Intervention de Sébastien Pietrasanta

Réunion du 5 octobre 2016 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Pietrasanta :

Monsieur le rapporteur, vous le savez bien, cet article n'est pas constitutionnel. Vous le savez d'autant plus que, lors de son audition, le procureur de la République de Paris vous l'a rappelé expressément. En effet, le Conseil constitutionnel considère que la rétention administrative est une mesure privative de liberté et que, au-delà de cinq jours, elle ne peut être autorisée que par le juge judiciaire. La loi de 1955 dispose également qu'en aucun cas l'assignation à résidence ne pourra avoir pour effet la création de camps où seraient détenues les personnes. Le Conseil d'État, dans son avis du 17 décembre 2015, a indiqué qu'il n'était pas possible d'autoriser par la loi, en dehors de toute procédure pénale, la rétention, dans des centres prévus à cet effet, de personnes radicalisées présentant des indices de dangerosité et connues comme telles par les services de police, sans pour autant avoir déjà fait l'objet d'une condamnation pour des faits de terrorisme. Cet article 1er est également contraire à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Dans son avis du 17 décembre 2015, le Conseil d'État a rappelé que le placement sous surveillance électronique n'était envisageable que sous réserve que la dangerosité de l'intéressé soit établie sur la base de critères précisément définis et d'éléments suffisamment consistants, d'une procédure d'autorisation et de contrôle permettant de vérifier la réalité de la dangerosité et des risques encourus, de l'accord de l'intéressé, et à défaut d'autre moyen légal de prévenir la menace liée à la présence d'un individu dans certaines zones. À l'évidence, la conception englobante de la menace grave pour la sécurité nationale retenue par la proposition de loi ne répond pas à de tels critères.

En ce qui concerne l'assignation à résidence, dans le même avis du 17 décembre 2015, le Conseil d'État a précisé que, lorsque les contraintes imposées à l'intéressé excèdent par leur rigueur une restriction de la liberté de circulation, au point de le confiner en pratique en un lieu déterminé, fût-il son domicile, l'assignation à résidence est assimilable à une privation de liberté. Hors période d'état d'urgence, une assignation à résidence « préventive » contraignante, impliquant un confinement durable en un lieu déterminé, serait assimilable à une détention et est impossible en dehors de toute condamnation ou de tout contrôle judiciaire lié à une procédure pénale. Cette assignation à résidence porterait en effet atteinte à la liberté individuelle, au sens de l'article 66 de la Constitution, des personnes concernées.

Enfin, au-delà des arguments juridiques qui, je le sais, ne sont pas les vôtres, je reprendrai à mon compte les propos du procureur de la République de Paris qui se posait la question de l'efficacité de votre proposition : à quoi sert une assignation pour deux fois soixante-quinze jours ? Que fait-on le cent cinquante et unième jour ?

Par ailleurs, et cela a été dit devant notre commission d'enquête, il y a une hostilité de nos services à prévenir des individus qu'ils sont surveillés et qu'ils seront placés dans des centres de rétention. Cela pourrait mettre fin à certaines enquêtes.

Enfin, regrouper en un même lieu des personnes considérées comme dangereuses reviendrait à faire vivre en réseau des individus qui se parleront et s'organiseront avant de sortir de ces centres, ce qui augmenterait leur dangerosité.

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