Intervention de Philippe Goujon

Réunion du 5 octobre 2016 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Goujon :

Nous attendions depuis longtemps une proposition de loi qui améliore notre dispositif de lutte contre le terrorisme. L'occasion nous est ici présentée, et nous pourrions faire preuve d'unité – comme nous l'avons fait en votant en faveur de tous les textes du Gouvernement en la matière, par esprit de responsabilité davantage que par conviction, tant ces propositions étaient insuffisantes sur bien des points.

Il ne s'agit pas par cette proposition de loi – dont je félicite les auteurs – de prolonger un débat intellectuel sur le terrorisme, mais de renforcer notre dispositif répressif et pénal. Les spécialistes le disent : la France est la première cible de Daech et la principale filière alimentant le djihad irako-syrien. Il faut aujourd'hui changer la nature des moyens consacrés à la lutte contre le terrorisme.

Comme l'a justement analysé M. Alain Bauer, cette forme de terrorisme se caractérise par une logique à deux vitesses : une dimension internationale prenant la forme d'attentats commis dans divers pays, l'autre spécifiquement française, les crimes étant perpétrés par des opérateurs francophones, voire français, installés depuis longtemps sur notre sol. À ce terrorisme pluriel, il convient d'apporter des réponses multiples pour affronter les délinquants fanatisés et les « lumpenterroristes » présentant des troubles psychiatriques.

Nous devons donc impérativement adapter notre réponse pénale. Il est vrai que nous avons examiné près d'une dizaine de lois antiterroristes depuis 2012. Ne prétendez pas qu'il n'est pas nécessaire d'envisager des mesures nouvelles, chers collègues, puisque vous nous avez vous-mêmes présenté de nombreuses lois sécuritaires et antiterroristes, ce qui signifie bien que vous n'aviez pas envisagé d'emblée toutes les situations. Chaque fois, je le répète, nous avons voté en faveur de ces textes, par esprit de responsabilité et d'unité, tout en regrettant que nos propositions soient rejetées avec mépris ou adoptées avec un temps de retard à l'occasion d'une loi ultérieure, alors qu'il faut avoir un temps d'avance : plutôt que de réagir à l'attentat précédent, mieux vaut anticiper l'attentat suivant. Le temps considérable qui a été perdu ne se rattrapera pas ; prémunissons-nous au moins pour l'avenir.

C'est l'objet de la présente proposition de loi, dont l'article 1er apporte une réponse indispensable concernant les individus susceptibles de passer à l'acte. Prétendre comme vous l'avez fait, monsieur Pietrasanta, que cette mesure est inconstitutionnelle serait faire fi de l'adaptation de la jurisprudence du Conseil constitutionnel au changement de circonstances qui s'est produit dans le cadre de son contrôle de constitutionnalité. C'est ainsi qu'il a jugée constitutionnelle la rétention de sûreté pour les criminels dangereux, l'hospitalisation d'office – et je n'oublie pas l'arrêt historique Dames Dol et Laurent du Conseil d'État. Notre rapporteur proposera des amendements à cet article 1er afin de mieux articuler les procédures administratives et judiciaires et de préciser l'assignation à résidence.

D'autre part, l'expulsion des étrangers faisant l'objet d'une fiche S ou auteurs de délits et de crimes passibles d'une peine de cinq ans d'emprisonnement, comme nous l'avions déjà prôné dans une proposition de loi défendue avec M. Ciotti dès la précédente législature, est une mesure de bon sens ; un amendement permettra en outre d'interdire l'accès de ces personnes au territoire national.

De même, il est légitime de prévoir – comme c'est le cas aux articles 6 à 8 – le durcissement du traitement des terroristes, actuellement très insuffisant, et d'aller plus loin que la seule suppression de l'automaticité des mesures de réduction de peine, qu'a obtenue l'opposition lors de la troisième prorogation de l'état d'urgence – un texte que nos amendements ont permis de rendre utile.

Quant à l'univers carcéral, chacun sait qu'il est le terreau du terrorisme et que tout doit être fait pour isoler réellement – j'insiste sur cet adverbe – les détenus radicalisés afin d'éviter les phénomènes de contagion. MM. Larrivé, Ciotti et moi-même nous sommes rendus, récemment, à la prison d'Osny suite à l'agression de deux surveillants par un djihadiste pourtant placé dans une unité de déradicalisation et faisant prétendument l'objet d'une surveillance particulière : nous avons constaté que cet individu avait pu entretenir en toute impunité des complicités et des contacts avec Daech et avec ses codétenus grâce à des moyens de communication électronique clandestins, entre autres. C'est pourquoi nous vous exhortons à adopter les préconisations que je vous proposais déjà l'année dernière dans une proposition de loi que vous avez rejetée – M. Pietrasanta était l'orateur de la majorité à cette occasion –, qui visait à renforcer les moyens du renseignement pénitentiaire, domaine dans lequel des avancées très importantes ont heureusement été réalisées depuis, et surtout à garantir l'isolement électronique des détenus, même si, là encore, le dispositif a été amélioré. De même, il est indispensable de faciliter les fouilles de détenus condamnés pour des faits de terrorisme ainsi que des individus prosélytes, et de les appuyer sur une base légale permettant d'isoler les détenus radicalisés prosélytes.

Enfin, il faut établir dans la loi, et non plus dans une simple circulaire, le principe de l'interdiction des téléphones portables et des terminaux de connexion à internet en détention. Aujourd'hui, en effet, tous les détenus possèdent ces matériels.

J'espère que cette proposition de loi pourra aller jusqu'à son terme, car il serait particulièrement malvenu que la majorité interdise la discussion et censure en quelque sorte l'opposition de sorte que nous ne puissions pas débattre en séance publique de chacun des articles et des amendements proposés.

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