Intervention de Éric Ciotti

Réunion du 5 octobre 2016 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti, rapporteur :

Il est vrai que, avec l'article 1er, nous voulons changer le cadre et l'ampleur de la lutte contre le terrorisme en recourant à un nouvel outil de police administrative qui serait une mesure de précaution. Ce dispositif repose sur trois piliers : l'assignation à résidence – qui ne devrait pas être de nature à vous choquer puisque vous l'avez approuvée dans le cadre de l'état d'urgence –, le placement sous surveillance électronique et – ce que vous semblez contester de façon prioritaire – le placement dans des centres de rétention fermés.

Nous voulons sortir de la caricature qui a souvent accompagné ce débat. Il ne s'agit pas, comme vous le répétez, de placer en rétention tous ceux qui sont inscrits au fichier des personnes recherchées dans la catégorie S – ils sont plus de 11 000 à 12 000. Ce que nous disons, c'est qu'il convient de compléter notre dispositif juridique en permettant à l'autorité administrative – en l'occurrence, le ministre de l'intérieur –, dans une situation de gravité particulière et d'urgence absolue, de prendre une mesure de précaution concernant quelques dizaines, voire quelques centaines d'individus dont la dangerosité est connue, notamment par les services de renseignement, sans permettre toutefois la judiciarisation de la procédure.

C'est un dispositif de précaution que, au mois de juin, quelques jours avant l'attentat de Nice, Christian Jacob, Guillaume Larrivé et moi-même avons présenté au Premier ministre, accompagné du garde des Sceaux et du ministre de l'intérieur. Je suis convaincu que nous en viendrons un jour ou l'autre à appliquer ce dispositif. Guillaume Larrivé a rappelé tout à l'heure les oppositions que vous aviez formulées depuis 2012 à beaucoup de nos amendements relatifs à la consultation de sites faisant l'apologie du terrorisme, au renseignement pénitentiaire, au délit d'entrave au blocage des sites, aux modalités d'aménagement des peines, à la perpétuité réelle, aux fouilles de véhicules et aux contrôles d'identité ordonnés par le préfet sous l'état d'urgence. Chaque fois, vous y êtes venus après des événements tragiques. Il s'agit aujourd'hui d'anticiper les choses grâce à une mesure de précaution.

Vous nous dites que cette mesure est inconstitutionnelle : saisissons donc le Conseil constitutionnel ! Quelle arrogance juridique que de prétendre d'emblée que ce dispositif n'est pas conforme à la Constitution ! J'ai rappelé la théorie des circonstances exceptionnelles qui est un principe fondamental du droit dégagé dans l'arrêt Dames Dol et Laurent. L'anecdote sous-tendant cette décision a rejoint l'histoire : le préfet du Var ayant interdit l'exercice du plus vieux métier du monde dans le port de Toulon, deux dames concernées par cette interdiction s'y étaient opposées jusque devant le Conseil d'État. Le juge administratif a alors affirmé que l'on pouvait adapter le droit en situation de guerre. Aujourd'hui, cet état de guerre est difficilement appréciable sur le plan juridique : il n'y a pas eu de déclaration, nous sommes dans un conflit asymétrique, ce n'est pas un État que nous avons face à nous, mais le Président de la République et le Premier ministre répètent en permanence que nous sommes en état de guerre. S'il y a état de guerre, qui peut nier que nous soyons dans des circonstances exceptionnelles ? À circonstances exceptionnelles, mesure de précaution exceptionnelle. Quant à l'amendement CL46 que j'ai déposé, il prévoit l'intervention du juge judiciaire en amont – avec une information du procureur de la République de Paris – et en aval – avec la saisine du juge des libertés et de la détention au bout de quinze jours, et l'abrogation des mesures administratives dès lors que des poursuites judiciaires sont engagées.

Comme l'a dit Guillaume Larrivé, qui peut nier qu'il y ait des dispositifs analogues ? Aujourd'hui, 70 000 personnes font l'objet chaque année d'une hospitalisation sous contrainte. Dans ce cadre, le JLD peut intervenir au bout de douze jours.

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