Intervention de Guillaume Larrivé

Réunion du 5 octobre 2016 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Larrivé :

Si le groupe Les Républicains a choisi d'inscrire à l'ordre du jour réservé de la semaine prochaine et la proposition de loi d'Éric Ciotti, et celle de Nathalie Kosciusko-Morizet, c'est parce que nous pensons qu'il est absolument nécessaire de continuer à faire ce que nous faisons depuis 2012 : être force de propositions techniques et solides sur le sujet – ô combien important – de la lutte contre le terrorisme islamiste qui frappe la France depuis plusieurs années. Nous le faisons dans un esprit de responsabilité, non pour alimenter je ne sais quel débat polémique, mais parce que nous pensons en conscience qu'il est de notre responsabilité – comme parti de Gouvernement et comme premier parti d'opposition – d'être une force de proposition. Nous l'avons fait depuis 2012, parfois avec un certain succès, lorsque nous avons réussi à convaincre la majorité d'adopter certaines mesures de bon sens.

Il y a quelques années, la majorité socialiste refusait qu'on introduise dans le code pénal un délit de consultation habituelle des sites faisant l'apologie du terrorisme : après en avoir rejeté l'idée à plusieurs reprises, elle l'a finalement adoptée il y a quelques mois. De même, elle a refusé plusieurs fois de suspendre toute mesure d'aménagement automatique de peines pour les détenus terroristes : après avoir d'abord rejeté nos amendements et propositions de loi, elle les a finalement acceptés en juillet, lors des débats sur la loi prolongeant l'état d'urgence. De même, entre 2012 et 2014, elle a totalement refusé – notamment par la voix de la garde des Sceaux d'alors, Mme Taubira, – la perspective de créer un service de renseignement pénitentiaire pour finir par s'y rallier en adoptant un amendement du groupe Les Républicains – identique d'ailleurs à un amendement présenté il y a quelques mois par M. Tourret.

Nous ne comprendrions pas que, aujourd'hui, la majorité rejette d'office notre proposition de loi, par une motion de procédure. Je le dis avec une certaine solennité : nous souhaitons qu'il y ait, tant en commission des Lois que dans l'hémicycle, en présence du ministre de l'intérieur ou du garde des sceaux, un vrai débat de fond sur chacun des articles des propositions de loi d'Éric Ciotti et de Nathalie Kosciusko-Morizet.

Sur le fond, je m'associe aux propos d'Éric Ciotti et voudrais concentrer mon intervention sur l'article 1er, sans doute le plus novateur de ce texte, qui introduit un mécanisme de rétention. Je veux dire avec fermeté qu'il ne s'agit aucunement pour nous de déroger à l'État de droit. Nous sommes tous ici des républicains, attachés au bloc de constitutionnalité et à la hiérarchie des normes. Nous tenons à respecter le cadre général de cet État de droit. Mais l'État de droit n'est pas l'état de faiblesse ni le renoncement à toute évolution juridique d'adaptation du droit au fait. Si l'État de droit est faible, il n'est plus l'État, il n'y a plus de droit. C'est la loi de la jungle djihadiste qui l'emportera.

Une fois que l'on a dit cela – considération de principe –, entrons dans le détail du texte. Nous n'entendons pas, contrairement à ce qu'on lit parfois, écarter le juge pénal de la matière antiterroriste. Cela n'aurait aucun sens. Il va de soi que les individus les plus dangereux – ceux dont le dossier est judiciarisé, ceux qui ont commis des actes délictuels, voire criminels, dans le champ du code pénal – doivent faire l'objet d'une procédure judiciaire pour les mettre hors d'état de nuire, c'est-à-dire, concrètement, les mettre sous écrous, puis les condamner. Il faut les écarter le plus durablement possible de la société. Le volet pénal doit donc être renforcé et il nous faut sans doute progresser vers des formes de perpétuité réelle et la suspension de mesures de réduction de peine. Il est évidemment toute une matière pénale que nous tenons non seulement à préserver, mais à consolider. Il est une zone grise à l'intérieur de laquelle des individus dont le dossier n'est pas judiciarisé à ce stade doivent faire l'objet d'une mesure de police administrative renforcée, une mesure de rétention.

Je rappelle que des mesures de police administrative analogues existent déjà dans le droit positif actuel, notamment en matière d'hospitalisation sous contrainte à la demande de tiers, certaines personnes étant retenues dans un cadre fermé pour une durée déterminée, sous le contrôle de l'autorité juridictionnelle, en matière d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, avec le placement en centre de rétention administrative sous le double contrôle du juge administratif et du juge des libertés et de la détention, ou sous l'empire de l'état d'urgence, avec l'assignation à résidence dont quatre-vingt-neuf individus font aujourd'hui l'objet.

Avec l'article 1er, le ministre de l'intérieur aurait la faculté – non pas l'obligation – de prononcer à l'égard d'un public identifié comme susceptible, par son comportement, de constituer une menace grave pour la sécurité et l'ordre public, une décision d'assignation à résidence ou de placement en centre de rétention sous le contrôle de l'autorité juridictionnelle – un régime procédural devant naturellement préciser certains délais.

Reste à prévoir une articulation entre ce régime de rétention et un régime judiciaire. S'il apparaît que le dossier de ces personnes placées pour une durée limitée en centre de rétention est suffisamment dense pour être judiciarisé, il va de soi qu'elles devraient être transférées du centre de rétention vers un régime judiciaire. Un excellent amendement du rapporteur prévoit cette articulation nécessaire.

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