenant en amont du problème : il s'agit, comme s'est efforcée de le faire la commission d'enquête relative aux moyens mis en oeuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme, présidée par M. Georges Fenech, de trouver les moyens de neutraliser la menace en amont. Notre collègue Pascal Popelin, qui a exposé la position de son groupe avec beaucoup de raison juridique, m'a semblé ignorer le fait que la menace avait changé de nature depuis certains textes auxquels il a fait référence, ce qui justifie que nous actualisions notre réflexion et nos actions. Il faut sans doute rappeler que plusieurs amendements présentés à l'Assemblée nationale et au Sénat avaient déjà permis de faire adopter, lors de la dernière prorogation de l'état d'urgence, un article additionnel facilitant, dans le cadre de cet état d'urgence, la fermeture de certains lieux de culte appelant à la haine – car il s'agit bien de haine.
Ce que nous voulons dire au travers de cette proposition de loi, c'est que la pratique religieuse doit s'adapter à nos lois, et non l'inverse. Selon un sondage, 28 % de la population musulmane estime que la charia doit primer sur la loi de la République : on ne peut pas accepter cela. Le régime de pénalisation de la prédication subversive, tel qu'il est prévu par cette proposition de loi, vise donc à établir une base légale et solide à la condamnation pénale des prédicateurs d'idéologies politico-religieuses que l'on peut considérer comme des prophètes de malheur.
La proposition de loi permettra également l'interdiction de toutes formes d'outils de diffusion – prêche dans les lieux de culte, sites internet – et d'apprentissage de cette idéologie. En s'attaquant aux origines de la violence terroriste, elle vise la source de la menace pour permettre de la neutraliser en amont. C'est pourquoi nous ne devons pas la rejeter.
Je veux dire à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet à quel point je partage l'objectif qu'elle poursuit, et que je salue le travail qu'elle a accompli courageusement. Cela dit, chère collègue, j'espère que vous ne m'en voudrez pas de dire aussi que je suis complètement d'accord avec les propos qu'a tenus M. Pascal Popelin tout à l'heure.
Je ne vois pas comment vous pourriez demander à des juges de s'ériger en docteurs de la foi. Qui va pouvoir émettre un avis autorisé sur tel ou tel précepte religieux ? S'il n'existe pas, dans notre droit, de définition d'une secte, il n'existe pas plus de définition d'une religion. Les seuls critères retenus par le Conseil d'État pour agréer une association cultuelle sont l'exercice d'un culte, et exclusivement d'un culte, et l'absence de trouble à l'ordre public. En cas de trouble à l'ordre public, il est évident que nous disposons déjà de textes de nature à satisfaire votre préoccupation, comme l'a dit M. Popelin.
Chacun peut croire personnellement à la supériorité de ses convictions religieuses sur l'ordre républicain, et même l'affirmer : cela relève de la liberté de croyance et vous ne pouvez, sans risquer l'arbitraire, confier aux juges le soin de déterminer si ce que vous croyez est bon ou pas. J'ai eu l'occasion de beaucoup réfléchir à ces questions lorsque je présidais la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES). Peut-on interdire la doctrine des Témoins de Jéhovah, qui affirment l'imminence de l'Apocalypse et refusent les transfusions sanguines ? Non, et même des doctrines beaucoup plus radicales doivent être autorisées, par respect du principe de la liberté de croyance : certains propos peuvent, certes, tomber sous le coup de la loi, mais je crois que le texte présenté est tellement large qu'il ne permettrait à aucun juge de prendre le risque de condamner qui que ce soit sur la base de ce dispositif. Je regrette d'avoir à vous dire cela, madame Kosciusko-Morizet, mais croyez bien que je vous le dis en conscience.
Je salue le travail de grande qualité et l'effort accompli par notre collègue Nathalie Kosciusko-Morizet. Nous sommes confrontés dans nos quartiers à cette action subversive qu'elle décrit et tente de qualifier au sens juridique du terme, que l'on peut résumer par un glissement du communautarisme vers le rejet de la société, et du rejet de la société vers la haine de celle-ci, qui constitue un terrain propice à tous les dérapages.
Il y a, à l'évidence, un effort à faire afin de mieux réprimer cette zone grise que constitue la prédication subversive. Il me semble que, contrairement à ce qu'a dit notre collègue Georges Fenech pour qui le recours à la notion de trouble à l'ordre public peut régler nombre de problèmes, il n'est pas du tout certain que cela suffise à un juge pour condamner des faits de prédication subversive. Comme la rapporteure de ce texte, je pense qu'il faut aller plus loin et définir précisément une nouvelle incrimination.
Il ne s'agit pas de demander au juge d'être un docteur de la foi, mais simplement de faire en sorte qu'il puisse juger les atteintes à nos principes fondamentaux, comme nous avons su le faire dans le cadre de la « loi Gayssot », en faisant en sorte que certains propos puissent être condamnés.
Je ne rejoins pas du tout l'explication de M. Popelin. L'exposé sommaire de son amendement CL12 est d'ailleurs complètement « à côté de la plaque » : il cherche en réalité des excuses pour ne pas avancer. M. Popelin indique que les actes d'apologie publique du terrorisme peuvent déjà être réprimés, mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Quant à la loi de 1881, elle prévoit une prescription de seulement trois mois et c'est, nous le savons, totalement inopérant. Nous n'avons donc pas aujourd'hui les éléments de réponse. Un effort d'imagination est requis, et c'est ce qu'a compris la rapporteure.
Je souhaite opposer au renoncement de M. Popelin la lucidité de M. Malek Boutih, qui s'est vu confier par le Premier ministre la rédaction d'un rapport en février 2015, rapport qu'il a intitulé Génération radicale et dans les conclusions duquel il écrit : « Nous n'avons plus le droit de douter, de pinailler, de calculer. L'heure est à l'action déterminée pour imposer le projet républicain. » Écoutez ce que vous dit M. Malek Boutih sur cette dérive communautariste ; cela devrait vous inciter à rechercher des solutions avec Mme Kosciusko-Morizet plutôt qu'à y renoncer.
Je remercie tout d'abord MM. Pierre Morel-A-L'Huissier, Olivier Marleix et Christian Kert pour leur soutien. J'aurais pu rappeler ce chiffre de l'Institut Montaigne cité par M. Christian Kert : 28 % des Français musulmans sont susceptibles d'adhérer à l'idée que la charia doit être considérée comme supérieure aux lois de la République. Cela ne peut laisser indifférent.
Vous nous dites, monsieur Popelin, que nous disposons déjà de tous les outils. Ce n'est pas le cas. J'ai cité des exemples de propos que l'on a aujourd'hui le droit de tenir, de prêcher et qui ne peuvent être sanctionnés. Les autorités que j'ai auditionnées m'en ont rapporté d'autres. Des lieux que l'on voudrait fermer, des prédicateurs que l'on voudrait interdire ne peuvent l'être, car la base légale manque et il existe un risque de contestation au tribunal. Vous faites appel à la loi de 1905. Depuis 1995, six procès ont été intentés sur le fondement de cette loi, et aucun depuis 2011. C'est dire que la loi de 1905 est peu adaptée pour faire face à la situation actuelle.
Il existe sans doute une incompréhension entre nous sur ce qu'est la cible de cette proposition de loi. Il ne s'agit pas de viser la liberté d'opinion – les gens pensent ce qu'ils veulent –, mais la liberté d'expression, au sens, qui plus est, de la prédication. Nous parlons de gens qui ont un public ou en trouvent un sur internet, y compris un public d'enfants, comme le montrent des cas récents. La liberté d'opinion permet-elle le négationnisme ? Permet-elle d'affirmer que la femme est inférieure à l'homme ? Non, la liberté d'expression a des limites. Tous ces principes sont constitutionnels et un équilibre doit être trouvé entre eux : c'est ainsi que sont organisées nos institutions. Nous avons d'un côté la liberté religieuse, la liberté d'opinion et de conscience – même si je conteste que cette proposition de loi la vise – et de l'autre les principes que j'ai rappelés, la dignité de la personne humaine, la liberté, l'égalité, qui n'ont pas moins d'importance.
Je vous confirme, monsieur Bompard, que ma loi n'a pas pour objet d'instaurer une religion officielle en France ni même d'établir une hiérarchie entre les religions. En écho aux propos de M. Georges Fenech, je souligne que nous ne parlons justement pas de religion. L'exposé des motifs vise certains courants, mais c'est à dessein que nous ne parlons pas de religion dans le texte lui-même.
Nous ne pouvons nous laisser tétaniser par un habillage religieux. Ce n'est pas parce que quelqu'un se prévaut d'une religion ou de l'interprétation d'un texte qu'il peut dire n'importe quoi, qu'il peut par exemple prêcher à des enfants que les femmes sont inférieures aux hommes, sans que nous ne fassions rien. Sinon, ce n'est pas la peine de parler de lutte contre la discrimination ; il suffira que les gens souhaitant la pratiquer se déclarent religieux. Ils le font déjà. Dans ces conditions, la lutte contre la discrimination est un faux-semblant. Or nous ne pouvons pas, dans le contexte difficile que nous connaissons, nous permettre de faire semblant.
La Commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.
Article 1er (section I du chapitre II du titre Ier du livre IV du code pénal) : Modification d'intitulé dans le code pénal
La Commission examine l'amendement CL12 de M. Pascal Popelin.
Après la réponse de Mme la rapporteure, je suis extrêmement gêné par le champ qu'elle souhaite voir sa proposition couvrir. Est-ce à dire que tous ceux qui contestent les avancées de notre société, l'égalité des droits, doivent faire l'objet d'une incrimination pour prêches subversifs ? Je me souviens qu'il n'y a pas si longtemps – votre position à l'époque, madame, n'était pas très claire – il y a eu dans les églises de France des appels à manifester contre la loi de la République, et notamment contre l'ouverture du mariage civil aux couples de même sexe, que nous défendions, dans la majorité, au nom de l'égalité. Des manifestations ont continué à être organisées régulièrement après l'adoption de la loi. Est-ce qu'au nom de la défense de l'égalité, principe constitutionnel, vous qualifieriez ce type de sermons de subversifs ? Si je vous suis, votre texte s'appliquerait en l'espèce assez directement.
J'ai le sentiment que chacun voudrait, sur la base de ce texte, se lancer dans la défense de chapelles. Or, de même que ce texte ne vise pas à déclarer une religion officielle ni à établir une hiérarchie entre les religions, il n'entend pas non plus opprimer les opinions des uns et des autres. Il vise le type de prédication qui appelle d'une manière ou d'une autre à la subversion des principes fondamentaux de la République.
On entre là dans une manipulation politique du mot « égalité ».
Quand un prêcheur explique que la femme vaut moitié moins que l'homme, il s'oppose clairement au principe d'égale dignité des hommes et des femmes. Vous cherchez à mettre sur la table des sujets qui ont peu de rapport avec le problème. La question de savoir si le mariage est réservé aux couples hétérosexuels ou peut au contraire être ouvert aux couples homosexuels est différente. Vous connaissez mes positions sur le sujet, mais vous ne pouvez pas dire que ceux qui sont opposés au mariage des personnes de même sexe promeuvent l'idée que les femmes valent moitié moins que les hommes ; ils ne s'opposent pas à la dignité des personnes.
Il existe depuis très longtemps dans ce pays une religion, qui appartient aux communautés acceptées et a fait l'objet de législations particulières au XIXe siècle, dont la prière commence par les mots : « Merci, mon Dieu, de ne pas m'avoir fait femme. » Pour autant, on n'a jamais cherché à emprisonner un rabbin ou qui que ce soit en raison de cette prière. Vous vous faites, comme l'a dit M. Fenech, un commissaire de la foi, et il me semble hallucinant de chercher à lutter contre le terrorisme de cette manière.
Le texte de cette proposition de loi ne fait à aucun moment appel à une considération religieuse, mais vous cherchez tous à y ajouter de telles considérations et à déclencher des guerres de religion. Trouvez-vous bon que l'on puisse contester les lois de la République dans une assemblée, quelle qu'elle soit, que l'on puisse diffuser des idéologies politico-religieuses radicales ? Ou bien cherchez-vous toutes sortes d'arguments pour défendre une liberté d'opinion qui, dans votre cas, va vraiment très loin ? Souhaitez-vous autoriser que l'on dise que la femme vaut moitié moins que l'homme ? Dans le Coran, on vous explique que c'est deux chameaux pour l'un, un chameau pour l'autre ; vous souhaitez qu'on laisse enseigner cela aux enfants ?
L'article 2 de votre texte parle d'« une idéologie qui fait prévaloir l'interprétation d'un texte religieux ».
Je ne dis pas que vous faites référence à telle ou telle religion, mais vous faites bien référence à la religion en général.
Je suis extrêmement gêné par votre proposition. J'en comprends le sens et je pense comme vous que les lois et principes fondamentaux de la République doivent être appliqués partout sur le territoire, avec rigueur. Cette question doit nous rassembler. En revanche, je ne vois pas comment votre proposition peut être appliquée, et notamment son article 2. C'est pourquoi je voterai contre ce texte, son effectivité me paraissant douteuse. Je tenais à le dire, car le débat mérite que nous prenions de la hauteur, plutôt que de nous en tenir à des postures. Nous devrons de toute façon avoir cette réflexion à l'avenir.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 1er est supprimé.
Article 2 (art. 412-2-1 [nouveau] du code pénal) : Création d'un délit de prédication subversive
Contre l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission adopte l'amendement CL13 de M. Pascal Popelin.
En conséquence, l'article 2 est supprimé.
Les amendements CL18 de la rapporteure, CL2 de M. Jacques Bompard, CL11 de M. Sébastien Huyghe, CL3 de M. Jacques Bompard, CL10 de M. Sébastien Huyghe, CL4 et CL5 de M. Jacques Bompard n'ont plus d'objet.
Article 3 (art. L. 212-1 et L. 224-1 [nouveau] du code de la sécurité intérieure) : Dissolution des associations responsables de lieux de culte où la prédication est subversive et fermeture de ces lieux
Contre l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission adopte l'amendement CL14 de M. Pascal Popelin.
En conséquence, l'article 3 est supprimé.
Les amendements CL9 de M. Sébastien Huyghe, CL19 de la rapporteure, CL6 et CL7 de M. Jacques Bompard n'ont plus d'objet.
Article 4 (art. 706-23 du code de procédure pénale) : Possibilité pour le juge des référés d'ordonner l'arrêt d'un service de communication au public en ligne en cas de prédication subversive
Contre l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission adopte les amendements identiques CL8 de M. Jacques Bompard et CL15 de M. Pascal Popelin.
En conséquence, l'article 4 est supprimé.
L'amendement CL20 de la rapporteure n'a plus d'objet.
Titre
La Commission rejette l'amendement CL1 de M. Jacques Bompard.
La Commission ayant procédé à la suppression de l'ensemble de ses articles, la présente proposition de loi est rejetée. C'est donc le texte de la proposition de loi initiale qui viendra en débat en séance publique le 13 octobre prochain.
La réunion s'achève à 12 heures 40.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Nathalie Appéré, M. Christian Assaf, Mme Marie-Françoise Bechtel, M. Luc Belot, M. Erwann Binet, M. Jacques Bompard, Mme Colette Capdevielle, M. Jean-Yves Caullet, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, M. Gilbert Collard, M. Sergio Coronado, Mme Pascale Crozon, M. Frédéric Cuvillier, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Sébastien Denaja, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Patrick Devedjian, Mme Sophie Dion, M. Marc Dolez, M. René Dosière, M. Olivier Dussopt, M. Georges Fenech, M. Hugues Fourage, M. Guillaume Garot, M. Bernard Gérard, M. Daniel Gibbes, M. Yves Goasdoué, M. Philippe Gosselin, M. Philippe Goujon, Mme Françoise Guégot, M. Philippe Houillon, M. Sébastien Huyghe, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Guillaume Larrivé, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Olivier Marleix, Mme Sandrine Mazetier, M. Patrick Mennucci, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, M. Edouard Philippe, M. Sébastien Pietrasanta, Mme Elisabeth Pochon, M. Pascal Popelin, M. Joaquim Pueyo, M. Dominique Raimbourg, M. Fernand Siré, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Daniel Vaillant, M. Jacques Valax, M. François Vannson, Mme Paola Zanetti, Mme Marie-Jo Zimmermann, M. Michel Zumkeller
Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, Mme Huguette Bello, Mme Laurence Dumont, M. Guy Geoffroy, M. Victorin Lurel, Mme Maina Sage, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, M. Patrice Verchère, M. Jean-Luc Warsmann
Assistaient également à la réunion. - M. Philippe Doucet, M. Christian Kert, M. Christophe Premat, M. Lionel Tardy